dimanche 10 février 2013

Fractures du cou, et du médio-pied, fractures du calcanéum

Cou et médio-pied sont le siège de fractures de gravité diverses, fréquentes en pratique sportive et dans la vie de tous les jours. Certaines sont de véritables urgences chirurgicales, comme les fractures bi-malléolaires compte tenu de la médiocre tolérance cutanée en cas d'oedème majeur, nécessitant sans perte de temps une prise en charge adéquate en milieu orthopédique; toutes et y compris les plus bénignes en apparence nécessitent un avis spécialisé, idéalement avec des orthopédistes spécialistes du pied, plutôt que par un service d'urgence souvent trop généraliste ou à fortiori par des médecins du sport ou autres spécialistes de traumatologie autoproclamés.


QUELQUES DEFINITIONS
On divise artificiellement le pied en 3 régions: l'arrière, le médio et l'avant pied. 
Le cou de pied = la cheville qui fait partie de l'arrière pied. 
L'arrière pied = Articulations T/A (tibio-astragalienne) et S/A (sous-astragalienne) et 4 os:
Tibia, Péroné, Astragale ou Talus, Calcanéum. 
Le médio-pied = Articulations de Chopart (Médio/Tarsienne) et de Lisfranc (Tarso-métatarsiennes) et 10 os: Calcanéum, Astragale (talus), Scaphoïde (naviculaire), Cuboïde, Cunéiformes, base des 5 métatarses.
L'avant pied = Articulations Métatarso/Phalangiennes et Inter/Phalangiennes, 19 os, 2 sésamoïdes au niveau de la M/P du gros orteil.


ANATOMIE FONCTIONNELLE
Le squelette du pied est construit autour de deux charnières orientées perpendiculairement: 
- la charnière transversale (figure de gauche) est l’articulation médio-tarsienne de Chopart qui sépare l'arrière-pied (arp) ou tarse postérieur, formé par l'astragale (talus) et le calcanéum, de l'avant-pied (avp) formé par le scaphoide ou naviculaire, les trois cunéiformes, le cuboïde, les cinq métatarsiens et les phalanges.
- la charnière longitudinale (figure de droite), tracée de la berge médiale du calcanéum au 3ème espace interdigital, subdivise le pied en deux rayons : 
- le rayon médial (r m), formé de l'astragale et du squelette qui le prolonge en aval : scaphoide, cunéiformes, les trois premiers métatarsiens
- le rayon latéral (r l) représenté-par le calcanéum et les pièces annexes: cuboide, les deux derniers métatarsiens.

              
Les 2 charnières, transversale (articulation de Chopart) et longitudinale (entre les 3ème et 4ème baguette métatarsienne)

Les deux rayons médial et latéral sont solidarisés à partir du calcanéum par deux paires de ligaments dorsaux et plantaires:
- les ligaments dorsaux ont une insertion calcanéenne commune, sur une toute petite aire contigüe au seuil du sinus du tarse, puis divergent en deux faisceaux scaphoidien et cuboidien. Ce ligament en Y est remarquable par l'orientation spatiale de ses deux composantes, le faisceau calcanéo-cuboidien est étalé horizontalement alors que son homologue calcanéo-scaphoidien est orienté sagittalement. 
- les ligaments plantaires sont nettement distinctes: la charnière médio-tarsienne est maintenue du côté latéral par le ligament calcanéo-cuboidien (d); et par le ligament calcanéo-scaphoidien du côté médial (c); ce ligament est le principal soutien de la tête astragalienne.

 
Solidarisation des 2 rayons longitudinaux du pied par les ligaments plantaires et dorsaux (dont le ligament en Y de l'articulation de Chopart médiale)

L'astragale ou talus est dépourvu d'insertion musculaire et assimilable à une grosse bille interposée entre la mortaise tibio--péronière et le reste du tarse, entrant ainsi dans la mécanique des articulations adjacentes. En flexion dorsale, il s'encastre dans la mortaise et fait corps avec elle; autrement, il s'en libère quelque peu en position d'équin et participe passivement aux mouvements de prosupination et de rotation.
Le calcanéum est mobilisable par rapport à l'astragale, activement en flexion plantaire sous l'action du triceps. Les autres mouvements (flexion dorsale, prosupination, rotation), nés dans l'avant-pied, lui sont transmis par l'intermédiaire des ligaments qui l'unissent au scaphoide et au cuboide. 
Le scaphoide (naviculaire) est situé au sommet de la voûte plantaire, sa mobilisation par le jambier postérieur, le fait glisser en dedans et en haut contre la tête de l'astragale.
Le cuboïde est solidaire des déplacements du calcanéum et du scaphoide.
Stabilisation de l'astragale
La position et la morphologie de l'astragale, telle une bille dépourvue de toute insertion musculaire, intercalée entre mortaise et calcanéum, la prédisposent à l'énucléation; une telle éventualité est contrecarrée par l'existence de formations périphériques stabilisatrices:
Stabilisation frontale
Les bras de la pince bimalléolaire (mt/mp) sont de dimensions nettement inégales:
- la malléole tibiale (mt) est courte et massive, découvrant deux-tiers de la face médiale de l'astragale; mais ce déficit est compensé par l'étendue et l'épaisseur du ligament deltoide (ld)
- la malléole péronière (mp), plus longue, couvre toute la hauteur du versant latéral, le ligament calcanéo-fibulaire (lcf) qui la prolonge est relativement grêle.

Stabilisation frontale essentiellement osseuse en latéral et ligamentaire en médial

Stabilisation dans le sens sagittal
Le changement de cap des tendons issus de la musculature jambière crée au niveau malléolaire des lignes de forces dont la résultante tend à luxer l'astragale en arrière. 
La conformation du rebord postérieur de l'épiphyse tibiale qui se comporte comme un buttoir (3° malléole de Destot), et le renforcement de la capsule tibio-tarsienne postérieure par les ligaments talotibial et talofibulaire empêchent tout mouvement de glissement postérieur.


Stabilisation sagitalle de l'astragale à la fois osseuse par la malléole tibiale postérieure (3ème malléole de Destot) et capsulo-ligamentaire

Mécanique articulaire du tarse
Dans l'ensemble, le squelette du pied évoque un éventail dont l'extrémité articulée est faite seulement de deux pièces, astragale et calcanéum, diposées l'une au-dessus de l'autre, tandis que la partie élargie pluri-segmentaire s'étale progressivement jusqu'au contact des orteils avec le sol.
L'étalement de l'avant-pied résulte de la divergence axiale du couple astragale-calcanéum, angle dont l'amplitude est liée à la rotation du calcanéum autour de son axe vertical. 
L'astragale, encastré dans la mortaise tibio-péronière, ne participe pas aux mouvements d'adduction et d'abduction. 

Vu du dessus, le pied est assimilable à un éventail


EVALUATION CLINIQUE. 
Normalement le pied à l'inspection:
-  de dos valgus de 6° de l'arrière pied et varisation à la montée sur pointe.
- vu de dessus: le tarse est un peu dévié en dehors. Si le 1er rayon est long = pied Egyptien. s'il est long et dévié en dedans: = pied ancestral.
Si le 2ème ou 3ème rayon est long = pied Grec.

                 

A plat il n'y a pas de griffe des orteils. 
Le bord interne du pied constitue l'arche interne située au dessus du sol; si elle est effondrée = pied plat ou pied valgus.
 Le bord externe du pied constitue l'arche externe qui est en contact avec le sol; si pas de contact = pied creux.
 L'axe du pied passe par le 2ème Métatarsien.
Les empreintes: zone d'appui normale :
1 le talon ; 2 le bord externe du pied; 3 l'arche antérieure de la 1ère à la 5ème tête des métatarses; pulpe des 5 phalangettes.

                               

FORMES CLINIQUES

1/ FRACTURES DES  MALLEOLES DE LA CHEVILLE
Les fractures des malléole de la cheville sont les fractures les plus fréquentes du membre inférieur. Lorsqu'elles relèvent d'un traitement chirurgical, il faut les opérer rapidement, tellement la tolérance cutanée est médiocre en particulier pour les fractures bi-malléolaires. 
a/ fractures de la malléole externe

            

La fracture de la malléole externe expose à une complication sévère: l'instabilité chronique de la cheville. Elles sont rares par choc direct; les plus nombreuses par mécanisme indirect avec lésions associées:
- osseuses:  malléole interne, 5ème Métatarsien, Astragale
- ligamentaires
- cartilagineuses
- tendineuses


ANATOMIE FONCTIONNELLE
La malléole externe est plus large et descend plus bas que la malléole interne.
La face interne de la malléole externe participe à 2 articulations: la Péronéo/Tibiale inférieure et la Péronéo/Astragalienne.
Le système ligamentaire de la cheville est riche.
La malléole externe et le pilon Tibial constitue une mortaise qui doit s'adapter en permanence à la configuration des surfaces articulaires du tenon Astragalien.
En dorsi flexion de cheville, la malléole externe s'élève, s'écarte et effectue une rotation interne; tandis qu'en planti flexion elle s'abaisse, se resserre et effectue une rotation externe.
Le réglage de cette pince est assuré par les muscles rétro malléolaires internes ( jambier postérieur et fléchisseurs) et externes ( péroniers latéraux).
Tout mouvement forcé du  tenon astragalien entraîne des lésions des différents éléments anatomiques de la pince P/T: os, ligaments, tendons qui, s'ils sont non ou mal traités seront source de douleurs chroniques et ou d'instabilité.
MECANISME LESIONNEL
1- ML en inversion par distraction:  ou avultion de la pointe ou fracture sous ligamentaire transversale à 1 à 1,5 cm de la pointe.
+ lésion associée d'impaction controlatérale : angle supéro interne du dôme Astragalien; fracture de la malléole interne.
2- ML en éversion par impaction: trait oblique sous ligamentaire ou sus ligamentaire ou sur col du Péroné ( fracture de Maisonneuve).
+ lésion associée par distraction controlatérale: fracture de la malléole interne; rupture du LLI (équivalent de fracture).
3 - ML en varus équin ou talus: luxation des  TPL avec arrachement du rétinaculuum et écaille corticale en coup d'ongle latéro malléolaire + lésions du LLE.
4 - choc direct : fracture transversale + lésion cutanée
5 - Autres lésions associées: rupture du ligament P/T inférieur et parfois de la membrane interosseuse avec diastasis T/P. La symptomatologie est variable suivant l'importance de la force vulnérante.
Devant une fracture en apparence isolée de la malléole externe, il faut toujours rechercher une ou plusieurs lésions associées: surtout du LLI (équivalent d'une fracture bimalléolaire) et une luxation des tendons péroniers latéraux (TPL).
b/ fractures de la malléole interne
Une fracture isolée de la malléole interne est rare,et se traite par ostéosynthèse qui  autorise une mobilisation immédiate de l'articulation de la cheville et appui différé de 45 jours. Un trait de fracture bas situé, traduit une rupture du ligament latéral interne (LLI) et le traitement peut être orthopédique  avec une attelle de  type "Aircast".

                          

c / fractures bi-malléolaires
Les fractures bi-malléolaires sont des urgences chirurgicales tellement la tolérance cutanée est médiocre. Ce sont des fractures articulaires qui nécessitent que le profil articulaire soit reconstruit parfaitement sous peine de cal vicieux post traumatique fortement arthrogène.
Il ne faut pas sous estimer les atteintes associées du LLI avec une fracture de la malléole externe et avec une moins grande fréquence une rupture du LLE, sans lésion osseuse de la malléole externe et associé à une fracture de la malléole interne; ces atteintes associées ligament d'un côté et malléole de l'autre, sont à considérer comme des équivalents d'une fracture bi malléolaires. Association également d'une fracture bi-malléolaire avec des atteintes de la P/T inférieure (syndesmose). Cette syndesmose n'est jamais lésée dans les fractures sous-ligamentaires ; elle est parfois lésée dans les fractures inter-ligamentaires ; elle est toujours lésée dans les fractures sus-ligamentaires. 
Les fractures bi-malléollaires obéissent à des ML spécifiques qui donnent des lésions types.
- ML en Abduction pure = fracture de Dupuytren (17%) avec 3 lésions de dedans en dehors: fracture de la malléole interne (fragment bas horizontal de petite taille); rupture du ligament P/T Inférieur et diastasis P/T; fracture de la malléole externe  avec trait transversal haut sus ligamentaire.

                   

- ML en Adduction pure ( 5%) = de dehors en dedans: fracture de la malléole externe avec trait bas horizontal sous ligamentaire; impaction ostéochondrale du plafond tibial interne; pas de lésion de la P/T (pas de diastasis); fracture de la malléole interne avec trait oblique et gros fragment instable.
                       

- ML en Eversion du pied (77%) = le trait de fracture péronier est surtout visible de profil. Il est en effet presque frontal, oblique en bas et en avant, passant entre les deux ligaments péronéo-tibiaux inférieurs habituellement intacts. Le faisceau antérieur est inséré sur le fragment péronier supérieur, le faisceau postérieur sur le fragment malléolaire inférieur. Après réduction parfaite de la fracture, la syndesmose péronéo-tibiale inférieure peut être considérée comme normale. L'orientation du trait de fracture péronier évoque une fracture spiroïde, par rotation externe du pied, autour de l'axe jambier vertical, souvent associée à un valgus forcé. D'ailleurs la fracture malléolaire interne est une fracture par arrachement, horizontale, respectant l'angle interne de la mortaise, comme dans la forme sus-ligamentaire, mais volontiers plus antérieure. Elle peut être remplacée par une rupture du LLI. Possibilité aussi de luxation de la cheville.

        

Traitement des fractures du cou-de-pied
Les fractures bimalléolaires qui sont articulaires ou supramalléolaires sont traitées soit orthopédiquement soit chirurgicalement.
Le traitement orthopédique consiste en une immobilisation cruro-pédieuse de 45 jours puis 1 botte plâtrée sans appui de 45 jours supplémentaires.
Après ostéosynthèse, la reprise d'appui se fait au 90° jour.
2 / FRACTURES DU PILON TIBIAL
La fracture du pilon tibial est une fracture articulaire grave sur mécanisme vulnérant à haute vélocité. Elle peut laisser des séquelles si la fracture est très complexe et la réduction anatomique difficile (traitement par fixateur externe). Si la réduction est satisfaisante  et si l'état cutané le permet, une ostéosynthèse par plaque  verrouillée et vis est réalisée avec marche sans appui pendant  3 mois.


3 / FRACTURES DE L'ASTRAGALE.
L'Astragale est l'équivalent du Scaphoïde au poignet, sa vascularisation est de type terminal et précaire et à risque potentiel de nécrose. Il n'a aucune insertion musculo-tendineuse. L'astragale assure la transmission des forces du pilon tibial vers l'avant et arrière pied. Anatomiquement c'est un os aplati en forme de tenon avec un dôme supérieur, une tête, un col , un corps et 2 tubérosités postéro interne et postéro externe.
Les fractures de l'astragale sont rares; elles aboutissent le plus souvent aux urgences hospitalières; les plus grands pourvoyeurs sont les accidents de la voie publique (AVP), les défenestration et les sports violents (parachutisme).
On distingue 2 formes cliniques: les fractures totales et les fractures parcellaires.
LES FRACTURES TOTALES (75%)
Cliniquement: une fracture totale, se présente sous la forme d'une grosse cheville douloureuse, tuméfiée et ecchymotique; l'appui est impossible.
Le diagnostic est radiographique:
a/ les fractures totales non déplacées de type I: le ligament Sous / Astragalien (S/A) reste  intact et elles sont de traitement orthopédique.
b/ le type II avec déplacement vers l'avant du bloc Calcanéo-pédieux: le ligament S/A est rompu et ces fractures sont de traitement variable: soit réduction + plâtre si la lésion est stable, soit vissage chirurgical + plâtre si la lésion est  instable.

         


c/ le type III est une véritable énucléation de l'Astragale de traitement chirurgical délicat par vissage ou astragalectomie ou arthrodèse. Le délai de consolidation est long et de 3 mois au moins.
NB: c'est le respect ou non de l'intégrité anatomique du ligament S/A qui conditionne l'évolution vers la nécrose puis vers l'arthrose.
                


Diagnostic différentiel: la luxation péri- astragalienne ou l'astragale reste dans l'alignement du Tibia, tandis que le bloc calcanéo-pédieux est luxé en dedans.
Complications
a/ le cal vicieux qui fait le lit de l'arthrose , laquelle débouchera sur une arthroplastie (prothèse ) qui retardera l'apparition de l'arthrose, alors que l'arthrodèse  n'empêchera pas l'arthrose de gagner l'articulation S/A et la M/T de Chopart.
b/ la pseudarthrose qui se traduit par un affaissement de l'arche.
c/ la nécrose de l'Astragale qui nécessite une surveillance prolongée et  se traduira par des douleurs tardives, une densification ou des géodes sur les radiographies.
L'évolution peut être favorable par ossification de l'os spongieux ou défavorable : l'os va se désagréger et s'effondrer.
LES FRACTURES PARCELLAIRES
Elles peuvent passer inaperçues.
- fracture parcellaire de la Tête par chute sur la pointe du pied = lésion osseuse du Chopart; traitement par botte plâtrée de 3 semaines
- fracture parcellaire du Tubercule postérieur: chute sur l'avant pied; diagnostic par le Scanner; les signes cliniques sont mineurs.
- fracture parcellaire de l'Apophyse externe (accident de snowboard+++) = signes d'entorse sans entorse et de ML inverse.
-  fracture parcellaire du dôme associée à entorse du LLE  et de traitement chirurgical; diagnostic différentiel: l'ostéochondrite de la cheville.
LES FRACTURES COMPLEXES
Elles aboutissent à de la purée d'os et ont un pronostic sombre.

                         

REEDUCATION DES FRACTURES DE L'ASTRAGALE
Les fractures du talus sont exposées à la nécrose du corps de l'Astragale et sont traitées chirurgicalement par vis ou broches. L'appui sera progressif et total au 90° jour.
4 / FRACTURES DU CALCANEUM.
Anatomiquement
Le Calcanéum est le plus volumineux des os du pied ; il a la forme d'un parallélépipède plus haut que large avec 3 parties : un corps volumineux; la grande apophyse qui prolonge le corps vers l'avant et la petite apophyse ou sustentaculum-tali placé en avant de la face interne.
                 


Intrinsèquement,  le Calcanéum est un os spongieux entouré d'une coque résistante mais mince sauf au niveau du Thalamus qui est une couche osseuse épaisse et compacte  et qui répond à l'articulation avec l'Astragale ; de par sa structure, le thalamus  peux s'enfoncer en bloc dans le tissus spongieux sous- jacent du corps calcanéen.
Le seul mécanisme lésionnel de ces fractures du calcanéum est un traumatisme par chute pied à plat d'un lieu élevé (escalade, parapente, deltaplane ).
Le calcanéum est également un os qui est mal vascularisé et qui cicatrise mal, mais toutefois mieux que l'Astragale, les fractures finissant par consolider tardivement.
Clinique: arrière pied tuméfié par un oedème d'installation rapide avec phlyctènes et ecchymose; c'est une urgence chirurgicale en cas de lésion  opérable car l'oedème rapide empêche la  fermeture cutanée (comme avec une fracture bi-malléolaire); l'appui est impossible. Il faut en urgence glacer le pied + bandage compressif et position déclive pour minorer l'oedème.

       


Le diagnostic est radiologique et nécessite souvent un examen Scanographique (et il faut avoir le Scanner facile+++); 3 éléments vont décider de la chirurgie:
1/ la marche d'escalier S/A; 
2/ l'importance du varus de l'arrière pied; 
3/ l'angle d'enfoncement de Boelher. 
Traitement: la chirurgie doit corriger la marche d'escalier, le varus et l'angle de Boelher. Complications de la chirurgie: nécrose cutanée; raideur; lésion nerveuse.
Délai de récupération long de 7 à 9 mois et nécessité d'une rééducation précoce. 
Traitement orthopédique si la fracture est non déplacée.
Rééducation
L'appui est autorisé entre le 45° et le 90° jour suivant la gravité de la fracture (suivi radiologique) pour les fractures traitées orthopédiquement par orthèse ;   pour les fractures traitées par ostéosynthèse, laquelle peut être couplée à une arthrodèse talo-crurale, l'appui n'est pas autorisé avant 90 à 100 jours.
- les fractures thalamiques et extra thalamiques (enfoncement vertical ou horizontal)
- les fractures comminutives (éclatement de l'os)
- les fractures parcellaires ( tubérosité postérieure, tubercule postéro -interne, bec de la grande apophyse).
Les fractures de fatigue du Calcanéum sont souvent bilatérales; elles frappent préférentiellement les coureurs à pied++; la symptomatologie est pauvre: douleurs provoquées à la palpation de la zone lésée et nécessitant un examen physique soigneux pour ne pas passer à côté de la lésion; les signes radiologiques sont tardifs: et il faut demander une Scintigraphie ou un IRM;  les lésions se concentrent sur la grosse tubérosité.
5 / FRACTURES DU SCAPHOÏDE TARSIEN (naviculaire).
Les fractures du Scaphoïde tarsien sont rares. Anatomiquement, le scaphoïde est semblable à une nacelle. Il constitue la clef de voûte de l'arche interne du pied.
Mécanisme lésionnel :
 - soit par traumatisme direct sur le bord interne du pied ou il se trouve pris en tenaille entre l'Astragale en arrière et les 3  premiers Cunéiformes en avant et possible énucléation.
- soit par mécanisme indirect en torsion.
La Clinique comme toujours est polymorphe et fonction de la sévérité de la force vulnérante:
1- soit tableau d'entorse interne mais il n'y a pas de signes physiques sur le LLI;  l'appui est impossible, tandis que la palpation du tubercule du Scaphoïde est exquisément douloureuse.
Comme le recommandent les règles d'Ottawa, le diagnostic est radiologique: radiographies et scanner montrent le plus souvent une fracture non déplacée qui se traite par immobilisation plâtrée pendant 6 semaines.
Diagnostic différentiel :
- maladie de Khöler - Mouchet = ostéochondrose épiphysaire
- fracture de fatigue (sprinter au moment du virage), souvent précédée de douleurs du bord interne du pied pendant un certain nombre de semaines ou mois
- fracture du tubercule interne au niveau de l'insertion du tendon Jambier postérieur
- scaphoïde accessoire de la jeune fille à pied plat: les radiographies mettent en évidence 1 ou 2 fragments arrondis.

           

2- soit tableau de grosse déformation du pied 

avec fracture déplacée sur les radiographies et de traitement chirurgical: réduction (cette dernière doit être parfaite; elle doit rétablir une bonne congruence afin d'éviter une marche d'escalier éminemment chondrogène qui aboutit à de l'arthrose) + ostéosynthèse + plâtre.
Complications nombreuses (seulement 1/3 de bons résultats) :
- nécrose tardive
- pseudarthrose par défaut de réduction
- cal vicieux = pied plat post traumatique = Scaphoïde aplati
NB: association d'une fracture du naviculaire avec fractures des Cunéiformes.
6 / FRACTURES DU CUBOÏDE.
Le Cuboïde est la clef de voûte de l'arche externe du pied; comme pour le scaphoïde le mécanisme lésionnel est soit un choc direct soit un mécanisme de torsion indirect.

                 

Clinique :
1- soit tableau d'entorse externe mais il n'y a aucun signe sur le LLE ni sur la styloïde du 5ème Métatarse; le bord externe du pied est exquisément sensible au dessus de la styloïde et l'appui impossible (appliquer les règles d'Ottawa et demander des radiographies).
2- soit gros pied déformé et appui impossible.
Diagnostic par les radiographies en déroulé du pied:
-  os surnuméraire
- trait de fracture sagittal, oblique; formes partielles; formes comminutives
- fractures déplacées de traitement chirurgical ou non déplacées de traitement orthopédique par immobilisation plâtrée pendant 6 semaines.

                           

7 / FRACTURES DES CUNEIFORMES
Les fractures des Cunéiformes peuvent être associées aux fracture du Scaphoïde.
Le ML est celui d'une chute de cheval avec le pied qui reste coincé dans l'étrier.
Le tableau clinique est celui d'une entorse du médio -pied; l'application des règles d'Ottawa imposent le recours au radiographies en déroulé du pied + Scanner si besoin.
Le traitement doit absolument rendre le 1er Cunéiforme fonctionnel; si la fracture est non déplacée : il sera orthopédique et chirurgical si la  fracture est déplacée.

                    

Ce qu'il faut retenir pour éviter raideur et douleurs post- traumatiques +++: 
Le pied est un ensemble d'articulations dépendantes les unes des autres que l'on peut qualifier de système ostéo-articulaire mécaniquement asservi où SAMA podo-sural et la plupart des lésions post traumatiques de ce SAMA nécessitent pour bien cicatriser une immobilisation qui peut aller de quelques jours à plusieurs semaines où mois suivant l'importance du traumatisme. Dès lors il faut savoir que cette immobilisation pourtant nécessaire, va impacter automatiquement l'ensemble des articulations de ce SAMA podo-sural et s'accompagner volontiers de douleurs séquellaires que l'on traitera au mieux par des techniques ostéopathiques de manière à désimpacter les articulations bloquées, sous peine de voir certaines douleurs persister indéfiniment.
Les fractures des métatarsiens et des sésamoïdes du gros orteil sont traitées dans un chapitre à part (se rapporter au sommaire).

8/ Fractures du Calcanéum

Anatomie, biomécanique, mécanismes lésionnels  Le calcanéum est l'os du talon directement en contact avec le sol en position debout et pendant la marche. C'est le plus volumineux des os du tarse. Il s'articule avec l'astragale situé au dessus de lui et l'os cuboïde en avant et se compose de six faces (supérieure, interne (médiale), antérieure, inférieure, externe (latérale) et postérieure (talon). Il supporte l'ensemble du poids du corps et constitue l'un des deux points d'appui majeur l'autre point d'appui se faisant avec l'avant pied. Il redistribue les forces et les contraintes statiques et dynamiques vers les structures jambières et participe à la fonction de bras de levier. Il permet l’équilibre de l’arrière-pied. Assurant la transition entre la verticalité du squelette axial et l’horizontalité du pied il permet justement que la marche s'effectue en contact permanent avec le sol, aussi bien pendant la marche ou la course à plat que sur plan incliné et ce indépendamment de la position du corps. Il permet également l'adaptation fine au sol dans les trois plans de l'espace grâce au réseau articulaire parfaitement cohérent du complexe podo-sural et tout spécialement grâce à ses relations sur le plan anatomique avec l'astragale au dessus de lui et l'ocuboïde en avant. Cet ensemble articulaire (calcanéum, astragale et cuboïde) est aussi un système d’absorption-amortissement de l’onde de choc lors de l’attaque du pas et au final, à travers  ses articulations, il contribue de manière significative à l’efficacité de la propulsion du pas dans la marche humaine. Siège de nombreuses contraintes physiques qui peuvent aller jusqu'à sept fois le poids du corps, le calcanéum, malgré sa grande résistance mécanique, s'avérera particulièrement exposé en cas de chute d’un lieu élevé (échelle, défenestration) où dans les accidents de voiture par collision frontale et ce dès 40 km/h par recul dans l’habitacle du pédalier, du compartiment moteur ou de la roue. 

                          


Les fractures du calcanéum sont des fractures sans ou avec déplacement en fonction de l'intensité de la force vulnérante et de la solidité mécanique de l'os qui peut être altérée dans certains cas. Ce sont des fractures fermées dans la majorité des cas et ouvertes chez 10 à 20% des patients et c'est le côté interne du pied qui est le plus fréquemment fracturé, posant des problèmes délicats de prise en charge chirurgicale et en raison aussi de la fine enveloppe tissulaire entourant le pied. Lors de l’impact le calcanéum se déforme et c’est l’ensemble du pied qui est déformé; classiquement on observe un déplacement en dedans de la grande tubérosité calcanéenne, une perte de hauteur de l'os calcanéum de 2 à 3 cm par aplatissement et un élargissement du calcanéum fracturé avec pour conséquence directe une altération de la morphologie osseuse de l'os calcanéen, de la fonction de l’arrière-pied, mais aussi de l'ensemble du pied. Le plus souvent les traits de fracture emportent les surfaces articulaires sous-astragaliennes, créant une incongruence articulaire entre l’astragale et le calcanéum, le degré de comminution articulaire étant susceptible de toucher les trois facettes articulaires sous-astragaliennes ainsi que l’articulation calcanéo-cuboïdienne.

Le traitement des fractures du calcanéum pose toujours des problèmes délicats en raison de l'importance des différentes fonctions physiologiques que nous avons énumérées et de leur altération à des degrés divers en cas de traumatisme. Et quelle que soit la qualité de la prise en charge initiale par les différents services d'urgence, ces derniers ne devraient jamais hésiter à confier systématiquement et exclusivement le traitement de ces fractures à un chirurgien orthopédique spécialiste du pied, y compris dans les cas de fractures sans déplacement. Et répétons le encore, en tant que  médecin spécialiste en rééducation fonctionnelle, les conséquences des fractures calcanéennes sont telles, que ces fractures, souvent grevées d’un fort handicap permanent sont du ressort strict d'un chirurgien orthopédiste spécialiste du pied aguerri qui seul décidera d'intervenir chirurgicalement ou non. La difficulté du traitement de ces fractures résidant dans le fait qu'elles sont le plus souvent multi-fragmentaires, intra-articulaires et dans le contexte d’un os présentant une anatomie tridimensionnelle compliquée, maintenant approché chirurgicalement du côté externe (dans une approche chirurgicale interne les fragments ne sont pas tous visibles directement). Il faut savoir aussi que l’enveloppe tissulaire entourant le calcanéum est particulièrement fine et englobe un certain nombre de structures neuro-vasculaires et tendineuses qui rendent  délicate l'intervention. Les meilleurs résultats dans la prise en charge chirurgicale ou orthopédique des fractures du calcanéum sont obtenus dans des centres ayant une importante activité en traumatologie et avec pour certains auteurs une prise en charge chirurgicale quasi systématique, mais avec abstention opératoire stricte si le centre médical ou même le chirurgien a peu d'expérience de ce type de lésions. Dans tous les cas, la prise en charge chirurgicale initiale est nécessaire si la fracture présente une incongruence articulaire ou qu’elle est associée à un trouble morphologique de l’arrière-pied sous forme d’une perte de hauteur, d’une varisation de l’arrière-pied ou d’un élargissement significatif du calcanéum susceptible de produire un conflit mécanique avec les structures avoisinantes. C'est alors peu dire que les séquelles de ces fractures seront toujours fonction de la qualité de la prise en charge médico-chirurgicale initiale, l'avis d'un chirurgien orthopédique étant primordiale afin de les identifier dans toutes leurs diversités et dans le but d’optimiser leur prise en charge chirurgicale ou pas.

Les séquelles des fractures du calcanéum 

L'arthrose sous-astragalienne est la séquelle la plus fréquente. De par le caractère intra-articulaire des fractures du calcanéum et leur atteinte sur la morphologie de l’arrière-pied, c’est l’ensemble de la fonction du pied qui est touché dans une fracture du calcanéum. Le pied, à des degrés divers va alors perdre sa capacité d’adaptation au sol, en particulier sur les plans inclinés. Ceci est une conséquence directe de la perte de mobilité de l’articulation sous-astragalienne secondaire à l’arthrose post-traumatique. Cette dysfonction sous-astragalienne a aussi des conséquences directes sur la capacité d’amortissement à chaque pas. L’arthrose touche préférentiellement l'articulation sous-astragalienne postérieure et peut être visualisée sur une simple radiographie du pied de profil en charge avec perte de hauteur de l’interligne articulaire, sclérose sous-chondrale, etc. 

La perte de hauteur de l’arrière-pied liée à l’impaction au moment de la fracture a une conséquence directe sur la position de l’arrière-pied dans le plan sagittal. Elle est due à une ascension de la grande tubérosité calcanéenne, associée à une dépression de la facette postérieure du calcanéum. La perte de hauteur peut atteindre jusqu’à 40 mm, l’astragale s’enfonçant en  postérieur dans le calcanéum et s’ horizontalisant. La conséquence directe de cette horizontalisation de l’astragale est une perte de l’amplitude articulaire de la cheville, la marge antérieure du tibia se trouvant alors en contact prématuré avec le col de l’astragale dans le cycle de la marche au moment de la dorsi-flexion de cheville, ce qui entraîne un conflit antérieur tibio-astragalien. Cliniquement ces patients présentent une perte de dorsi-flexion de la cheville et des douleurs antérieures au niveau de la marge antérieure du tibia. Une autre conséquence de la perte de hauteur de l'arrière pied est une diminution du bras de levier utilisable par le triceps sural avec influence négative sur la capacité de propulsion à la marche et à la course. Le diagnostic repose sur une simple radiographie de la cheville de profil en charge qui atteste d'une horizontalisation du long axe de l’astragale
La déformation en varus (en dedans) du pied est liée au déplacement en dedans de la tubérosité du calcanéum au moment du traumatisme, tirée par le complexe musculaire du triceps sural du mollet par l’intermédiaire du tendon d’Achille. Elle est mal tolérée car déséquilibrant le pied et en induisant un transfert de charge sur le bord externe du médio et de l'avant-pied. Cliniquement les traumatisés décrivent des douleurs sur le bord externe du pied, au niveau de la base du cinquième métatarsien et occasionnellement ils peuvent présenter des ulcères de surcharge sur la base du cinquième métatarsien ainsi que des fractures de stress. Certains patients décrivent des entorses de cheville en varus et des tendinites des tendons péroniers à répétition. Une radiographie axiale et l’examen clinique des arrière-pieds (perte du valgus calcanéen physiologique) permettent de poser le diagnostic. L’examen clinique de dos est très démonstratif: en position bipodale on observe une translation du talon en dedans et une zone d’hyper-appui sur le bord externe du médio-tarse avec parfois une hyperkératose au niveau de la base du cinquième métatarsien et des tendons péroniers sensibles à la palpation.

L'élargissement du mur externe est une séquelle directe de la fracture. L’enfoncement de l’astragale dans le calcanéum entraîne une latéralisation de la paroi latérale du calcanéum qui, si elle n’est pas remise en place, provoque un conflit mécanique douloureux soit avec le bord latéral de l’astragale, soit avec la pointe du péroné ou encore les tendons péroniers. Les patients se plaignant de douleurs à la marche et bien localisées au niveau malléolaire externe. Seul un scanner comportant des coupes coronales de l’arrière-pied permet de poser le diagnostic.

L'atrophie du coussinet adipeux de la coque talonnière est une complication redoutable et irréversible. Cette coque talonnière est composée de multiples expansions périostées formant des cloisons à l’intérieur desquelles sont logés des lobules graisseux. Cette architecture forme un capiton plantaire et offre une interface amortissante de tissu mou de 12 à 18 mm entre l’os et le sol. Ce tissu spécialisé est particulièrement résistant aux forces de cisaillement. Si l’énergie déployée lors du traumatisme est importante, la coque talonnière se lise et va évoluer vers une atrophie post-traumatique partielle ou totale, entraînant d'importantes douleurs mécaniques. En comparant à la palpation le talon traumatisé et le talon controlatéral sain, on peut apprécier le degré d’atrophie avec finesse.

La luxation antérieure des tendons péroniers s’observe occasionnellement. Elle signe une déchirure du retinaculum des tendons péroniers qui s’est produite pendant le traumatisme. Cette situation est rarement douloureuse mais cliniquement on observe la présence d’un ou des deux tendons péronniers en avant de la malléole externe.


Traitement des séquelles des fractures du calcanéum (avec l'aide des confrères orthopédistes suisses spécialistes du pied de l'université de Lausanne)

Une fois que le type de séquelles a été précisé sur la base de l’examen clinique et radiologique, un traitement peut être envisagé. Le chirurgien spécialiste du pied privilégiera ou non le traitement non chirurgical dans un premier temps. En cas d’échec de celui-ci, le recours à une prise en charge chirurgicale sera décidé.

1- L'arthrose sous-astragalienne est imprévisible quant à ses répercussions cliniques car il y a en effet un spectre de situations qui empêche toute corrélation entre le degré d’arthrose et le degré des douleurs. Certains patients qui vont bénéficier d’une prise en charge chirurgicale initiale avec reconstruction favorable des surfaces articulaires confirmée au scanner peuvent  présenter d’importantes douleurs; à l’inverse d’autres présentant une arthrose marquée seront très peu symptomatiques. Les patients souffrant d’arthrose sous-astragalienne décrivent souvent des difficultés à marcher sur les sols inclinés et ont une mobilité articulaire fortement restreinte à l'évaluation clinique; des douleurs de l'arrière-pied  ainsi qu’une fatigabilité du pied à la marche sont fréquemment rapportées. Comme il n’est pas toujours aisé d’établir la corrélation entre l’arthrose et les douleurs, une infiltration-test par un anesthésique local sous imagerie permettra souvent de poser le diagnostic quant au siège des douleurs. Certains patients pourront bénéficier de l’adjonction de cortisone à visée thérapeutique dans l’articulation. Si l’infiltration-test est positive et que le dépôt de cortisone intra-articulaire n’a pas apporté un bénéfice durable, une arthrodèse sous-astragalienne doit être proposée au patient. Non seulement le pronostic après une telle intervention est généralement bon, mais de plus il n’y a pas beaucoup à espérer des moyens de contention orthopédiques dans une telle situation, les chaussures montantes et rigides, bloquant l’articulation sous-astragalienne au travers d’une coque rigide sont la plupart du temps mal acceptées par le patient, surtout lorsqu’elles doivent être portées toute l’année.

2- Le varus du talon est secondaire à une union en varus de la tubérosité calcanéenne particulièrement délicat à traiter de façon conservatrice et représente un défaut morphologique important du pied qui a pour conséquence de créer des hyper-appuis et des sollicitations pathologiques. L’arrière-pied est en général figé dans cette position et il n’a pas la souplesse qui permettrait une correction partielle par des moyens auxiliaires. L’intervention chirurgicale consistera alors à essentiellement replacer le talon dans l’axe de la jambe afin de rétablir l’appui physiologique tripodal du pied. En fonction des situations, le chirurgien spécialisé y adjoindra une arthrodèse (blocage osseux) sous-astragalienne entre l'astragale et le calcanéum.

3- Le conflit antérieur de la cheville s’observe lorsqu’il y a une perte de hauteur significative du calcanéum. L’horizontalisation du calcanéum et de l’astragale limite la mobilité de la cheville en raison d’un contact précoce entre la marge antérieure du tibia et le col de l’astragale lors de la dorsi-flexion. Pour restituer une inclinaison astragalienne, une partie de la hauteur de l’arrière-pied doit être compensée par une semelle comportant une talonnette qui doit parfois être confectionnée au niveau même de la chaussure. On y joindra une barre de déroulement afin de favoriser le déroulé du pas. En général ces deux mesures suffisent à soulager le patient. Dans d’autres cas le recours à la chirurgie est requis et consistera à rétablir la pente respective de l’astragale et du calcanéum en provoquant une distraction chirurgicale entre les deux os où un greffon tricortiqué cunéiforme est interposé dans le but de maintenir la hauteur de distraction. Cette intervention (arthrodèse par distraction sous-astragalienne) permet de rétablir une bonne mobilité de cheville en dorsi-flexion et supprime généralement les douleurs antérieures de cheville.

4- Le conflit latéral entre le mur externe du calcanéum et la pointe de la malléole externe lors des consolidations en position élargie du calcanéum est difficile à traiter de façon non chirurgicale. Le diagnostic est posé sur les coupes frontales du scanner de l’arrière-pied où le conflit mécanique est particulièrement évident. L’intervention chirurgicale consiste à réséquer et décomprimer le mur externe en conflit avec la malléole externe et les tendons péroniers.

5- L'atrophie de la coque talonnière est une complication particulièrement difficile à traiter. Il n’y a pas de place pour le traitement chirurgical. En effet, toute chirurgie locale au niveau du coussinet aboutit à une aggravation de l’atrophie. L’utilisation d’une coque talonnière englobante dans des matériaux synthétiques à haut pouvoir d’absorption d’énergie permet de rétablir une partie de la fonction du coussinet d’origine. Cette talonnette aura la forme d’une cupule dans le but de stabiliser les tissus mous résiduels qui sont souvent hypermobiles bien qu’atrophiés.

6- La luxation des tendons péroniers est rarement douloureuse et n’a pas d’indication claire pour le traitement chirurgical. En effet, dans la majorité des cas, il s’agit de luxations invétérées dans lesquelles la rétraction du tendon ne lui permet plus d’être relogé en arrière de la malléole externe. 

7- L'algodystrophie du pied  Une algo-neuro-dystrophie (AND) lorsqu'elle vient compliquer une fracture du calcanéum, peut aboutir à une catastrophe fonctionnelle si la prise en charge n'est pas à la hauteur et dans tous les cas mérite que l'on s'y attarde.  On la définit comme un syndrome douloureux articulaire et péri-articulaire caractérisé par des modifications trophiques tissulaires locales que l'on attribue à une hyperactivité réflexe du système nerveux sympathique. Elle évolue en deux phases, 1 phase chaude pseudo-inflammatoire fluxionnaire et 1 phase froide séquellaire avec raideurs et rétractions des tissus mous. Dans 90% des cas et selon les étiologies, son évolution naturelle se fait sur 6 mois à deux ans.
 
Elle est imprévisible dans sa survenue comme dans son évolution et ses séquelles potentielles. 
Le pied est la localisation AND la plus fréquente avec à la phase chaude des troubles vasomoteurs: le pied est rouge, chaud, oedématié avec des douleurs à l’appui, une boiterie, des douleurs spontanées et surtout provoquées à la palpation des têtes métatarsiennes et du tarse. 
 Une phase froide va succéder à la première et se traduira par un enraidissement du pied. Cette AND du pied peut durer plusieurs mois et même années et va nécessiter une prise en charge médicale particulière avec rééducation adaptée, bilans complémentaires et parfois gestion spécifique de la douleur. Le traitement en phase chaude d'une AND du pied doit se fera au mieux dans un centre de rééducation spécialisé dans la mesure oui faut gérer à la fois l'AND et l'évolution de la fracture du calcanéum. Dès l'apparition des premiers signes il est possible de faire ou pas (c'est laissé à l'appréciation du chirurgien en concertation avec le médecin MPR) des ATG (globulines anti-thymocites), des biphosphonates (hors AMM) ou des infiltrations de corticoïdes intra-articulaires ou intra-canalaires. Le traitement physique doit observer la règle de la non douleur et doit être mis en place dès les premiers signes de la phase fluxionnaire: mobilisation passives douces et infra-douloureuses des chaînes du podo-sural, prévention des rétractions et adhérences, drainage de l’œdème des parties molles, presso-thérapie, éventuellement préservation de la fonction par orthèses en position de fonction pour éviter l’exclusion fonctionnelle du membre, bains écossais dans eau chaude puis froide. Le schéma de marche est entretenu par la marche en immersion en piscine et la reprise de l’appui en immersion dégressive et appui complet lorsque la douleur à l’appui a totalement régressée. En phase froide, récupération des amplitudes puis de la fonction sans réveiller les douleurs et sans favoriser la récidive des troubles vasomoteurs et de la sudation. Mobilisations articulaires progressives sous couvert de médicaments antalgiques; appareillages de posture statique, renouvelés en fonction des progrès du patient; ergothérapie visant très tôt à récupérer la fonction par des activités finalisées sont laissées à l'appréciation du médecin MPR. 

8- La pseudarthrose Tout comme l'algo-dystrophie, la pseudarthrose est une complication qui peut-être redoutable si la prise en charge post traumatique laisse à désirer. Jusqu'à 6 mois post traumatique on parlera de retard de consolidation en présence de douleurs à l'appui, impotence fonctionnelle, rougeur et chaleur locale et radiologiquement persistance du trait de fracture sans ostéosclérose des berges de la fracture. Au delà de 6 mois post traumatique et surtout en présence de facteurs favorisants: alcoolo-tabagisme facteur d'ischémie, insuffisance d'immobilisation, réduction du foyer de fracture imparfaite, foyer ouvert qui détruit l'hématome péri-fracturaire. Cliniquement dans une pseudarthrose, il y a apparition de douleurs à la mise en contrainte du foyer de fracture avec impotence fonctionnelle, chaleur et rougeur locale et radiologiquement persistance de l'écart inter-fragmentaire qui n'arrive pas à être comblé. Cette pseudarthrose va nécessiter une prise en charge chirurgicale spécifique et adaptée.

En conclusion: Les fractures du calcanéum sont unanimement reconnues comme graves par les séquelles qu’elles entraînent. Le bon diagnostic des différents points cliniques énoncés dans cet article va permettre d’apporter des solutions spécifiques et adaptées dans le but de diminuer l’importance des séquelles et leur retentissement fonctionnel sur la marche (malheureusement un nombre trop élevé encore de patients présente des suites difficiles). Malgré tout, les techniques d’imagerie radios et scanner pour l'aide au diagnostic, les nouveaux implants chirurgicaux et une bonne prise en charge post traumatique après chirurgie ou traitement orthopédique dans un service de rééducation pluridisciplinaire contribuent à apporter les bonnes stratégies et des solutions de plus en plus satisfaisantes chez bon nombre de ces patients.

En résuméToute douleur du talon survenue dans un contexte traumatique (chute d'une certaine hauteur, accidents de la circulation, etc) suppose de pratiquer un bilan d'imagerie (radios, scanner) à la recherche d’une fracture du calcanéum. Le diagnostic de fracture du calcanéum une fois posé dans un service d'urgence, il requiert impérativement un avis orthopédique spécialisé dans le but d’orienter dès le départ le patient vers le traitement le mieux adapté. Le choix du traitement par le chirurgien spécialiste du pied dépendra du type d’activité professionnelle du patient, de ses co-morbidités, de son âge et du type précis de la fracture (déplacée ou non déplacée, etc). Malgré tout, les fractures du calcanéum sont associées encore à un handicap permanent dans la plupart des cas.  Toutefois une prise en charge impliquant le médecin traitant, un service d'urgence, un service de chirurgie avec un orthopédiste spécialiste du pied, éventuellement un médecin spécialiste de la douleur, le médecin de médecine physique et réadaptation et son équipe pluridisciplinaire (infirmières et infirmiers, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, moniteurs ou monitrices d'activités adaptées, psychologues, assistantes sociales, psycho-motriciens ou psychomotriciennes)) dans un centre de rééducation, vont permettre d’établir des objectifs clairs et encourageants pour le patient. Mais restons optimiste, un certain nombre de séquelles de ces fractures aisément identifiables par l’examen clinique et l'imagerie trouveront fréquemment un soulagement par des mesures orthopédiques simples (chaussage, talonnettes, chevillières) et le cas échéant par de la chirurgie spécialisée. 

Fracture ouverte du calcanéum, du côte interne


Fracture-enfoncement de la partie postérieure du calcanéum avec perte de contact articulaire avec l'astragale en raison de l'enfoncement.


                        Fracture du calcanéum ostéosynthésée


                                   

                         Arthrose sous-astragalienne post traumatique


Perte de hauteur de plusieurs centimètres de l’arrière-pied secondaire à la compression du calcanéum qui s'accompagne d'un dysfonctionnement des articulations voisines de la cheville et horizontalisation du long axe de la cheville

L'élargissement du calcanéum lié à la compression va entraîner un conflit avec la malléole externe de la cheville et des douleurs


Prise en charge en milieu spécialisé (centre de rééducation fonctionnelle) d'une algo-neuro-dystrophie du pied