mardi 21 mai 2013

Physiologie de la douleur.

Physiologie de la douleur.
L'Association Internationale de Lutte contre la Douleur la définit comme "une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion."  Sa prise en charge si elle s'avère rebelle, peut relever d' un centre anti douleur ou d'un service de Médecine physique, ou certains types de douleurs comme les lombalgies et les lombosciatiques chroniques, la fibromyalgie, trouvent très souvent une issue favorable.




Historique: 
La prise en charge de la douleur chronique est perçue de façon différente selon les époques et les sociétés et combattue de manières diverses: Peyolt au temps des incas, Opium au Moyen Orient, acupuncture en Chine, strangulation spontanée en Assyrie et « garotillo » en Espagne pour les maux de dents. Douleurs rédemptrices dans les civilisations chrétiennes, tandis que la lutte contre la douleur était considérée comme un véritable sacrilège.

Peyolt
Bases physiologiques de la douleur
La connaissance du circuit de la douleur et des différentes modulations à la hausse ou à la baisse, a permis les avancées thérapeutiques actuelles et a validé l'ensemble des techniques de Médecine physique et de réadaptation que l'on utilise dans un service de rééducation avec un niveau de preuve de grade B.
Le circuit de la douleur comporte trois étapes
1ère étape périphérique tissulaire: élaboration au niveau des différents tissus à partir de récepteurs à la douleur spécifiques appelés nocicepteurs, les uns ayant des terminaisons libres sans myéline, les autres étant partiellement myélinisés.




A partir de ces nocicepteurs, la transmission va se faire par deux types de fibres de petit calibre: les fibres C sans myéline pour la douleur lente, les fibres A delta pour la douleur rapide. Les deux types de nocicepteurs sont stimulés par une lésion tissulaire qui libère des médiateurs algogènes: prostaglandine, histamine, etc, qu'on appelle "soupe inflammatoire".
2ème étape médullaire de convergence: Au niveau de la substance grise de la corne postérieure de la moelle épinière, les deux types de fibres de petit calibre véhiculant la douleur, ainsi que les fibres de gros calibre véhiculant la sensibilité discriminative et la sensibilité profonde proprioceptive
 (celle des articulations, des muscles et des tendons) et celle de la sensibilité viscérale vont converger dans des zones très voisines.




3ème étape corticale d'intégration

Elle se fait à partir des faisceaux ascendants:
Après avoir convergé au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière, les différentes fibres véhiculant la douleur et les autres types de sensibilité vont diverger pour regagner le thalamus et se projeter dans le cortex sensitif du lobe pariétal pour les fibres A véhiculant la douleur rapide et pour les fibres de la sensibilité profonde proprioceptive et viscérale.
L'autre type de fibre véhiculant la douleur, les fibres C, vont se projeter différemment à partir du thalamus vers le système limbique, situé à la base du cerveau, autour du thalamus. C'est le circuit des émotions qui sont des réactions immédiates plus ou moins positives et capables de contrôle. Emotions positives quand il s'agit de plaisir, émotions négatives quand il s'agit d'agressivité ou de peur.
 Ce système limbique comprend aussi le circuit de la mémoire et celui de l'olfaction. Il est en relation également avec le système endocrine hypothalamo-hypophysaire.
Au total, la douleur va être intégrée au niveau du cortex cérébral de manière duale:
- une composante sensori-discriminative qui se projette sur le cortex pariétal de la face externe du cerveau (S1 et S2 ) pour la douleur rapide et discriminative suivant une topographie imparfaite, dans la mesure où le tissu cutané est lui parfaitement bien représenté au niveau cortical, les autres tissus (musculaire, articulaire et tendineux) sont eux assez mal représentés, tandis que les viscères n'ont eux aucun type de représentation.
Ces douleurs viscérales au sens large du terme, se projetteront alors dans un territoire  périphérique (métamère) à distance de la lésion et sous la forme clinique d' un syndrome  cellulo-téno-périosto-myalgique lorsque l'origine sera une souffrance segmentaire intervertébrale .



  
 - l'autre composante limbique et préfrontale se projette sur la face interne du cerveau au niveau du cortex cingulaire, responsable de l'intégration émotionnelle avec mémorisation et possibilité d'adaptation comportementale en fonction du vécu du sujet ou du contexte environnemental ( cela explique l'héroïsme des blessés de guerre, capables de sublimer leurs douleurs et d'accomplir des actes de bravoure incroyables).
4/ La modulation de la douleur.
La modulation est la faculté qu'à l'organisme d'exacerber ou d'atténuer le phénomène douloureux. Cette modulation peut s'exercer aux trois étapes du circuit de la douleur:
a- modulation périphérique de la soupe inflammatoire tissulaire avec action favorable des thérapeutique anti-inflammatoires, non stéroïdiens (AINS), des infiltrations de corticoïde, de l'application de glace (cryothérapie).





Toutefois si on laisse l'inflammation s’installer durablement au niveau tissulaire, il va y avoir apparition de phénomènes d’hyperalgésie, d'allodynies, d'inflammation neurogène très caractéristiques de la douleur chronique que l'on peut potentiellement améliorer par la mésothérapie ou les infiltrations locales de Xylocaïne.
b- modulation médullaire au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière, par où converge la totalité des fibres de la sensibilité.
La transmission douloureuse peut être bloquée par la stimulation des fibres de gros calibre alpha:
- par des courants électriques (TENS): cette neurostimulation alpha est très utilisée par les kinésithérapeutes pour atténuer les phénomènes douloureux, surtout pour les douleurs de type neuropathiques.




- Les massages, les manipulations vertébrales et l'activité physique en général ont également une action très favorable par stimulation des grosses fibres alpha qui vont bloquer également la douleur au niveau médullaire.
-Autres types de modulation médullaire : au niveau de la corne dorsale, il existe des récepteurs sensibles aux Opioïdes où se fixeront les antalgiques de niveau (codéine, tramadol) et 3 (morphiniques) ainsi que les endorphines libérées par l'effort et produites par le système nerveux central.
c- Modulation supra médullaire.
Inversement, il existe un système anti-opioïde qui va rendre inefficaces les antalgiques de niveau 2 et 3.
Les systèmes anti-opioïdes sont activés en cas d'abus de morphinique ou dans les douleurs neuropathiques (inefficacité des antalgiques classiques dans ce type de douleur), la modulation s'exerçant à partir du tronc cérébral et du cortex frontal.


Le tronc cérébral est la partie du système nerveux située entre la moelle et le cortex cérébral. Il comprend de bas en haut: le bulbe rachidien qui fait suite à la moelle épinière, le pont de Varole et le mésencéphale ou pédoncule cérébral.

 Au sein de ce tronc cérébral, il existe des formations nerveuses, comme la substance réticulée qui intervient dans la vigilance, d'où vont partir des fibres descendantes dont les médiateurs chimiques sont la noradrénaline et la sérotonine qui vont impacter la corne dorsale de la moelle épinière, modulant la douleur dans le sens favorable. 
Cela explique en thérapeutique, l'action des antidépresseurs tricycliques (Laroxyl, Anafranil) qui, par l’intermédiaire de la nor-adrénaline et de la sérotonine, vont traiter les douleurs de type neuropathique. Les tricycliques étant des médicaments que l'on utilise habituellement dans la dépression.