mardi 16 juillet 2013

Prise en charge en rééducation des épaules douloureuses, des épaules instables et de l'omarthrose.

Quelle que soit l'étiologie d'un problème d' épaule, qu'il soit post-traumatique ou micro-traumatique: épaule conflictuelle, neurologique, instable, ou sur omarthrose, l'objectif de la rééducation sera de retrouver une épaule mobile, stable et surtout non douloureuse.
I- Rappel anatomo-physiologique 
Au sens large du terme, l'épaule est composée de 3 articulations vraies: la gléno-humérale, l'acromio-claviculaire et la sterno- claviculaire



 et de 2 espaces de glissement: la sous deltoïdienne




et sa bourse séreuse de glissement




et l'omo-thoracique 


et de 2 entités fonctionnelles bien distinctes qui se complètent: la scapulo-huméraleavec son espace sous-acromial et la scapulo-thoracique et ses plans musculaires.
L'espace sous-acromial
La cavité articulaire de cet espace sous-acromial y est pratiquement aussi large que celle du genou et sur son plancher se situe la coiffe des rotateurs et le TLB, tandis que
la voûte est représentée par l’arche acromio-coracoïdienne:bord antéro-inférieur de l’acromion,ligament coraco-acromial et face inférieure de l’articulation acromio-claviculaire. C’est dans cet espace particulièrement sollicité en élévation et rotations que la pathologie dégénérative de la coiffe des rotateurs va se développer.





La scapulo-thoracique et ses plans musculaires

1.Sous-scapulaire ; 2. Serratus antérieur (grand dentelé) ; 3. Grand pectoral ; 4. Petit pectoral ; 5. Tête du tendon du long biceps





Les structures péri-articulaires et articulaires impliquées sont représentées essentiellement par les tendons de la coiffe des rotateurs,


 les ligaments gléno-huméraux,





acromio-coracoïdien, acromio-claviculaires; mais aussi par la capsule gléno-humérale vaste et lache, le bourrelet glénoïdien ou labrum, les 2 tubérosités de la tête humérale (trochiter et trochin), l'apophyse coracoïde.




Les structures nerveuses impliquées sont les racines nerveuse C4 se projetant en scapulo-thoracique antérieur et postérieur et C5 à l'origine de douleurs référées de l'épaule;  les nerfs sus scapulaires et grand dentelé de Charles Bell. 
II- Bilan lésionnel et fonctionnel de l'épaule

Il est proposé, au-delà des classifications anatomiques, de faire un bilan de la situation qui

va s’attacher à recueillir des éléments cliniques (mobilité, stabilité, douleur, force); des éléments généraux (notamment âge, tabac, contexte socioprofessionnel) et des éléments morphologiques tendino-musculaires et ostéo-articulaires, fournis par l’examen clinique , le score algo-fonctionnel de Constant et les examens d’imagerie médicale:
- la douleur: elle est évaluée par l'échelle visuelle analogique EVA; c'est un signe fonctionnel à contrôler régulièrement; elle peut représenter le 1er signe d'une algo-dystrophie et dans tous les cas si la douleur est la conséquence d'une kinésithérapie un peu trop musclée, la douleur ne doit pas perdurer le lendemain de la séance.
La douleur quelle soit d'origine gléno-humérale (moignon de l'épaule et irradiation descendante) ou scapulo-thoracique (cervico-trapézienne et sans irradiation descendante) doit être contrôlée par les antalgiques de classe I ou II, les AINS, la physiothérapie, les massages.




- les mobilités passives et actives analytiques: EA, EL, RP, RI et RE, les mouvements complexes main-nuque et main-dos, les tests de conflit: antéro-supérieur, antéro-interne et postéro-supérieur de Walsch; les tests de tendinopathies, d'instabilité et de laxité.
- la palpation soigneuse de toutes les structures
- le score fonctionnel de Constant et l'évaluation isocinétique
En cas de  raideur articulaire: c'est la mobilité passive qu'il faudra récupérer en 1er, celle des 3 articulations et celle des 2 surfaces de glissement.
III- Quelques définitions
1- le plan de la scapula: c'est le plan de mobilité physiologique de l'omoplate compris entre 20 et 40° d'antépulsion. 
Plans de glissement de l’omoplate: le grand dentelé est séparé de la cage thoracique et du sous-scapulaire par des plans cellulo-graisseux. Ceux-ci sont indispensables au bon glissement de l’omoplate sur le thorax et sont considérés comme faisant partie du complexe articulaire de l’épaule.
2- le Zéro-position de Saha correspond à l'angle d'élévation de 150° à atteindre passivement dans le plan de l'omoplate, à 20 - 40° d'antépulsion, avant d'attaquer les mobilisations actives; c'est une position qui permet un bon réveil musculaire du deltoïde, tout en protégeant la coiffe des rotateurs et avec un bon centrage de la tête humérale.




3 - la voie de passage de Sohier dans le conflit antéro-supérieur de coiffe; c'est un trajet en s qui évite le conflit trochiter-voûte sous- acromiale, sans provoquer de conflit mécanique.
IV- Travail passif de l'épaule
Bases techniques
- patient relâché; balnéothérapie en eau chaude à 35°



- massages décontracturants cervico-scapulaires

- mobilisations omo/thoraciques (techniques GETM et Lesage) avec jeu corporel


mobilisation O/T
- décoaptation gléno-humérale (techniques Lesage)


décoaptation G/H
- travail pendulaire de l'épaule = aspirine de l'épaule.


travail pendulaire à 2 mains
- auto-rééducation auto-passive et active aidée avec bâton.
V-Nécessité d'une scapula mobile et stable
- la  récupération des amplitudes actives intervient toujours secondairement après un travail strictement passif jusqu'à  la position de Saha et en respectant la douleur; elle intervient après un délai de 3 semaines dans les prothèses d'épaule,  si pas de suture de la coiffe; après 4 à 6 semaines si acromioplastie seule; après 6 à 8 semaines si suture de la coiffe associée (pas de travail de la RE si réfection du sous-scapulaire y compris en balnéothérapie avant 4 à 6 semaines; travail d'abord en actif aidé puis en actif sans résistance et sans la pesanteur puis contre pesanteur puis contre résistance
 (isocinétisme +++).
- travail de recentrage de la tête humérale: des abaisseurs et stabilisateurs longs (grand dorsal, grand pectoral, grand rond) et courts (coiffe des rotateurs)
- resynchronisation agonistes-antagonistes RE/RI
- travail proprioceptif en chaîne fermée puis ouverte.
- renforcement musculaire progressif: électro-stimulation du deltoïde, actif aidé par la balnéothérapie, sur dynamomètre iso-cinétique
- travail global du geste puis réadaptation du geste professionnel ou sportif en ergothérapie et en activités physique adaptées et éventuellement relatéralisation si besoin.
Les interdits
- non respect de la douleur
- renforcement musculaire sur épaule enraidie
- renforcement musculaire en abduction pure qui aggrave le déséquilibre deltoïde/coiffe
- travail en position d'instabilité ou de conflit
- musculation inadéquate
Bilan final: 
il fixe les limites de l'utilisation fonctionnelle professionnelle ou sportive en particulier en cas de raideur résiduelle.
Apport de l'isocinétisme




P. Codine et collaborateurs, à partir d'une revue de la littérature, ont précisé l'apport de l'isocinétisme dans l'évaluation et la rééducation de l'épaule.
Ils ont conclu que l'isocinétisme constituait une méthode de référence en matière d'évaluation de la force musculaire, permettant de détecter les déficits portant sur certains groupes et plus encore les perturbations de la balance agonistes-antagonistes constatées lors de certaines pathologies d'épaule. Il constitue une aide précieuse à la rééducation en orientant la prise en charge préférentiellement sur les groupes déficitaires, en complétant les techniques de renforcement classiques et en permettant un suivi précis des progrès accomplis. La validité de l'évaluation isocinétique de l'épaule est bonne et la reproductibilité, bien qu'inférieure à celle du genou, est satisfaisante sous réserve d'une méthodologie de test rigoureuse. Les valeurs normales, pour les rotateurs, les abducteurs-adducteurs et extenseurs-fléchisseurs sont dépendantes de divers paramètres tels que l'âge, le sexe, la corpulence, l'activité physique pratiquée. Le calcul des ratios agonistes-antagonistes est surtout intéressant en pathologie.
Dans le conflit sous-acromial et l'instabilité de l'épaule sont constamment observés une modification du ratio des rotateurs, qui apparaît plus comme un agent causal que comme une conséquence de l'affection. Cette modification perdure habituellement après traitement chirurgical de ces atteintes et la normalisation des ratios doit constituer un des éléments de la rééducation postopératoire.
En effet il existe un déséquilibre important entre les muscles stabilisateurs antérieurs et rotateurs internes très puissants : sous-scapulaire et grand pectoral, grand rond et grand dorsal et les muscles stabilisateurs postérieurs et rotateurs externes: le sous épineux qui assure à lui seul 90 % de la force de rotation externe, mouvement essentiel dans le fonctionnement de l’épaule et le petit rond.

Le sous épineux est véritablement le muscle clé de la fonction de l’épaule assurant la presque totalité de la rotation externe et le centrage de la tête humérale en élévation.

Evaluer le déséquilibre entre rotateurs externes et rotateurs internes par le biais de l'isocinétisme est la clef du programme de rééducation des épaules douloureuses et des épaules instables.
VI - Prise en charge par un traitement conservateur des épaules douloureuses et stables: 
Le principe d’un traitement médical conservateur (médication orale, infiltration, kinésithérapie) de première intention peut donc être retenu, conformément aux recommandations d’avril 2005 concernant les modalités de prise en charge d’une épaule douloureuse chronique non instable chez l’adulte.
1- Les épaules conflictuelles  avec plus ou moins tendinopathie associée rompue ou non rompue: 
Les 3 formes cliniques: le conflit antéro-supérieur trochiter- voûte sous- acromiale; le conflit antéro-interne coracoïde-petite tubérosité; le conflit postéro-supérieur de Walsch en armé du bras avec déséquilibre RI/RE en faveur des RI et rééducation isocinétique en excentrique des RE.

les 3 conflits 

Rééducation:
- récupération d'abord des amplitudes passives+++
- décoaptation G/H et mobilisations O/T
- travail pendulaire
- recentrage de la tête H par un travail des abaisseurs longs et courts
- voies de passage de Sohier
2 - La tendinopathie calcifiante
- aigue: AINS, corticothérapie, infiltration sous- acromiale et ou intra-articulaire, glace+++, immobilisation de 48 heures.
- chronique: infiltration sous- acromiale et ou intra-articulaire; trituration chirurgicale; arthroscopie de nettoyage.
3 - La tendinopathie rompue: 
clinique d'épaule douloureuse simple ou pseudo-paralytique; imagerie= rupture partielle ou totale. Beaucoup de patients ayant une rupture dégénérative des tendons de la coiffe des rotateurs s’améliorent de façon acceptable avec le traitement conservateur à moyen et long terme, et ce d’autant que leur prise en charge a été précoce. Dans les cas de rupture partielle avec des muscles de la coiffe non dégénératifs (IRM): réparation chirurgicale. En cas de rupture totale, la conduite à tenir sera fonction de l'opérabilité (terrain et qualité IRM des muscles de la coiffe); si non opérable: lutte contre la douleur et stratégies de compensation en ergothérapie.


VII- Prise en charge d'une omarthrose
Une omarthrose est rarement primitive; elle se présente cliniquement comme une épaule douloureuse et très enraidie avec limitation de la RE; les clichés de face en RE mettent en évidence une usure de la partie postérieure de la glène; l'omarthrose peut être centrée ou non centrée et accompagnée d'une rupture de la coiffe; le traitement est conservateur si les douleurs peuvent être contenues; si les douleurs sont persistantes et la raideur importante, c'est l'indication de la mise en place d'une prothèse; s'il s'agit d'une forme peu algique et enraidissante, la rééducation est conseillée: il ne faut pas attendre de récupérer la position zéro de Saha pour commencer le travail actif et jouer sur la mobilité de l'omo-thoracique et les massages cervico scapulaires pour gagner en amplitude.



VIII- Prise en charge de l'épaule micro-traumatique du lanceur
Les sportifs de lancer (armé du bras, accélération du geste, fin du geste en adduction/rotation interne) présentent un conflit postéro-supérieur qu'a bien décrit le Lyonnais Walsch. avec déséquilibre dans le ratio des rotateurs d'épaule en défaveur des RE; la rééducation sera au mieux de type isocinétique avec renforcement excentrique des RE+++.
IX- Rappel des systèmes d'immobilisation du membre supérieur:
1- jersey ou plâtre
2- écharpe simple, coude libre, simple mise au repos.


écharpe simple

Mayo -clinic = écharpe de maintien coude au corps avec mise au repos supérieure à celle d'une écharpe simple.

Dujarrier = maintien plus strict, bloque aussi la scapulo-thoracique.


Dujarrier



Attelle d'abduction.


Attelle d'abduction