dimanche 13 novembre 2016

l'endofibrose des artères iliaques commune, externe et fémorale, une cause pas si rare que ça de douleurs d'effort chez les cyclistes

L’endofibrose des artères du bassin et de la cuisse (à 90% sur l'iliaque externe), est une artériopathie d'effort qui affecte les sportifs de haut niveau et tout spécialement les cyclistes pro+++, ou elle serait plus fréquente que ce que l'on croit (certains auteurs avancent des chiffres supérieurs à 20%), mais aussi les tri-athlètes, les coureurs de fond, les cyclotouristes, les marcheurs olympiques, les amateurs de canoë-kayak, en aviron et elle a même été décrite en rugby. Très différente de l'artériosclérose et de sa média-calcose, l'endofibrose peut prendre en défaut l'imagerie artérielle classique (angio-scanner et artériographie), avec beaucoup de faux négatifs à l'origine de pas mal de retard diagnostique. Cette endofibrose qui réduit le calibre et par tant le flux artériel du membre inférieur, va se traduire par une symptomatologie d'effort hétéroclite et passablement atypique chez un sportif de haut niveau jusque là en parfaite santé et motivé (jambe lourde qui ne répond plus lorsque l'effort s'intensifie, crampes, sensation d’étau ou de cuissard trop serré, jambe froide, jambe morte, fatigue, œdème, paresthésies, paralysie) et donc un ensemble de signes qui doivent orienter tout praticien qui prend en charge ces sportifs, vers une cause artérielle ischémique partielle (et dans 3% des cas totale). Une claudication à la marche est également possible dans un petit nombre de cas signifiant alors une complication par thrombose de l'artère. Sa description princeps par Monti remonte à peine à 1984 (Monti M, Jaeger M, Guisan Y et al. Diagnostic de l’insuffisance artérielle périphérique chez le sportif amateur claudiquant et dépistage du “syndrome de la sténose artérielle iliaque isolée chez le jeune cycliste sans facteur de risque” par examen Doppler et test sur tapis roulant. Rev Méd suisse romande 1984)


Anatomie
Dans le bassin, l'aorte abdominale se divise en 2 branches : les artères iliaques communes (ou primitives) au niveau du disque intervertébral L4-L5. Chaque artère iliaque primitive se divisant en :
- artère iliaque interne (ou hypogastrique) qui donne des branches à destinée viscérale pour les organes du petit bassin et des branches pariétales: les artères glutéales supérieure et inférieure (ou ischiatique), l'artère obturatrice et l'artère pudendale (ou honteuse interne).
- artère iliaque externe qui suit la ligne innominée, la branche ilio-pubienne, et passe sous le ligament inguinal, en dedans du psoas et de la bandelette ilio-pectinée, pour devenir l’artère fémorale commune. Juste avant d'entrer dans l’anneau de l’arcade crurale, l'artère iliaque externe donne deux artères collatérales: l'artère iliaque profonde et l'artère épigastrique. Sa longueur est de 8 cm et son diamètre moyen, de 7 mm. Sa particularité est de franchir une zone mobile correspondant au pli de flexion inguinal ou l'artère se plicature lors des mouvements répétés de flexion de la cuisse sur le bassin, comme en cyclisme.


La position sur le vélo entraîne une plicature physiologique de l'artère iliaque externe,  fixée en proximal et en distal dans son trajet iliaque et donc sans échappatoire possible

Mécanisme lésionnel et physiopathologie de l'endofibrose iliaque externe (chez les cyclistes pro++)
Epidémiologie
L'endofibrose iliaque externe touche principalement les jeunes cyclistes de 20 à 29 ans, effectuant un certain volume d’entrainement (7 000 à 12 000 Km par an) et qui ont débuté très jeunes le cyclisme de compétition. Les hommes sont atteints de façon largement préférentielle avec un ratio de 50 pour 1, du fait sans doute de la plus grande représentativité de ces derniers au niveau professionnel. D’autres sports sont également impliqués: triathlon, rugby, marche olympique et canoë-kayak nous l'avons signalé en début d'article. L’atteinte lésionnelle artérielle est multiple dans 10 % des cas et bilatérale dans 15 % des cas. La diminution du calibre de l’artère et donc du flux sanguin explique la symptomatologie, les muscles du membre inférieur étant littéralement asphyxiés.
Mécanisme lésionnel
Les mouvements de pédalage induisent des plicatures itératives sur le segment iliaque mobile. Ces mouvements de grande amplitude participent à la déformation et à l’étirement répétés de la portion intermédiaire de l’artère avec apparition d’un excès de longueur au niveau de l’artère iliaque externe qui se manifeste par des flexuosités artérielles qui contribuent à l’aggravation du mécanisme d’agression artérielle.



Plicature de l'artère iliaque externe

C'est la conjonction de  déformations répétées de l’artère et d’une situation hémodynamique particulière générée par les efforts intenses du cyclisme pro avec des débits sanguins élevés dans les muscles des membres inférieurs qui travaillent à plein régime qui vont engendrer les lésion de stress de l'artère iliaque externe.
En examinant les différents mécanismes lésionnels, des chercheurs Néerlandais ont démontré que l’artère iliaque externe est habituellement plus longue et plus tortueuse chez les sujets symptomatiques avec formation de plicatures sténosantes. 
Rôle du muscle psoas ou de son artère nourricière 
Ce sont des auteurs Belges qui la première fois ont alertés la communauté médicale sur le rôle potentiellement délétère d'un muscle psoas ou oblique externe hypertrophiques et de l' artère nourricière du psoas quelquefois volumineuse et susceptible d'entraver le libre mouvement de l’artère iliaque donneuse par compression artérielle extrinsèque. Cette hypertrophie du muscle psoas suggère qu'il pourrait exercer une pression sur l’artère iliaque, ce qui peut se comprendre par l'analyse du mouvement cycliste en position aérodynamique. En effet, cuisse fléchie, les deux points de fixation de l’artère iliaque externe se rapprochent; en conséquence, l’artère décrit une sinuosité plus ou moins marquée et il peut en résulter des traumatismes au niveau de la plicature, liée au flux artériel important et aux structures de voisinage tel que le muscle psoas et ses adhérences, fortement sollicité lors de la flexion de la hanche. Des lors face au stress subit, la structure musculaire de l’artère se renforce, épaississant la paroi.
Anatomo-pathologie
La lésion d’endofibrose réduit le plus souvent de manière peu importante le calibre de la lumière artérielle de 20 à 40% ce qui explique la grande diversité de la symptomatologie qui ne s'exprime qu'à l'effort (alors qu’il est sans douleur au repos ou à la marche) et parfois seulement quand l'effort est maximal: en montagne, contre la montre, sprint, etc. Parfois la sténose peut être plus sévère, conduisant même dans 3% des cas à la thrombose de l’artère et dans ces cas de thrombose artérielle iliaque, le patient devient alors symptomatique à la marche, une claudication  chez un jeune sportif de haut niveau doit faire évoquer une complication thrombotique. 
Cette lésion d'endofibrose est foncièrement différente des lésions d'athérosclérose. Le collagène déposé y est plus lâche et on n’y retrouve que peu de cellules de la lignée lymphocytaire ou de calcifications. Une étude cytologique récente effectuée chez des femmes démontre que les lésions d'endofibrose affectent non seulement l’intima (paroi interne de l’artère), mais aussi les 2 autres couches cellulaires, la média (couche moyenne) et l’adventice (couche externe). Aussi, les chercheurs suggèrent de parler d’arthropathie plutôt que d’endofibrose, l’épaississement et le durcissement de la paroi artérielle étant en rapport avec l’hyperplasie des cellules musculaires et les dépôts de collagène.

Coupe transversale de l’artère iliaque externe démontrant une diminution du calibre intérieur. Normalement la lumière serait de forme plus ou moins ronde et symétrique.

L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire ci dessous, objective un épaississement fibreux de l’intima associé à une prolifération de cellules musculaires lisses et une fibrose collagénique de l’adventice (B). La symptomatologie a disparu dès la reprise de l’activité sportive à un mois postopératoire. À un an, la patiente reste asymptomatique. Le contrôle écho-doppler retrouve une bonne perméabilité du pontage sans hyperplasie.


Aspects macroscopique et microscopique de l’artère iliaque externe : l’aspect macroscopique peropératoire était jaune et rigide (A : artère intacte ; B : artère sectionnée en coupe longitudinale). L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire objectivait un épaississement fibreux de l’intima , une prolifération adventitielle de cellules musculaires lisses (flèche) et une fibrose collagénique de l’adventice (C).

Exemple clinique récent qui m'a été rapporté par une kinésithérapeute du sport, avec exploration en cours :
L'histoire concerne une triathlète de 46 ans, spécialiste des longues distances, ultra marathonienne depuis 5 ans, qui a présenté pendant de longs mois des douleurs qui ont démarré dans la fesse droite, avec irradiation vers la face postérieure de la cuisse, déclenchées en début d'évolution par la course à pied et plus spécialement pendant les entraînements de type fractionné. Elle a été traitée initialement par des techniques ostéopathiques puis kinésithérapiques, pour ce qui a semblé être un syndrome du pyramidal: le muscle pyramidal note la kinésithérapeute est resté fibreux, mais l'amélioration des symptômes a permis la poursuite de l'entraînement sans modifications de son intensité, la patiente pratiquant de façon addictive. 
Les symptômes ont ensuite évolués défavorablement avec apparition de plus en plus précoce et quelque soit l'intensité de l'effort, de douleurs selon un schéma toujours identique, en étau du 1/3 inférieur de la cuisse (faces antérieure et postérieure), avec irradiation le long de la partie latérale de la jambe, dans le tendon d'Achille et de fourmillements dans les orteils. A noter la disparition rapide de la symptômatologie au repos. 
A l'examen: pas de signes cliniques neurologiques, à la palpation on retrouve une tension excessive des muscles IJ, Fessiers, Pyramidal et du Psoas traitées par techniques tissulaires, travail des fascias, pratique du neuro-méningé.....sans résultats malgré une réduction drastique de l'intensité et du volume d' entraînement. Un syndrome de loge de jambe, un temps évoqué, a été vite exclu devant une symptomatologie clinique polymorphe sans rapport avec une loge de jambe. Des examens complémentaires: scanner lombaire, EMG se sont avérés négatifs. 
Discussion 
Le fait que cette sportive soit une triathlète (avec natation, vélo et course à pied de manière intensive), particulièrement motivée et accro aux longues distances, ait présenté des douleurs unilatérales de cuisse en étau non systématisées, devrait faire envisager en premier une origine vasculaire et plus précisément une endofibrose de l'artère iliaque externe, que l'on rencontre chez les cyclistes de bon niveau, mais aussi en course à pied sur longues distances et chez les tri-athlètes qui cumulent ces deux disciplines, jusqu'à preuve par des tests cliniques et des examens complémentaires du contraire qui viendront soit conforter soit infirmer le diagnostic. Ce type de douleur vasculaire est très différente des douleurs neurogènes qui ont une topographie bien systématisée: soit postérieure ou postéro-latérale sciatique, soit antérieure crurale, soit interne obturatrice, soit latérale fémoro-cutanée. Mais dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples. 
Diagnostics différentiels qui ne résistent pas à une évaluation clinique attentive: radiculalgies d'origine vertébrale, fausses sciatiques, accidents tendino-musculaires, fracture de fatigue, syndrome de loge de jambe.
Diagnostic d'une endo-fibrose iliaque externe à partir d'une revue de la littérature: 
(Drs: Aroussen Laflamme de la Clinique chiropractique du Sport St-Augustin-De-Desmaures, au Québec, les marseillais G. Sarlon-Bartoli, M. Lazraq, M.A. Bartoli, G. Lagrange, J.M. Coudreuse, P. Jau, P. Belenotti, J.M. Bartoli , J.M. Viton, P.E. Magnan)
L’endofibrose de l’artère iliaque externe (EAIE) est une pathologie mal connue à la fois du grand public et même de la communauté médicale. Son identification est relativement récente et date de 1986 avec la description princeps.
Cliniquement les choses ne sont pas simples si cette pathologie n'est pas connue du pratricien, l'endofibrose frappant des sportifs confirmés, le plus souvent des coureurs cyclistes pro ou quasi, durs au mal, capables pour certains de supporter même des fractures (le niveau de concentration et d’adrénaline sont tellement élevés que le coureur cycliste est comme anesthésié), en excellente condition physique et hypermotivés.
Même un médecin chevronné aura du mal à suspecter devant des atypies cliniques déjà évoquées,  une pathologie vasculaire chez un jeune homme en parfaite santé, du fait aussi de la normalité des examens clinique et radiologique au repos. Il pensera d'abord à des pathologies musculo-squelettiques de surcharge ou à des fractures de fatigue lorsqu’un cycliste de haut niveau se présente avec des douleurs d’effort comme motif principal de consultation. 
Et pourtant chez un sportif pratiquant le cyclisme généralement depuis fort longtemps ou le cyclotourisme  régulièrement, qui ressent dans un premier temps une sensation de jambe plus faible par rapport au côté contre-latéral avec des difficultés inhabituelles lors de circuits bosselés, lors du sprint final ou  lors d’épreuves individuelles type course contre la montre devrait faire évoquer une origine vasculaire que des épreuves cliniques et des examens complémentaires à visée artérielle vont confirmer.
Deux épreuves cliniques peuvent conduire au diagnostic:
1- L'épreuve de Strandness sur ergocycle:
Pour mettre en lumière la diminution de l’apport sanguin au membre inférieur lors d’effort intense, un test tout simple peut être utilisé avec succès. Il s’agit de mesurer le rapport entre la pression artérielle à la cheville et au bras avant et 1 minutes après un effort sur un bicyclète ergométrique ou Index de pression systolique (IPS) qui est égal au quotient PMI/PMS. Au repos, l’IPS est légèrement supérieur à 1. L’IPS à l’effort devient physiologiquement inférieur à 1 (0,7-0,8). En cas d’endofibrose, il est notablement abaissé autour de 0,5 juste après l’effort douloureux, puis se normalise avec le repos. Bien que commode pour le praticien, cette méthode présente un taux élevé de faux négatifs et cette négativité ne l’élimine pas forcément. En l’absence d’un ergocycle, le clinicien peut utiliser le Test de Ruffier-Dickson. 

Épreuve de Strandness: 1 : PA humérale – 2 : PA de la cheville normale – 3 : PA de la cheville avec endofibrose.

2- L'épreuve d’effort avec course à pied sur tapis roulant  (vitesse 10 km/h) couplée à une prise de pression systolique à la cheville après l'effort++: 
La douleur est reproduite par l’exercice et l’effort peut être arrêté dès l'apparition des douleurs. Après l’effort, la pression  était imprenable au niveau tibial antérieur et postérieur pour une pression artérielle systolique humérale à 210 mmHg. 
Les examens complémentaires à visée artérielle:
1- L'écho-doppler:
C'est l'examen recommandé pour une visualisation non-invasive de la sténose endofibrotique. Mais  une échographie négative ne signifie pas l’absence du problème. Sa sensibilité serait faible à 60% environ, avec de nombreux faux négatifs. Ceci s’explique probablement par l'absence de calcification des lésions d'endofibrose contrairement à celles de l’athérosclérose. Toutefois, l’ajout de manœuvre de stress comme des flexions répétées de hanche, peut  rendre le test plus fiable.
L’écho-doppler de repos retrouve ci dessous un épaississement circonférentiel échogène minime de 1mm de la terminaison de l’artère iliaque externe droite non sténosant sans excès de longueur. Après l’effort, le flux doppler au niveau de l’épaississement montrait un pic systolique élevé (5m/s) avec une dispersion du spectre et un flux diastolique, non retrouvés du côté gauche.

Écho-doppler de repos et post-effort : l’écho-doppler de repos (A) retrouvait un épaississement circonférentiel échogène minime de 1mm de la terminaison de l’artère iliaque externe droite non sténosant (B) sans excès de longueur. Après l’effort, un aliasing couleur était visualisé en regard de l’épaississement (C) et le flux doppler montrait un pic systolique élevé (5m/s) avec une dispersion du spectre et un flux diastolique, non retrouvés du côté gauche témoignant de la sténose hémodynamique (D).

2- L'angio-scanner surtout et l’angiographie par résonance magnétique (angio-IRM) sont devenus incontournables. Mais réalisés au repos, ils peuvent être pris en défaut.

Angioscanner et artériographie des membres inférieurs : l’angioscanner (A) et l’artériographie (B) réalisés au repos et lors de manœuvres dynamiques ont visualisé un excès de longueur non sténosant de l’artère iliaque externe droite.

3- L’artériographie
Elle est sans contexte l’examen de référence pour visualiser la longueur de l’artère et le degré de sténose. Mais elle reste un examen invasif, supplanté de plus en plus par l'angio-scanner ou l'angio-IRM. Réalisée au repos, elle peut être prise en défaut elle aussi.

A: image d’une artériographie normale de l’aorte et de ses branches; versus B: une artériographie présentant une sténose complète de l’artère iliaque externe avec débordement dans l’artère fémorale commune.

4- L'endoscopie artérielle
En présence d’artériographie douteuse, un endoscopie artérielle confirmera le diagnostic et permettra de faire un bilan préopératoire complet.
Le Traitement :
L’efficacité des différentes techniques en termes de satisfaction et de retour au sport se situe entre 72% et 100%. Entre 2 et 4% des patients devront subir une réopération. 
1- L'abstention chirurgicale
La prise en charge de l’EAIE dépend largement des attentes et des motivations du sportif. Comme la douleur est présente uniquement lors d’un effort intense, un sportif amateur ou en fin de carrière peut très bien envisager de cesser ses activités intenses et ainsi éviter la chirurgie, l’arrêt de l'activité stoppant la progression de la lésion, mais cette dernière ne se résorbe pas.
2- L’angioplastie ou l’utilisation d’un «stent» (grillage tubulaire visant à maintenir l’artère dilatée)  peut constituer une solution d'attente, mais elle n’est pas à recommander chez une personne active,  le grillage rigide est un facteur d’irritation lors du mouvement de pédalage et le taux de resténose est élevé. Certains auteurs l’envisagent dans les cas de sportifs qui désirent terminer leur saison et donc de manière temporaire avant une chirurgie plus sécuritaire et efficace.
3- La chirurgie conservatrice
Face aux nouvelles données concernant la responsabilité du muscle psoas et la longueur excessive de l’artère, il est toujours possible de tenter une approche conservatrice, consistant en la modification du positionnement et le relâchement du muscle psoas et de ses adhérences. 
3- La chirurgie radicale d'exérèse
Dans le cas d’un sportif qui désire poursuivre sa carrière cycliste, diverses chirurgies peuvent être envisagées:
a- une technique consiste à réduire la longueur de l’artère en enlevant la partie sténotique et de refermer l’artère.
b- une autre technique consiste à remplacer la partie de l’artère lésée par une prothèse autologue provenant de la veine saphène par exemple. Cette dernière devrait être réservée aux cas compliqués car le taux de succès et de satisfaction est moindre.
c- les prothèses synthétiques rigides sont à proscrire, car elles présentent un haut taux de reprises.
Les complications
Elles sont diverses: dilatation, hyperplasie, évolution de la maladie et affectent environ 10% des sportifs.
En conclusion,
L'endofibrose iliaque externe est une pathologie qui touche principalement les cyclistes de haut niveau. Son diagnostic repose principalement sur le questionnaire clinique, l’épreuve de Strandness  sur ergocycle ou mieux le test d'effort sur tapis roulant avec prise de pression post effort aux membres supérieurs et inférieurs qui peuvent suffire au diagnostic mais ne l’éliminent pas lorsqu’ils sont négatifs. L'écho-dopler et l'angio-scanner semblent être les examens complémentaires les plus adéquats pour le diagnostic de certitude de l'endofibrose. Le traitement est préférentiellement chirurgical, mais il doit n'être proposé qu'aux personnes décidées à poursuivre la compétition malgré les risques potentiels associés.
Description princeps de Chevalier J.M., Enon B., Walder J., Barral X., Pillet J., Megret A., and al. Endofibrosis of the external iliac artery in bicycle racers: an unrecognized pathological state Ann Vasc Surg 1986 ; 1 : 297-303

mercredi 9 novembre 2016

Les douleurs projetées (rapportées et référées) avec 5 exemples pour faciliter leur compréhension

Les douleurs projetées sont des douleurs ressenties à distance de leur lieu d'origine et véritables pièges diagnostiques susceptibles d'échapper même aux meilleurs, si l'on n'a pas été spécialement formé. Au niveau international, l’accord ne semble pas fait sur la terminologie de ces douleurs cat l'on distingue en effet deux sortes de douleurs projetées: les douleurs rapportées et les douleurs référées. 
1- Les douleurs rapportées : 
Elles sont en rapport avec une structure nerveuse lésée et irradient dans le métamère de cette structure. Par exemple: la névralgie d’Arnold par compression du grand nerf d’Arnold dans sa traversée de la zone d’insertion du trapèze; la sciatique par compression disco radiculaire. 
Il faut toutefois distinguer deux sortes de douleurs rapportées: les douleurs par excès de nociception, habituellement d’origine inflammatoire, et les douleurs neuropathiques par souffrance véritable de la structure nerveuse. En clinique, une douleur rapportée se présente sous la forme:
- soit de douleurs aiguës, de localisation fixe, quasi permanentes, évoquant une origine inflammatoire (forme nociceptive).
- soit sous forme de douleurs fulgurantes, ou au contraire térébrantes, profondes, sourdes, pouvant s’accompagner de paresthésies, voire de signes de déficit neurologique dans le métamère considéré, évoquant une lésion neurologique (forme neuropathique).
2- Les douleurs référées: 


Elles correspondent à une souffrance tissulaire en provenance de la peau, d'un tendon, d'un muscle ou d'un ligament (et donc d'un viscère au sens large du terme dans la mesure ou toute structure corporelle est considérée comme un viscère). Les influx nociceptifs en provenance de ces tissus en souffrance, sont transmis par les structures nerveuses centripètes sans que ces dernières ne souffrent, à la corne postérieure de la moelle. L’origine de ces influx est mal interprétée par le cortex pariétal, qui ne possède une reconnaissance (somatotopie) précise que pour la peau, mais ne reconnaît que mal ou très peu les influx d’origine articulaires, musculaires et pratiquement pas les influx provenant des viscères. La corne postérieure de la moelle oriente alors ces différents influx viscéraux tissulaires vers un métamère qui ne correspond pas forcément au métamère du tissu lésé (ainsi la douleur de l’infarctus du myocarde est projetée sur la mâchoire et le bras, et non sur l’aire cardiaque elle-même). Cette douleur projetée est très souvent présente en pathologie vertébrale commune en particulier dans le DIM (dérangement intervertébral mineur) de Robert Maigne par souffrance du trépied fonctionnel de Junghans ( voir chapitre sur les Lombalgies +++ dans le blog ). 
Expérimentalement on peut même reproduire ce type de douleurs référées en injectant chez des sujets sains une solution irritante dans un muscle, une articulation inter apophysaire ou un ligament inter épineux qui va se traduire par une souffrance dans le métamère dont dépend le segment irrité expérimentalement en empruntant les voies de conduction nerveuses, sans que celles-ci soient pour autant le siège d’une pathologie propre. 
Cliniquement, la douleur référée est plutôt de type « brûlure », et se traduit à l’examen clinique par un syndrome métamérique d'origine vertébrale défini par R. Maigne, ou syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique associant cellulalgies cutanées (douleurs localisées dans la peau au pincé-roulé), tendinalgies (douleurs siégeant dans les tendons à différencier des tendinopathies), périostalgies (douleurs osseuses) et cordons myalgiques musculaires dans le territoire métamérique en cause (un métamère est un territoire d'innervation motrice ou sensitive qui dépend d'une racine nerveuse rachidienne) . Toutefois si la douleur associée à un syndrome métamérique est bien référée, l'inverse n'est pas vrai et une douleur référée n’est pas obligatoirement l’expression d’une dysfonction vertébrale. 
Les douleurs rapportées et les douleurs référées peuvent aussi être associées +++ et c’est là que réside toute la difficulté de l’analyse clinique et tout l'art du praticien qui doit démêler cet écheveau. 
La compréhension pour un profane d'une douleur projetée n'étant pas évidente, voici quelques exemples de douleurs projetées, tirés de mon expérience de soignant: 
1er exemple 
Douleurs du poignet gauche évoluant défavorablement depuis une bonne année, chez un gamin d'une douzaine d'années, avec radiographies normales. Pas de notion de traumatisme du poignet, examen clinique articulaire et tendino-musculaire négatif; seuls signes positifs: une cellulalgie (douleurs provoquée au pincé-roulé de la peau) du bord cubital du poignet; présence d'un lasègue cervical qui reproduit la douleur du poignet lorsqu'on positionne le rachis cervical du gamin en inclinaison latérale du côté opposé au poignet; évaluation du poignet strictement normale.
Je demande à l'enfant si par hasard il ne jouait pas avant centre au football? et ce dernier me répond: comment avez vous deviné, je marque beaucoup de buts de la tête.  
L'examen de la colonne cervicale de l'enfant mettait en évidence des signes de dérangement intervertébral (DIM de Robert Maigne) occasionnés par les micro-traumatismes répétés liés aux frappes de la tête, entre C7 (7ème vertèbre cervicale) et T1 (1ère vertèbre dorsale) avec douleur projetée de type référée C8 sur le poignet. 
Des radios de la colonne cervicale ne mettaient en évidence qu'une certaine rigidité de la colonne cervicale basse sur une vue de profil. 
Comme recommandé par la SOFMMOO (société française de médecine manuelle-ostéopathie), les différentes manoeuvres posturales à visée vasculaire,  l'absence d'hyperlaxité globale et l'absence de contre indications techniques (3 directions libres) autorisent un traitement par manipulation vertébrale cervicale élective sur le segment C7/T1 en dérangement qui a fait entièrement disparaître la symptomatologie douloureuse du poignet (cet enfant avait fait le tour de tous les pédiatres d'une grande ville universitaire). 
2ème exemple 
Dame de 60 ans, agricultrice, consulte pour une violente douleur localisée dans le mollet droit qui évolue défavorablement depuis 6 mois, sans notion d'accident aigu traumatique du mollet. 
Elle se présente en consultation avec une ribambelle d'images: échographie et IRM du mollet qui ne montrent aucune lésion et en particulier pas de désinsertion musculo-aponévrotique du muscle Jumeau interne.
Examen clinique du mollet négatif. Signes positifs: présence d'une cellulalgie du mollet, modification du réflexe achilléen droit (hyporéflexie franche), signe de lasègue à 50°, montée sur pointe du pied droit déficitaire par rapport au mollet controlatéral gauche, examen du rachis lombo-sacré en faveur d'un dérangement L5/S1 (dernière vertèbre lombaire et 1ère vertèbre sacrée). 
Conclusion: douleur projetée rapportée (souffrance de la racine nerveuse) d'origine S1 droite (racine inférieure du sciatique) correspondant à une sciatique tronquée (partielle). 
NB: une douleur S1 rapportée peut aussi se projeter (être ressentie) dans l'arrière de la cuisse et être souvent confondue avec une tendinopathie des ischio-jambiers. 
Confirmation de l'hypothèse clinique par des radiographies: discopathie sévère L5/S1.
Devant une contre indication technique à un  traitement par manipulations vertébrales lombo-sacrées (règles de sécurité de Robert Maigne), traitement par infiltration d'Altim qui a fait entièrement disparaître la symptomatologie douloureuse du mollet et a rendu possible un mois après l'infiltration, le suivi ostéopathique nécessaire 3 fois par an pour éviter les récidives. 
3ème exemple
Dame de 50 ans, consulte pour des gonalgies droites sur gonarthrose débutante. A la fin de la consultation m'informe qu'elle va se fait opérer de la vésicule biliaire dans les jours qui suivent; une cholecystographie (imagerie qui opacifie la vésicule) a mis en évidence de gros calculs dans sa vésicule; elle souffre en sous costal droit depuis une bonne année. 
Je lui pose une seule question: aimez vous et mangez vous du chocolat sans restriction? elle répond par l'affirmative, adore ça, en mange tous les jours. 
Je lui demande la permission d''examiner son abdomen, découvre des taches rubis disséminées un peu partout (signes de stase bilière vésiculaire); pas de douleur provoquée à la palpation profonde de la vésicule (absence de signe de Murphy); présence d'une cellulalgie sous costale droite au palpé-roulé, présence à l'examen segmentaire du rachis dorsal d'un dérangement vertébral T6/T7 droit confirmé par des radiographies faîtes le jour même (séquelles de maladie de Scheuermann en T6-T7 et T7/T8). 
Conclusion : douleur projetée référée d'origine dorsale T6/T7 se projetant en sous costal droit. 
Traitement électif par manipulations vertébrales en déroulé dorsal du segment dorsal en dysfonction avec disparition immédiate de la douleur. 
Coup de fil à mon confrère chirurgien ( très étonné mais qui me fait l'amitié de ne pas mettre en doute mon diagnostic et qui convient qu'à la palpation, il n'y avait pas de grosse vésicule, ni d'ailleurs de douleur projetée dans l'omoplate à l'interrogatoire) pour annuler l'intervention. 
Suivi ostéopathique 3 fois par an. 10 ans après cette dame mange toujours du chocolat et des omelettes baveuses. 
4ème exemple
Dame de 38 ans, arrive en clopinant suite à une entorse bénigne de cheville que je diagnostique et soigne. M'informe qu'elle a été opérée d'un fibrome de l'utérus il y a 9 mois mais que les douleurs abdominales sont toujours présentes et aussi incapacitantes. Elle m'apprends qu'avant d'être opérée, elle souffrait de l'abdomen depuis 2 années, et que ses règles n'étaient pas particulièrement abondantes. Un gynéco a rattaché ces douleurs à un fibrome de l'utérus palpable à l'examen clinique, confirmé par une hystérographie (mais sans signes spécifiques des fibromes, en particulier pas de saignements ni de règles abondantes). 
Examen  de l'abdomen: cellulalgie abdominale au pincé-roulé T9/T10 gauche et T10/T11 droite. Examen du rachis: dérangements inter-vertébraux T9/T10 et T10/T11 sur le rachis. Radios: subnormales. Traitement par manipulations vertébrales dorsales électives sur la zone en dysfonction en dérotation à cheval en bout de table et en appui sternal. Disparition immédiate de la douleur abdominale. Suivi ostéo 3 fois par an. Ces douleurs ne sont plus jamais revenues avec un recul de 20 ans.
5ème et dernier exemple
Homme de 50 ans, vétérinaire chef d'un grand centre d'insémination, personnalité éminente de la région, des relations partout, véritable force de la nature, hyperactif.
A ressenti il y a 3 semaines, une douleur brutale sur l'aire précordiale gauche avec angoisse+++.
Hospitalisé en urgence dans le service de cardiologie du CHU et examiné sous toutes les coutures par la crème des cardiologues. Sorti au 16ème jour avec un traitement à visée coronaire,  des douleurs précordiales moins fortes mais toujours présentes et incapacitantes.
Examen cardiaque sans particularité, présence d'une cellulalgie antérieure sur l'aire précordiale et d'une cellulalgie postérieure gauche en bande, 4 travers de doigts en dessous de T5, présence d'un dérangement inter-vertébral dorsal T5/T6 gauche.
Radios: quelques petits signes de dorsarthrose sans particularité.
Traitement par manipulations vertébrales électives sur la zone en dérangement (techniques en Nelson et Déroulé dorsal). Soulagement immédiat. Rififi dans le service cardio hospitalier.
Conclusion:
Ces 5 exemples cliniques de douleurs projetées constituent pour les confrères non spécialisés, de véritables pièges, sources de retard ou d'erreurs diagnostiques, fortement préjudiciables pour celles et ceux qui en sont victimes. Des maux de tête, des vertiges, des nausées, de l'instabilité peuvent être d'origine vertébrale cervicale haute entre C1 et C3; des douleurs ressenties entre les omoplates, sur l'épaule, le coude, le poignet peuvent avoir une origine cervicale entre C4 et T1; des douleurs abdominales peuvent avoir une origine vertébrale dorsale entre T6 et T11; des pubalgies, des douleurs se projetant sur les faces antérieures, internes et postérieures de cuisse, peuvent être d'origine vertébrale entre T12 et S1; un mollet ou un tendon d'Achille douloureux peuvent être d'origine S1; une cheville instable avec entorses externes à répétition peut être d'origine vertébrale L5. Enfin la plupart des tendinopathies et des accidents musculo-aponévrotiques ont des épines irritatives d'origine vertébrale qu'il faut dépister, traiter et surveiller.