mercredi 12 avril 2023

Bases médicales des blessures de surcharge des en Athlétisme


Les 4 facteurs de risques majeurs des blessures de surcharge

1- Le geste technique 

La technique étant de construire des compétences, gagner en liberté d'action et remplir tous les objectifs de l’éducation physique et sportive (EPS), acquérir le bon geste technique en athlétisme est un temps essentiel. Pas de geste technique efficient sans une posture équilibrée pendant son exécution (Jacques Pelgas): regard horizontal et récepteurs labyrinthiques de l’équilibre stables. Par exemple dans les Lancers, l’activation de la chaîne cinétique débute au niveau du sol, se propage aux membres inférieurs et au tronc, où force et vitesse sont générées puis canalisées au niveau de l’épaule. Force et vitesse seront ensuite délivrées au membre supérieur dominant par la fronde scapulaire, avec forte implication du coude jusqu'à la main, puis éjection par la main directrice. Cette chaîne cinétique ne sera efficiente que si le geste technique est maîtrisé et toute défaillance d’un ou plusieurs maillons de cette chaîne cinétique va être source de blessures.

2- Les volumes et charges d’entraînement 

Volumes et charges d’entraînement vont s’avérer redoutablement pathogènes, s’ils s’éloignent de la notion de force utile à chaque discipline de lancer et dépassent les seuils de résistance des structures ostéo-articulaires: disques inter-vertébraux, articulations postérieures vertébrales, cartilages articulaires, ligaments, tendons et muscles périarticulaires. 

3- Le fonctionnement en excentrique des muscles polyarticulaires des membres inférieurs

La bipédie a profondément modifié la statique humaine (syndrome de Lucy). Elle a obligé les muscles polyarticulaires sous-pelviens et de jambes à se mouvoir en excentrique pendant la marche et à la course, avec un inconvénient majeur, le risque de claquage sur 4 groupes musculaires conçus courts à l’origine: les ischio-jambiers et les adducteurs, le droit fémoral du quadriceps, le jumeau interne du mollet. 

4- Les dystrophies tissulaires du SCTM

En se basant sur les travaux anatomiques du Pr Guy Lazorthes sur les nerfs rachidiens, le Dr Robert Maigne a décrit, dans son ouvrage «Les douleurs d’origine vertébrale et leur traitement par manipulations rachidiennes», un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) correspondant à un ensemble de troubles trophiques conduisant, s’ils ne sont pas traités, à des pathologies tendino-périostées et musculaires sur les métamères des branches antérieures des nerfs rachidiens.

Geste technique et blessures

Pour les Docteurs Jean Genety et Elisabeth Brunet-Guedj, la presque totalité des blessures tendino-périostées et musculaires dans les sports de force et les lancers en Athlétisme sont des technopathies, c’est-à-dire des blessures liées au geste technique ou à un dysentraînement par excès de travail de force. C’est très clairement écrit dans leur ouvrage «Traumatologie du sport en pratique médicale courante». En parlant de ce geste technique, mes 2 confrères lyonnais écrivent : «Il obéit à des normes précises relevant de la mécanique du mouvement et de la physiologie articulaire. Le non-respect de ces normes aboutira à des accidents traumatiques ou micro-traumatiques d'autant plus sérieux que les charges d'entraînement seront importantes». Ils citent nommément les lanceurs de javelot et leurs problèmes récurrents d'épaules et de coudes, les haltérophiles et autres pratiquants de musculation lourde et leurs problèmes articulaires et de rachis cervical et lombaire. 

Les secrets du Dr Müller du Bayern de Munich et de la Mannschaft

Si l’on vous dit: Usain Bolt, Linford Christie, Donovan Bailey, Maurice Greene, Carmelita Jeter, Tyson Gay, Yoan Blake, Mike Powel, Ronald Pognon pour ne citer que le gratin de l’Athlétisme mondial, qu’ont-ils en commun tous ces sprinters et ce sauteur en longueur de légende? Celui d'avoir eu des accidents musculaires et tendineux récurrents et d'avoir consulté le Dr Müller, le médecin du Bayern de Munich et de l'équipe d’Allemagne. 

Or, en dehors de traiter les plus grands athlètes de la planète dans sa luxueuse clinique munichoise, qu'a donc de si particulier ce bon docteur? Tout simplement d'avoir compris très tôt qu'il y a un lien à 90% entre accidents tendino-musculaires et colonne vertébrale qu’il traite par des injections para-vertébrales, comme le rapporte Pierre-Jean Vazel dans un article de son blog «Le Docteur Müller plus fort que la douleur des sprinters»

Dans cet article PJ Vazel, l’actuel coach de Quentin Bigot notre meilleur lanceur de marteau du moment, nous dévoile en partie les secrets du médecin allemand qu’il a rencontré à plusieurs reprises du temps où il entraînait quelques-uns des meilleurs athlètes masculins et féminins du sprint hexagonal. PJV écrit: «Le Dr Müller a observé empiriquement que la colonne vertébrale est impliquée dans 90 % des cas de problèmes musculaires. Or Bolt est affligé d'une scoliose qui crée un porte-à-faux sur sa colonne vertébrale et se traduit par une jambe droite plus courte d’1,5 cm et un surcroît de travail sur les ischio-jambiers de sa cuisse gauche. Comme il n’est pas possible de changer la forme de sa colonne, Bolt doit s’entraîner et vivre avec… Depuis deux olympiades, le médecin allemand oblige ce sprinter hors du commun à s’astreindre 3 fois par semaine à des exercices spécifiques pour ses ischio-jambiers et sa colonne vertébrale, à être suivi en permanence par un masseur et à se rendre en moyenne trois fois par an à la clinique». 

En prenant toujours l’exemple d’Usain Bolt (ses dysfonctions vertébrales lombaires basses, la forte contracture de ses muscles para-vertébraux lombaires et ses blessures récurrentes sur les IJ), il est facile de comprendre que la relation entre colonne vertébrale et blessure musculaire est une évidence. 

Evidente aussi la nécessité de traiter à la fois le joint lombo-sacré en dysfonction et la blessure musculaire sous-pelvienne des ischio-jambiers le plus souvent, mais aussi des adducteurs, du droit fémoral du quadriceps et du jumeau interne du mollet, également très affectés par des accidents musculaires récurrents. 

Autre exemple de blessure musculaire des ischio-jambiers en rapport avec la colonne vertébrale

Tout aussi clairement, dans un article sur «l’entraînement des ischio-jambiers du sprinter au-delà du renforcement musculaire», Frédéric Aubert, entraîneur d’athlétisme et préparateur physique des rugbymen du Stade Français, attire l'attention sur la relation entre blessures musculaires des IJ des sprinters et colonne vertébrale. Il écrit: "Il faut porter notre réflexion sur les déviations et agressions de la région sacro-lombaire, susceptibles de provoquer des spasmes et contractures des ischio-jambiers en résonance avec les racines nerveuses du nerf sciatique, pincées ou irritées". Aubert préconise aussi de bannir les efforts anaérobies lactiques la veille de toute compétition de sprint, et d'être vigilant à propos du travail pliométrique en cas de problèmes lombaires bas. Et pour essayer d'en finir avec les blessures chroniques récurrentes des IJ, il propose un programme spécifique ergonomique de prévention qui a fait considérablement chuter le taux de leurs blessures et qui a permis une participation plus dense des sprinters aux compétitions et l’amélioration de leurs records personnels. 

Bases anatomiques des blessures micro-traumatiques de surcharge

1- La colonne vertébrale 

Longue tige osseuse articulée et haubanée, la colonne vertébrale ou rachis est posée sur le socle pelvien et soutient la tête. Elle est constituée de 33 vertèbres: 7 cervicales, 12 dorsales ou thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées (soudées) formant le sacrum et 4 coccygiennes formant le coccyx. 

Ces vertèbres sont reliées entre elles par des disques intervertébraux et forment un axe à 3 courbures qui permet de diviser par 10 les contraintes axiales. Les segments vertébraux des 24 premières vertèbres sont flexibles et mobiles. Les vertèbres du sacrum sont très peu mobiles. Celles du coccyx, restant fixes, sont considérées comme de fausses vertèbres. La moelle épinière est contenue dans le canal médullaire de la colonne vertébrale d’où vont s’échapper les nerfs rachidiens. 

2- Les nerfs rachidiens 

31 paires de racines nerveuses, antérieures motrices et postérieures sensitives (8 paires cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne), se détachent de la moelle épinière et quittent le canal rachidien par les trous de conjugaison latéro-vertébraux ou foramen, pour former les nerfs rachidiens. Ces 31 nerfs rachidiens, nés de l'anastomose d'une racine antérieure et d'une racine postérieure, vont se diviser rapidement en deux branches, une antérieure pour la motricité des membres et une petite branche postérieure pour la motricité et la sensibilité de la région dorsale.

3- Les dermatomes

Un dermatome est une zone de peau innervée par une des deux racines du nerf rachidien qui se détachent des cornes antérieures motrices et postérieures sensitives de la moelle épinière. En clinique, l’examen de ces dermatomes à la recherche de cellulalgies au pincé-roulé va permettre de remonter jusqu’à la dysfonction vertébrale et la racine nerveuse irritée.

                                                                  

1- Le trépied fonctionnel de Junghans

Les pathologies de surcharge de la colonne vertébrale vont affecter la portion mobile du trépied fonctionnel de Junghans qui comprend :

- en avant et entre les deux corps vertébraux, le disque intervertébral avec son nucleus entouré de l’annulus.

- au milieu, le ligament longitudinal postérieur et, placé latéralement, le foramen ou trou de conjugaison d'où vont s'échapper les branches antérieures et postérieures des différents nerfs rachidiens. 

- en arrière, les facettes des articulations interapophysaires postérieures, les apophyses épineuses et le ligament inter-épineux du segment vertébral postérieur.

2- La mobilité rachidienne

Les deux régions anatomiques les plus mobiles sont les rachis cervical et lombaire, placés en début et bout de chaîne. 

Elles seront les régions les plus concernées par les pathologies de surcharge. 

Quant au rachis dorsal, beaucoup plus fixé à cause de la cage thoracique, il ne sera affecté qu’à sa jonction avec le rachis lombaire (zone thoraco-lombaire).

En cervical 

Les joints les plus mobiles  seront les plus exposés : 

- C2/C3 (il est aussi le segment de décompensation des dysfonctions des 2 premiers étages: C0/C1 et C1/C2).

- C3/C4, C4/C5, C5/C6, C7/T1 (ces joints sont ceux qui ont les plus hauts surplombs).

En lombaire 

- La flexion du tronc

Elle contraint le disque intervertébral dont le nucleus va filer vers l’arrière et  constituer une menace pour le nerf rachidien. 

Chez les athlètes de force qui ne sont pas lombalgiques, cette position en antéflexion du tronc est compensée jusqu'à 60° de flexion par la force des spinaux profonds et par le muscle transverse profond de l’abdomen. 

Si l’athlète est lombalgique, les spinaux seront 25% moins fort.

- La rotation lombaire

Elle sollicite le disque en cisaillement et est encore plus délétère pour le disque intervertébral que la flexion du tronc. 

- Les mouvements répétés en extension lombaire forcée

Ils sont particulièrement agressifs pour l'isthme intervertébral.

Parmi les différents joints inter-vertébraux lombaires: 

  • T12/L1 et L1/L2 sont les plus mobiles en rotation 
  • L4/L5 et L5/S1 sont les plus mobiles en flexion/extension. 

Ils seront le siège des principales dysfonctions vertébrales thoraco-lombaires, lombaires et lombo-sacrées. 


                                     

La mobilité lombaire avec ses contraintes sur les articulaires postérieures en extension et sur le disque intervertébral en flexion; la rotation lombaire cisaille le disque et contraint les articulaires postérieures du côté de la rotation.

3- Charges supportées par la colonne vertébrale

De nombreux chercheurs se sont penchés sur l’analyse des charges supportées par la colonne vertébrale. Ils distinguent des forces de compression axiales qui s'exercent sur les disques intervertébraux et essentiellement sur celui situé le plus bas, le disque L5/S1 et des forces de cisaillement qui s'exercent sur les articulations vertébrales postérieures et tout spécialement celles en T12/L1 et sur le massif des articulaires de L5.                         

-  Les forces de compression axiales

En raison du grand nombre de facteurs qui entrent en jeu dans la résistance des vertèbres aux forces de compression axiales, il est très difficile de fixer une limite de chargement ou de poids supportable. Malgré tout, les chercheurs ont pu définir un seuil de tolérance. Le plus connu est celui de la force en compression du NIOSH (National Institute for Occupational Safety and Health, agence fédérale américaine chargée de mener des recherches et de formuler des recommandations pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles). 

Ce seuil de compression a été établi à 3,4 kilo-newton (kN) ou 340 kgf. Jusqu’à cette charge limite, la quasi-totalité des hommes (99 %) et les 3/4 des femmes sont protégés. Le critère acceptable de compression axiale est donc de 340 kilogramme-force (kgf). Au delà de cette charge, il y a risque surtout pour les 2 derniers disques lombaires.                                                  

- Les forces de cisaillement

Les forces de cisaillement au niveau vertébral sont essentiellement supportées par les articulations postérieures. Le critère acceptable de cisaillement est de 1000 Newton ou 100 kgf. Au-delà, il y a risque sur les articulations vertébrales postérieures. Quand les forces de cisaillement sont supérieures à la résistance de l'isthme intervertébral, il se fracture et cette fracture correspond à une spondylolyse de l'isthme intervertébral. Quand la spondylolyse est bilatérale, progressivement la vertèbre du dessus, le plus souvent L5,  va glisser vers l'avant et vers le bas (spondylolisthésis). 

4- Les capacités de résistance des disques intervertébraux lombaires est largement franchie par les athlètes travaillant en force.

Pour un sujet de taille moyenne en position statique debout, Maquet a calculé que la capacité de résistance à des charges axiales peut aller jusqu’à 1200 kg. C’est largement supérieur à la limite de rupture théorique d'un disque sain qui est de 500-800 kg. Cette limite théorique de résistance à des charges axiales de 1200 kg est largement franchie par les lanceurs qui travaillent en force (lanceurs de poids, disque et marteau surtout, mais aussi de javelot). Malgré leurs capacités de résistance vertébrale, la force de leurs muscles spinaux et de leur caisson abdominal profond, les lanceurs finissent par devenir assez rapidement lombalgiques. A noter que la capacité de résistance d'un disque  présentant des lésions dégénératives n’est plus que de 150 kg.

5- Les moyens de compensation des forces de compression et de cisaillement :  

Les meilleurs moyens de compensation sont représentés par les muscles spinaux, le grand dorsal, le fascia thoraco-lombaire, le muscle carré des lombes et la sangle abdominale. En complément des spinaux, rôle majeur également du caisson abdominal profond et plus spécialement du muscle transverse de l’abdomen dont les fibres transversales contournent les viscères, préservent d'une potentielle éventration et protègent l'orifice profond du canal inguinal, dont la faiblesse est une des causes premières des pubalgies vraies.

Rôle du caisson abdominal profond (Bernadette de Gasquet)

Rappelons que le caisson abdominal profond est un ensemble de muscles englobant le diaphragme et les différents muscles du tronc et du bassin. 

Il supporte la colonne lombaire, le bassin et la cage thoracique, participe à leurs mouvements et au maintien de la station debout. Il est fermé en haut par le diaphragme, en bas par les muscles du plancher pelvien (périnée), en arrière par la colonne vertébrale et les muscles spinaux (extenseurs du rachis) et en avant par les muscles abdominaux. Ils sont composés à 95% de fibres dites toniques à activité essentiellement statique. 

Les abdominaux sont disposés en deux plans, un plan superficiel avec les muscles obliques et grands droits de l’abdomen, et un plan profond avec le transverse de l’abdomen. 

Les obliques sont des muscles situés entre le bassin et la cage thoracique. Ils interviennent dans la rétroversion du bassin et la rotation du tronc et participent à sa flexion. Leur contraction rapproche les basses côtes de la ligne médiane du corps. Les grands droits sont les muscles responsables de la flexion globale du tronc et de l'abaissement des côtes. Obliques et grands droits sont antagonistes du transverse de l’abdomen et il faut toujours s'en rappeler lorsqu'on travaille les abdominaux et opter définitivement pour un travail de type isométrique en lieu et place d'un travail dynamique de crunch en flexion et en oblique. Lorsqu'il est activé, le plan superficiel des muscles abdominaux génère aussi une pression sur le périnée et ne doit jamais être sollicité en cas de descente d'organes, de fuites urinaires ou après un accouchement (jamais de crunch en flexion et en oblique dans une rééducation après grossesse).

Le plan profond du transverse de l’abdomen forme la limite antérieure du caisson abdominal profond. Par l’horizontalisation de ses fibres, il est le constituant principal de la ceinture musculaire naturelle de l'abdomen et travaille en synergie avec les muscles du périnée. 

A l’expiration il se contracte légèrement, resserre la taille sur elle-même et permet au diaphragme de remonter vers la cage thoracique. 

Les muscles du plan profond sont tous synergistes et leur travail provoque un effet caisson qui génère une pression autour de la colonne vertébrale et la protège. Cet effet caisson, comparable à un cylindre abdominal, assure la stabilité de la colonne vertébrale lombaire. 

Rôle de poutre composite de l'association rachis lombaire + muscles spinaux + muscle transverse de l’abdomen. 

Les muscles spinaux (multifidus) avec leur structure longitudinale et oblique et le transverse de l’abdomen avec sa structure horizontale jouent également le rôle d'une poutre composite. 

Rappelons qu’en biomécanique une poutre composite est l’association de 2 matériaux différents se partageant les contraintes auxquels ils sont soumis en fonction de leur élasticité propre. 

En clair, rachis lombaire, spinaux et transverse de l’abdomen, à la manière d'une poutre composite, sont capables de mieux résister aux différentes contraintes professionnelles et sportives tout en offrant un maximum de résistance avec un minimum d’encombrement.                                                                            

 1- Le multifidus et le muscle transverse de l’abdomen s’opposent aux forces de compression et de cisaillement.

2- Le caisson abdominal profond est un ensemble fonctionnel englobant le diaphragme et les différents muscles du tronc et du bassin.

Bases lésionnelles des blessures de surcharge

1- Le DIM de Robert Maigne

Dans une dysfonction vertébrale, la théorie lésionnelle dominante est celle du Dr Robert Maigne. Il la désigne sous le terme de "DlM" (dérangement inter-vertébral mineur). Ce dérangement est d’origine mécanique et affecte tout ce qui est mobile au niveau du trépied fonctionnel de Junghans. Son maître symptôme est la douleur qui peut manquer en début d’évolution. Ce dérangement mécanique s’accompagne d’un dérangement fonctionnel sur les étages adjacents et sa base lésionnelle est, dans une majorité de cas, un blocage intra-discal mineur non symptomatique par lui-même, invisible en imagerie, mais symptomatique sur les éléments de voisinage, les branches antérieures et postérieures du nerf rachidien. L’irritation de la branche antérieure du nerf rachidien va être responsable de cellulalgies dans les dermatomes antérieurs et de 3 autres signes dystrophiques tissulaires: tendinalgies, périostalgies et myalgies du syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) de Maigne dans le métamère du nerf rachidien irrité. L’irritation de la branche postérieure va être responsable de cellulalgies dans les dermatomes postérieurs de la peau du dos et de contractures des muscles para-vertébraux.

- Le dépistage d’un DIM est essentiellement clinique

Il se fait en 3 étapes: 

- d’abord par une approche globale de la mobilité régionale rachidienne dans les 6 secteurs de l’espace, par d’éventuelles douleurs provoquées par la mobilisation, et par des restrictions de mobilité qui seront rapportées sur un schéma en étoile à 6 branches. 

- ensuite par une approche analytique au niveau du segment intervertébral en souffrance avec recherche de signes de DIM: douleurs provoquées à la pression des reliefs du segment intervertébral (processus épineux, articulaires postérieures et ligaments sus et inter-épineux). 

- enfin par la recherche de points métamériques.

Le schéma en étoile 

Le Dr Yvon Lesage a décrit un schéma en étoile à 6 branches qui correspond à la mobilité d’une zone rachidienne avec ses 6 directions possibles: F= flexion; E = extension; RD = rotation droite; RG = rotation gauche; LFD = latéro-flexion droite; LFG = latéro-flexion gauche. 

Sur ce schéma en étoile, le clinicien va cocher des traits et des croix plus ou moins rapprochées de l’épicentre. Les traits traduisent une limitation non douloureuse de la mobilité de la zone anatomique examinée et les croix une limitation douloureuse. L’importance des limitations est représentée par le nombre de traits ou de croix (de 1 à 3) et par leur distance avec l’épicentre. 

Les points métamériques

Le Dr Lesage a également décrit des points métamériques très précis sur les membres supérieurs et inférieurs. Ces points métamériques sont électivement douloureux au pincé de peau. Quand ils sont retrouvés à l’examen clinique, ils vont permettre un dépistage rapide d'une dysfonction vertébrale segmentaire (DIM) et d'un SCTPM. 

- Ce DIM est invisible à l’imagerie vertébrale

Un DIM est invisible en imagerie et ne se positivera que bien des années plus tard, sous la forme de discopathies avec aplatissement d’un ou plusieurs disques intervertébraux sur les radiographies conventionnelles, d’une protusion discale ou d’une hernie du nucleus au scanner ou à l’IRM.

Exemple : DIM T12: point de crête sur l’aile iliaque à 6cm de la ligne des épineuses; cellulalgie fessière supérieure au pincé-roulé; examen segmentaire T12-L1 (pression latérale de l’épineuse T12 et point articulaire T12-L1). Images Pr Robert Maigne.

2- Le syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) 

Le SCTPM est la conséquence d’un DIM. Quand la branche antérieure d’un nerf rachidien est très fortement irritée par un conflit chimique ou un conflit disco-radiculaire par hernie discale, cette irritation va s'accompagner de troubles moteurs, sensitifs et réflexes d’une névralgie  sciatique, cruralgie, etc. 

Quand l'irritation de cette branche antérieure est plus à minima, elle va se traduire cliniquement par un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) qui s'exprimera dans le métamère de la branche antérieure irritée et associera de manière inconstante: 

- des plaques de cellulalgies dans certaines zones de peau du dermatome antérieur, douloureuses au palpé-roulé et signe clinique le plus constant.

- des douleurs tendineuses (tendinalgies) appréciées en faisant rouler le tendon en plein corps ou par frictions transversales, très différentes d’une tendinopathie (avec ses stades de Blazina et sa triade clinique).

- des douleurs périostées (périostalgies) provoquées par la palpation, avec aspect grumeleux par exemple de la crête tibiale (métamère L4) ou de la symphyse pubienne (métamère T12), différentes d’une périostite.

- des myalgies correspondant à des modifications de la consistance et de la sensibilité de certains faisceaux musculaires qui prendront l'aspect de cordons grumeleux et douloureux à la palpation, très différentes cliniquement d’une élongation musculaire ou d’un  claquage.

- Principales localisations du SCTM 

Branche antérieure de C5, étage intervertébral C4/C5 :

Cellulalgies (C) sur : fosse sus-épineuse; faces antérieure et externe du bras; faces antérieure et externe de l’avant-bras; bord externe de l'éminence thénar.

Cordons musculaires (CM) sur: deltoïde moyen ou antérieur; petit rond sur la ligne axillaire postérieure; grand dentelé (insertions costales supérieures); rhomboïdes; éminence thénar.

Ténalgies (T): long biceps; supra-épineux et territoire des tendinopathies de la coiffe des rotateurs d’épaule.

Périostalgies (P): articulation acromio-claviculaire; apophyse coracoïde; face antérieure du scaphoïde carpien.

- Branche antérieure de C6, étage C5/C6 :

C :  fosse sus-épineuse; face externe du bras; face antéro-externe de l’avant- bras.

CM : infra-épineux; radiaux; 1er et 2ème inter-osseux dorsaux.

T : insertion distale du sterno-cléido-mastoïdien; long biceps; supra et infra-épineux; V deltoïdien; insertion distale des radiaux; épicondyliens latéraux.

P : articulation sterno-claviculaire; épicondyle latéral; styloïde radiale; bord radial 2ème métacarpe; articulation trapézo-métacarpienne.

- Branche antérieure de C7, étage C6/C7:

C : face postéro-externe épaule, bras et avant-bras.  

CM : deltoïde postérieur et vaste externe du triceps brachial. 

T : épicondyliens latéraux.

P: zone postérieure épicondyle, tête radiale, interligne radio-huméral.

- Branche antérieure T12, étage inter-vertébral T12/L1:

C : point de crête iliaque à 6 cm de la ligne médiane (branche postérieure);  trochanter (perforante latérale); pli de l'aine (branche antérieure). 

CM :  muscles adducteurs

T : adducteurs. 

P: branches et symphyse pubiennes.

- Branche antérieure L4:

C : versant médial para-condylien de la cuisse. 

CM : quadriceps. 

T : patte d’oie. P: tibia. 

- Branche antérieure L5, étage L4/L5:

C : face antéro-externe de jambe. 

M :  tenseur du fascia lata; moyen fessier (avec L4 et S1); faisceaux supérieurs du grand fessier. 

T : biceps fémoral. 

P :  grand trochanter.

- Branche antérieure S1, étage L5/S1:

C : mollet postérieur.

CM :  grand fessier; petit fessier; pyramidal (piriforme); ischio-jambiers internes; jumeaux; soléaire. 

T : achille. 

P : calcanéum latéral et plantaire.

- Les dystrophies tissulaires du SCTPM vont évoluer vers des blessures tendino-périostées et musculaires récurrentes.

Si ces lésions dystrophiques tissulaires métamériques ne sont pas diagnostiquées précocement et traitées, elles vont évoluer pour leur propre compte et se transformer en:

 - tendinopathies d'épaule, coude, poignet, bassin, hanche, genou, cheville.

- périostites (tibiales, pubiennes, etc.) ou fractures de fatigue si les contraintes sont répétées, rythmées et à une intensité inférieure au seuil d'apparition d'une vraie fracture.

- accidents musculaires intrinsèques de gravités diverses qui vont de l'élongation musculaire au claquage sur les ischio-jambiers, le droit fémoral, les adducteurs et le jumeau interne, les fibres musculaires et le tissu fibreux de soutien cassant électivement sur les zones myalgiques de ces 4 groupes musculaires à risques.

- Le lien entre DIM, dystrophies tissulaires du SCTPM et blessures périphériques n’est jamais fait

Comme le lien entre DIM, dystrophies tissulaires du SCTPM et blessures périphériques n’est, à de rares exceptions, jamais fait, la blessure périphérique va devenir récurrente avec, comme toujours en athlétisme, un grand perdant, l’athlète.

3- Comment casser par la thérapeutique le lien entre colonne vertébrale et blessures:

- par les manipulations vertébrales 

Ce sont des manoeuvres orthopédiques très efficaces sur les joints en dysfonction et sur les SCTPM qui en découlent. Compte tenu de leur dangerosité potentielle et des précautions d’emploi, elles ont longtemps été réservées aux seuls médecins. Afin de s’aligner sur les lois européennes, leur utilisation a été étendue en 2002 aux kinésithérapeutes, puis aux ostéopathes non médecins et non kinés, formés dans des écoles privées d’ostéopathie. 

La SOFMMOO (société française de médecine manuelle-orthopédie et ostéopathie) a émis 5 recommandations qui ne s’adressent qu’aux seuls médecins ostéopathes, les ostéopathes exclusifs n’ayant pas été signataires de ce travail. Ces recommandations ont été proposées aux praticiens de médecine manuelle, afin qu’ils puissent, à la lumière d’un diagnostic médical précis, choisir l’acte manipulatif parmi tous les autres traitements et le réaliser eux-mêmes. 

1- avant tout, le médecin manipulateur doit être diplômé d’une faculté de médecine et techniquement très compétent. 

2- après l’obtention du diplôme universitaire de 3ème cycle, un an d’exercice continu des techniques manipulatives est indispensable avant de réaliser des manipulations rachidiennes. 

3- le premier temps de la consultation consiste en un interrogatoire pré-manipulatif qui a pour but de préciser l’existence d’antécédents et d’effets indésirables en lien avec des manipulations vertébrales antérieures (vertiges, état nauséeux, etc). Tout événement indésirable préalable doit faire réfuter une nouvelle manipulation. 

4- un examen clinique neurologique et vasculaire est indispensable avant toute manipulation. 

5- ces manipulations ne peuvent être proposées qu’après l’échec des traitements médicamenteux et physiques habituels. Dans ce cas, elles seront effectuées avec l’accord éclairé du patient à qui on a expliqué de manière simple, loyale et intelligible, en quoi consistent les manipulations et leurs risques. Les manipulations vertébrales cervicales doivent toujours être précédées de tests cliniques vasculaires pré-manipulatifs (test de Klein ou équivalents). 

Ces manipulations vertébrales sont des gestes de haute technicité. Elles doivent être réalisées avec douceur et doigté et avec le moins de rotation possible (agressive sur l’artère vertébrale en cervical, et sur les disques et les articulations vertébrales postérieures à tous les étages). Un suivi médical doit être assuré après leur réalisation. Dans le cas où des manipulations cervicales sont réalisées par un non-médecin, un certificat médical de non contre- indication doit être rédigé avant l’acte manipulait.

- par les techniques sur les tissus mous

Pétrissages profonds, lents et appuyés (sur les quadriceps par exemple), manoeuvres de vibrations ou de pressions punctiformes maintenues 30 secondes ou étirements musculaires (sur les muscles fessiers), et bien d’autres, sont des techniques que les kinésithérapeutes maîtrisent parfaitement. On les associe volontiers aux manipulations vertébrales.

- par d’autres thérapeutiques

Quand les thérapies manuelles ne sont pas suffisamment efficaces pour effacer la dysfonction vertébrale, sa trace mnésique et les dystrophies tissulaires du SCTPM, on leur adjoint un traitement anti-inflammatoire (AINS) et antalgique (paracétamol) ou, si nécessaire, des infiltrations scanno-guidées foraminales ou articulaires postérieures de dérivés cortisonés. 

En l'absence de toute allergie, les infiltrations locales d'anesthésiques type xylocaïne sont efficaces sur les dystrophies tissulaires. 

Six exemples de blessures des membres inférieurs en relation avec la colonne vertébrale lombaire

Médecin d'un club d’athlétisme de mon département, je suis amené à suivre régulièrement des athlètes de toutes disciplines et d'âges divers. Une fin d’après-midi de début de saison, j'ai eu l'occasion d'examiner 5 athlètes dans le local qui me sert d'infirmerie au stade d’athlétisme. 

Voici résumées en quelques lignes ces 5 observations de blessures en rapport avec la colonne vertébrale et une sixième, assez édifiante.

1- Jeune fille de 15 ans, discipline sprints et sauts

A ressenti, au décours d'un entraînement de type fractionné, une douleur qu'elle qualifie d'assez violente sur le devant de la cuisse. Elle cote cette douleur à l'EVA à 7 (sur une échelle de la douleur qui va de 1 à 10). L'impotence fonctionnelle est immédiate. 

L'examen de la colonne lombaire retrouve des signes cliniques de DIM de Robert Maigne en L3/L4, un point métamérique sus-rotulien  L4 et un SCTM dans le métamère L4. 

Diagnostic: claquage du droit fémoral de la cuisse droite intriqué avec un DIM L3/L4 et un SCTPM L4. 

2- Jeune homme de 23 ans, sprinter 

Présente une gène douloureuse du pli de l'aine droit qui l'empêche de se donner à fond et qu'il traîne depuis la reprise de la nouvelle saison d'athlétisme. 

Examen clinique en faveur d'une pubalgie vraie associée à un syndrome de la charnière dorso-lombaire de Robert Maigne: douleur vive à la palpation des branches pubiennes, triade clinique d’une tendionopathie positive (testing des adducteurs en contraction résistée et en étirement, palpation de l’enthèse), palpation de l'orifice inguinal sans particularité, hanches de mobilité symétrique (pas de limitation de la flexion croisée: flexion-adduction-rotation interne), signes de DIM en regard de la charnière thoraco-lombaire T12/L1, point de crête droit à 6 cm de la ligne des épineuses, cellulalgies postérieures fessières supérieures, latérales trochantériennes et antérieures du pli de l’aine.

3- Jeune homme de 35 ans, coureur de demi-fond

Après une interruption de quelques années, a repris vigoureusement l'entraînement de demi-fond depuis quelques mois. Clinique: présente des douleurs sur la crête tibiale gauche avec aspect grumeleux à la palpation, testing des muscles tibiaux antérieur et postérieur et des autres muscles de jambe sans particularités, point métamérique sus-rotulien de Lesage L4, signes de DIM en L3/L4. Diagnostic: périostite tibiale. Intrication avec un DIM et un SCTPM.

4- Adolescent de 15 ans, non encore spécialisé (pratique toutes les disciplines de l'athlétisme).

Doléances: douleurs se projetant sur la rotule à l'impulsion et à la réception en saut en longueur et au triple saut. Examen clinique: pas de syndrome rotulien, palpation du tendon rotulien sensible sur son insertion haute, signes de DIM L3/L4. Diagnostic: ostéochondrose de la pointe de la rotule avec DIM L3/L4 associé. 

5- Etudiant de 24 ans, spécialiste de demi-fond

A travaillé manuellement les mois d'été avec port de charges lourdes. Depuis la reprise de l’entraînement fin août, ressent des douleurs au niveau de la face postérieure des 2 cuisses. Cliniquement: lombalgies intermittentes et présence d’un DIM lombo-sacré avec irradiation à type de sciatalgie bilatérale, prédominante du côté gauche, points métamériques de Lesage S1 gauches, pas de signe de Lasègue, ROT achilléen asymétrique (plus vif du côté gauche). Diagnostic: DIM L5/S1 avec lombo-sciatalgie S1 à bascule.

6- Autre exemple hautement significatif 

Médecin de l'équipe de France d'athlétisme des moins de 18 ans, je suis amené, lors d'un match international, à examiner à la demande d'une de nos kinésithérapeutes, une coureuse de 400m haies se plaignant depuis plusieurs mois de douleurs au niveau de ses IJ droits et traitée pour une entésopathie d'insertion sur la tubérosité ischiatique. Diagnostic après examen clinique: lombo-sciatalgie S1 avec points métamériques S1 de cuisse et de jambe, tendinalgies des IJ (stades de Blazina et triade d’une tendinopathie négatifs) et signes de DIM L5/S1. 

Je traite par AINS, thérapie manuelle sur la dysfonction vertébrale et le SCTPM + soins kiné. Après 24 heures de repos, la sprinteuse peut continuer sa préparation et participer à la course où elle se classe très honorablement. Directives pour surveiller et continuer à traiter cette lombo-sciatalgie à son retour. 

Quelques mois après, aux championnats d'Europe cadets, je retrouve cette même athlète engagée en individuel sur 400m haies et dans le relais où, dernière relayeuse, elle doit courir sur 400 m (ses 3 co-équipières courant sur 100, 200 et 300 m). L’avant-veille des deux finales j’apprends que le diagnostic de lombo-sciatalgie précédemment porté n'a pas été retenu, l’imagerie (radios conventionnelles et scanner), comme on pouvait s’y attendre, n’ayant pas montré de signes de lésions au niveau des 2 derniers étages lombaires. Exacerbées par les courses de qualifications, les douleurs sont bien présentes au niveau de la face postérieure de la cuisse, mais cette fois-ci sur un mode plus aigu, avec légère impulsivité à la toux, signe de Lasègue droit et ROT achilléens asymétriques. Je traite par l'association AINS + antalgiques + kinésithérapie + thérapies manuelles les matins des 2 finales. 

Deux jours après, elle finit 4ème en individuel sur 400m haies et quelques heures plus tard, talonnée en permanence par une concurrente qui ne réussira jamais à la passer, elle fait une course éblouissante sur le tour de piste et remporte avec ses coéquipières le relais qui est sacré champion d'Europe. 

Conclusion sur les bases médicales des blessures de surcharge

Sans connaissance du lien entre dystrophies tissulaires du SCTPM et colonne vertébrale, il n’est pas possible d’en faire le diagnostic clinique, de  traiter par tous moyens médicaux et kinésithérapiques le DIM et le SCTPM avant que ce dernier ne se transforme en blessure tendineuse, périostée ou musculaire et de faire de la prévention. 

 

Le mental en Athlétisme

 

Le mental est, avec le geste technique et l’entraînement physique, le troisième pilier de la performance sportive et une donnée essentielle (Meriem Salmi, psychologue INSEP) dans la quête de l’excellence. Il relève de la génétique et de la personnalité, mais ce côté inné du mental peut quand même être entraîné et très fortement enrichi à partir d’une préparation mentale que dispensent avec bonheur certains psychologues spécialisés, avec l’objectif d’optimiser les performances individuelles. 

Dans le milieu très fermé du rugby des années 70 et 80, le regretté Raoul Barrière, l’immense entraîneur de l’équipe du grand Béziers avec ses 13 titres majeurs en 13 ans, l’avait déjà compris avant tout le monde. Il s’était entouré en son temps des meilleurs spécialistes de médecine sportive et d’un sophrologue qui ont aidé cette génération dorée de joueurs de rugby biterrois à améliorer leur maîtrise de soi et leur capacité de concentration, à gérer le stress et aborder toujours positivement les grands rendez-vous. Plus près de nous, notre meilleur judoka Teddy Rinner et nos plus grands nageurs, Florent Manaudou, Camille Lacourt, Frédéric Bousquet, Fabien Gillot ont été ou sont suivis régulièrement par des psychologues du sport, avec les résultats que l’on sait. Selon Aimé Jacquet, entraîneur de l’équipe de France championne du monde de Football 1998, la force mentale s’appuie sur 3 facultés psychologiques qui interviennent dans la haute performance: l’audace qui fait tenter des choses difficiles et fait appel à la confiance en soi, la persévérance qui demande de la constance, de l’obstination, de l’opiniâtreté et de la ténacité dans l’effort, l’intelligence, la faculté reine, celle qui module audace et persévérance, permet de comprendre vite, de s’adapter facilement et d’être rationnel sans brider son intuition et ses propres sensations.  

La préparation mentale

Avoir du mental est donc la marque de fabrique de nos plus grands champions en athlétisme (Renaud Lavillenie, Kevin Mayer, Mélina Robert-Michon), et c’est là qu’intervient la préparation mentale qui, en accélérant le processus d’optimisation des performances, va rendre l’entraînement physique et technique encore plus efficace et les athlètes plus forts en compétition. Coupler entraînement physique et préparation mentale permet donc d’accélérer considérablement l’évolution positive de la performance et fait progresser l’athlète plus vite. Pour le médecin de terrain cette préparation mentale a également l’avantage, en jouant sur la concentration, de diminuer le risque de blessures macro-traumatiques. Malgré l’intensité de l’entraînement et le stress de la haute compétition, l’athlète reste toujours conscient de ses mouvements et lucide quoi qu'il arrive. 

Dans cette préparation mentale et à côté des entraîneurs, des préparateurs mentaux et des kinésithérapeutes, le médecin de terrain a toute sa place et, comme l’a écrit si joliment DL Poppé, le médecin est avec l’entraîneur le compagnon des mauvais moments; non seulement on compte sur sa compétence et son expérience pour vous tirer d’un mauvais pas, mais aussi sur son humanité, et sur la relation positive et confiante qu’il sait établir avec des gens pressés et stressés.