vendredi 16 février 2018

Réduction sur le terrain de sport d'une luxation antérieure d'épaule

Avec celle du coude, la luxation antérieure d'épaule est la plus fréquente des luxations traumatiques chez un sportif. Son diagnostic est avant tout clinique, les clichés radiographiques de face et de profil ne servant qu'à éliminer une éventuelle lésion osseuse associée (clichés à refaire après réduction).  Sa réduction doit se faire au mieux en milieu hospitalier, après sédation préalable (au protoxyde d'azote par exemple) et bilan vasculo-nerveux comparatif, à refaire après réduction. Il est légitime de tenter de la réduire sur place en plaçant le blessé dans les meilleures conditions possibles, par un opérateur entraîné et si possible licencié de la même fédération que le blessé, si absence de moyens d'évacuation rapide, ou si centre hospitalier trop éloigné.

Cliché radio de face

Cliché de profil

Mécanisme lésionnel 

- suite à une chute sur la paume de la main 

- en position d'armé du bras (Abduction horizontale-rotation externe), contrée par un adversaire

- par choc direct sur le moignon de l’épaule. 

Clinique

– de face : signe de l’épaulette avec perte du galbe de l’épaule, coup de hache externe et abduction irréductible du bras (signe de Berger) 



– de profil : voussure dans le sillon delto-pectoral correspondant à la saillie de la tête humérale luxée. 

Réduction en urgence si pas de moyens d'évacuation, de sédation, de centre hospitalier proche:

1- patient au calme, semi-couché (sur le dos), détendu et relaxé dans une position aussi confortable que possible.

2 - bilan vasculo-nerveux rapide: pouls huméral et radial, mobilité et sensibilité des doigts, sensibilité du moignon de l’épaule.

3 - réduction douce sans contre-traction

I- Méthode Fares +++ (équipe de THESSALONIQUE (Grèce) et publiée dans le Journal Of Bone et Joint Surgery de 2009):



- médecin debout près du patient, du côté de la luxation; la main du patient en pronation est tenue par les deux mains du médecin, membre supérieur en extension-traction par pression longitudinale douce; le membre supérieur est ramené progressivement en abduction par déplacement latéral du praticien  sans contre traction. Réduction en général obtenue autour de 120° d’abduction. 

- après réduction, le patient est mis doucement en rotation interne, main contre le ventre.

- nouveau bilan vasculo-nerveux après réduction.

Immobilisation post réduction

Bandage coude au corps, bras en rotation médiale. 

Durée d’immobilisation: 

- une dizaine de jours chez les patients de plus de 35 ans 
- de quatre à six semaines dans les primo-luxations chez les sujets jeunes. 
Rééducation doit être rapidement débutée à la levée de l’immobilisation afin de lutter contre la raideur.

II- Méthode en rotation externe, coude au corps, main en position intermédiaire ++:
1 - la main gauche de l'opérateur soutient le coude et le maintient contre le flanc
2 - la main maintenue en position intermédiaire est très doucement portée en rotation externe
3 - réduction avec clac caractéristique
4 - coude et axe du bras repositionné en adduction
5 - avant bras et main repositionné contre le ventre

mardi 6 février 2018

Principaux muscles activés dans un travail de gainage

Le gainage est une notion qui a évolué avec le temps:


- 1990, le terme français gainage est né et correspond à une stabilisation active du rachis, sans modification des courbures vertébrales Il s’agit de maintenir la posture par l’activation des muscles profonds. 
- 1992, Panjabi définit le terme de core stability ou de spinal stability, ou de capacité pour les systèmes stabilisateurs à maintenir les zones neutres intervertébrales dans les limites physiologiques. 

- 2005, Liemohn: même définition que Penjabi, mais en précisant que cette stabilisation de la colonne par les 3 systèmes ne sert pas uniquement à maintenir la posture et la station debout, mais est nécessaire durant les actes de la vie quotidienne.

- 2006, Kibleri introduit la relation entre la stabilisation du complexe lombo-pelvi- fémoral (LPF) et la production optimale de force dans les extrémités et donc que la stabilité du LPF est nécessaire à la performance sportive.

Stabilisation de la colonne vertébrale
La stabilisation de la colonne vertébrale est assurée par :
1 - des stabilisateurs passifs: les ligaments et facettes articulaires de la colonne vertébrale qui permettent au rachis de supporter des forces compressives maximales de 90 Newtons. 
2 - des stabilisateurs actifs : les différents muscles du tronc superficiels et profonds et leurs fascias. Lors des activités de la vie quotidienne, le rachis peut subir des charges axiales pouvant atteindre 6000 N, la quasi-totalité étant neutralisée par la musculature du tronc. Sans ce système de stabilisation active, le rachis est naturellement instable.
3 - un système de contrôle neuro-musculaire
Le système stabilisateur superficiel 
Il est composé de fascias et de muscles plus larges et beaucoup plus volumineux que les muscles du système profond et présentent de longs bras de levier, du fait de leur plus grand éloignement de la colonne lombaire. Ils ont un rôle essentiel dans la production de force brute et l'activation musculaire est de type phasique/intermittente comme à la marche par co-contraction musculaire lorsque nécessaire, ou au soulever de charge à partir du sol par activation musculaire dépendante de la direction de la force appliquée. 


Ce système stabilisateur musculaire superficiel comprend les muscles :
- Grands droits de l’abdomen, fléchisseurs du tronc avec rôle important dévolu à la gaine abdominale qui les loge, crée le lien avec les muscles Oblique externe et interne et le Grand pectoral et facilite la transmission des forces à travers l’abdomen.
- Obliques internes, leur contraction unilatérale permet  la Rotation ipsi-latérale du tronc et la Flexion latérale ipsi-latérale du tronc.
- Obliques externes, leur contraction unilatérale permet la Rotation contro-latérale du tronc et la Flexion latérale ipsi-latérale du tronc.
- Carré des lombes,  stabilisateur important de la colonne lombaire de par son architecture: il constitue un système de câbles attachant chaque vertèbre lombaire à la cage thoracique et au bassin; il change très peu de longueur et ce quelque soit le mouvement de la colonne; ce qui suggère qu’il se contracte surtout de façon isométrique (McGill, 1991); il est très sollicité dans le transport unilatéral et bilatéral d’une charge et durant la phase d’appui à la marche. Il fait partie de l'entraînement des hommes forts, les "farmers carry". 
- Longissimus et iliocostal thoraciques : muscles à courtes fibres contractiles avec long tendons orientés parallèlement à la colonne. Leur ligne d’action, parallèle à la colonne, autorise un grand moment de force en extension, avec un minimum de compression sur la colonne, à cause de leur grand bras de levier.
Longissimus et iliocostal lombaires: leur ligne d’action a une direction postérieure et caudale et génère des forces de cisaillement postérieures qui limitent les forces de cisaillement antérieures, présentes lors du mouvement de flexion lombaire.
- Grand dorsal, il est impliqué dans la génération de moments de force d'extension au niveau de la région lombaire à cause de ses insertions d'origine et de son lien avec le fascia thoraco-lombaire. (McGill, 2009). Son rôle stabilisateur est très important lors des différentes tâches nécessitant de soulever ou de tirer une charge.
- Le fascia thoraco-lombaire, c'est une structure critique facilitant le transfert de force entre les membres supérieurs, le tronc et les membres inférieurs (Vleeming et al, 1995). L’activation des muscles grand dorsal et obliques internes, contribue à augmenter la rigidité et donc la stabilité de la colonne lombaire via leurs attaches fasciales (McGill, 2009). A également une fonction proprioceptive. Transverse de l’abdomen, Multifidus, Grand dorsal, Biceps fémoral, Oblique interne, Érecteurs du rachis, s'attachent au fascia directement ou par ses prolongations.
- Muscles fessiers: ils assistent certains muscles du tronc (carré des lombes et obliques) afin de maintenir le bassin en place lors de la phase d’appui à la marche et à la course (Moore et Dalley, 2001). 
Grand fessier, il est extenseur principal de hanche et assiste sa rotation externe (Moore et Dalley, 2001).  
Moyen et petit fessier, action principale: abducteurs de hanche; extrêmement actifs en appui unipodal ou si changements de direction (Moore et Dalley, 2001).
Le système stabilisateur profond du caisson abdominal: 
Ce sont des fascias et des muscles plus petits que les muscles du plan superficiel, avec un court bras de levier dû à leur proximité d'avec la colonne lombaire. Ils sont peu ou pas du tout impliqués dans la production de force. Leur activation musculaire est de type tonique, anticipatoire au mouvement et indépendante de la direction de la force appliquée (sauf pour des forces élevées).
- Transverse de l'abdomen, il a des fibres musculaires horizontales et perpendiculaires à la colonne lombaire, formant une ceinture autour de celle-ci. Son activation est anticipatoire, tonique, indépendante de la direction de la force appliquée (sauf pour des forces élevées). 
Sa contraction augmente la pression intra-abdominale et par conséquent la rigidité et la stabilité de la colonne vertébrale, des articulations sacro-iliaques. son action est assistée par la co-contraction des muscles du plancher pelvien et celle du diaphragme.
- Multifidus, activation anticipatoire, indépendante de la direction de la force appliquée; son rôle est intimement lié à celui du transverse de l’abdomen dont il est le principal antagoniste. Il contrôle la zone neutre dans le plan frontal et sagittal; augmente la rigidité inter-segmentaire au niveau des vertèbres lombaires (plus spécifiquement au niveau L4-L5); contrôle les forces de cisaillement au niveau des vertèbres lombaires. Il génère un moment de force d'extenseur beaucoup plus faible que les longissimus et ilio-costal à cause de son bras de levier beaucoup plus court. Paul Hodges a démontré par des études électromyographiques que transverse et mutifidus avaient probablement un rôle majeur de stabilisation du rachis lombaire quand il précède tout mouvement des membres. Il a démontré chez l’adulte sain, une préactivation de ces deux muscles 30 ms avant un mouvement des membres supéreurs et 110 ms avant un mouvement des membres inférieurs. Il a également démontré le rôle de ces deux muscles dans le contrôle des translations et des rotations des vertèbres lombaires lors du mouvement. 
Diaphragme et muscles du plancher pelvien, activation anticipatoire, tonique, indépendante de la direction de la force appliquée. Rôle : le diaphragme augmente la rigidité inter- segmentaire au niveau des vertèbres lombaires; les muscles du plancher pelvien augmentent la rigidité des articulations sacro-iliaques. 


L'entraînement au gainage doit solliciter l'ensemble des chaînes musculaires antérieure, postérieure et latérale


Bibliographie: Jonathan Pelletier Ouellet,

lundi 5 février 2018

Le fascia thoraco-lombaire, son implication dans les lombalgies

Généralités
Les fascias sont les organes sensoriels, les plus étendus du corps humain. Des recherches récentes ont mis en évidence la richesse de leur innervation et leur implication dans la proprioception, la nociception et l’intéroception qui permettent de comprendre et aussi de valider les thérapeutiques  manuelles et l'acupuncture [1]. Les preuves scientifiques en faveur de cette extrême sensibilité fasciale ont indéniablement stimulé la recherche sur l'ensemble des fascias du corps humain et certains auteurs suggèrent que ces thérapies pourraient être indiquées autant dans le traitement des pathologies à dominante proprioceptive (lombalgies, douleurs musculaires, etc), qu'à dominante nociceptive (fibromyalgie, douleurs chroniques), ou intéroceptive (anxiété, syndrome du côlon irritable) et viennent étayer l’idée qu'ils pourraient même représenter le trait d’union entre le corps et le psychisme. 
Anatomie
Il correspond, selon l'Académie nationale de médecine, à la lame tendineuse d’insertion du muscle grand dorsal (musculus latissimus dorsi). 

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Triangulaire à base interne sur cette vue postérieure, il s’insère par sa base médiale sur les processus épineux de la septième vertèbre thoracique à la dernière vertèbre sacrée, sur les ligaments interépineux correspondants et sur le tiers postérieur de la crête iliaque. Il est recouvert en haut par le muscle trapèze et recouvre le muscle dentelé postérieur et inférieur, le muscle oblique interne de l’abdomen et les muscles spinaux. 
En coupe transversale, il est  constitué de 3 feuillets. Dans la région lombaire, il est épais et enveloppe la masse commune des paravertébraux. Il forme une seconde enveloppe pour le carré des lombes. Il se confond latéralement avec le muscle transverse et en superficie avec les insertions médiales des muscles grand dorsal et dentelé postéro inférieur. Richement innervé, le fascia postérieur est souvent le siège de douleurs.
Innervation
Dans un fascia, on retrouve deux grandes familles de récepteurs [3] :
- 20% sont des mécanorécepteurs de type I et II (Golgi, corpuscules de Pacini et Paciniformes, organes de Ruffini). Situés dans les jonctions myotendineuses, les zones d’insertion aponévrotique, les ligaments, le périoste ou encore les capsules articulaires, ces récepteurs sensibles à l’étirement, à la contraction ou encore aux pressions et tractions mécaniques jouent un rôle essentiel dans la proprioception, la coordination et l’organisation du mouvement. 
- 80% sont des récepteurs intrafasciaux interstitiels de type III et IV dont la grande majorité est non myélinisée. Ce très grand nombre de fibres non myélinisées suggère que le système myofascial est fortement impliqué dans les processus d’autorégulation du corps (régulation de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque et de la respiration), dans la nociception et l’intéroception. 
Rôle dans les douleurs aigües et chroniques
A cause de cette riche innervation, les fascias jouent un rôle essentiel dans la douleur  aigüe et chronique. Des terminaisons libres ont été identifiées dans les fascias dont la stimulation semble générer des douleurs distinctes de la douleur cutanée ou musculaire. 
Lorsqu'on crée expérimentalement de l'inflammation dans le fascia thoraco-lombaire on induit des douleurs au niveau lombaire et dans le membre inférieur. Une implication du fascia dans la douleur chronique et dans les phénomènes de sensibilisation centrale est évoquée par certains auteurs donnant une perspective nouvelle aux douleurs telles que la fibromyalgie [5]. 
L'intéroception ou quand le corps parle au cerveau et vice versa (source wikipedia)
L’intéroception est la capacité à évaluer de manière exacte son activité physiologique (par exemple son rythme cardiaque). Cette prédisposition est l’expression de l’activité de différentes régions corticales : le cortex pariétal somato-sensoriel, frontal et insulaire, le gyrus cingulaire. La capacité à ressentir les états internes interagit avec la cognition et les émotions. Un niveau élevé d’intéroception prédit des émotions plus fortes, condition importante pour les changements de comportement. Certains facteurs de vulnérabilité, comme la difficulté à décrire ses sentiments à autrui, sont liés à un niveau d’intéroception faible. Une faible intéroception est également liée à des distorsions de l’image corporelle.
Trois différents types d’intéroception peuvent être distingués : la précision intéroceptive (interoceptive accuracy), la sensibilité intéroceptive (interoceptive sensibility) et la conscience intéroceptive (interoceptive awareness).
Le terme intéroception, principalement dans le domaine de la physiologie, se réfère à l'information afférente des viscères, comme le cœur et le tractus gastro-intestinal d'une part, mais aussi des systèmes respiratoires et génito-urinaire, qui affecte la cognition ou le comportement d'un organisme, avec ou sans prise de conscience.
Sherrington utilise d'abord le terme « intérocepteur » pour désigner les récepteurs des nerfs sensoriels pour les stimuli qui proviennent de l'intérieur du corps. Les définitions plus récentes d’intérocepteur affirment que c’est une « cellule spécialisée qui répond et transmet des stimuli à des organes, les muscles, les vaisseaux sanguins internes et le labyrinthe de l'oreille. On peut dire que «le corps parle au cerveau» et, en même temps, dans l'autre sens, que le cerveau interagit avec le corps.
Fascia et intéroception
L’intéroception se définissant comme la sensibilité intérieure dévolue à la perception des sensations de base telles que la température, la faim ou la soif, on attribue également à cette sensibilité un rôle essentiel dans la conscience de soi et les activités émotionnelles et cognitives. Mais les informations intéroceptives ne proviennent pas uniquement des viscères et des vaisseaux mais sont aussi issues de l’ensemble du système myofascial avec sept terminaisons intéroceptives pour une terminaison proprioceptive dans la musculature. Pour certains auteurs, le système musculo - squelettique entier, comme la peau humaine, pourrait contribuer pleinement à la conscience de soi, à la construction du lien social et des interactions humaines [4]. 
Applications thérapeutiques
Ces données récentes sur la sensibilité fasciale ouvrent des perspectives intéressantes pour comprendre l’implication du tissu fascial dans des pathologies aussi diverses que les douleurs mécaniques ou chroniques ou pour certains auteurs dans l’anxiété, en raison de leur connexion intime avec le système nerveux, les fascias participeraient à l’équilibre somato-psychique. Leur dysfonction (crispations, raideur, adhérences et pertes de glissement) est potentiellement pourvoyeuses de douleurs, de perturbations fonctionnelles et de troubles de la perception du corps et de soi. Les thérapies manuelles constituent une voie plausible et rationnelle pour traiter les pathologies du système locomoteur, des syndromes médicalement inexpliqués encore appelés somatisations et les aspects psychosociaux associés à ces pathologies (anxiété, dépression, stress). 
Bibliographie
[1] Schleip R, Jäger H. Interoception. A new correlate for intricate connections between fascial receptors, emotion, and self recognition.In : Schleip R, Chaitow L,.Findley TW, Huijing P. Fascia : The Tensional Network of the Human Body; Churchill Livingstone Elsevier; 2012. 
[2] Bois D. De la fasciathérapie à la somato- psychopédagogie : analyse biographique du processus d’émergence de nouvelles disciplines. Revue Réciprocités du CERAP. 2008; n°2: 6-18. 
[3] Van de Wal J.C. Proprioception.In : Schleip R, Chaitow L,.Findley TW, Huijing P. Fascia : The Tensional Network of the Human Body; Churchill Livingstone Elsevier; 2012. 
[4] Calcius J., De Bie J., Hertogen R., Meesen R. (2016). Touching the Lived Body in Patients with Medically Unexplained Symptoms. How an Integration of Hands-on Bodywork and Body Awareness in Psychotherapy may Help People with Alexithymia. Front. Psychol. 7:253. doi: 10.3389/fpsyg.2016.00253. 
[5] Dupuis C. Étude exploratoire des effets de la fasciathérapie sur la douleur de patients fibromyalgiques. Mains Libres, 2016; n°1: 49-57.
[6] Courraud, C. Apports de la pratique de la fasciathérapie à l’exercice de la physiothérapie : le point de vue des praticiens. Mains Libres, 2016; n°3: 49-58. 

Données nouvelles sur les fascias et leurs applications pratiques en Médecine physique (Thérapeutiques manuelles et Acupuncture)

Les fascias (3ème Fascia Research Congress) sont partie prenante de tous les grands systèmes corporels (cardio-vasculaire, respiratoire, gatro-intestinal, musculo-squelettique et neurologique) et la connaissance de leur rôle présente un intérêt certain pour tous les thérapeutes et tout particulièrement pour le système musculo-squelettique.
Regard neuf sur les cinq fonctions des fascias
1 - d'abord continuité des fascia 
Cette continuité à travers tous les muscles du corps, suggère une unité fonctionnelle myo-fasciale.
2 - grâce aux connexions myofasciales
30% de la force déployée par la contraction musculaire est transmise par le secteur extramusculaire (épimysium) et non par le tendon. Le rôle des fascias est de répartir et disperser la force musculaire vers les différents muscles synergistes et antagonistes. La force musculaire ainsi transmise localement et à distance peut modifier la tension ou l’étirement de muscles éloignés (système de tension réciproque).
3 - implication du fascia dans la mécanotransduction 
la force mécanique myofasciale  transmise au niveau tissulaire et cellulaire, affecte le fonctionnement biologique (mécano - transduction). Les fibroblastes composant les fascia participent à la synthèse et au remodelage de la matrice extra-cellulaire, et changent de forme en fonction des tensions et des forces transmises à travers le réseau fascial. La répétition des contraintes mécaniques sur ces fibroblastes est susceptible d’induire ainsi des changements dans le remodelage tissulaire (cicatrisation) et la sécrétion de médiateurs de l’inflammation.
4 - capacité de glissement du tissu fascial sur lui même glissement bien visible en échographie et fonction de l'hydratation, cette dernière en rapport avec la production d’acide hyaluronique par les fascias profond. Cet acide hyaluronique favorisant le glissement entre le muscle et ses fascias et entre les différentes unités motrices. Toute altération de la production d’acide hyaluronique va se traduire par un défaut de glissement du muscle qui va entraîner des troubles de la sensibilité et des douleurs myofasciales.
Rappelons que les fascias sont organisés en couches qui ménagent des interfaces qui permettent le mouvement (le fascia sous cutané glisse sur le fascia profond et le muscle se contracte grâce aux glissements entre fascia profond et épimysium). 
Ces glissements que l'on retrouve retrouve à tous les niveaux d’organisation du système musculo-squelettique, sont possibles grâce à un système  visco-élastique qui se comporte comme un gel qui lubrifie et absorbe les forces de cisaillement et permet un mouvement sans friction (système coulissant). 
5 - existence d’une innervation fasciale
on sait de longue date que les fascias sont impliqués dans les douleurs de la fasciite plantaire, du syndrome des loges ou des trigger points myofasciaux. Moins connu, certaines lombalgies auraient pour origine le fascia thoraco-lombaire, en rapport avec la dégénérescence de ce fascia et l'activation de leurs récepteurs intra-fasciaux et de leurs fibres afférentes nociceptives et sympathiques. 
Terminaisons nociceptives et sympathiques également observées autour des vaisseaux qui pourraient expliquer les douleurs ischémiques, mais aussi identification de récepteurs proprioceptifs de Ruffini et de Pacini dans diverses expansions fasciales ou localisés dans des zones de transmission de la force myo-fasciale (fuseaux musculaires) suggérant une fonction proprioceptive statique et dynamique. Il n’y aurait ainsi pas de division claire entre les terminaisons nerveuses musculaires et ligamentaires ou fasciales, toute contraction musculaire entraînant un étirement simultané du tissu fascial. Tout dysfonctionnement des structures fasciales peut alors potentiellement jouer un rôle important dans la douleur,influencer la proprioception. Présence aussi dans les fascias, d'innombrables intérocepteurs et  de leur rôle dans les douleurs sine materia comme la fibromyalgie et les douleurs dîtes psychogènes, ce terme devant disparaître à tout jamais.
Blessures et fascia
L’inflammation après lésion pourrait avoir un rôle dans la modification du tissu fascial. La production de substances inflammatoires, combinée à un environnement tendu peuvent entraîner l’activation des fibroblastes (cellules des fascias et du tissu conjonctif général) en myo-fibroblastes créant des modifications de l’expression des gènes et entraînant des changements dans la matrice extracellulaire (altération de la production d’acide hyaluronique). Cela peut entraîner une restriction dans le fascia, conduisant à une modification de la force et de la contraction musculaire. Ces processus peuvent également contribuer à la diminution du mouvement entre les couches fasciales. Avec le temps, ces changements biomécaniques pourraient conduire à une diminution de la force et de la coordination et finalement conduire à des douleurs et du dysfonctionnement.
Ces mécanismes physiopathologiques peuvent expliquer certaines pathologies telles que la fibromyalgie ou certaines lésions musculo-squelettiques avec altération de la proprioception. 
Traitement
Si des altérations des fascias peuvent causer douleurs et dysfonctionnements, l’effet des thérapeutiques manuelles (massages superficiels et profonds, mobilisations, étirements, manipulations vertébrales) pourrait être expliqué par la restauration de l’état physiologique des fascias  : rétablissement de la mobilité par réoptimisation de la distribution des lignes de force dans les fascias, normalisation de la morphologie des fibroblastes et atténuation des réponses inflammatoires, action sur la production d’acide hyaluronique et les propriétés de glissement, changements immédiats et retardés au niveau cellulaire.
Validation aussi de l'acupunture : les stimuli mécaniques par acupuncture pourraient induire un remodelage de la matrice extracellulaire et contrecarrer tout dysfonctionnement du fascia. 
Mais nécessité quand même de conduire d‘autres recherches sur la façon dont les fascias peuvent être traités par l’exercice physique, les médicaments ou la chirurgie.
Discussion 
La médecine physique relève du modèle biomédical fondé sur les preuves. De nouvelles recherches seront ainsi nécessaires pour compléter les expériences des thérapeutes qui traitent les troubles musculo-squelettiques, mais aussi de se pencher de plus en plus sur le réseau fascial qui  fournira bientôt des informations importantes susceptibles de changer la pratique clinique : lorsque la structure et les fonctions du fascia seront élucidées, la physio-pathologie de nombreux troubles musculo-squelettiques dont la fibro-myalgie et leurs conséquences pourront être mieux expliquées et les stratégies de traitement, optimisées. 
Conclusion
Les fascias ne sont pas seulement une structure anatomique mais un concept qui peut amener un changement de perspective sur la façon dont fonctionne le système musculo-squelettique et plus de 100 ans après c'est aussi reconnaître, moi qui suis et reste un inconditionnel du Pr Robert Maigne et de son remarquable enseignement sur les manipulations vertébrales, qu' A. T. Still, fondateur de la médecine ostéopathique (que mon bon maître n'avait jamais manqué de critiquer), était dans le vrai quand il avait attribué dans sa pratique clinique, un rôle essentiel au système fascial.