Avis à lire par tous les lecteurs:

Les premiers articles du blog "Un médecin du sport vous informe" datent de 2013, mais la plupart sont mis à jour pour pouvoir coller aux progrè médicaux. Ce blog inter-actif répond à la demande de nombreux confrères, kinésithérapeutes, étudiants en médecine et en STAPS, patients et sportifs. Il est le reflet de connaissances acquises tout le long de ma vie professionnelle, auprès d'enseignants remarquables, connaissances sans cesse actualisées que je me suis efforcé de rendre accessibles au plus grand nombre par le biais d’images trouvées sur le Net, images qui sont devenues par la force des choses, la propriété intellectuelle de tous; si cela dérange, ces images seront retirées.

Certains articles peuvent apparaître un peu plus polémiques que d'autres et indisposer, mais il n'est pas question pour l'auteur de tergiverser ou de se taire, quand il s'agit de problèmes d'éthique, en particulier en matière de dopage et quand la santé des sportifs est en jeu, compte tenu du nombre élevé de blessures liées au surentraînement et à une pratique imbécile d'une certaine musculation, qui n'est plus au service de la vitesse et de la force explosive utile (et non de la force maximale brute), qui sont les deux qualités physiques reines, qui ne respecte pas les règles de la physiologie musculaire et qui, au lieu d'optimiser la performance, fait ressembler certains sportifs body-buildés à l'extrême, davantage à des bêtes de foire gavées aux anabolisants, qu’à des athlètes de haut niveau.

Ce blog majoritairement consacré à la traumatologie sportive, est dédié à mes maîtres les Prs Jacques Rodineau, Gérard Saillant et à tous les enseignants du DU de traumatologie du sport de Paris VI Pitié Salpétrière et en particulier aux docteurs Jean Baptiste Courroy, Mireille Peyre et Sylvie Besch. L'évaluation clinique y tient une grande place: "la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique" et s'il y a une chose à retenir de leur enseignement, c'est que dans l'établissement d'un diagnostic, l'examen clinique, qui vient à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément incontournable de la démarche médicale. Toutefois dans le sport de haut niveau et guidé par la clinique, l'imagerie moderne est incontournable : radiographie conventionnelle, système EOS en trois dimensions pour les troubles de la statique rachidienne, échographie avec un appareillage moderne et des confrères bien formés, scanner incontournable dans tous les problèmes osseux et enfin IRM 3 Tesla, le Tesla étant l'unité de mesure qui définit le champ magnétique d'un aimant; plus le chiffre de Tesla est élevé et plus le champ magnétique est puissant ("à haut champ") et plus les détails des images sont fins et la qualité optimale.

Hommage aussi au Pr Robert Maigne et à son école de médecine manuelle de l'Hôtel Dieu de Paris ou j'ai fais mes classes et actuellement dirigée par son fils, le Dr Jean Yves Maigne. Je n'oublie pas non plus le GETM (groupe d'étude des thérapeutiques manuelles) fondé par le Dr Eric de Winter et ses enseignants, tous des passionnés; j'y ai peaufiné mes techniques et enseigné la médecine manuelle-ostéopathie pendant 10 années.

Dr Louis Pallure, médecin des hôpitaux, spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation, médecin de médecine et traumatologie du sport et de médecine manuelle-ostéopathie, Pr de sport et musculation DE, ex médecin Athlé 66, comité départemental 66, ligue Occitanie et Fédération Française d’Athlétisme, médecin Etoile Oignies Athlétisme.

mardi 4 avril 2023

Les Lancers en Athlétisme

Un lanceur de haut niveau est un athlète avec une intelligence motrice supérieure à celle des autres spécialités de l’Athlétisme (Didier L Poppé, entraîneur d’athlétisme). Cette intelligence motrice peut se définir «comme l'activité du corps incluant la conscience et les sensations, comme la pensée est l'activité de l'esprit. Elle construit les savoirs et connaissances propres aux différents domaines de la motricité» (Alain Piron, revue EPS). Intelligence motrice que les professeurs d'EPS doivent développer chez tout enfant scolarisé et les entraîneurs de lancer, amener à leur quintessence. Le socle de cette intelligence motrice est la sensori-motricité du mouvement. A partir de ce socle, elle se met en place par étapes successives de construction et de stabilisation, avec participation active de la mémoire et de l’expérience afin de différencier ce qui permet la réussite de ce qui provoque l’échec, puis intégration du fruit de cette différenciation par exploration des extrêmes et ajustement progressif des réponses. Sur le plan musculaire, les 4 lancers mettent en jeu une chaîne prioritaire qui nécessite un alignement jambe-cuisse-bassin-tronc qui n’admet aucune rupture et va se traduire par le placement du bassin en rétroversion et une ligne solide qui passe par le pied, le genou, la hanche, l’hémi-bassin gauche et l’épaule droite chez un droitier. Si lancer loin est l'apanage d'un tout petit nombre, c'est avant tout lancer bien. L'acquisition du geste technique juste étroitement lié aux qualités de force-vitesse, de coordination, d'adresse et de souplesse est fondamentale chez un lanceur et loin d'être un long fleuve tranquille. Avoir un gabarit hors norme est un plus indéniable, mais sans la bonne gestuelle technique, un entraînement physique général et spécifique acharné et un mental à toute épreuve, cet avantage naturel va disparaître.Les contraintes articulaires et rachidiennes pour acquérir l'indispensable force explosive allant au delà des seuils physiologiques de résistance ostéo-articulaire, la blessure est omniprésente à très haut niveau; d'où l'impérieuse nécessité d'un encadrement médical de terrain de qualité (médecins et kinésithérapeutes du sport). 

1- Les 4 lancers

Les lancers en athlétisme sont au nombre de 4: poids, disque, javelot et marteau. L’objectif pour tout lanceur est d'envoyer ces 4 mobiles le plus loin possible et chaque lancer est une performance de force élastique réalisable uniquement parce qu’elle est la résultante d’un entraînement général et spécifique et qu’elle est déterminée par les tendances génétiques et les prédispositions. Et comme si c’était le résultat d’un long processus de développement onto et phylogénétique, l’organisme humain est capable d’accomplir un geste technique de lancer reproductible et adaptable, rarement rencontré dans la vie courante, qui demande un maximum de précision et, dans un temps très court, de fiabilité motrice avec un optimum de vitesse motrice et dans l’action, avec un minimum de dépense énergétique (E. Arbeit, K. Bartonietz et L. Hillebrand). Chacun des 4 lancers se caractérise par une phase de lancement dont le temps essentiel est une accélération progressive à l'intérieur de l'aire de lancer et une phase d’envol dont la hauteur par rapport au sol et la distance seront fonction de la morphologie du lanceur, de ses qualités musculaires, de son niveau technique et de l'angle d'envol par rapport au sol. Cet angle d’envol est de l’ordre de 42° pour le poids, 35° pour le disque, 34° pour le javelot et 42°-44° pour le marteau (Olivier Rambaud et Didier Poppé).

2- Un peu d’histoire 

Le lancer de poids 

Il est connu depuis l’Antiquité. Celui mesuré à Olympie avec la pierre de Bybon n’a que très peu de rapport avec la pratique contemporaine. A partir du XIIème siècle, il fait son apparition dans l’éducation des jeunes princes britanniques. Ce n’est qu'au XIXème siècle que le poids a pris la forme sphérique que nous lui connaissons aujourd’hui et que sa masse a été officialisée à 7,260 kg pour les hommes, en référence au poids du boulet de canon utilisé dans l’artillerie, et celle des femmes à 4 kg. 

Le lanceur lance d'une seule main, poids au contact avec le cou tout au long du déplacement à l’intérieur d’un cercle de 2,135 m de diamètre et suivant deux techniques de lancer. 

La technique traditionnelle en translation d’O’Brien est utilisée encore de nos jours par un grand nombre de lanceurs et lanceuses (Ulf Timmermann, 23,06 m; Werner Günthör, 22,75 m et un de mes lanceurs de poids préféré; Gaëtan Bucki, 20,39 m; Yves Brouzet, 20,20 m; Pierre Colnard, 19,77 m; Arnjolt Beer, 19,76 m; Luc Viudès, 19,67 m; Valérie Adams, 21,24 m; Laurence Manfrédi, 18,69 m et record de France; Jessica Cérival, 17,99m). 

Celle en rotation de Baryshnikov est actuellement dominante chez les meilleurs lanceurs hexagonaux (Frédéric Dagée, 20,75 m et nouveau record de France d'athlétisme en salle; Yves Niaré, 20,72 m; Tumataï Dauphin, 20,10 m; Antoine Duponchel, 19,34 m) et mondiaux (Ryan Crouser, 23,37 m et nouveau record du monde; Randy Barnes, 23,12 m; Joe Kovacs, 22,91 m; Tomas Walsh, 22,90 m). Compte tenu du déplacement plus grand de l’engin et d'une phase d’accélération plus importante, la rotation est d'un niveau technique supérieur à la translation. 

Pour Didier Poppé, la vitesse de projection est le paramètre le plus important dans la réalisation de la performance, et, en ce qui concerne les meilleurs lanceurs mondiaux, elle dépasse 14m/sec. De grandes capacités de force seront nécessaires pour accélérer à ce point la masse relativement importante de l'engin, avant tout la force maximale mais aussi la puissance et la force de poussée spécifique. La vitesse d'action sera également un élément important de la performance au lancer du poids, elle sera obtenue principalement grâce à la force d'extension des muscles des jambes, du tronc et du bras. 

Toutes ces forces doivent être coordonnées en un temps très bref de manière à agir de manière optimale le long du court chemin d'accélération de l’engin. Pour Art Vénégas et une majorité d’entraîneurs américains, la force est mieux exploitée avec la technique en rotation qu’avec la technique traditionnelle en translation. Introduite idéalement dès l’âge de 13-14 ans avant même que les lanceurs de poids débutants dominent la technique traditionnelle, elle est moins traumatisante et peut être poursuivie à très haut niveau jusqu’à la quarantaine et même au delà.   

Cette technique en rotation présente l’avantage mécanique d’un long chemin d’accélération, d’une meilleure poussée de la jambe à l’avant du cercle et de bonnes qualités rythmiques pendant l’exécution du mouvement. Elle permet par ailleurs à des lanceurs de poids de taille et de force moyenne d’obtenir aussi de bonnes performances. Et l’entraîneur américain Art Vénégas de citer en particulier Mike Spiritoso : 20,83 m pour 1 taille de 176 cm et 103 kilos de poids de corps; Brian Muir : 20,58 m pour 190 cm et 105 kilos et seulement 210 kg en squat, 145 kg au développé-couché et en épaulé. En comparaison, John Brenner avec la technique traditionnelle en translation lançait le poids à 21, 92 m pour une taille de 192 cm, un poids de corps de 132 kg et des records assez impressionnants de 325 kg en squat, 220 kg au développé-couché et 185 kg à l’épaulé. Sur le plan médical, le lancer en rotation nécessitant moins de force brute est beaucoup moins traumatisant que le lancer de poids traditionnel en translation. Il est aussi bien adapté aux lanceurs de taille moyenne avec des poids de corps autour de 100 kilos. Il pourrait même intéresser les spécialistes des épreuves combinées qui doivent gérer des qualités physiques autres que la force. Biomécaniquement plus complexe mais beaucoup plus explosif il fait davantage participer l’ordinateur central cérébral par le biais de la sensori-motricité.

Le lancer de disque

Il est une des plus anciennes formes de compétition athlétique et à ses origines dans la Haute Antiquité grecque le disque était en pierre et le lancer de disque dans une statue représentait leur idéal de beauté. Réalisé habilement avec une bonne technique c’est un mouvement d’une grande beauté esthétique. Mais à cause de sa complexité, la qualité technique est le facteur dominant dans la performance. 

De nos jours, il est en bois ou en métal et entouré d’une jante métallique. Sa masse est de 2 kg pour les hommes (Daniel Stahl, 67,59 m aux mondiaux de Doha; Jean Claude Retel, 68,90 m et record de France; Lolassonn Djouhan, 66,66 m; Tom Reux, 60,46 m; Pierre Alard, 55,32 m) et de 1 kg pour les femmes (Yaimé Pérez Tellez, 69,17m à Doha; Mélina Robert Michon, 66,73 m et record de France, entraînée par Serge Debié). Saluons au passage ce formidable lanceur de disque que fut l’américain Al Oerter qui restera dans l'histoire de l'athlétisme comme le premier athlète à avoir conquis quatre médailles d'or olympiques consécutives dans la même épreuve individuelle du lancer de disque (une performance que seul Carl Lewis rééditera au saut en longueur). 

Pour Didier Poppé, la technique du lancer du disque est souvent considérée par les experts comme la plus difficile des 4 lancers à réaliser mais aussi la plus difficile à enseigner. L’enchaînement des actions depuis la position de départ dos au lancer débute déjà par un pivot sur l’avant-plante du pied gauche particulièrement délicat à négocier pour permettre une prise de vitesse initiale tout en gardant la possibilité de déclencher une prise d’avance des appuis vers le centre du cercle. 

Ensuite, à la reprise d’appui pied droit, la qualité du pivot de ce dernier sera capitale pour permettre au lanceur de se retrouver dans la position la plus favorable et la plus efficace pour achever son lancer par la frappe finale du bras lanceur sur le côté. 

La maîtrise de ces deux pivots très différents est donc absolument essentielle pour permettre au lanceur de pouvoir disposer de toutes les forces et de toutes les accélérations qu’il est susceptible de mettre en jeu. Or, bien trop souvent on constate que ce travail des pivots est négligé chez les débutants où l’on privilégie des situations et des sensations basées sur le lancer sans élan (d’ailleurs souvent mal réalisé lui aussi), mais aussi, et c’est peut être plus inquiétant quant à la compréhension même des aspects mécaniques du geste, par des entraîneurs et des athlètes dits de haut niveau où l’on privilégie parfois la force ou la vitesse au détriment de l’efficacité du geste. 

Sur le plan technique l’apprentissage moteur du lancer de disque, comme pour tous les lancers, demande à être commencé jeune (entre 13 et 15 ans, phase la plus favorable), de l’envisager comme un tout et uniquement sur le plan fonctionnel (Jacques Pelgas) et meilleur moyen pour que l’ordinateur central cérébral contrôle au plus juste la qualité du geste et en particulier le rythme qui est l’expression de la partie qualitative du mouvement, alors que la synchronisation (timing) ne représente que l’aspect biomécanique de la gestuelle, de l’acquérir comme tel et seulement une fois le geste maîtrisé, de perfectionner les détails. 

Le lancer de marteau 

C’est au Moyen Âge en Irlande et de nos jours au cours de jeux traditionnels dans les pays Celtes, que le lancer de marteau, alors simple marteau de forgeron, est apparu pour répondre aux exigences de l’éducation des Princes. Actuellement il est composé d'une tête métallique, d'un câble et d'une poignée. L’ensemble a une masse identique à celle du poids: 7,260 kg pour les hommes (Christophe Epalle, 81,79 m; Quentin Bigot, 79,70 m, vice-champion du monde 2019, 5ème aux récents J. O. de Tokyo, entraîneur PJ Vazel; Walter Ciofani, 78,50 m; Yann Chaussinand, 74,64 m; Jacques Accambray, 73,46 m; Hugo Tavernier, 72,45 m; JB Bruxelle, 71,26 m; Guy Husson, 69,40 m) et 4 kg pour les femmes (Alexandra Tavernier, 75,38 m, championne du monde junior, médaillée de bronze aux championnats du monde à Pékin en 2015, 4ème à Tokyo, entraîneurs successifs: Christophe Tavernier, Guy Gerrin, Walter Ciofani, Gilles Dupray, recordman de France avec 82,38 m). 

Saluons au passage l’école de marteau soviétique qui a remporté tous les titres olympiques depuis 1972, hormis ceux de 1984 à Los Angeles (boycot) et tout particulièrement Anatoly Bondarchuk, champion olympique  en 1972, puis entraîneur des plus grands lanceurs soviétiques ((Sedykh, Litinov, etc), qui est sans doute celui qui a contribué le plus à l’évolution technique et à la planification de l’entraînement de cette magnifique spécialité (il est docteur ès sciences et chercheur). 

Le lancer de marteau diffère des lancers de poids et de disque, en ce sens qu’il est réalisé les deux membres supérieurs tendus et que sa phase d’éjection n’implique pas une extension des membres supérieurs. 

La puissance est essentiellement produite par les membres inférieurs et le déplacement au sein de l’aire de lancer est plus important. Une part non négligeable de la force produite par les membres supérieurs sert à résister à la force centrifuge exercée sur le lanceur par le marteau. 

Pour Didier Poppé, du fait des hauts niveaux de force statique, de force et de souplesse spécifiques, de vitesse et de dynamisme du mouvement, de coordination tout autant que de la dynamique propre du mouvement et de la force explosive qu'il nécessite, le lancer de marteau peut être considéré comme la discipline athlétique la plus compliquée. 

Inversement pour Jacques Pelgas la technique du marteau est la plus facile à maîtriser et constitue une base d’apprentissage idéale pour les autres lancers. 

Sur le plan technique le lanceur, au départ, fait tourner le marteau autour de lui pour lui donner de la vitesse. Lorsque le mobile a suffisamment d’élan, l’athlète se déplace sur 3 (Jacques Accambray, Youri Sedyckh, recordman du monde avec 86,74 m) ou 4 tours avant éjection. A chaque tour, la vitesse du marteau augmente de façon significative, jusqu’à atteindre au moins 29m/s, grâce à l’action synchrone des membres inférieurs, du tronc et des membres supérieurs. La finale est explosive pour produire la plus grande vitesse d'éjection possible. 

Malgré une masse équivalente et en raison du déplacement plus important dans l’aire de lancer, la vitesse d’éjection du marteau est presque 2 fois supérieure à celle observée dans le lancer de poids. La durée totale du mouvement à compter du début du premier tour est de l'ordre de 2 à 2,5 s. A noter que la longueur des membres supérieurs influence le rayon de giration et donc la vitesse horizontale du marteau.

Le lancer de javelot

C'est le plus ancien et le plus naturel des lancers. Nos lointains ancêtres se le sont approprié à la fois pour se nourrir et se défendre. Introduit tout comme le lancer de disque dans la Grèce antique aux Jeux Olympiques de 708 avant J-C, il va constituer l'une des cinq épreuves du pentathlon et jusqu'à l'effondrement du monde grec, il est resté l'une des activités sportives les plus pratiquées dans tout le bassin méditerranéen. En 1908 c’est tout naturellement qu’il a été réintroduit aux Jeux Olympiques modernes. 

Sa masse est de 800 g chez les hommes et de 600g chez les femmes. Contrairement aux 3 autres lancers, sa course d'élan est longue (30m). 

Dans le premier temps c'est une course classique, javelot placé sur le côté. Dans un deuxième temps dit de préparation, le lanceur placé de profil se déplace en pas croisés (Hop), javelot au niveau de la tempe et bras lanceur en position d’armé. Dans la dernière phase avant lancer, la course est arrêtée violemment sur un double appui et toute la vitesse de déplacement est alors transmise à l’épaule dominante qui va se détendre comme une fronde pour propulser le javelot. Pour Didier Poppé, le lancer de javelot est un lancer de précision. Même si le secteur de lancer officiel est assez ouvert (29°) et qu’il ne s’agit pas de viser une cible mais de lancer le plus loin possible à l’intérieur de ce secteur, il reste toujours un lancer de précision, de par la nature même de l’engin utilisé qui nécessite une certaine adresse et aussi la capacité de lancer dans la pointe de l’engin avec le souci de maîtriser au mieux, suivant les conditions de vent, les angles les plus favorables pour obtenir la trajectoire la plus longue. Il faut comprendre que la trajectoire du javelot en vol, depuis le lâcher jusqu’à la chute, et donc la performance de l’athlète, sera essentiellement dépendante de la situation de l’axe du javelot par rapport à l’horizontale et par rapport à l’orientation du vent relatif, résultant du vent propre du javelot et du vent extérieur. Pour le lanceur l’objectif technique numéro 1 consistera donc à orienter au mieux un maximum de forces sur cet axe du javelot, et ceci est valable dès le stade de l’initiation. 

Petite précision pour les profanes, un changement des règles est intervenu en 1985, après qu’en 1984 le lanceur Uwe Hohn ait battu le record du monde avec 104,80 m, le javelot planeur arrivant alors quelques mètres derrière le sautoir en hauteur. Pour des raisons de sécurité, le centre de gravité de l'engin est alors avancé de 4 cm avec pour effet à la fois de réduire la longueur des jets de 10 %, mais également de faire piquer le javelot plus en avant (javelot piqueur et mauvais planeur disent certains), s'enfonçant mieux au sol au lieu d'arriver plus à l'horizontale et de glisser en avant, permettant un jugement plus facile du jet et renforçant la sécurité. En 1985, sort la nouvelle réglementation sur les javelots piqueurs, mais le règlement ne prévoit pas que les engins soient lisses. Certains athlètes modifient la forme des javelots notamment par l'ajout de creux ou de trous, déplaçant le centre de pression plus près du centre de gravité et permettant de ce fait de récupérer une partie de la distance perdue. En 1991 le règlement est modifié, interdisant les javelots personnels, les athlètes devant choisir parmi quelques modèles officiels (source Wikipédia). 

Et à propos de ces nouveaux javelots piqueurs, voici ce qu’écrivait Juris Terauds dans son livre Biomécanique du lancer de javelot : «le javelot issu des nouvelles règles a une queue plus longue et demande un angle plus élevé d’envol. De telles exigences physiques favorisent les lanceurs de grande taille et provoquent une discrimination envers les lanceurs de plus petite taille». Pour mémoire Jan Zelezny, triple champion olympique, triple champion du monde et recordman du monde avec un jet à 98, 48 m mesurait 188 cm pour un poids de corps de 88 kg et le meilleur lanceur de javelot du moment Johannès Vetter (96,29m) mesure 188 cm pour 103 kg. Records de France avec javelot planeur: Michel Macquet, 83,36 m; avec javelot piqueur: Pascal Lefèvre, 82,56 m; Mathilde Andraud, 63,54 m. 

A propos de l’appui avant le lâcher du javelot: avec le coach des épreuves combinées Jean-Yves Cochand (JYC), nous avions observé lors d’une coupe d’Europe des Lancers au Portugal en 2018, qu’il y avait une grande différence entre nos lanceurs hexagonaux qui se bloquaient à 1 m de la ligne de lancer, avec il nous semblait peu de vitesse et d’amplitude au niveau du membre supérieur lanceur opposé à l’appui et le Top 5 de cette prestigieuse compétition (Johannès Vetter, 92,70 m et vainqueur de l’épreuve devant Bernhardt Seiffert, 80,62 m) et ceux du Top 10 mondial qui depuis Jan Zelezny lâchaient l’engin à 4 m de la ligne, avec beaucoup d’amplitude et de vitesse au niveau du bras propulseur, bascule du tronc et souvent plongeon. Les différences sont moindres avec les meilleurs jeunes Français du moment: (Teura Tupaia, 80,86 m;; Lukas Moutarde, 78,53 m; Rémi Conroy, 76,43 m; Lenny Brisseault, 72,26 m; Alexie Alaïs, 63,39 m; Jöna Aigouy, 56,81 m) qui après blocage sur l’appui (du côté gauche chez un droitier) impulsent davantage. Cela confirme ce que JYC avance depuis des années: le lâcher du javelot, comme dans les autres lancers, est une impulsion qui correspond à un transfert d’énergie du sol vers l’engin, via les différentes parties du corps concernées (ce que les entraîneurs d’athlétisme appellent «le chemin de Lancer» et en EPS «le chemin d’impulsion». Pour Thierry Lichtle, utiliser pour un droitier la jambe gauche comme levier en plus d’un appui de blocage a un intérêt biomécanique justifié : augmenter la hauteur du lâcher et prolonger la frappe (augmentation du chemin d’impulsion), mais ce n’est valable que dans un modèle mécanique qui ne connaîtrait pas la blessure et par conséquent il y a plus d’intérêt à considérer le levier, le manche du fouet à partir de la hanche gauche, plutôt qu’à partir de l’appui pied gauche. 

Et à propos du plongeon (Vetter, Zelezny), qui est le résultat d’une projection de la partie supérieure du tronc vers l’avant par dessus l’appui fixe que constitue la hanche gauche (pas en levier, mais en point fixe), il n’est donc en rien une impulsion sur l’appui gauche. René-Jean Monneret, Thierry Lichtle et Serge Leroy ont décortiqué la différence entre le lanceur de javelot russe Sergueï Makarov (vainqueur aux mondiaux de Paris en 2003, avec lâcher à 75 cm de la ligne) et l’Estonien Andrus Varnik (2ème du concours et lâcher à 4 m de la ligne, suivi d’un plongeon). Tout est une question de technique et de style: soit le lanceur privilégie le temps d’épaule avec fort balayage de l’épaule droite en appui (technique russe de l’époque), soit le lanceur s’engage sur la vitesse et privilégie l’accélération du côté droit (ce qui amène au plongeon). 

Parler alors d’impulsion sur l’appui gauche est très dangereux sur le plan technique et anti-pédagogique, le blocage gauche permettant l’accélération droite, alors que l’insuffisance de fixation articulaire du membre inférieur gauche va permettre de conserver de la vitesse à gauche, n’optimisera pas le lancer et fera courir d’énormes risques, directement au genou gauche (ménisques, ligaments) et indirectement au rachis cervical, thoraco-lombaire et lombo-sacré. Et si l’on observe très attentivement la technique de Zelezny, on distingue bien la bascule tronc vers l’avant par dessus le point fixe de la hanche gauche, avec un angle jambe/sol qui change très peu. 

Pour Jack Danail, entraîneur de Jérôme Haeffler (80,37 m), Jérémy Nicollin (77,15 m), Rémi Conroy et Teura Tupaia, on ne doit pas parler de blocage sur l’appui gauche (le genou est alors trop sollicité et le bassin recule, sources de pathologies diverses), blocage actif est déjà mieux et mieux encore, appui de fixation ou de levier qui doit permettre au côté droit de passer avec plus d’efficacité, ce qui va permettre au javelot d’avancer, sans rupture de vitesse. Et en amont, le déclenchement du Hop doit s’effectuer sur 1 distance permettant au lanceur (se) de s’exprimer pleinement en terme d’amplitude et de mise en tension (7 à 8 m chez les hommes et 5 à 6 m chez les femmes), ce qui permet d’utiliser au mieux la vitesse acquise pendant la course d’élan et qui se surajoute à la vitesse d’éjection de l’engin par le bras propulseur.