Avis à lire par tous les lecteurs:

Les premiers articles du blog "Un médecin du sport vous informe" datent de 2013, mais la plupart sont mis à jour pour pouvoir coller aux progrè médicaux. Ce blog inter-actif répond à la demande de nombreux confrères, kinésithérapeutes, étudiants en médecine et en STAPS, patients et sportifs. Il est le reflet de connaissances acquises tout le long de ma vie professionnelle, auprès d'enseignants remarquables, connaissances sans cesse actualisées que je me suis efforcé de rendre accessibles au plus grand nombre par le biais d’images trouvées sur le Net, images qui sont devenues par la force des choses, la propriété intellectuelle de tous; si cela dérange, ces images seront retirées.

Certains articles peuvent apparaître un peu plus polémiques que d'autres et indisposer, mais il n'est pas question pour l'auteur de tergiverser ou de se taire, quand il s'agit de problèmes d'éthique, en particulier en matière de dopage et quand la santé des sportifs est en jeu, compte tenu du nombre élevé de blessures liées au surentraînement et à une pratique imbécile d'une certaine musculation, qui n'est plus au service de la vitesse et de la force explosive utile (et non de la force maximale brute), qui sont les deux qualités physiques reines, qui ne respecte pas les règles de la physiologie musculaire et qui, au lieu d'optimiser la performance, fait ressembler certains sportifs body-buildés à l'extrême, davantage à des bêtes de foire gavées aux anabolisants, qu’à des athlètes de haut niveau.

Ce blog majoritairement consacré à la traumatologie sportive, est dédié à mes maîtres les Prs Jacques Rodineau, Gérard Saillant et à tous les enseignants du DU de traumatologie du sport de Paris VI Pitié Salpétrière et en particulier aux docteurs Jean Baptiste Courroy, Mireille Peyre et Sylvie Besch. L'évaluation clinique y tient une grande place: "la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique" et s'il y a une chose à retenir de leur enseignement, c'est que dans l'établissement d'un diagnostic, l'examen clinique, qui vient à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément incontournable de la démarche médicale. Toutefois dans le sport de haut niveau et guidé par la clinique, l'imagerie moderne est incontournable : radiographie conventionnelle, système EOS en trois dimensions pour les troubles de la statique rachidienne, échographie avec un appareillage moderne et des confrères bien formés, scanner incontournable dans tous les problèmes osseux et enfin IRM 3 Tesla, le Tesla étant l'unité de mesure qui définit le champ magnétique d'un aimant; plus le chiffre de Tesla est élevé et plus le champ magnétique est puissant ("à haut champ") et plus les détails des images sont fins et la qualité optimale.

Hommage aussi au Pr Robert Maigne et à son école de médecine manuelle de l'Hôtel Dieu de Paris ou j'ai fais mes classes et actuellement dirigée par son fils, le Dr Jean Yves Maigne. Je n'oublie pas non plus le GETM (groupe d'étude des thérapeutiques manuelles) fondé par le Dr Eric de Winter et ses enseignants, tous des passionnés; j'y ai peaufiné mes techniques et enseigné la médecine manuelle-ostéopathie pendant 10 années.

Dr Louis Pallure, médecin des hôpitaux, spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation, médecin de médecine et traumatologie du sport et de médecine manuelle-ostéopathie, Pr de sport et musculation DE, ex médecin Athlé 66, comité départemental 66, ligue Occitanie et Fédération Française d’Athlétisme, médecin Etoile Oignies Athlétisme.

dimanche 28 août 2016

Le coude du lanceur en Athlétisme

Articulation intermédiaire du membre supérieur, une des plus contrainte du squelette en raison de la forte congruence entre trochlée humérale et crochet sigmoïdien du cubitus (ulna), le coude rapproche ou éloigne la main de l'axe du corps et se trouve très sollicité dans les sports de lancer dont la gestuelle peut être perturbée par des lésions micro-traumatiques de sur-utilisation du compartiment interne par distraction (étirement) et du compartiment externe par impaction (compression). 

Lanceurs de l'EDF d'athlétisme présents au stage de fin d'année 2017 à Barcelone: Jessica Cérival, Alex Tavernier, Quentin Bigot, Lolassonn Djouhan, Fred Dagée, Rémy Conroy, Alexia Kogut, Jérémy Nicollin, Margaux Nicollin, Mathilde Andraux.

Mécanisme lésionnel des lésions du coude chez un lanceur: 
- en distraction (étirements répétés) sur le compartiment interne
- en impaction (compression) du compartiment externe du coude.



Biomécanique
Le coude, dont la finalité est de diriger et positionner la main dans l'espace, avec l'aide de ses deux articulations adjacentes, l'épaule et le poignet, doit obéir à 2 impératifs apparemment contradictoires de mobilité avec sa capacité à s'allonger et se raccourcir lors de la préhension et de stabilité de manière à transmettre les pressions. 
Les deux trépieds anatomiques de la stabilité du coude: 
La stabilité du coude repose sur l’intégrité du trépied principal représentant les éléments essentiels de la stabilité: le processus coronoïde de l'ulna, le ligament collatéral interne (ulnaire): le  LCU, et le ligament collatéral externe (radial): le LCR. Lorsqu’un de ces éléments est lésé, il peut être compensé par les éléments du trépied secondaire comprenant la tête radiale, la capsule articulaire et les muscles. 


L’extrémité supérieure de l'ulna (cubitus) a une forme particulière en crochet pour pouvoir s' articuler en haut avec la trochlée de l’humérus et latéralement avec la tête radiale. Le processus osseux qui remonte derrière la palette humérale est l’olécrâne.
En avant et plus bas, en dessous de la zone des surfaces articulaires, la petite saillie osseuse qui «verrouille» l’articulation huméro-ulnaire (P) est l’apophyse ou processus coronoïde.
En statique  :
- en varus-valgus, la stabilité est dévolue pour moitié à l’ensemble des structures articulaires de l'articulation huméro-cubitale de par sa forte congruence et par la présence du processus coronoïde qui s’oppose aux contraintes antéro-postérieures, se comportant comme une butée antérieure s’opposant au déplacement postérieur de l’avant-bras.
- en varus et à 90 degrés de flexion, la congruence articulaire assure 75 à 85 % de la stabilité. 
- en extension, la totalité de la stabilité est assurée par l’articulation huméro-ulnaire et la capsule antérieure quel que soit l’état des ligaments collatéraux. Cette capsule antérieure s’opposant à l’effort d’étirement assumant 70 % de la tension des parties molles, ceci d’autant plus que les ligaments collatéraux sont lésés.
- la tête radiale intervient dans la résistance à la compression à partir de 90 degrés de flexion. Son rôle dans la résistance en valgus est fortement lié à l’état du complexe ligamentaire collatéral médial. Lorsque la résection de la tête radiale est associée à une section du ligament collatéral médial, le coude devient instable et se subluxe. Elle a également un rôle de cale limitant l’ascension du radius par rapport à l’ulna notamment lors des lésions associées de la membrane interosseuse.
- le ligament collatéral ulnaire (LCU) est un élément primordial de la stabilité statique du coude en valgus notamment son faisceau antérieur. Il est composé de 3 faisceaux tendus de l’épicondyle médial à l’extrémité proximale de l’ulna. Le faisceau antérieur est le plus volumineux et le plus résistant, et assure près de 78 % de la stabilité antéro-postérieure. A 90 degrés de flexion, même en l’absence de la moitié de l’olécrâne, le coude reste stable si le LCU est intact. S’il est rompu, l’instabilité antéro-postérieure est majeure.
- le complexe ligamentaire latéral est formé du ligament collatéral latéral (LCR) et du ligament annulaire. Ce LCR est composé de 3 faisceaux : un faisceau antérieur, un faisceau moyen huméro-ulnaire qui se termine sur la crête supinatrice de l’ulna, et un faisceau postérieur représentant un simple épaississement de la capsule. L’origine du LCR se situe au centre de flexion-extension du coude, ce qui explique son isométrie tout au long de la flexion du coude. Le faisceau ulnaire du LCR va participer à la stabilité latérale de l’articulation huméro-ulnaire, à la stabilité en rotation, et résister au varus.

épiphyse inférieure de l'humérus


épiphyse supérieure du radius et du cubitus (ulna)




La stabilité statique du coude est :
1- osseuse grâce à la congruence de la trochée humérale fortement encastrée dans le crochet sigmoïdien de l'ulna
2- ligamentaire grâce aux ligaments collatéraux interne et externe.
La stabilité dynamique 
Elle est  représentée par la musculature péri-articulaire: les 3 fléchisseurs (biceps brachial, brachial antérieur, long supinateur), les 2 extenseurs (long triceps et anconé), un muscle supinateur (court supinateur), 1 muscle pronateur (rond pronateur). Les fléchisseurs du coude (biceps brachial et brachial antérieur) et les extenseurs (triceps brachial) assurant la coaptation du coude pour augmenter la congruence de l’articulation huméro-ulnaire. Le groupe des fléchisseurs-pronateurs participe à la stabilisation en valgus du coude. L’anconé pour sa part, exerce une action stabilisatrice en varus. Les muscles épicondyliens latéraux avec leur fascia et le septum inter-musculaire participent à un moindre degré à la stabilité postéro-latérale en s’opposant aux déplacements postérieurs de l’avant-bras. 



Stabilité dynamique grâce aux différents muscles du coude (fléchisseurs, extenseurs, pronateurs et supinateurs).
Cinématique des lancers
Le coude va, par son positionnement intermédiaire, augmenter ou diminuer le rendement du geste. 
Dans les sports de lancer, les contraintes au niveau du coude sont maximales pendant la phase d’accélération et la fin du geste. 
Pendant la phase d’accélération:
il se produit une augmentation importante des contraintes en extension et en valgus entraînant une hypersollicitation des structures stabilisatrices médiales et postérieures du coude. 
Pendant la fin du geste:
il existe une forte décélération au niveau du coude contrôlée par le tonus musculaire. En cas d’incompétence musculaire, la vitesse du coude n’est plus limitée que par les structures ligamentaires médiales, et notamment le faisceau antérieur du LCU. Ces forces peuvent excéder la force de résistance du LCU entraînant des microlésions ligamentaires. La poursuite ou la répétition des lancers vont entraîner l’affaiblissement et/ ou la rupture du ligament. Ces contraintes en valgus au niveau du coude vont entraîner, une tension excessive sur l’ensemble des structures du compartiment médial du coude, un syndrome de conflit au niveau du comparti- ment postérieur du coude et une compres- sion au niveau des structures latérales. 
Au lancer de poids, par exemple, dans la phase préparatoire d’élan, le coude est en position de flexion maximale avec le poids placé au contact de la région cervicale. Dans la phase du lancer proprement dit, le coude doit passer de la position de flexion à celle d’extension. Pour obtenir le meilleur rendement, la vitesse de déplacement angulaire du coude doit être la plus rapide possible avec un angle de 45°.
Lésions 
I- Lésions du compartiment interne  
1- Le syndrome d’hypersollicitation 
La sollicitation permanente dans les efforts de lancer des muscles fléchisseurs et pronateurs du coude  afin d'assurer la stabilité dynamique en valgus, va être source de contractures et de fatigue qui vont se traduire en clinique par l'apparition de douleurs et d’oedème en regard des groupes musculaires et un déficit d’extension du coude à l'examen physique. Le syndrome d'hypersollicitation est une pathologie fonctionnelle de surmenage du coude sans lésion et son traitement est essentiellement médical et basé sur le repos et la récupération. 
2- Le syndrome de compression fascial de Bennett 
C'est une variante du syndrome précédent d'hypersollicitation, le groupe musculaire hypertrophée va buter contre son enveloppe fibreuse (fascia) et se trouver à l'étroit et comprimé, réalisant une sorte de syndrome de loge. Cliniquement cette compression va se traduire par des douleurs médiales pendant ou après l’effort, obligeant le lanceur à arrêter ces activités après quelques lancers.
Comme au départ c'est une lésion fonctionnelle, le traitement va reposer essentiellement sur le repos. S. d'hypersollicitation et de compression peuvent être prévenus par une reprise très progressive en début de saison et ensuite par un échauffement adéquat; en cas d’échec du traitement conservateur (repos et kinésithérapie de récupération), il y a parfois nécessité de recourir à une fasciotomie chirurgicale de décompression musculaire, mais de manière exceptionnelle.  
3- Pathologie du ligament collatéral ulnaire (LCU, ex LLI)  
Les micro-lésions intra-ligamentaires du LCU engendrées par les sollicitations répétées du coude vont progressivement affaiblir le ligament, jusqu’à la survenue possible d’une éventuelle rupture qui peut être même brutale. 
Le diagnostic va reposer sur l’existence d’une douleur localisée au niveau du bord médial du coude lors de la phase d’armé du bras et d’accélération. 
L’examen retrouve cette douleur en dessous de l’épicondyle médial au niveau de l’articulation huméro-ulnaire. La stabilité du coude en valgus est testée et parfois mettre en évidence une instabilité. 
Des examens complémentaires tels que des radiographies en stress, un arthro-scanner ou une arthro-IRM peuvent aider au diagnostic.
Le traitement est dans un premier temps conservateur. Une rééducation spécifique du groupe des muscles fléchisseurs-pronateurs est préconisée.
Le traitement chirurgical n’est réservé qu’aux échecs des traitements conservateurs. Il comprend la réparation ou la reconstruction du faisceau antérieur du LCU à l’aide d’un greffon tendineux. Dans les ruptures aiguës, la réparation du ligament représente le traitement de choix. 
4- L'atteinte du nerf cubital (ulnaire) 
Elle peut être soit isolée, soit associée aux autres lésions du compartiment médial et résulter d’un traumatisme direct, d’un phénomène de traction, de compression ou de friction. Il faut bien se rappeler qu'au coude, le nerf ulnaire emprunte un défilé, dans lequel lors du passage de l'extension à la flexion, il va subir un conflit contenant / contenu:
- le contenant: le défilé va diminuer en volume de plus de la moitié (55%) et la pression va être X par 6.
- le contenu: le nerf ulnaire va subir une élongation physiologique de 4,7mn, si bien que la répétition des contraintes liées à la gestuelle sportive ou à toute autre source va limiter la liberté du nerf dans le défilé et occasionner des tractions anormales qui seront source de souffrance sensitive d'abord, puis motrice, qu'il ne faut pas laisser s'installer durablement.


Les lésions par traction sont liées aux contraintes exercées sur le nerf en cas d’instabilité en valgus du coude.
Les irritations du nerf par friction sont en relation avec l’existence d’une subluxation du nerf dans sa gouttière et éventuellement à l’existence d’ostéophytes au niveau des bords de cette gouttière.
Enfin l’hypertrophie musculaire va entraîner une compression du nerf ulnaire au niveau de l’arcade du fléchisseur ulnaire du carpe.
Le diagnostic d’atteinte du nerf ulnaire repose sur l’existence d’un signe de Tinel à la percussion de la gouttière épitrochléo-olécranienne, et la présence de paresthésies digitales au niveau des doits internes (4ème et 5ème doigts). La positivité du
 signe de Wartenberg qui correspond à l’impossibilité de ramener le petit doigt au contact des autres doigts (abduction permanente du 5 ème doigt) est déjà le signe d'une atteinte motrice.
Un électromyogramme (EMG) peut être demandé par le chirurgien dans les cas d'atteintes sensitivo-motrices; il confirmera le diagnostic et permettra au chirurgien avant neurolyse d’évaluer la sévérité de l’atteinte et le pronostic.
Le traitement est généralement conservateur et comme dans tout syndrome canalaire, les infiltrations ont une place de choix en association avec une immobilisation par attelle amovible nocturne, coude à 45°
En cas d’échec du traitement médical, une neurolyse du nerf ulnaire dans sa gouttière s'avérera nécessaire, avec (en cas d'instabilité du nerf, visible et palpable) ou sans transposition antérieure du nerf.
II- Lésions du compartiment externe par distraction (étirement)
Lésions ostéo-chondrales radio-humérale  
L’effet des contraintes en valgus au niveau du coude va entraîner des forces en compression au niveau du compartiment radio-huméral d’autant plus qu’il existe une instabilité en valgus. L’apparition de lésions ostéochondrales au niveau du condyle latéral ou au niveau de la tête radiale, ainsi que la formation de corps étrangers vont se traduire par des douleurs latérales, à l’effort, ou lors des mouvements de prono-supination. La mise en compression de l’articulation humero-radiale va reproduire ou augmenter la symptomatologie douloureuse. Le diagnostic est étayé par l’arthro-scanner ou l’IRM. Le traitement est essentiellement conservateur. La régularisation arthroscopique d’un fragment ostéo-chondral peut être préconisée en cas de clapet ou de fragment libre articulaire. 
III- Les lésions du compartiment postérieur du coude 
1- Le conflit postérieur de surcharge 
Les contraintes en extension-valgus vont entraîner des symptômes au niveau du compartiment postéro-médial du coude en relation avec l’apparition d’un conflit entre l’olécrâne et le bord médial de la fossette olécrânienne de l’humérus.
Le diagnostic
Les lanceurs vont se plaindre de douleurs au niveau de la partie postérieure du coude lors des lancers apparaissant de plus en plus tôt. Cela se traduit par une perte de contrôle, de la gestuelle du lancer avec lâché prématuré. Parfois des impressions de ressaut peuvent survenir, voire des blocages dus aux corps étrangers libérés. Généralement il existe un déficit d’extension de 15 à 20°. L’examen retrouve une douleur postérieure à la palpation de la pointe de l’olécrâne, exacerbée par l’hyper-extension du coude.
L'imagerie
Les radiographies standard retrouvent une ostéophytose de la pointe de l’olécrâne, et des corps étrangers dans la fossette postérieure.
L’arthro-scanner permet de mieux préciser ces lésions.
Le traitement 
Il est initialement médical. Le traitement chirurgical proposé en cas de persistance de la symptomatologie, consiste à réséquer de manière chirurgicale ou sous arthroscopie les ostéophytes présents au niveau de l’olécrâne et de l’humérus pour faire disparaître le conflit.

1-Radios: ostéophytes pointe olécrâne
2- Arthroscanner: corps étranger intra-articulaire

2- Les fractures de fatigue de l’olécrâne

Cette lésion résulte de la traction excessive et répétitive sur l’olécrane. Elle se traduit par une douleur postérieure centrée sur l’olécrâne, survenant uniquement à l’effort, cédant au repos, avec limitation de l’extension du coude. La radiographie standard de profil montre la solution de continuité. Le traitement est conservateur, avec repos complet par attelle pendant 6 à 8 semaines, puis rééducation, et reprise du sport après la fin du 3e mois. 
3- Les tendinopathie du triceps 
Les avulsions ou les ruptures du tendon du triceps sont rares (1 à 2 % de l’ensemble des ruptures tendineuses) et parfois méconnues initialement. La lésion la plus habituelle est une avulsion de l’insertion sur l’olécrane dont le traitement chirurgical précoce donne de bons résultats dans la majorité des cas. Le plus souvent, la lésion siège à l’insertion tendineuse. Elle peut être partielle, avec conservation de l’extension contre résistance ou complète avec avulsion d’un fragment osseux aux dépens de l’olécrane. L’extension contre résistance, voire simple pesanteur, est impossible. La rupture survient en général lors d’une contraction excentrique du triceps. Des facteurs favorisants sont souvent retrouvés: physiques, par application de charges répétées en musculation; locaux (bursite et injections de corticoïdes) ; métaboliques ou hormonaux (insuffisance rénale avec hyperparathyroïdie secondaire, diabète, anabolisants). Pour les ruptures partielles, le traitement conservateur permet en général une cicatrisation sans déficit fonctionnel. Une réparation n’est justifiée secondairement que si des symptômes persistent (douleur et faiblesse résiduelle). Pour les ruptures complètes récentes, le traitement chirurgical précoce donne de bons résultats dans la majorité des cas et l’indication chirurgicale est systématique. Pour les ruptures anciennes, la réparation peut être indiquée en cas de gêne fonctionnelle persistante. 
IV- Les lésions du compartiment antérieur du coude
1- Les tendinopathies du biceps 
Les tendinopathies touchant le tendon distal du biceps sont rares et se présentent sous la forme d'un tableau douloureux, généralement associé à une rupture partielle.
Le diagnostic clinique est frustre: la douleur à la palpation de la tubérosité bicipitale à la face latérale de l’avant-bras en pronation maximale peut aider au diagnostic.
L’échographie ou l’IRM peuvent confirmer l’impression clinique.
Le traitement en cas de tendinite ou de lésion partielle consiste en la mise au repos. Une infiltration au niveau de l’insertion du biceps peut être proposée. 
2- Les ruptures du tendon distal du biceps
Le diagnostic est évident en cas de rupture complète:
- douleur brutale comme un coup de fouet avec claquement audible
- ascension immédiate du corps musculaire et parfois en 2 temps
- perte de force à la flexion-supination contrariée du coude
- tendon non palpable sur la face antéro-interne du coude (on retrouve à la place une encoche douloureuse)
- ecchymose tardive
- perte de force de la flexion, significative au testing. Le traitement chirurgical est de principe
La réparation chirurgicale (réinsertion trans-osseuse) doit être confiée à un chirurgien ayant l'habitude de ce type de lésion sous peine de baisse du niveau sportif. Celle-ci doit être effectuée dans les 3 semaines qui suivent la rupture pour limiter les complications.

V- L’ostéochondrite disséquante du condyle latéral (ODC) du coude du jeune lanceur
L'OCD représente la pathologie articulaire micro-traumatique la plus fréquente chez le jeune lanceur et correspond à une nécrose localisée de l’os sous chondral qui peut entrainer une fissuration puis une séparation du cartilage articulaire. Elle survient chez des sujets de 10 à 20 ans, surtout de sexe masculin. L’ODC du condyle latéral (capitellum) ne doit pas être confondue avec la maladie de Panner ou ostéochondrose du condyle, caractérisée par une fragmentation du noyau d’ossification secondaire du capitellum. La maladie de Panner atteint des sujets plus jeunes de 4 à 10 ans et n’est pas associée à des micro-traumatismes répétés. Elle ne relève que d’une simple surveillance et son évolution est généralement spontanément favorable.
Diagnostic
Les symptômes de l’OCD sont représentés par la douleur, la raideur, les craquements ou pseudo blocages ou blocages vrais et l’œdème. Il convient de noter les mobilités du coude en flexion-extension et prono-su- pination, toujours de manière bilatérale et comparative. La douleur est typiquement localisée sur le versant latéral. La radiogra- phie est indispensable, de face et de profil, et suffit souvent au diagnostic. L’IRM permet de rechercher une lésion cartilagineuse associée ou un fragment libre articulaire. La présence d’un halo péri- lésionnel en hypersignal T2 est de mauvais pronostic et signe « l’instabilité » de la lésion même si cet élément n’a que peu de valeur s’il est isolé. Enfin, l’IRM permet de mesurer la taille et la localisation exacte de la lésion. L’extension latérale de la lésion et son caractère peu profond sont associés à un mauvais pronostic.
Traitement
Le traitement médical est institué pour 6 mois avec arrêt de l’activité à risque et mise au repos de l’articulation, en encourageant néanmoins la mobilisation. Le traitement chirurgical est indiqué devant l’absence d’amélioration clinique et radiographique ou en cas de libération d’un fragment ostéocartilagineux dans l’articulation. Les indications dépendent de l’état du cartilage : intact, fissuré, clapet instable ou libre. Si le cartilage est intact ou fissuré et que la maladie évolue depuis plus de 6 mois en dépit du repos, des perforations trans-chondrales ou trans-humérales rétrogrades arthroscopiques sont indiquées, associées à un débridement (Pr. Franck Accadbled, Orthopédiste pédiatrique au CHU Purpan, Toulouse).
Ce traitement a montré de bons résultats à court terme avec reprise des activités sportives dans 80 % des cas, mais rarement l’activité à risque. En présence d’un clapet instable, il convient d’ajouter aux gestes sus-cités une ostéosynthèse du fragment par vis sans tête enfouie. L’ablation d’un fragment libre peut nécessiter une reconstruction du défect par une greffe ostéo- chondrale par arthrotomie. L’évolution à long terme de l’OCD du capitellum se fait vers des symptômes au quotidien dans la moitié des cas parfois associée à de l’arthrose du coude.

Vue arthroscopique du capitellum : lésions cartilagineuses avec synovite réactionnelle. 

VI- Le coude du vieux lanceur
La répétition des sollicitations mécaniques au niveau du coude va aboutir à l’apparition de lésions dégénératives. Elles se situent principalement au niveau du compartiment latéral mais des ossifications ligamentaires diffuses sont fréquentes. 
L'arthroscopie va permettre d’évaluer l’état des surfaces articulaires. Le traitement repose sur l’ablation arthroscopique des corps étrangers libres intra-articulaires, associée à une synovectomie. Une régularisation d’ostéophytes peut être fait dans le même temps. Le pronostic de cette chirurgie dépend directement de l’état de l’articulation. Si le patient présente une altération du cartilage articulaire, le résultat sera incomplet avec persistance de douleurs à l’effort et d’une limitation de l’arc de mobilité. 
1- L’arthrose du compartiment huméro-radial
Elle se rencontre chez le « vieux » sportif. Elle résulte d’une pratique ancienne et continue des sports de lancer. 
Elle se traduit par des douleurs latérales au niveau du coude, des épanchements articulaires, et une limitation des amplitudes articulaires avec un flessum du coude. L’arc moyen de mobilité du coude est en général libre et non douloureux. La pronosupination est souvent douloureuse. Le test de compression radio-huméral exacerbe cette douleur. L’arthrose est d’autant plus importante qu’il existe une instabilité médiale et chronique du coude. La radiographie et l’arthro-scanner permettent de faire le diagnostic, d’évaluer l’état articulaire du coude et de rechercher des corps étrangers libres intra-articulaires. Un pincement huméro-radial est présent associé à une hypertrophie de la tête radiale ; il existe des ostéophytes sur le sommet du processus coronoïde et au niveau de la pointe de l’olécrâne ; les fossettes antérieures et postérieures sont souvent comblées. Le traitement est initialement médical. En cas de gêne significative, se discute la résection de la tête radiale associée à l’ablation des ostéophytes et des corps étrangers intra-articulaires. 

  Arthrose du compartiment externe avec pincement de l'interligne huméro-radial

2- L’ostéochondromatose secondaire 
Il s’agit d’une pathologie d’hyper-sollicitation entrainant la production de formations osseuses intra-articulaires ou corps étrangers. Ceux-ci peuvent être pédiculés au niveau de la synoviale ou libre en intra-articulaire. Ils sont souvent associés à l’arthrose du coude. Il se manifeste par la survenue de blocages aigües, suivis d’un épanchement articulaire. Le diagnostic est clinique, confirmé par la radiographie, et surtout l’arthro-scanner qui permet de visualiser l’ensemble des corps étrangers.
La prévention 
Elle est essentielle; et il est certain qu'une bonne technique, un entraînement et un renforcement musculaire spécifique, une reprise progressive en début de saison, un échauffement bien conduit, réduisent considérablement le risque de déstabilisation du compartiment interne, d'hyperpression externe, de surcharge mécanique des compartiments antérieur et postérieur du coude, mais pas toujours, comme au javelot par exemple où le geste technique même parfaitement exécuté est contraignant par lui même. D'où l'impérative nécessité de respecter des périodes de repos relatif pendant la saison sportive, d'une coupure en fin de saison sportive et d'un suivi médical et kinésithérapique attentif qui doit également prendre en compte les contraintes sur le rachis cervical et lombaire. 
Conclusion: 
Extrêmement sollicité sur le plan mécanique, articulation complexe et finalement fragile, le coude du lanceur présente des lésions micro-traumatiques diverses qui vont nécessiter comme d'habitude un diagnostic clinique précis, conforté par une imagerie adaptée, beaucoup de prudence dans la prise en charge, de la compétence et de la rigueur dans l’évaluation de l'évolutivité et du degré de handicap.  
Bibliographie
Prs François Bonnel du CHU de Montpellier et Pierre Mansat du CHU de Toulouse Purpan. 
Pr. Franck Accadbled, Orthopédiste pédiatrique au CHU Purpan, Toulouse).
La Lettre de l'observatoire du mouvement.
Autres articles du blog concernant le coude dont je conseille une lecture attentive:
épicondylites et autres douleurs du coude
le coude traumatique du sportif
l'ostéochondrite disséquante du (de la) jeune lanceur (se) de javelot
ruptures haute et basse des tendons du biceps brachial

coude, poignet et médecine manuelle

lundi 15 août 2016

vertiges et instabilité d'origine cervicale

Cet article sur les vertiges est dédié à mon ami Gaby Guiter.
La définition d'un vertige
Quand tout tourne autour de soi (murs, plafond, objets), c'est un vertige dont les causes sont  diverses et fortement corrélées à leur durée qui peut aller de quelques secondes à plusieurs heures et à leur intensité, nécessitant de consulter au plus vite son médecin afin de préciser le diagnostic étiologique avec l'aide de confrères spécialisés (ORL, neurologues, urgences hospitalières, médecins de médecine manuelle) et d'examens complémentaires : analyses sanguines, examen auditif, bilan cardio-vasculaire, tests de stabilité, imagerie médicale (scanner, IRM de l’oreille interne, écho-doppler dynamique des vaisseaux du cou, anglo-scanner ou angio-irm). Ces vertiges peuvent être associés à des maux de tête ou céphalées, des nausées, des vomissements, des troubles de l’équilibre ou de la marche, des pertes de l’audition, d'acouphènes (sifflements et bourdonnements).
La cause d'un vertige est un dérèglement du vestibule (organe de l'équilibre) ou de son innervation ou de sa vascularisation
Les vertiges sont dus à un dérèglement de l'organe du système de l'équilibre: le vestibule, situé dans l'oreille interne, ou de son innervation et ou de sa vascularisation. Ce vestibule est situé à proximité de l'organe de l'audition: la cochlée, d'ou la possibilité de symptômes communs: vertiges en cas de dérèglement vestibulaire, troubles auditifs (baisse de l'audition, acouphènes) en cas de dérèglement de la cochlée.

                                               Vue en coupe de l'oreille interne 
Les voies nerveuses vestibulaires
Les filets nerveux des organes sensoriels de l'appareil vestibulaire (canaux semi-circulaires, utricule et saccule) forment le nerf vestibulaire qui va traverser le conduit auditif interne et pénétrer dans le tronc cérébral au niveau du sillon bulbo-protubérantiel pour rejoindre les noyaux vestibulaires droit et gauche qui sont situés dans le bulbe rachidien ou l'information sensorielle va être traitée de manière non spécifique. A partir de ces noyaux et pour être traités de manière spécifique, les informations sensorielles vont être dirigées vers le cervelet, la moelle épinière, le thalamus et les noyaux des nerfs crâniens oculo-moteurs (III ème, IVème et VIème paire crânienne). On peut s'apercevoir que les connexions nerveuses vestibulaires sont multiples (inter-nucléaires, vestibulo-spinales, vestibulo-cérébelleuses, vestibulo-oculaires, thalamiques, corticales); cela rend compte de la complexité du diagnostic étiologique des vertiges. 



Connections



Vascularisation de l'oreille interne
La vascularisation de l'oreille interne dépend essentiellement du système vertébro-basilaire. 
Les deux artères vertébrales droite et gauche, issues des artères sous-clavières, vont cheminer dans le canal inter-tranversaire des vertèbres cervicales dans la partie latérale du cou pour s'unir au niveau du tronc cérébral et former le tronc basilaire ou artère basilaire qui va donner naissance à l'artère cérébelleuse moyenne qui va irriguer le labyrinthe par l'intermédiaire de l'artère auditive interne ou artère vestibulaire. Cette artère auditive interne (vestibulaire) va se diviser en artère vestibulaire antérieure et en artère cochléaire.
L'absence de suppléance explique que toute souffrance vasculaire artérielle vertébrale va être à l'origine de lésions vestibulaires qui, en fonction du siège lésionnel, se traduiront par des troubles de l'équilibre (vertiges) possiblement intriqués avec des troubles auditifs (baisse de l'audition, acouphènes).




Il y a deux sortes de vertiges: centraux et périphériques:
- les vertiges centraux ont leur origine sur le trajet des voies nerveuses vestibulaires centrales qui relient le vestibule au cerveau, les informations sensorielles en provenance du vestibule étant envoyées vers le cerveau, via le nerf vestibulaire, lequel est rejoint un peu plus loin par le nerf cochléaire, formant ainsi le nerf vestibulo-cochléaire. 
- les vertiges d'origine périphérique incriminent l'organe vestibulaire: le labyrinthe postérieur (les 3 canaux canaux semi-circulaires, l'utricule et le saccule).
Principales causes des vertiges les plus communs:
Nous avons vu que la durée de la crise de vertiges et son intensité sont de bons critères étiologiques:
- si la crise est brève (quelques secondes), cela évoque un vertige paroxystique bénin par cupulo ou canalo-lithiase (30 % des vertiges), qu'une manœuvre de bascule particulière à visée de dispersion des minuscules calculs (otolithes) à l’origine de ces vertiges fera disparaître.

Otolithes vus au microscope électronique

- si la crise est violente et durable (une douzaine d'heures), une origine neurologique doit être suspectée et une hospitalisation en urgence est impérative. 
- si les crises durent quelques heures et sont récurrentes, c'est au vertige de Ménière auquel il faut  penser (maladie de l’oreille interne d’origine inconnue). Il n’existe pas de traitement permettant de guérir la maladie de Ménière. Certains médicaments permettent de soulager les symptômes pendant les crises et d'autres d’espacer les crises.
- enfin certains vertiges sont à imputer au rachis cervical supérieur dans le cadre d'un syndrome de Barré et Liéou, par contrainte sur le système nerveux sympathique para-vertébral et parfois en présence d'un foramen arculé de C1 à cause d'une dysfonction des étages vertébraux cervicaux supérieurs avec contracture des muscles profonds du triangle de Tillaux. (A noter la présence au niveau du triangle musculaire, des racines nerveuses C1, C2 (névralgie d'Arnold), C3.

Schéma anatomique du système nerveux sympathique cervical (Netter)
Le système nerveux sympathique cervical supérieur (ganglion cervical supérieur) et proche du rachis cervical supérieur est situé dans la partie latérale du cou; il innerve les organes sensoriels (appareil audio-vestibulaire, yeux, pharynx, larynx, glandes salivaires, appareil lacrymal et nasal, etc.) de la face et va se trouver contraint par les contractures cervicales hautes à l'origine du syndrome de Barré et Liéou.
                  
                                         
1: Tronc brachio-céphalique gauche 2: A. carotide primitive  3: A. sous-clavière  4: tronc thyro-bicervico-scaiulaire 5: A. vertébrale   

Le trajet de l'artère vertébrale au niveau de la charnière occipiro-vertébrale se projette au fond du triangle de Tillaux, délimité par le plan profond des muscles occipitaux droits et obliques.

Plan musculaire profond de la nuque (Triangle de Tillaux): a: muscles petit et grand droits postérieurs
b: muscle petit oblique 
c: muscle grand oblique
1: artère vertébrale 2: grand nerf occipital d'Arnold

Le syndrome de Barré et Liéou
Ce syndrome lié à l'irritation du système nerveux sympathique cervical supérieur peut parfois se résumer à des vertiges ou à une instabilité mais plus généralement il correspond à un ensemble d'autres manifestations neuro-sensorielles de type ophtalmologique, audio-vestibulaire, pharyngé touchant préférentiellement le sexe féminin, très variable d'un individu à l'autre et pouvant inclure des:
- troubles vestibulaires: étourdissements, particulièrement lors de mouvements rapides du cou et sensation de perte d’équilibre.
- troubles de l'audition: sensation d’entendre moins bien et bourdonnements ou sifflements dans les oreilles (acouphènes). 
- troubles visuels: fatigue visuelle, sensation d’avoir de la poussière dans les yeux ou de voir des petits points dansants.
- troubles pharyngés: sensation d’avoir quelque chose dans la gorge, difficulté à avaler. 
- troubles des sécrétions: avoir des chaleurs, transpiration abondante, sécrétion nasale et lacrymale. 
- troubles cérébraux: difficulté à se concentrer, perte de mémoire, anxiété. 
Devant des céphalées isolées ou associées à un syndrome de Barré et Liéou, la présence (rare) d'une anomalie osseuse sur l'Atlas (1ère vertèbre cervicale ou C1), le foramen arcualé (FA), peut poser problème.
Ce foramen arcualé doit être absolument recherché par une imagerie adaptée (radiographies du rachis cervical supérieur et ou scanner si nécessaire). 
Dans un certain nombre de cas et comme indiqué plus bas dans une revue de la littérature médicale sur le sujet rapporté par notre confrère Norbert Teisseire, la présence de cette anomalie peut se traduire le plus souvent par des céphalées cervicales, mais aussi par des  troubles neurologiques sévères ou par un état vertigineux chronique que le traitement manuel n'arrive pas toujours à stabiliser, le recours à la chirurgie de décompression s'avérant alors nécessaire. 

Vue de dessus de la vertèbre Atlas (C1) avec la dent de l'Axis (C2)
1. Ligament transverse, 2. Arc antérieur, 3. Tubercule antérieur,
4. Pars dentis (contient la dent de l’axis), 5. Masse latérale,
6. Fovéa articulaire supérieure, 7. Pars nervosa (trou vertébral),
8. Arc postérieur, 9. Tubercule postérieur, 10. Foramen transversaire,
11. Processus transverse.
En violet : dent de l’axis.

Pour CA Limousin, du Naval Hospital Rio Santiago, La Plata, Argentine, le FA correspond à un pont osseux qui entoure l'artère vertébrale et le tissu nerveux sympathique cervical péri artériel au moment ou l'artère croise l'arche postérieure de l'Atlas (C1). Cette configuration limite la mobilité normale de l'artère vertébrale et contrarie le flux artériel et le sympathique péri-artériel pendant la flexion/extension du cou et peut être à l'origine du syndrome de Barré et Liéou.
Pour Ayush Goel et Sajoscha Sorrentino et al., ce Foramen arqué (ou foramen arcuale, ou Atlantide ponticulus posticus ou Kimerle foramen) est une variante normale fréquemment rencontrée de l'atlas et est facilement apprécié sur un film simple (plat) latéral de la jonction cranio-cervicale. Il se développe par calcification des ligaments atlanto-occipitaux obliques. La part (partie) atlantique (V3) des artères vertébrales passe par ce foramen. Son incidence serait de 8 % (1-15 %) et c'est plus
commun dans le sexe féminin.


Plusieurs types anatomiques de Foramen Arcuale ont été répertoriés dans diverses séries de dissections cadavériques avec une morphologie variable qui peut être complète ou incomplète, unilatérale ou bilatérale.

 

Trajet de l'artère vertébrale
Elle se détache de l'artère sous-clavière, remonte dans le cou à travers les trous inter-transversaires des vertèbres cervicales et passe dans le crâne pour vasculariser la partie postérieure du cerveau.

Artère vertébrale qui remonte dans le canal transversaire et avant de pénétrer dans le crâne au niveau de la 1ère vertèbre cervicale (C1), l'artère peut être entravé par la présence d'un monticule postérieur (anomalie osseuse ou fibreuse), le foramen arcualé.




Fermeture complète du canal de l'artère vertébrale sur l'arc postérieur de C1 (foramen arcualé). 

A propos de ce foramen arcualé, notre confrère Norbert Teisseire, médecin de médecine manuelle et Rhumatologue – Angers dans une publication récente "Prise en charge d'une céphalée cervicale en présence d'un foramen arcualé (FA)" a passé en revue la littérature:
- un cas de dissection de l’AV est rapporté par CELLERIER et GEORGET. 
LI et collaborateurs disent avoir amélioré 11 patients vertigineux par décompression de l’ AV. 
SUN observe la disparition des vertiges chez 69 patients ayant subi une décompression et une sympathectomie dans le FA. 
CUSHING et collaborateurs retrouvent un FA chez 8 patients sur 11 ayant une dissection ou occlusion de l’AV. Le traumatisme artériel siège au niveau du FA.
GROSS (dans un rapport sur des hémorragies sous arachnoïdiennes) retrouve 7 FA sur 13 cadavres. Chez 3 d’entre eux, existe une compression de l’AV dans le FA. Toutefois, aucun de ces sujets ne présentait avant le décès de symptômes évocateurs d’une compression de l’AV. 
- Une enquête auprès des neurochirurgiens du CHU d’ANGERS ne fait pas apparaître, dans les 20 dernières années, de cas clinique évoquant une complication thérapeutique en rapport avec un FA.
Discussion
Pour Teisseire, en présence d'un foramen arcualé (cela concernerait environ 5% des cadavres disséqués par l’équipe de TUBBS), la fréquence des dissections, ou d’hémorragies sous arachnoïdiennes signalées par CUSHING et GROSS est  fort étonnante.
Dans le recrutement de Tesseire, il est frappant de noter que les manifestations de souffrance cervicales hautes, qui auraient pu être attendues, en présence d’un FA, sont plutôt peu fréquentes (3 sur 14, soit 21%).  Ses confrères neuro-chirurgiens d'Angers, sur une période de 20 ans,  n'ont  jamais rencontré de telles complications.
Il est malgré tout intéressant de noter que certains auteurs (Cushing, Li, Sun, notamment) ont observé une forte corrélation entre amélioration de vertiges et/ou céphalées par la chirurgie, et une prévalence étonnante entre la présence d’un FA et la survenue d’une dissection de l’AV (au niveau du FA). Alors, dans un tout petit nombre de cas de vertiges chroniques qui empoisonnent la vie de quelques uns et surtout en présence d'un foramen arcualé, si aucune thérapeutique, quelle soit médicamenteuse, kinésithérapique ou manuelle ne peut venir à bout de ces vertiges du syndrome de Barré et Liéou, peut être est-il licite, si la gène est incapacitante et compte tenu des publications de Li et de Sun, de les adresser à un confrère neuro-chirurgien qui décidera d'une possible décompression chirurgicale de l'artère vertébrale.
Incidence sur le traitement par manipulation vertébrale élective sous-occipitale du syndrome de Barré et Liéou
Sur le plan physiopathologique, l’on sait que les rotations sont agressives pour l’artère vertébrale et sachant que 50 % au moins de la rotation cervicale se passe en C1-C2, les techniques manuelles en rotation pure des vertèbres cervicales hautes sont contre indiquées et toute tentative de manipulation vertébrale cervicale haute avec composante rotatoire dominante doit être proscrite, même si les anatomistes nous disent qu’une artère vertébrale à un coefficient « normal » d’étirement de près de 50%. En réalité la faible référence dans de très nombreuses publications consultées, à la présence d’un FA, n’est pour Teisseire pas faite pour rassurer. 
Conclusion de Teisseire et de la SOFMMOO et à retenir: 
Avec ou sans la présence d’un Foramen Arcualé et devant des céphalées (maux de tête) d’origine cervicale, et ou des vertiges ou autres manifestations neuro-sensorielles du syndrome de Barré et Liéou et dans le strict respect des critères de Robert MAIGNE et des recommandations de la SOFMOO (règles de sécurité), les techniques manuelles cervicales hautes sous occipitales non forcées peuvent être appliquées, en excluant les mises en tension en flexion et ou en rotation prédominantes.
Techniques sur la zone cervicale sous occipitale: C0/C1 et C1/C2
Dans les manoeuvres crânio-rachidiennes, il y a un interdit c'est la manoeuvre Hole in line, qui porte le cou en inflexion latérale avec appui direct sur la face latérale de l'axis, sujet positionné en décubitus latéral. Compte tenu des complications vasculaires potentielles, leur utilisation doit être limitée à un petit nombre de praticiens chevronnés et précédées toujours par les tests vasculaires pré-manipulatifs. Chez les femmes de moins de 50 ans et hyperlaxes, mieux vaut ne pas les utiliser, ou alors manipuler le joint du dessous C2/C3 en désinflexion.
A savoir: dans la plupart des cas, la pathologie crânio-rachidienne des 2 premiers étages cervicaux se décompense en C2/C3 et la manipulation de cet étage, beaucoup moins à risque, permet de libérer les 3 étages du rachis cervical supérie
ur+++. 


Techniques sur la cranio-rachidienne de Robert Maigne

La crânio rachidienne = Sama (système articulaire mécaniquement asservi qui enrobe les 3 premiers étages cervicaux).

Indications: céphalées, névralgie d'Arnold, attitude antalgique, difficulté à l'hyper extension du cou, à tourner la tête, contracture du triangle de Tillaux, cellulalgies de Maigne.
Recherche clinique de la restriction du mouvement dans le paramêtre de moindre amplitude: la rotation pour C0/C1 et l'inflexion pour C1/C2 patient en décubitus dorsal dans le positionnement de la manipulation cranio- rachidienne avec manoeuvres de sécurité préalables debout.
Technique de manipulation tête sur table avec 
surveillance  yeux ouverts du patient pendant la manipulation. 

- mobilisation qui recrute tout le rachis cervical dans le sens libre et qui permet de bien positionner la main manipulatrice sur la cranio-rachidienne
- ensuite par un petit déplacement latéral (jeu corporel) dans le sens inverse restreint par la main mobilisatrice controlatérale cranienne:verrouiller la crânio rachidienne en hyper extension
- puis rechercher la restriction de mobilité d'abord en inflexion pouce vers mandibule puis en rotation pouce vers orbite.
- manipulation en dérotation C0-C1 ou en désinflexion C1- C2 avec pulsion dans le sens libre, dans le respect des règles de Robert Maigne de manipuler dans le sens contraire de la douleur.

Précision complémentaire en cas d'impossibilité provisoire à manipuler le rachis cervical supérieur.
Dans un certain nombre d'indication de manipulation du rachis cervical supérieur, compte tenu d'une forte contracture des muscles para-vertébraux responsable d'une raideur majeure et douloureuse du haut du cou et en application des règles de Robert Maigne qui recommandent formellement de ne manipuler le rachis que si 3 directions au mieux et 2 au moins sont non douloureuses (schéma en étoile de Maigne et Lesage), il ne m'a pas été toujours possible de manipuler le rachis cervical supérieur de certains de mes patients. Aussi afin de lever cette contre indication technique provisoire, il m'a paru intéressant de traiter ces patients pendant quelques jours (de 3 à 10 jours) par des anti-inflammatoires stéroïdiens per os (cortancyl ou solupred à une dose variant de 20 mg à 60 mg/ jour, en une seule prise le matin au petit déjeuner, en adjoignant un protecteur gastrique). Ces corticoïdes ont fait céder le blocage douloureux et m'ont permis de manipuler le rachis sous-occipital, le segment C2-C3 et parfois C3-C4, en toute sécurité (sans oublier d'appliquer en pré-manipulatif les règles de sécurité à visée vasculaire).
Règles de sécurité à respecter à cause du risque vasculaire lié à la présence dans le canal inter-transversaire cervical, de l'artère vertébrale


Artères vertébrales qui traversent le cou, au travers des vertèbres cervicales

Test vasculaire pré-manipulatif en position debout

Recommandations de la SOFMMOO (société française de médecine manuelle orthopédique et d'ostéopathie


Manipulation cervicale sécurisée en latéro-flexion comme recommandé par Teisseire et la SOFMMOO:  rachis cervical positionné en sagittal en flexion et en latéro-flexion en frontal, à effectuer après tests de posture préalables debout, et couché lors de la mise en tension pré-manipulative.
Cinq recommandations pour les médecins ostéopathes
La SOFMMOO a proposé 5 recommandations pour que les manipulations vertébrales – et en particulier cervicales - soient strictement encadrées. Ces recommandations ont été proposées aux praticiens qui pratiquent les manipulations afin qu’ils puissent, à la lumière d’un diagnostic médical précis, choisir l’acte manipulatif – entre autres traitements – et le réalisent eux mêmes. Elles ne s’adressent qu’aux médecins ostéopathes - les ostéopathes exclusifs n’ont pas été signataires de ce travail.
Avant tout, le médecin manipulateur doit être diplômé et techniquement très compétent. Un an d’exercice continu des techniques manipulatives après l’acquisition du diplôme universitaire de troisième cycle est indispensable avant de réaliser des manipulations rachidiennes.
Le premier temps de la consultation est déterminant : il s’agit d’un interrogatoire pré-manipulatif qui a pour but de préciser l’existence d’antécédents d’effets indésirables en lien avec des manipulations antérieures (vertiges, état nauséeux..). Tout événement indésirable préalable doit faire réfuter une nouvelle manipulation.
L’examen clinique neurologique et vasculaire ensuite est indispensable avant toute manipulation, en particulier cervicale.
Pour la SOFMMOO «au cours de la première consultation, il n’est pas recommandé de recourir aux manipulations cervicales chez la femme de moins de 50 ans. Ces manipulation ne peuvent être proposées qu’après l’échec des traitements médicamenteux et physiques habituels. Dans ce cas, après l’accord éclairé du patient à qui on explique de manière simple, loyale et intelligible en quoi consiste la manipulation et ses risques et après réalisation clinique de test vasculaires prémanipulatifs. La technique manipulative doit être réalisée avec douceur et doigté et le moins de rotation possible (geste de grande technicité). Un suivi médical doit être assuré ».
Dans le cas où le geste de manipulation cervicale est réalisé par un non médecin, un certificat médical de non contre indication doit être rédigé avant l’acte.
REFERENCES :
Vautravers P. Manipulations vertébrales-ostéopathie. Indications raisonnées, complications. Entretiens de Bichat, 26 septembre 2014.
Vautravers P, Maigne JY. Cervical manipulation and the precautionary principle. Joint Bone Spine 2000 ; 67 : 349-354