L'article qui suit sur Dopage et Rugby est volontairement polémique, sa seule prétention est de faire prendre conscience à tous les amateurs de ce sport magnifique que je défendrais toujours bec et ongles, qu'il est sur une pente glissante à cause des gabarits hors normes induits par une musculation outrancière des joueurs qui le pratiquent à haut niveau. Ces gabarits, sans pouvoir pour l'instant médico-légalement prouver qu'ils sont liés à la prise de substances dopantes anabolisantes, n'ont pas l'air naturels et beaucoup de joueurs bodybuildés à l'extrême sont très loin d'avoir l'allure et le talent de Jonah Lomu. Leurs masses musculaires ferment la porte à ceux qui préconisent un rugby avec davantage d'évitement et moins violent, le seul susceptible de réduire la macro-traumatologie et les micro-traumatismes répétés induits par des méthodes de musculation non physiologiques proposées par les apprentis sorciers que sont devenus beaucoup de préparateurs physiques, avec des prises de poids rapides de 10 à 20 kilos sans que les médecins, les coaches et les présidents de club trouvent pour l'instant à redire et pourtant c'est de l'avenir du rugby et de la préservation de la santé de nos joueurs dont il s'agit.
Une prise d'amphétamine type Captagon, est effectivement capable de fausser le résultat d'un match de rugby, comme tout amphétaminique il gomme la fatigue et a un impact direct et conséquent sur la performance physique, mais avec un revers de la médaille non négligeable, celui d'induire une perte de la maîtrise de soi, vecteur de brutalités et les pénalités qui vont avec et donnant un sentiment d'invulnérabilité, elles faussent le jugement et altèrent la lucidité. Sûreté du jugement et lucidité étant les qualités psychologiques absolument indispensables pour un demi de mêlée, un arrière et un trois quart centre, trois postes clés dans le dispositif tactique d'une équipe de rugby et prendre des amphétamines pour des lignes arrières me semble être d'un non sens absolu, et pourtant Sella, Blanco et Berbizier, trois légendes absolues du rugby français, sont pointés du doigt par le Dr Mombet qui n'est pas n'importe qui.
Une enquête britannique révèle (voir plus bas), des prises d'anabolisants associés à des compléments alimentaires protéinés et leurs impacts durables sur l'hypertrophie musculaire et par tant leurs effets délétères sur l'organisme et tout particulièrement sur le système ostéo-articulaire (voir en fin d'article la mise en garde des Prs Rivière et Mansat). La prise concomitante de ces produits ayant un impact direct sur la masse musculaire, avec des prises de poids rapides pouvant aller jusqu'à 20 kilos, voire plus, induisant un jeu tout en puissance fortement traumatisant avec à court terme un très grand nombre de lésions musculaires, tendineuses et ligamentaires graves (de type rupture) et à moyen et long terme des problèmes de santé majeurs compte tenu des effets délétères sur le psychisme, le coeur, le foie et les reins.
Mon Expérience de médecin de l'USAP Perpignan
Médecin de l'USAP Perpignan de 1975 à 1982, je faisais aussi partie du pool des trop rares médecins jeunesse et sport impliqués dans la lutte contre le dopage en particulier dans le cyclisme (à l'époque dans le collimateur des pouvoirs publics, depuis le drame de Tom Simpson dans le Mont Ventoux en 1967). J'étais aussi très impliqué dans l'Athlétisme et la Gym. Je veillais particulièrement au grain, les amphétamines comme le Captagon ou le Maxiton, les Corticoïdes, le Guronsan, des Anabolisants étaient détournés de leur usage thérapeutique et circulaient sous le manteau dans le milieu sportif; impliqué dans la lutte anti dopage, j'en étais parfaitement informé par ma hiérarchie Jeunesse et Sports; circulaient également, les Anorexigènes (coupes faims) substances proches des amphétamines, il fallait être mince et en forme.
Donner du Captagon ou des coupes faims à mes joueurs et plus spécialement à mes avants, ou un stimulant quelconque, (c'était non contrôlé) aurait été aller contre mes convictions les plus profondes, renier mon serment d'Hippocrate et surtout mettre en grand danger mes joueurs et leurs adversaires et en particulier mes chers avants, dont la plupart étaient capables de mettre leur tête, là, ou personne de censé n'aurait osé mettre le bout de son pied. Nous avions à peu de chose près le même âge, la même passion pour notre sport, trois fois par semaine je m'entraînais avec eux, le dimanche j'étais dans les vestiaires, en secret j'admirais leur courage et pour certains leur témérité m'impressionnait. Je connaissais par coeur leur physiologie, leur mental, leurs points forts et leurs points faibles et toute prise de substance illicite aurait aussitôt attiré mon attention. Je protégeais certains d'entre eux dont la personnalité était limite et m'élevais quand il le fallait, contre l'environnement managérial, le public, les médias, qui exigeaient d'eux toujours plus. J'avais toute leur confiance et celle de notre coach André Quilis et de notre président Noel Brazès. Hélas pour nous, il y eu toujours en travers de notre route, le grand Béziers de Raoul Barrière, son paquet d'avant de folie, ses demis diaboliques et son arrière funambule, mais hélas aussi à en croire certains, des relents de prise de Captagon avant certains matchs, qu'il ne sera jamais possible de confirmer. Des fois ça s'est joué à presque rien. C'était une autre époque, celle ou l'on se faisait découper en deux pour ses couleurs sans se plaindre et pour des clopinettes, l'argent comptant bien peu. Le lundi matin sans barguigner on était tous au boulot, on ne passait pas à la télé, on ne nous demandait rien, excepté d'être des hommes, des vrais, des dopés, en ce temps là, dans cette équipe de l'USAP, s'il y en avait et je ne peux malheureusement pas le certifier, ça se faisait derrière mon dos. Avec cette équipe, entre 75 et 82, nous n'avons jamais gagné de titres, mais je suis fier de voir que 40 ans après la finale de 1977, quand nous nous retrouvons autour d'une bonne table, la plupart des joueurs sont encore en bonne santé et ça sincèrement la plupart d'entre eux me le doivent.
Voici une anecdote significative de cette époque: beaucoup de cyclistes de cette époque, alors que j'étais le seul spécialiste de médecine du sport reconnu sur Perpignan, me reprochaient de ne jamais prescrire de produits stimulants: "Docteur, m'a dit l'un deux, ne vous étonnez pas si aucun d'entre nous ne vient plus vous consulter, vous ne savez pas nous soigner, vous ne serez jamais riche"; ce cycliste, qui n'a jamais dépassé le niveau régional, préférait consulter un de mes confrères à la réputation douteuse, qui officiait du côté de Bordeaux, se remplissait les poches avec ses ordonnances sensées corriger les déséquilibres biologiques des sportifs et qui au final a eu maille à partir avec la justice et le conseil de l'ordre des médecins.
Dernière minute (tiré du quotidien sportif l'équipe) Avant d'attaquer frontalement en justice le livre de Pierre Ballester, tous ceux qui nient les évidences, devraient s'imprégner des lignes qui suivent, rapportées par le grand quotidien français du sport l'équipe, le dopage, n'étant évidemment pas qu'un mal français.
"Une enquête devrait faire beaucoup de bruit et qui risque de ternir un peu l’image du rugby anglo-saxon. Nicole Sapstead, directrice de l’Agence anti-dopage britannique (UKad), a révélé au Guardian, une inquiétante augmentation de l’utilisation de stéroïdes chez les jeunes sportifs. Le rugby n’est pas le seul sport cité, mais il est un des principaux dans lesquels des abus ont été constatés. A l’approche de la Coupe du monde de rugby (18 septembre – 31 octobre), Sapstead avance qu’elle a constaté des dérives touchant même des jeunes à peine âgés de 14 ans. C'est un problème de santé publique.
Sur les 15 cas de dopages constatés par l’UKad, 13 viennent du monde du rugby (à XV ou à XIII). Et certains cas ne sont pas vraiment des anonymes. En effet, Sam Chalmers, fils de l’ancien international écossais Craig, a été testé positif à deux stéroïdes lors d’un rassemblement de l’équipe d’Ecosse des moins de 20 ans en mai 2013. «La prise de stéroïdes anabolisants a explosé dramatiquement ces dernières années. En partie parce qu’ils sont très facilement trouvables sur Internet», annonce Nicole Sapstead. La directrice de l’UKad est cependant persuadée qu’aucun test ne sera positif durant la Coupe du monde. Mais en fait, sa principale préoccupation concerne les jeunes sportifs, les aspirants au haut niveau. «Comme dans d’autres sports, ils sont prêts à repousser leurs limites par n’importe quel moyen pour arriver à franchir le cap qui leur permettrait de devenir professionnel».
L’inquiétude de Sapstead rejoint celle de ceux qui considèrent que le problème du dopage ne concerne pas forcément les plus hauts niveaux du sport britannique, mais la formation, où la concurrence est encore plus dure car personne ne veut rester sur le bas-côté et manquer une opportunité de vivre une vie de sportif de haut niveau. «Quand il s’agit de prise de stéroïdes, nous cherchons dans les niveaux inférieur du sport, annonce Sapstead. Mais ce n’est même plus un problème lié au sport ou au dopage, c’est devenu un problème de santé publique. Les responsables de l’éducation et de la santé doivent également s’impliquer.»
Le rugby doit être exemplaire. De fait, de nombreuses voix s’élèvent en Grande-Bretagne pour dénoncer une génération de sportif qui prendrait des stéroïdes comme d’autres prenaient du Guronsan. Les professionnels de la santé dénoncent également un certain narcissisme, qui pousse à faire n’importe quoi pour se sculpter le corps de ses rêves. Avec les dérives que cela peut entraîner. «C’est très dangereux pour leur santé, prévient Sapstead. Il nous arrive d’intercepter des colis qui contiennent des choses qui n’étaient pas du tout ce qui avait été commandé. De plus, les laboratoires clandestins n’offrent aucune garantie de qualité ou d’hygiène dans la fabrication de leurs produits. C’est prendre un énorme risque avec sa santé.»
Inquiète, la directrice de l’UKad voudrait que l’accent soit mis sur la prévention et l’éducation des jeunes afin qu’ils comprennent le danger qu’il y a à prendre des stéroïdes. Un souhait partagé par Debbie Jevans, directrice exécutive de England 2015 World Cup:«En tant que sport au sommet de sa popularité, le rugby doit avoir valeur d’éducation. Il faut comprendre que le meilleur moyen d’y arriver est de s’entraîner dur, très dur, de donner tout ce que l’on a et de ne pas se laisser tenter par les chemins de traverse. N’hypothéquez pas votre santé."
Voici ce qu'écrivaient 2 grands spécialistes de la médecine et traumatologie du sport en 2008, les Prs Daniel Rivière et Christian Mansat de Toulouse, tous 2 anciens rugbymen et amoureux du beau rugby. L'accident musculaire constitue le risque inhérent au sport de haut niveau, que Pierre de Coubertin définissait comme « le culte volontaire et habituel de l’exercice musculaire intensif, appuyé par le désir de progrès et pouvant aller jusqu’au risque » et la bonne question est de savoir (D. Rivière, professeur de médecine sportive) jusqu’où peut-on accepter ce risque? L’accroissement de la masse musculaire qui pousse un grand nombre de sportifs à utiliser des moyens non naturels a pris le pas sur la prévention des accidents et le « trop de muscles » va finir par tuer le muscle.
Le Toulousain, professeur de chirurgie orthopédique Christian Mansat, résume parfaitement la problématique des accidents tendino-musculaires: "dans la plupart des statistiques publiées depuis un certain nombre d’années et surtout dans certains sports, il apparaît une augmentation significative du nombre de lésions musculaires et tendineuses et par voie de conséquence, une altération des structures articulaires. Près de 30 % de ces lésions musculaires et tendineuses sont observées au décours d’un entraînement. Elles sont surtout topographiées au niveau du membre inférieur (90 %). Le traumatisme extrinsèque (contacts plus ou moins violents) est le plus souvent évoqué. Ces lésions musculaires intrinsèques représentent plus de la moitié des accidents sportifs avant l’entorse du genou. Rappelons que le muscle est une structure complexe, adaptée à la transformation d’énergie chimique en énergie mécanique. Ses principales qualités sont la vitesse, l’endurance, la vigilance et la viscoélasticité. Ces qualités sont en rapport avec :
- la structure biomécanique propre (fibre musculaire et structure conjonctive)
- l’activité métabolique des différentes fibres (I : oxydative endurante, Ia : oxydative et glycolytique, Ib : glycolytique force durée brève)
- le système neuromusculaire qui permet de régler les activités réflexes automatiques et volontaires.
Ces accidents musculaires et tendineux sont devenus pénalisants pour les athlètes et leur club. Nous avons, en France, le triste privilège d’avoir, dans certains sports (rugby, athlétisme) le pourcentage le plus élevé. Le rôle de l’équipe médicale, paramédicale, des préparateurs et de l’entraîneur est d’essayer de penser à la prévention et d’évaluer les facteurs de risque en mettant en place une réelle prophylaxie. Il est licite de se poser la question concernant la responsabilité de certaines méthodes d’entraînement basées sur un excès de travail musculaire, souvent inadapté aux différents sports. Le travail musculaire doit être finaliste, il doit être adapté au sport pratiqué. Est-il nécessaire, dans certains sports d’avoir de « gros muscles » pour devenir un champion ? L’hypertrophie musculaire est synonyme de fragilité tendino-musculaire. A cette obésité musculaire générale ou locale, il faut associer, hélas, le corollaire, la diététique en particulier, les régimes hyper-protidiques avec ses conséquences volumétriques, densitométriques, endocriniennes, rénales, hépatique.
Cette stratégie nutritionnelle hyper-protidique se fait aux dépens de l’équilibre énergétique, différente selon le type d’exercice : force, vitesse, endurance. Le régime diététique du sportif doit être équilibré qualitativement et quantitativement sans oublier le rôle respectif indissociable des glucides, des lipides et des protides. Il faut savoir garder une juste répartition équilibrée : eau, glucides (50 %), lipides (30 %), protides (15 %). Le tissu adipeux ne doit pas être banni aux dépens des protides, il fait la forme et les formes. Ne pas oublier que trop de muscles tue le muscle, fragilise le tendon et surcharge l’articulation".