Sommaire
Note de l'auteur
Relecture du texte
Préfaces
Introduction
Les Lancers en Athlétisme
Rappels de physiologie de l’exercice musculaire
Les ressources métaboliques
Neuro-physiologie de l’exercice musculaire
Les grands principes moteurs en athlétisme (A. Piron et G. Gacon)
Les qualités physiques des Lanceurs
Objectifs et moyens pour Lancer loin
Etirements et activités physiques et sportives
Le mental dans les Lancers
Les bases alimentaires
Bases médicales des blessures de surcharge dans les Lancers
Traumatologie des Lancers en Athlétisme
Le rachis cervical du Lanceur
La colonne lombaire du Lanceur
L’épaule du Lanceur
Le coude du Lanceur
Le poignet et la main du Lanceur
Le complexe lombo-pelvi-fémoral du Lanceur
Le genou du Lanceur
Le pied du Lanceur
Conclusion
Bibliographie
Note de l’auteur : Toute la problématique médicale autour des lancers (la gestuelle technique, la physiologie et la neuro-physiologie de l’exercice musculaire, les grands principes moteurs, les qualités physiques, les effets des étirements, le mental, l’alimentation, les bases médicales des blessures de surcharge, la traumatologie), traitée dans cet ouvrage de manière quasi exhaustive, peut facilement s'extrapoler aux autres spécialités de l’athlétisme (courses et sauts), à toutes les activités physiques et sportives et même à la vie de tous les jours. Et de l’esquisse à l’oeuvre le chemin a été long, très long.
Relecture du texte: J. Pallure, Jacques Pelgas, Jean-Yves Cochand, Zenon Turbanski, Didier Poppé, Cédric Lukzak, Jack Danail, Thierry Lichtle, Georges Gacon, Alain Piron. Merci à eux.
Préfaces
Louis Pallure a été mon élève et un très bon élève pendant qu’il suivait l’enseignement du Diplôme de Traumatologie du Sport que j’avais initié à Paris V, puis il est devenu mon correspondant, et un correspondant fidèle, parfaitement apte à soumettre des cas difficiles et à entreprendre des discussions intéressantes. Il est maintenant mon ami et un ami très cher sur qui je sais que je peux compter dans tous les domaines de la vie.
L’ouvrage qu’il vient d’achever porte sur un domaine qu’il connaît parfaitement bien sur le plan technique et sur le plan médical : les Lancers. Il nous permet une fois de plus d’apprécier ses grandes connaissances dans ces 2 thèmes car comment imaginer que nous soyons, nous médecins, capables de bien analyser, de correctement diagnostiquer et d’efficacement traiter un sportif sans connaître le sport qu’il pratique, ses exigences, ses inconvénients et ses dangers. Tout cela Louis Pallure nous le démontre au long de son travail. Il nous rappelle qu’au cours de leurs diverses spécialités, les lanceurs sont soumis à des micro-traumatismes nombreux et variés, notamment au niveau de l’épaule mais aussi du coude et du poignet, mais encore de toute la colonne vertébrale, du bassin, du genou, de la cheville et du pied. Il nous redit que l’évaluation clinique doit être méthodique et rigoureuse car en traumatologie des lancers, un grand nombre de lésions ostéo-articulaires, capsulo-ligamentaires, tendineuses et même neuro-vasculaires peuvent être observées. Cette évaluation doit être fondée d’une part sur l’analyse des micro-traumatismes ou du traumatisme vrai, la recherche de signes fonctionnels au cours de l’accident, au décours de la pratique et dans les suites rapprochées ou plus lointaines, d’autre part sur un examen clinique détaillé et enfin la réalisation d’un bilan d’imagerie orienté qui, seuls, permettent d’aboutir à une stratégie thérapeutique adapté au problème posé. L’interrogatoire précise le mécanisme lésionnel, la localisation et l’importance des douleurs, le degré de gêne fonctionnelle qui en résulte. L’examen clinique doit être mené avec la plus grande rigueur. La simple inspection apporte dans certains cas des renseignements précieux. L’étude de la mobilité active, passive et contre résistance est fondamentale. L’étude de la stabilité est très utile pour certaines articulations. La palpation de la structure incriminée doit servir de synthèse à cet examen. Quant à l’imagerie, elle ne doit se faire qu’après l’évaluation clinique afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic évoqué. Sa richesse est devenue extrême, mais ne doit jamais faire oublier que les clichés standards sont indispensables, quand bien même l’échographie et l’IRM aient pris de nos jours une importance considérable dans l’exploration des pathologies sportives. Merci à Louis Pallure de nous avoir rappelé toutes ces notions fondamentales dans ce travail qui fera date. Paris le 18/05/2021. Jacques Rodineau, ancien professeur au collège de Médecine des Hôpitaux de Paris.
La vie est faite de rencontres, certaines sont bonnes, d’autres mauvaises, encore faut-il déterminer le bon du mauvais.L’expérience de la vie, fondée sur l’observation, la réflexion, le développement de notre mémoire, nous permet d’évaluer les personnes qui nous entourent, leurs connaissances et leurs désirs de les transmettre.
Le Dr Louis Pallure fait partie de ces gens passionnés qui savent communiquer leur passion. Praticien hospitalier, spécialiste en médecine physique et réadaptation, médecin du sport, médecin ostéopathe, mais aussi professeur de sport et musculation, ayant pratiqué le rugby, l’athlétisme, la force athlétique, la haute montagne, il sait de quoi il parle. Le lire est un enrichissement technique et intellectuel basé sur un cheminement de connaissances, laissant la porte ouverte au perfectionnement, à l’ouverture à certaines réponses sur la prévention des blessures musculaires et articulaires. A l’écouter, Louis est un personnage intarissable, alliant le geste et la parole.
D’origine perpignanaise, il a la truculence d’un Cyrano, l’expression d’un Salvador Dali et quel plaisir de l’entendre. Mais chez cet homme, ce qui me frappe le plus c’est son désintéressement et cette faculté de mettre le don de lui-même au service de l’athlète.
En France, nous aurions besoin de beaucoup de Louis Pallure, des êtres de cohésion, indispensables à l’encadrement de notre pratique sportive. A la demande d’un athlète en perdition psychologique, Louis n’hésite pas à se déplacer de Perpignan jusqu’à St Raphaël, consulte sur place l’autorité médicale spécialisée, règle le problème en un week-end et repart toujours avec le même sourire. « La messe est dite ». St Raphaël le 17-03-2021, Jacques Pelgas.
Dans ma carrière d’entraîneur, j’ai passé une bonne partie de mon temps à accompagner les athlètes, non seulement dans leur préparation technique ou physique, mais aussi quand ils avaient des problèmes et que nous avions besoin d’une aide extérieure, le plus souvent médicale, étant donné les multiples sortes de blessures qui peuvent arriver dans la pratique des Lancers. L’entraîneur est ‘’le compagnon des mauvais moments’’ disait Joseph Maigrot, mais le médecin l’est aussi assurément. Non seulement on compte sur sa compétence et son expérience pour vous tirer d’un mauvais pas (en espérant souvent qu’il fera des ‘’miracles’’ !), mais aussi sur son humanité et sur la relation positive et confiante qu’il saura établir avec des gens pressés et stressés. (Soigner le mental fait partie de leur boulot). Les médecins sont comme les entraîneurs, il y en a des bons, il y en a des mauvais et j’en ai vus de toutes les sortes. A force de poireauter dans les salles d’attente, d’observer les protocoles d’examen et d’essayer de déchiffrer les hiéroglyphes des rapports et des prescriptions, on finit par acquérir quelques connaissances et surtout la faculté de distinguer celui qui sait de quoi il parle et celui qui parle pour impressionner et faire croire qu’il sait.
Coach ou médecin, on reconnaît aussi un vrai expert à la manière claire et simple avec laquelle il s’exprime et sait présenter les choses, analyser les problèmes, proposer des solutions. Et là il vous suffira de lire le contenu de cet énorme travail du Dr Pallure pour voir tout de suite à qui vous avez à faire ! Chose curieuse, je ne pense pas avoir jamais rencontré personnellement le Dr Pallure, nous avons vécu dans des parties du monde différentes et nos chemins ne se sont pas croisés bien que gravitant tous les deux dans l’entourage des équipes de France. Mais, depuis qu’un contact s’est établi, que j’ai lu ce qu’il écrit, que j’ai vu que c’était quelqu’un de toujours disponible et de bon conseil, j’ai le sentiment que quelque chose qui m’a manqué est maintenant là pour aider ceux qui affronteront les ‘’mauvais moments ‘’ ! Auckland le 23-02-2021, Didier L. Poppé
Introduction
J’ai mis ma passion, une grande part de mes connaissances, et toute mon expérience de médecin de terrain dans l’écriture de cet ouvrage dont le coeur est consacré à la traumatologie des lancers en athlétisme précédée, avec l’aide précieuse des tout meilleurs entraîneurs d’athlétisme, d’un chapitre sur la technique des lancers, des rappels de physiologie de l’exercice musculaire, de neuro-physiologie et de bien d’autres: les qualités physiques du lanceur, les objectifs et moyens pour lancer loin, une mise au point sur l’alimentation des sportifs et quelques lignes sur le mental, si important dans une performance de haut niveau.
Les chapitres consacrés aux étirements et aux bases médicales des blessures de surcharge sont à lire avec beaucoup d’attention si l’on veut comprendre d'abord, prévenir si possible et enfin prendre en charge ensuite les différentes pathologies des lanceurs.
Cet ouvrage est dédié aux quatre mousquetaires qui, dans les années soixante, m’ont fait aimer les lancers: Michel Macquet (javelot), Pierre Colnard (poids), Pierre Alard (disque) et Guy Husson (marteau).
Dédié aussi à tous les athlètes des équipes de France d’Athlétisme, cadets, juniors, espoirs et élites dont j’ai eu le privilège de m’occuper, à tous les entraîneurs d’athlétisme et tout spécialement à Jacques Pelgas et Didier Poppé, deux hommes merveilleux et au savoir immense sur l’athlétisme, au Pr Jacques Rodineau qui m’a formé, et a formé 40 années durant les tous meilleurs médecins de traumatologie du sport de l’hexagone. Dédié enfin à un ami aujourd’hui disparu, Pascal Barras, l’exigence et la passion de l’athlétisme personnifiées avec ses 50 ans d’expérience au service de la plus belle spécialité de l’athlétisme, les épreuves combinées. Dr LP
Les Lancers en Athlétisme
Un lanceur de haut niveau est un athlète avec une intelligence motrice supérieure à celle des autres spécialités de l’Athlétisme (Didier L Poppé).
Elle peut se définir «comme l'activité du corps incluant la conscience et les sensations, comme la pensée est l'activité de l'esprit. Elle construit les savoirs et connaissances propres aux différents domaines de la motricité» (Alain Piron, revue EPS). Intelligence motrice que les professeurs d'EPS doivent développer chez tout enfant scolarisé et les entraîneurs de lancer, amener à leur quintessence.
Le socle de cette intelligence motrice est la sensori-motricité du mouvement. A partir de ce socle, elle se met en place par étapes successives de construction et de stabilisation, avec participation active de la mémoire et de l’expérience afin de différencier ce qui permet la réussite de ce qui provoque l’échec, puis intégration du fruit de cette différenciation par exploration des extrêmes et ajustement progressif des réponses.
Sur le plan musculaire, les 4 lancers mettent en jeu une chaîne prioritaire qui nécessite un alignement jambe-cuisse-bassin-tronc qui n’admet aucune rupture et va se traduire par le placement du bassin en rétroversion et une ligne solide qui passe par le pied, le genou, la hanche, l’hémi-bassin gauche et l’épaule droite chez un droitier.
Si lancer loin est l'apanage d'un tout petit nombre, c'est avant tout lancer bien. L'acquisition du geste technique juste étroitement lié aux qualités de force-vitesse, de coordination, d'adresse et de souplesse est fondamentale chez un lanceur et loin d'être un long fleuve tranquille.
Avoir un gabarit hors norme est un plus indéniable, mais sans la bonne gestuelle technique, un entraînement physique général et spécifique acharné et un mental à toute épreuve, cet avantage naturel va disparaître.
Les contraintes articulaires et rachidiennes pour acquérir l'indispensable force explosive allant au delà des seuils physiologiques de résistance ostéo-articulaire, la blessure est omniprésente à très haut niveau; d'où l'impérieuse nécessité d'un encadrement médical de terrain de qualité (médecins et kinésithérapeutes du sport).
1- Les 4 lancers
Les lancers en athlétisme sont au nombre de 4: poids, disque, javelot et marteau. L’objectif pour tout lanceur est d'envoyer ces 4 mobiles le plus loin possible et chaque lancer est une performance de force élastique réalisable uniquement parce qu’elle est la résultante d’un entraînement général et spécifique, déterminée par la génétique et les prédispositions.
«C’est le résultat d’un long processus de développement onto et phylogénétique, l’organisme humain étant capable d’accomplir un geste technique de lancer reproductible et adaptable, rarement rencontré dans la vie courante, qui demande un maximum de précision et, dans un temps très court, de fiabilité motrice avec un optimum de vitesse motrice et dans l’action, avec un minimum de dépense énergétique» (E. Arbeit, K. Bartonietz et L. Hillebrand).
Chacun des 4 lancers se caractérise par une phase de lancement dont le temps essentiel est une accélération progressive à l'intérieur de l'aire de lancer et une phase d’envol dont la hauteur par rapport au sol et la distance seront fonction de la morphologie du lanceur, de ses qualités musculaires, de son niveau technique et de l'angle d'envol par rapport au sol. Cet angle d’envol est de l’ordre de 42° pour le poids, 35° pour le disque, 34° pour le javelot et 42°-44° pour le marteau (Olivier Rambaud et Didier Poppé).
2- Un peu d’histoire
Le lancer de poids
Il est connu depuis l’Antiquité. Celui mesuré à Olympie avec la pierre de Bybon n’a que très peu de rapport avec la pratique contemporaine. A partir du XIIème siècle, il fait son apparition dans l’éducation des jeunes princes britanniques. Ce n’est qu'au XIXème siècle que le poids a pris la forme sphérique que nous lui connaissons aujourd’hui et que sa masse a été officialisée à 7,260 kg pour les hommes, en référence au poids du boulet de canon utilisé dans l’artillerie, et celle des femmes à 4 kg.
Le lanceur lance d'une seule main, poids au contact avec le cou tout au long du déplacement à l’intérieur d’un cercle de 2,135 m de diamètre et suivant deux techniques de lancer.
La technique traditionnelle en translation d’O’Brien est utilisée encore de nos jours par un grand nombre de lanceurs et lanceuses (Ulf Timmermann, 23,06 m; Werner Günthör, 22,75 m et un de mes lanceurs de poids préféré; Gaëtan Bucki, 20,39 m; Yves Brouzet, 20,20 m; Pierre Colnard, 19,77 m; Arnjolt Beer, 19,76 m; Luc Viudès, 19,67 m; Valérie Adams, 21,24 m; Laurence Manfrédi, 18,69 m et record de France; Jessica Cérival, 17,99m).
Celle en rotation de Baryshnikov est actuellement dominante chez les meilleurs lanceurs hexagonaux (Frédéric Dagée, 20,75 m et nouveau record de France d'athlétisme en salle; Yves Niaré, 20,72 m; Tumataï Dauphin, 20,10 m; Antoine Duponchel, 19,34 m) et mondiaux (Ryan Crouser, 23,37 m et nouveau record du monde; Randy Barnes, 23,12 m; Joe Kovacs, 22,91 m; Tomas Walsh, 22,90 m). Compte tenu du déplacement plus grand de l’engin et d'une phase d’accélération plus importante, la rotation est d'un niveau technique supérieur à la translation.
Pour Didier Poppé, la vitesse de projection est le paramètre le plus important dans la réalisation de la performance, et, en ce qui concerne les meilleurs lanceurs mondiaux, elle dépasse 14m/sec. De grandes capacités de force seront nécessaires pour accélérer à ce point la masse relativement importante de l'engin, avant tout la force maximale mais aussi la puissance et la force de poussée spécifique. La vitesse d'action sera également un élément important de la performance au lancer du poids, elle sera obtenue principalement grâce à la force d'extension des muscles des jambes, du tronc et du bras.
Toutes ces forces doivent être coordonnées en un temps très bref de manière à agir de manière optimale le long du court chemin d'accélération de l’engin. Pour Art Vénégas et une majorité d’entraîneurs américains, la force est mieux exploitée avec la technique en rotation qu’avec la technique traditionnelle en translation. Introduite idéalement dès l’âge de 13-14 ans avant même que les lanceurs de poids débutants dominent la technique traditionnelle, elle est moins traumatisante et peut être poursuivie à très haut niveau jusqu’à la quarantaine et même au delà.
Cette technique en rotation présente l’avantage mécanique d’un long chemin d’accélération, d’une meilleure poussée de la jambe à l’avant du cercle et de bonnes qualités rythmiques pendant l’exécution du mouvement. Elle permet par ailleurs à des lanceurs de poids de taille et de force moyenne d’obtenir aussi de bonnes performances. Et l’entraîneur américain Art Vénégas de citer en particulier Mike Spiritoso : 20,83 m pour 1 taille de 176 cm et 103 kilos de poids de corps; Brian Muir : 20,58 m pour 190 cm et 105 kilos et seulement 210 kg en squat, 145 kg au développé-couché et en épaulé. En comparaison, John Brenner avec la technique traditionnelle en translation lançait le poids à 21, 92 m pour une taille de 192 cm, un poids de corps de 132 kg et des records assez impressionnants de 325 kg en squat, 220 kg au développé-couché et 185 kg à l’épaulé. Sur le plan médical, le lancer en rotation nécessitant moins de force brute est beaucoup moins traumatisant que le lancer de poids traditionnel en translation. Il est aussi bien adapté aux lanceurs de taille moyenne avec des poids de corps autour de 100 kilos. Il pourrait même intéresser les spécialistes des épreuves combinées qui doivent gérer des qualités physiques autres que la force. Biomécaniquement plus complexe mais beaucoup plus explosif il fait davantage participer l’ordinateur central cérébral par le biais de la sensori-motricité.
Le lancer de disque
Il est une des plus anciennes formes de compétition athlétique et à ses origines dans la Haute Antiquité grecque le disque était en pierre et le lancer de disque dans une statue représentait leur idéal de beauté. Réalisé habilement avec une bonne technique c’est un mouvement d’une grande beauté esthétique. Mais à cause de sa complexité, la qualité technique est le facteur dominant dans la performance.
De nos jours, il est en bois ou en métal et entouré d’une jante métallique. Sa masse est de 2 kg pour les hommes (Daniel Stahl, 67,59 m aux mondiaux de Doha; Jean Claude Retel, 68,90 m et record de France; Lolassonn Djouhan, 66,66 m; Tom Reux, 60,46 m; Pierre Alard, 55,32 m) et de 1 kg pour les femmes (Yaimé Pérez Tellez, 69,17m à Doha; Mélina Robert Michon, 66,73 m et record de France, entraînée par Serge Debié). Saluons au passage ce formidable lanceur de disque que fut l’américain Al Oerter qui restera dans l'histoire de l'athlétisme comme le premier athlète à avoir conquis quatre médailles d'or olympiques consécutives dans la même épreuve individuelle du lancer de disque (une performance que seul Carl Lewis rééditera au saut en longueur).
Pour Didier Poppé, la technique du lancer du disque est souvent considérée par les experts comme la plus difficile des 4 lancers à réaliser mais aussi la plus difficile à enseigner. L’enchaînement des actions depuis la position de départ dos au lancer débute déjà par un pivot sur l’avant-plante du pied gauche particulièrement délicat à négocier pour permettre une prise de vitesse initiale tout en gardant la possibilité de déclencher une prise d’avance des appuis vers le centre du cercle. Ensuite, à la reprise d’appui pied droit, la qualité du pivot de ce dernier sera capitale pour permettre au lanceur de se retrouver dans la position la plus favorable et la plus efficace pour achever son lancer par la frappe finale du bras lanceur sur le côté.
La maîtrise de ces deux pivots très différents est donc absolument essentielle pour permettre au lanceur de pouvoir disposer de toutes les forces et de toutes les accélérations qu’il est susceptible de mettre en jeu. Or, bien trop souvent on constate que ce travail des pivots est négligé chez les débutants où l’on privilégie des situations et des sensations basées sur le lancer sans élan (d’ailleurs souvent mal réalisé lui aussi), mais aussi, et c’est peut être plus inquiétant quant à la compréhension même des aspects mécaniques du geste, par des entraîneurs et des athlètes dits de haut niveau où l’on privilégie parfois la force ou la vitesse au détriment de l’efficacité du geste.
Sur le plan technique l’apprentissage moteur du lancer de disque, comme pour tous les lancers, demande à être commencé jeune (entre 13 et 15 ans, phase la plus favorable), de l’envisager comme un tout et uniquement sur le plan fonctionnel (Jacques Pelgas) et meilleur moyen pour que l’ordinateur central cérébral contrôle au plus juste la qualité du geste et en particulier le rythme qui est l’expression de la partie qualitative du mouvement, alors que la synchronisation (timing) ne représente que l’aspect biomécanique de la gestuelle, de l’acquérir comme tel et seulement une fois le geste maîtrisé, de perfectionner les détails.
Le lancer de marteau
C’est au Moyen Âge en Irlande et de nos jours au cours de jeux traditionnels dans les pays Celtes, que le lancer de marteau, alors simple marteau de forgeron, est apparu pour répondre aux exigences de l’éducation des Princes. Actuellement il est composé d'une tête métallique, d'un câble et d'une poignée. L’ensemble a une masse identique à celle du poids: 7,260 kg pour les hommes (Christophe Epalle, 81,79 m; Quentin Bigot, 79,70 m, vice-champion du monde 2019, 5ème aux récents J. O. de Tokyo, entraîneur PJ Vazel; Walter Ciofani, 78,50 m; Yann Chaussinand, 74,64 m; Jacques Accambray, 73,46 m; Hugo Tavernier, 72,45 m; JB Bruxelle, 71,26 m; Guy Husson, 69,40 m) et 4 kg pour les femmes (Alexandra Tavernier, 75,38 m, championne du monde junior, médaillée de bronze aux championnats du monde à Pékin en 2015, 4ème à Tokyo, entraîneurs successifs: Christophe Tavernier, Guy Gerrin, Walter Ciofani, Gilles Dupray, recordman de France avec 82,38 m).
Saluons au passage l’école de marteau soviétique qui a remporté tous les titres olympiques depuis 1972, hormis ceux de 1984 à Los Angeles (boycot) et tout particulièrement Anatoly Bondarchuk, champion olympique en 1972, puis entraîneur des plus grands lanceurs soviétiques ((Sedykh, Litinov, etc), qui est sans doute celui qui a contribué le plus à l’évolution technique et à la planification de l’entraînement de cette magnifique spécialité (il est docteur ès sciences et chercheur).
Le lancer de marteau diffère des lancers de poids et de disque, en ce sens qu’il est réalisé les deux membres supérieurs tendus et que sa phase d’éjection n’implique pas une extension des membres supérieurs.
La puissance est essentiellement produite par les membres inférieurs et le déplacement au sein de l’aire de lancer est plus important. Une part non négligeable de la force produite par les membres supérieurs sert à résister à la force centrifuge exercée sur le lanceur par le marteau.
Pour Didier Poppé, du fait des hauts niveaux de force statique, de force et de souplesse spécifiques, de vitesse et de dynamisme du mouvement, de coordination tout autant que de la dynamique propre du mouvement et de la force explosive qu'il nécessite, le lancer de marteau peut être considéré comme la discipline athlétique la plus compliquée.
Inversement pour Jacques Pelgas la technique du marteau est la plus facile à maîtriser et constitue une base d’apprentissage idéale pour les autres lancers.
Sur le plan technique le lanceur, au départ, fait tourner le marteau autour de lui pour lui donner de la vitesse. Lorsque le mobile a suffisamment d’élan, l’athlète se déplace sur 3 (Jacques Accambray, Youri Sedyckh, recordman du monde avec 86,74 m) ou 4 tours avant éjection. A chaque tour, la vitesse du marteau augmente de façon significative, jusqu’à atteindre au moins 29m/s, grâce à l’action synchrone des membres inférieurs, du tronc et des membres supérieurs. La finale est explosive pour produire la plus grande vitesse d'éjection possible.
Malgré une masse équivalente et en raison du déplacement plus important dans l’aire de lancer, la vitesse d’éjection du marteau est presque 2 fois supérieure à celle observée dans le lancer de poids. La durée totale du mouvement à compter du début du premier tour est de l'ordre de 2 à 2,5 s. A noter que la longueur des membres supérieurs influence le rayon de giration et donc la vitesse horizontale du marteau.
Le lancer de javelot
C'est le plus ancien et le plus naturel des lancers. Nos lointains ancêtres se le sont approprié à la fois pour se nourrir et se défendre. Introduit tout comme le lancer de disque dans la Grèce antique aux Jeux Olympiques de 708 avant J-C, il va constituer l'une des cinq épreuves du pentathlon et jusqu'à l'effondrement du monde grec, il est resté l'une des activités sportives les plus pratiquées dans tout le bassin méditerranéen. En 1908 c’est tout naturellement qu’il a été réintroduit aux Jeux Olympiques modernes.
Sa masse est de 800 g chez les hommes et de 600g chez les femmes. Contrairement aux 3 autres lancers, sa course d'élan est longue (30m).
Dans le premier temps c'est une course classique, javelot placé sur le côté. Dans un deuxième temps dit de préparation, le lanceur placé de profil se déplace en pas croisés (Hop), javelot au niveau de la tempe et bras lanceur en position d’armé. Dans la dernière phase avant lancer, la course est arrêtée violemment sur un double appui et toute la vitesse de déplacement est alors transmise à l’épaule dominante qui va se détendre comme une fronde pour propulser le javelot. Pour Didier Poppé, le lancer de javelot est un lancer de précision. Même si le secteur de lancer officiel est assez ouvert (29°) et qu’il ne s’agit pas de viser une cible mais de lancer le plus loin possible à l’intérieur de ce secteur, il reste toujours un lancer de précision, de par la nature même de l’engin utilisé qui nécessite une certaine adresse et aussi la capacité de lancer dans la pointe de l’engin avec le souci de maîtriser au mieux, suivant les conditions de vent, les angles les plus favorables pour obtenir la trajectoire la plus longue. Il faut comprendre que la trajectoire du javelot en vol, depuis le lâcher jusqu’à la chute, et donc la performance de l’athlète, sera essentiellement dépendante de la situation de l’axe du javelot par rapport à l’horizontale et par rapport à l’orientation du vent relatif, résultant du vent propre du javelot et du vent extérieur. Pour le lanceur l’objectif technique numéro 1 consistera donc à orienter au mieux un maximum de forces sur cet axe du javelot, et ceci est valable dès le stade de l’initiation.
Petite précision pour les profanes, un changement des règles est intervenu en 1985, après qu’en 1984 le lanceur Uwe Hohn ait battu le record du monde avec 104,80 m, le javelot planeur arrivant alors quelques mètres derrière le sautoir en hauteur. Pour des raisons de sécurité, le centre de gravité de l'engin est alors avancé de 4 cm avec pour effet à la fois de réduire la longueur des jets de 10 %, mais également de faire piquer le javelot plus en avant (javelot piqueur et mauvais planeur disent certains), s'enfonçant mieux au sol au lieu d'arriver plus à l'horizontale et de glisser en avant, permettant un jugement plus facile du jet et renforçant la sécurité. En 1985, sort la nouvelle réglementation sur les javelots piqueurs, mais le règlement ne prévoit pas que les engins soient lisses. Certains athlètes modifient la forme des javelots notamment par l'ajout de creux ou de trous, déplaçant le centre de pression plus près du centre de gravité et permettant de ce fait de récupérer une partie de la distance perdue. En 1991 le règlement est modifié, interdisant les javelots personnels, les athlètes devant choisir parmi quelques modèles officiels.
Et à propos de ces nouveaux javelots piqueurs, voici ce qu’écrivait Juris Terauds dans son livre Biomécanique du lancer de javelot : «le javelot issu des nouvelles règles a une queue plus longue et demande un angle plus élevé d’envol. De telles exigences physiques favorisent les lanceurs de grande taille et provoquent une discrimination envers les lanceurs de plus petite taille». Pour mémoire Jan Zelezny, triple champion olympique, triple champion du monde et recordman du monde avec un jet à 98, 48 m mesurait 188 cm pour un poids de corps de 88 kg et le meilleur lanceur de javelot du moment Johannès Vetter (96,29m) mesure 188 cm pour 103 kg. Records de France avec javelot planeur: Michel Macquet, 83,36 m; avec javelot piqueur: Pascal Lefèvre, 82,56 m; Mathilde Andraud, 63,54 m.
A propos de l’appui avant le lâcher du javelot: avec le coach des épreuves combinées Jean-Yves Cochand (JYC), nous avions observé lors d’une coupe d’Europe des Lancers au Portugal en 2018, qu’il y avait une grande différence entre nos lanceurs hexagonaux qui se bloquaient à 1 m de la ligne de lancer, avec il nous semblait peu de vitesse et d’amplitude au niveau du membre supérieur lanceur opposé à l’appui et le Top 5 de cette prestigieuse compétition (Johannès Vetter, 92,70 m et vainqueur de l’épreuve devant Bernhardt Seiffert, 80,62 m) et ceux du Top 10 mondial qui depuis Jan Zelezny lâchaient l’engin à 4 m de la ligne, avec beaucoup d’amplitude et de vitesse au niveau du bras propulseur, bascule du tronc et souvent plongeon. Les différences sont moindres avec les meilleurs jeunes Français du moment: (Teura Tupaia, 80,86 m;; Lukas Moutarde, 78,53 m; Rémi Conroy, 76,43 m; Lenny Brisseault, 72,26 m; Alexie Alaïs, 63,39 m; Jöna Aigouy, 56,81 m) qui après blocage sur l’appui (du côté gauche chez un droitier) impulsent davantage. Cela confirme ce que JYC avance depuis des années: le lâcher du javelot, comme dans les autres lancers, est une impulsion qui correspond à un transfert d’énergie du sol vers l’engin, via les différentes parties du corps concernées (ce que les entraîneurs d’athlétisme appellent «le chemin de Lancer» et en EPS «le chemin d’impulsion». Pour Thierry Lichtle, utiliser pour un droitier la jambe gauche comme levier en plus d’un appui de blocage a un intérêt biomécanique justifié : augmenter la hauteur du lâcher et prolonger la frappe (augmentation du chemin d’impulsion), mais ce n’est valable que dans un modèle mécanique qui ne connaîtrait pas la blessure et par conséquent il y a plus d’intérêt à considérer le levier, le manche du fouet à partir de la hanche gauche, plutôt qu’à partir de l’appui pied gauche.
Et à propos du plongeon (Vetter, Zelezny), qui est le résultat d’une projection de la partie supérieure du tronc vers l’avant par dessus l’appui fixe que constitue la hanche gauche (pas en levier, mais en point fixe), il n’est donc en rien une impulsion sur l’appui gauche. René-Jean Monneret, Thierry Lichtle et Serge Leroy ont décortiqué la différence entre le lanceur de javelot russe Sergueï Makarov (vainqueur aux mondiaux de Paris en 2003, avec lâcher à 75 cm de la ligne) et l’Estonien Andrus Varnik (2ème du concours et lâcher à 4 m de la ligne, suivi d’un plongeon). Tout est une question de technique et de style: soit le lanceur privilégie le temps d’épaule avec fort balayage de l’épaule droite en appui (technique russe de l’époque), soit le lanceur s’engage sur la vitesse et privilégie l’accélération du côté droit (ce qui amène au plongeon).
Parler alors d’impulsion sur l’appui gauche est très dangereux sur le plan technique et anti-pédagogique, le blocage gauche permettant l’accélération droite, alors que l’insuffisance de fixation articulaire du membre inférieur gauche va permettre de conserver de la vitesse à gauche, n’optimisera pas le lancer et fera courir d’énormes risques, directement au genou gauche (ménisques, ligaments) et indirectement au rachis cervical, thoraco-lombaire et lombo-sacré. Et si l’on observe très attentivement la technique de Zelezny, on distingue bien la bascule tronc vers l’avant par dessus le point fixe de la hanche gauche, avec un angle jambe/sol qui change très peu.
Pour Jack Danail, entraîneur de Jérôme Haeffler (80,37 m), Jérémy Nicollin (77,15 m), Rémi Conroy et Teura Tupaia, on ne doit pas parler de blocage sur l’appui gauche (le genou est alors trop sollicité et le bassin recule, sources de pathologies diverses), blocage actif est déjà mieux et mieux encore, appui de fixation ou de levier qui doit permettre au côté droit de passer avec plus d’efficacité, ce qui va permettre au javelot d’avancer, sans rupture de vitesse. Et en amont, le déclenchement du Hop doit s’effectuer sur 1 distance permettant au lanceur (se) de s’exprimer pleinement en terme d’amplitude et de mise en tension (7 à 8 m chez les hommes et 5 à 6 m chez les femmes), ce qui permet d’utiliser au mieux la vitesse acquise pendant la course d’élan et qui se surajoute à la vitesse d’éjection de l’engin par le bras propulseur.
Rappels de physiologie de l’exercice musculaire
Une des caractéristiques des grands lanceurs est d’avoir un niveau très élevé de puissance maximale (PMax), avec corrélation entre PMax des membres inférieurs et supérieurs testés sur 1 répétition à charge maximale en demi-squat, squat complet, développé-couché (et sans doute aussi épaulé et arraché) et la performance dans les 4 lancers. Pmax qui doit faire place de plus en plus dans les lancers à la notion de force utile que nous développerons plus loin. Physiologiquement la production de la puissance maximale (PMax) est fonction:
1- de la longueur du muscle
Il y a une relation tension-longueur optimale, correspondant à un maximum de ponts d’union entre les filaments musculaires d’actine et de myosine.
2- de la vitesse de contraction des fibres musculaires de type II à contraction rapide
Les fibres musculaires de type II développent une puissance maximale cinq à dix fois supérieure à celle des fibres de type I à contraction lente et atteignent cette valeur pour une vitesse optimale.
NB: un troisième type de fibres super-rapides a été décrit. On les rencontre chez certains sprinters (Colin Jackson), les astronautes et chez des sujets atteints de traumatisme de la moelle épinière. Elles sont d’une puissance comparable à celle des fibres musculaires du lion et du caracal.
3- des éléments passifs aponévrotiques
Ils possèdent des propriétés élastiques qui vont s’ajouter à la force produite par la composante musculaire contractile des filaments d'actine et de myosine.
La chaîne musculaire
- Un sarcomère est l'élément constitutif de base des myofibrilles, structure cellulaire responsable de la contraction des fibres musculaires. Chaque sarcomère est formé par des filaments fins d’actine et épais de myosine. Il est limité par 2 stries Z qui sont rattachées à la myosine par la connectine (filament protéique qui, dans chaque demi-sarcomère, relie chaque filament épais de myosine à la strie Z).
C’est un composant élastique qui maintient l'alignement des filaments épais de myosine et oppose une résistance à l'étirement excessif du sarcomère.
C’est la contraction musculaire par raccourcissement des sarcomères qui engendre la force dans un entraînement de type concentrique. Dans une contraction de type isométrique, la longueur des sarcomères ne varie pas. Ils s’allongent dans une contraction de type excentrique.
- Les myofibrilles sont les éléments de base de la chaîne musculaire, avec du plus petit au plus grand: sarcomère = élément compris entre 2 stries Z et composé de filaments d’actine et de myosine; myofibrille; fibre musculaire; faisceau de fibres musculaires, muscle.
Lorsqu’un muscle est actif
C’est à dire quand il est stimulé, la force active qu'il génère est fonction de sa longueur initiale. Au repos, les sarcomères, qui sont les unités de base du muscle et sont composés de protéines contractiles (actine et myosine) et élastiques (connectine), que l'on peut assimiler à de petits cylindres disposés en série dans la fibre musculaire, sont à une longueur optimale qui correspond au maximum de chevauchement que l'on puisse obtenir entre les filaments contractilesdont l’interaction est à l'origine de la production de force active. Le nombre de ponts d'union qui peuvent alors se former entre ses 2 molécules est maximal et la force active est aussi maximale.
A une longueur plus petite, la force active va diminuer du fait de l'accentuation du chevauchement des filaments d'actine qui laisse de moins en moins de possibilité aux filaments de myosine d'entrer en contact avec eux, et donc de générer une tension. Il en va de même lorsque le sarcomère est placé à une longueur supérieure à la longueur optimale: la tension active générée va progressivement diminuer car le nombre de sarcomères devient de moins en moins important du fait de l'allongement de chaque sarcomère (qui se traduit par l'éloignement des stries z) et de la diminution du nombre de ponts pouvant être crées. Et cela jusqu'au moment ou la longueur du sarcomère est telle, qu'aucun pont ne peut être formé et donc qu'aucune tension ne peut être générée. Cette théorie permet de rendre compte de la variation de la force maximale isométrique en fonction de l'angle articulaire et de justifier qu'il existe pour chaque muscle, un angle optimal capable de générer une tension active maximale (Pascal Prévost).
La force maximale isométrique varie en fonction de l’angle articulaire et pour chaque muscle, il existe un angle optimal qui génère une force maximale isométrique. Sur le schéma, l’angle optimal de flexion du coude est de 90°. (Image Pascal Prévost).
Lorsqu’un muscle est passif
C’est à dire lorsque qu’il n'est pas stimulé: la force passive qu'il génère est fonction de sa longueur d'allongement qui sera toujours supérieure à sa longueur de repos. Et à mesure que l'on tire sur le muscle passif, les structures élastiques et notamment la connectine (qui attache les filaments de myosine aux stries z) sont progressivement mises en tension jusqu'à ce qu’elles ne puissent plus s'allonger du fait quelles ont atteint leur maximum d'élasticité.
En résumé
La force totale que peut générer un muscle est donc fonction de sa composante contractile et de sa composante élastique. En fonction de sa longueur et de son état (stimulé ou non), l'une et/ou l'autre des 2 composantes sera mobilisée, entraînant une production de force plus ou moins importante.
Les ressources métaboliques
Le temps d'exécution du geste dans les lancers de poids, disque et marteau étant inférieur à 3 secondes, il correspond à un exercice d’intensité maximale et de durée brève, de type anaérobie alactique (voie du phosphagène) et il en est de même pour le javelot, malgré une course d'élan plus longue.
Dans la mesure où, en compétition, les essais sont entrecoupés de plusieurs minutes de repos, on peut en conclure que les ressources (stock) en phosphagène se reconstituant entre les essais, elles ne seront pas un facteur limitant de la performance dans les 4 disciplines.
1- L'ATP
En biologie cellulaire, l'ATP (adénosine tri-phosphate) a une importance fondamentale dans le domaine des échanges d'énergie.
C'est une molécule chimique qui, en se combinant aux 2 protéines contractiles musculaires d'actine et de myosine, va libérer de l'énergie.
Elle intervient pour transporter l'énergie à l'intérieur de chaque cellule humaine, depuis la graisse ou le sucre apportés par la circulation dans les cellules, jusqu'à la mitochondrie (sorte d’usine intra-cellulaire où se produisent les réactions chimiques successives nécessaires à la contraction musculaire).
La réserve d'énergie sous forme d'ATP dont dispose l'organisme pour accomplir un travail musculaire est faible et ne permet qu'un exercice physique de quelques secondes.
Dans une pratique sportive à haute intensité, seul le renouvellement constant des molécules d'ATP va permettre à la contraction musculaire de se poursuivre. Dans les épreuves de quelques secondes comme les épreuves de force et dans les lancers, le renouvellement de l’ATP qui va créer l’énergie nécessaire pour bouger ou résister à une charge ne posera aucun problème.
2- L'oxygène (O2)
L'oxygène est une molécule chimique déterminante dans l'activité musculaire. Sa présence ou son absence dans la cellule musculaire au moment de l'activité physique va conditionner le déroulement de la réaction chimique productrice d’énergie.
- en présence d'O2 (en aérobiose), le bilan énergétique est de 39 ATP, soit 400 000 calories. Il provient de la dégradation d'une molécule-gramme de glucose (180 grammes), carburant de toute cellule animale ou végétale et mis en réserve dans le foie et les muscles chez l’homme sous forme de glycogène.
- en l’absence d'O2 (en anaérobiose), le bilan énergétique provenant de la dégradation d'une molécule-gramme de glucose est de 2 ATP. En anaérobiose la cellule musculaire a donc besoin de 19 fois plus de glucose pour produire la même quantité d'énergie et le même travail musculaire (le rendement en anaérobiose est 19 fois inférieur). Cet oxygène prélevé au niveau atmosphérique est acheminé jusqu'au muscle par une chaîne dite «de transport de l’oxygène». Le renouvellement de l'ATP au sein de la cellule musculaire va dépendre de la présence ou non de cet oxygène.
3- Les 3 filières énergétiques de renouvellement de l’ATP
Trois filières vont intervenir dans le renouvellement des molécules d’ATP.
La 1ère filière est la filière aérobie; elle ne produit pas de déchets. Les 2 autres sont des filières anaérobies, dont l'une produit de l’acide lactique.
- La filière aérobie
La filière aérobie correspond au processus de régénération de l’ATP à partir de la dégradation complète des glucides (cycle de Krebs), des lipides (béta oxydation des acides gras) et des acides aminés pour les performances de longue durée > 3 heures.
Cette filière O2, qui utilise majoritairement comme carburant les sucres et les graisses, glycogène musculaire et acides gras circulants, est inépuisable quand elle utilise comme carburant les graisses. Elle permet une production constante et élevée d’ATP.
A l’effort, cette filière permet la reconstitution du stock d'ATP sous forme de phosphagène très vite épuisé, et l'élimination de l’acide lactique, qui n’est plus considéré maintenant comme un déchet. Ce mécanisme d'élimination de l’acidose lactique est encore appelé «paiement de la dette d’oxygène». Championne toute catégorie de la production d’énergie, la filière aérobie n’a qu’un seul inconvénient, sa grande inertie: son débit maximal n'est atteint qu'après plusieurs minutes d'effort.
- La filière du phosphagène ou filière ATP-PC anaérobie alactique
C'est la 1ère filière anaérobie conduisant au renouvellement de l'ATP ou filière du phospagène. Elle représente l'ensemble des réserves d'ATP et de créatine phosphate (PC) présentes au niveau des muscles.
C'est une source d'énergie précieuse intervenant :
- dans les efforts brefs et de grande intensité de quelques secondes avec pic de puissance à 6 secondes. La puissance de vitesse est une qualité physique naturelle correspondant au débit du robinet.
- jusqu’à 20-25 secondes en capacité. Cette capacité de vitesse s’acquiert par un entraînement spécifique dit de «capacité de vitesse» et correspondant au réservoir.
Cette filière ne produit pas d’acide lactique = filière alactique. C’est la filière des lancers.
- La filière lactique, conception classique
C'est la 2ème filière anaérobie de production d'ATP. Elle utilise comme carburant le glucose. Ce glucose, utilisé en anaérobiose, aboutit à la production d'acide lactique, considéré pendant trop longtemps comme un poison musculaire, et s'accompagne de douleurs et de contractures musculaires locales caractéristiques d'une fatigue réelle.
Cette filière lactique capable de fournir de l'énergie pendant 30 secondes à 1 minute en puissance (robinet) et jusqu'à 3 minutes en capacité (réservoir) n'atteint son débit maximal qu'après quelques secondes.
Elle intervient dans les efforts supra-maximaux (400, 800 et même 1500 m en athlétisme; 100 m, 200m en natation).
- Conception moderne de la filière lactique
Pour résumer la conception moderne de la filière lactique, les lactates ne sont plus le méchant de la classe. Leur toxicité est un mythe qui a vécu et il est à présent incontestable que les lactates ne peuvent plus être considérés comme l'ennemi du sportif. Au contraire, réutilisés par l’organisme, tout indique que de nombreux aspects de la production de lactates sont bénéfiques pour les performances athlétiques (ils sont utilisés comme carburant par le tissu cardiaque et les muscles périphériques par dégradation de l'acide lactique en lactate + ion hydrogène H+).
4- La continuité énergétique
L'ATP est la forme immédiate d’énergie renouvelable à partir de 3 filières: l’une aérobie, les deux autres anaérobies.
La capacité de chaque filière à fournir de l'ATP va dépendre du type d'activité exercée:
- à une extrémité il y a les activités brèves et intenses inférieures à 20 secondes: lancers, sprints, accélérations, sauts, dans lesquels la presque totalité de l'ATP provient de la filière du phosphagène.
- à l'autre extrémité, l'énergie nécessaire aux activités de longue durée (de 15 mn jusqu'à l'infini) est du ressort presque exclusif de la filière O2.
- entre les deux se situe la filière lactique.
Pour progresser dans une activité physique donnée, il s'agira pour le sportif d'améliorer sa filière dominante.
Neuro-physiologie de l’exercice musculaire
Un des principes de neuro-physiologie admis de tous est que le système nerveux central (SNC) peut être comparé à un ordinateur auto-programmable qui peut répondre à toutes les fonctions mathématiques de base et possède la capacité de se programmer lui-même. L’essentiel pour la qualité du programme étant de fixer un but qui convienne en l’approvisionnant d’informations adéquates pour que le bon programme soit développé.
Les apprentissages moteurs n’étant ni plus ni moins que la programmation interne d’un algorithme et ce n’est seulement que si le but est formulé très exactement que le SNC est capable de développer un programme de coordination optimum qui, comme un algorythme, peut être ressorti.
Ces considérations ne sont pas que théoriques, elles ont une signification pratique majeure dans l’apprentissage de la technique. Si nous prenons l’exemple de la formation technique d’un débutant dans les lancers, pendant longtemps on a estimé qu’un apprentissage approximatif et grossier était suffisant. Maintenant il est bien admis qu’une forme très affinée de la technique des lancers doit avoir lieu au tout début de l’apprentissage.
Le respect de la structure spatio-temporelle du mouvement, la coordination des mouvements de certaines parties du corps intervenant dans la gestuelle technique et la technique finale doivent être absolument développés dès le début de l’apprentissage, l’efficacité de l’entraînement, c’est à dire l’efficacité des stimulations apportées par tous les exercices d’entraînement est directement en rapport avec la qualité du geste technique. Alors autant développer très vite chez tout débutant, une gestuelle de qualité.
Quelques rappels
- Un nerf moteur est un nerf qui transmet les commandes du cortex cérébral moteur aux muscles, par l’intermédiaire de la moelle épinière (centre d’intégration), afin de produire des mouvements volontaires ou involontaires. La plupart des nerfs sont mixtes (à la fois moteurs et sensitifs), les nerfs exclusivement moteurs sont des exceptions.
- Un neurone est une cellule nerveuse qui constitue l'unité fonctionnelle de base du système nerveux. Il transmet un signal bio-électrique, appelé influx nerveux qui correspond à une activité électrochimique transmise le long d'un axone sous la forme d'une séquence de potentiel d’action, à la suite d'une stimulation par un récepteur sensoriel.
- Un axone ou fibre nerveuse est le prolongement du neurone qui conduit le signal électrique du corps cellulaire vers les zones synaptiques.
- Une synapse est une zone de contact fonctionnelle entre deux neurones, ou entre un neurone et une cellule musculaire ou des récepteurs sensoriels.
- Un récepteur sensoriel est une structure nerveuse permettant la transformation d'un stimulus auditif, gustatif, olfactif, tactile ou visuel en information nerveuse, celle-ci étant ensuite transmise au cerveau. Il existe pour chacun des cinq sens des récepteurs sensoriels spécialisés.
- Un motoneurone (neurone moteur)
Les fibres musculaires sont innervées par un motoneurone dont le corps cellulaire est situé dans la corne antérieure motrice de la moelle (la corne postérieure est sensitive). Leurs axones quittent ce lieu par les racines antérieures des nerfs rachidiens et vont entrer en contact avec le muscle au niveau d’une zone appelée plaque motrice. Le contact entre ces prolongements et les fibres musculaires se fait au niveau de la plaque motrice. Habituellement il n'y a qu'une plaque motrice par fibre musculaire.
- Une unité motrice est un ensemble constitué par un motoneurone et l'ensemble des fibres qu'il innerve. Elle constitue un ensemble fonctionnel. Toutes les fibres d'une même unité motrice sont simultanément au repos ou en activité.
Certaines unités motrices ne comprennent que quelques fibres. Cela leur donne une très grande précision, mais un faible potentiel de contraction.
A l’inverse, les muscles puissants possèdent des unités motrices de plusieurs centaines de fibres qui permettent d’atteindre des tensions importantes.
Les fibres musculaires d’une unité motrice sont toutes du même type structurel et métabolique et leur recrutement est sélectif.
Pour des charges de moindre importance, seules sont concernées les unités motrices contrôlant les fibres de type I, qui sont des fibres lentes et de coloration claire. Pour des charges plus importantes, les unités motrices des fibres de type IIb, qui sont des fibres rapides anaérobies, de teinte intermédiaire, seront également recrutées.
- La plaque motrice de la jonction neuro-musculaire
C’est une zone spécialisée de la membrane des cellules musculaires qui fait partie de la jonction neuro-musculaire et permet la réception de l’acétylcholine (a-c), neurotransmetteur libéré par le motoneurone dans la fente synaptique (espace entre deux cellules nerveuses qui constitue une aire de jonction par laquelle le message chimique passe d'un neurone à l’autre), entraînant l'excitation ou l'inhibition de ce dernier.
- Un médiateur chimique est une substance synthétisée et libérée par une cellule et intervenant sur une autre cellule possédant un récepteur spécifique de ce médiateur.
Dans le cas qui nous intéresse, l’a-c est un neuro-transmetteur contenu dans les terminaisons des cellules nerveuses et favorisant la transmission de l'influx nerveux. Il se fixera sur les récepteurs nicotiniques.
- Un réflexe est une réponse musculaire involontaire, stéréotypée et très rapide à une stimulation, sans qu'il y ait intervention du cortex cérébral ou de la volonté et la voie neurologique qu'il emprunte est un circuit court avec une seule synapse.
- Le reflexe myotatique = réflexe d’étirement.
C’est un réflexe de défense qui déclenche une contraction d’un muscle en réponse à son propre étirement.
Il est le support physiologique du tonus musculaire qui correspond à l’état de tension permanente qui s’exerce sur les muscles, afin de s’opposer à l’action de la gravité.
Ce tonus musculaire maintient les postures dans l’espace, en assurant une contraction légère des muscles et intervient également dans le rétablissement de notre position, suite à un déséquilibre.
En clinique c’est un excellent outil diagnostique qui permet de vérifier le bon fonctionnement du système neuro-musculaire. Par exemple, la percussion par un marteau-réflexe des tendons rotuliens et achilléens provoque instantanément un étirement des 2 tendons et une contraction immédiate de la jambe (réflexe rotulien) et du pied (réflexe achilléen).
Les voies nerveuses afférentes proprioceptives
Elles partent de la périphérie (fuseau neuro-musculaire) et remontent jusqu’au cortex moteur cérébral. Les voies efférentes partent du cortex moteur vers la périphérie, pour commander aux muscles effecteurs (muscles des membres et du tronc) intervenant dans la gestuelle des lancers.
Afférences proprioceptives à partir du fuseau neuro-musculaire (FNM). Elles remontent jusqu’au cortex moteur qui traite l’information en provenance de la voie sensitive proprioceptive et élabore une réponse adaptée, qui sera transmise par voie descendante aux muscles, par l’intermédiaire du nerf moteur au niveau de la moelle épinière.
La sensori-motricité
Sur le plan neuro-physiologique, on peut définir la sensori-motricité comme l'interaction entre les fonctions musculaires et les fonctions sensorielles, avec d’un côté le sensoriel, qui correspond à la prise d'informations et leur acheminement vers le système nerveux central, cerveau et moelle épinière et de l’autre la motricité, qui renvoie à la commande nerveuse et correspond à la contraction musculaire.
La prise d’information du circuit de la sensori-motricité va se faire via des récepteurs (capteurs qui vont informer le cerveau en permanence):
- récepteurs visuels et du système vestibulaire de l'oreille interne. Ils donnent des renseignements sur la position et les mouvements de la tête dans l’espace et interviennent dans l'équilibre, la coordination et l’adresse.
- proprio-récepteurs des muscles (fuseau neuro-musculaire) et des tendons (organes tendineux de Golgi).
- autres récepteurs des articulations de la tête, du rachis cervical et de la zone du pied qui renseignent sur la position et les mouvements des différents segments corporels et sur le tonus musculaire. Ils contrôlent le regard, l’équilibre tête-tronc, l’équilibre global.
L’entraînement sensori-moteur est un entraînement de coordination à partir d’exercices de force, d'adresse et de coordination entre les différents muscles intervenant dans la gestuelle des lancers (coordination inter-musculaire) et à l'intérieur des muscles (coordination intra-musculaire); il faut comprendre cette coordination comme la capacité à maîtriser et gérer de manière sûre et économique des tâches motrices prévisibles et imprévisibles, la finalité de cet entraînement étant d'optimiser le déroulement des différents processus moteurs conduisant au geste technique efficient.
A propos des récepteurs musculaires
Ils sont à l’origine de la sensibilité proprioceptive consciente et inconsciente. Ce sont des récepteurs hautement spécialisés qui informent le système nerveux central sur la position spatiale des différents segments corporels. Deux d’entre eux sont spécifiques du système musculaire :
1- Les fuseaux neuro-musculaires (FNM)
Ce sont des mécano-récepteurs proprioceptifs situés au sein même du muscle strié squelettique. Ils sont constitués de 4 à 10 fibres musculaires spécialisées intra-fusales, placées en parallèle et plus fines que les fibres musculaires ordinaires (les fibres musculaires striées extra-fusales). Ils n’ont aucun rôle mécanique sur la force développée par le muscle. Ces fuseaux neuro-musculaires sont des indicateurs à la fois de longueur et de variation de longueur du muscle. Lorsque le muscle est étiré passivement, les FNM le sont également et il existe un mécanisme d'ajustement de la longueur du fuseau neuro-musculaire qui lui permet de continuer à informer le système nerveux de la longueur du muscle, quelle que soit cette longueur. Cette adaptation est réalisée par l'intermédiaire des motoneurones gamma. Rappelons qu’un circuit en parallèle est un montage biologique dans lequel les appareils sont placés parallèlement les uns aux autres. Le courant peut revenir à la source par plusieurs chemins différents.
2- Les organes tendineux de Golgi (OTG)
Ce sont également des mécano-récepteurs proprioceptifs situés à la jonction du tendon et du muscle squelettique, spécifiquement sensibles à la tension du muscle. Le stimulus qui les active est la force exercée sur le tendon du muscle. Ils codent la force (la tension) exercée sur le muscle, à la différence des fuseaux neuro-musculaires qui codent la longueur et les changements de longueur du muscle.
Du fait de leur disposition en série par rapport aux fibres musculaires, les OTG peuvent être activés à la fois lors d'un étirement passif du muscle et lors d'une contraction. Ils sont cependant davantage excités lors d’une contraction active que pour un étirement passif.
Rappelons qu’un circuit en série est un montage biologique dans lequel les éléments du circuit sont reliés les uns à la suite des autres. Le courant n’a alors qu’un seul chemin possible pour revenir à la source.
Cette disposition différente, en parallèle pour les FNM et en série pour les OTG, permet à ces deux types de récepteurs de transmettre des informations de natures différentes et complémentaires sur l’état du muscle :
- les fuseaux neuro-musculaires détectent les modifications de longueur du muscle et permettent de maintenir cette longueur constante.
- les organes tendineux de Golgi détectent la tension du muscle (la force exercée par ou sur le muscle) et la régule en cas de forces excessives.
Au final
Ces deux circuits réflexes ont en commun de ne pas fonctionner en boucle fermée. Leurs fibres afférentes se projettent sur des inter-neurones spinaux qui reçoivent les influences synaptiques d'une grande variété de sources (récepteurs cutanés, articulaires, voies descendantes) aptes à moduler la réponse musculaire.
Les grands principes moteurs en athlétisme: apport d’Alain Piron
Pour Alain Piron, tout apprentissage moteur exige donc une expérimentation active du sportif articulée autour de 3 grands principes qu’il définit comme une combinatoire complexe et infinie entre le placement qui tend vers un alignement de la chaîne musculaire, le déplacement sur l’appui qui tend vers une conservation de la vitesse, et le caractère des tensions musculaires qui tend vers des tensions pliométriques réalisées dans un laps de temps court. Et quand on a compris que tout changement au niveau d’un des composants du système d’appui génère des changements au niveau de tout le système, il est facile de concevoir des exercices adaptés. Ces 3 grands principes organisent et structurent la motricité athlétique du débutant jusqu’à l’athlète confirmé et sont applicables dans presque toutes les activités sportives, du demi-fond au football.
Georges Gacon a pu les appliquer dans la préparation athlétique (terme préférable pour lui à celui de préparation physique) des footballeurs professionnels. En effet comme en athlétisme, les différentes formes d’appui ou les impulsions au football reposent sur le même système fonctionnel (invariants fonctionnels définis par Alain Piron). Ainsi la puissance du tir au football ne repose pas que sur la jambe de frappe (qui pourrait conduire à une musculation analytique des extenseurs de jambe) mais aussi sur le bon placement et la solidité de la jambe d’appui. Une chaîne musculaire d’appui bien alignée permet non seulement d’éviter les traumatismes et plus spécifiquement les pubalgies vraies, mais aussi d’exploiter parfaitement sa force spécifique.
Et si Georges Gacon a bien fait le lien avec le football sur la prise d’avance des appuis, l’alignement segmentaire, le rôle de la jambe libre, la mise en tension-soutien-renvoi, etc, ces principes moteurs d’Alain Piron s’appliquent à maintes autres activités sportives : en athlétisme ça va de soi, les virages en ski alpin, en ski de fond, au golf, au tennis en coup droit, revers, smash, au badminton, au volley.
Les qualités physiques du Lanceur
L'aptitude physique d'un individu dépend de ses qualités physiologiques et psychologiques. Elles interagissent de façon très inégale suivant les activités sportives pratiquées.
La coordination
La coordination est une qualité physique de base, avec la force-vitesse, l’adresse et la souplesse. Elle a une importance majeure dans la gestuelle des lancers. On peut la définir comme la capacité optimale à maîtriser et gérer de manière sûre et économique les différentes tâches motrices prévisibles et imprévisibles constitutives du geste technique juste, à la base de toutes les performances du système sensori-moteur. Tout mouvement de lancer quel qu’il soit est d’abord une performance coordinative du système sensori-moteur, performance par ailleurs impossible sans la force, la vitesse n'étant qu'une performance de force chapeautée par la coordination et l’adresse.
L’adresse
On vient de voir l'importance de la coordination dans les lancers. Une autre qualité physique est toute aussi fondamentale, c'est l’adresse (Jacques Pelgas). Coordination et adresse sont des activités sensori-motrices qui font intervenir les récepteurs extéroceptifs, visuels, cutanés et proprioceptifs (oreille interne, muscles, articulations, tendons, ligaments), le cortex cérébral hémisphérique (programmation centrale) et limbique (circuit de la mémoire) et qui partagent la même problématique d'acquisition et de maîtrise du geste.
L'adresse enrichit le bagage technique du sportif en coordonnant les actions motrices simultanées et la précision dans l'espace, dans le temps et dans les rythmes. Elle est facteur d'économie dans l'effort (V. M. Zatsiorski).
Elle doit être introduite très tôt dans les activités de lancer, les enfants étant capables d'assimiler parfaitement une gestuelle complexe sans avoir à passer par la case gestuelle élémentaire. Cette gestuelle des lancers est de type stéréotypé comme en gymnastique, courses de haies et sauts en athlétisme et son apprentissage sera plus simple que pour des activités sportives à gestuelle non stéréotypée comme celle des sports de combat ou collectifs, ou le slalom en ski, dans lesquelles l'apprentissage doit passer par l'acquisition puis la maîtrise de situations motrices nouvelles et variées, la réponse adaptative à une situation mouvante étant déterminante. A noter toutefois qu’en général et dans les lancers, l'adresse n'est spécifique que d'1 seule discipline athlétique et ne s'étend pas aux autres spécialités.
La souplesse
La souplesse est également une activité neuro-musculaire. Elle met en jeu l'élasticité des muscles et des articulations et la tonicité musculaire. Elle fluctue au cours du nycthémère et en fonction des conditions climatiques. Elle doit être développée chez les jeunes entre 11 et 14 ans. Au-delà de cet âge, la souplesse sera entravée par l'accroissement de la force musculaire. Sa base de travail consiste à faire des étirements quotidiens sur des muscles préalablement échauffés, sans chercher à atteindre des amplitudes articulaires extrêmes qui pourraient nuire à l'efficience de la gestuelle spécifique à chaque discipline athlétique.
Une fois en place et après l’âge de 15 ans, la souplesse s'entretient aisément grâce à quelques minutes d'étirements en début et fin de séance d’entraînement. Son évaluation en clinique:
- quadriceps par la mesure en cm de la distance talon-fesse (N = 0 cm).
- ischio-jambiers par la mesure de l'angle poplité (angle entre la verticale et l'axe de la jambe, sujet en décubitus dorsal, hanche à 90°); plus l’angle se rapproche de zéro degré, plus les IJ sont souples.
- rachis par le test de Schober et la distance doigts ou main-sol (N = 0 cm).
La raideur musculo-tendineuse
La raideur musculo-tendineuse correspond à la capacité du système musculo-tendineux à résister à son allongement. Rappelons que les ligaments et les tendons sont très peu extensibles, alors que les muscles et les capsules articulaires le sont beaucoup plus (et c'est la raison pour laquelle le muscle et les capsules articulaires sont les structures anatomiques principalement mobilisées par les programmes d'étirements et d’assouplissements).
Physiologiquement, muscles et tendons agissent comme une unité fonctionnelle dont les éléments contractiles et conjonctifs sont structurellement et mécaniquement liés. Pourtant pendant bien longtemps les tissus tendineux ont été négligés par les physiologistes qui ont favorisé les études sur le système musculaire ou squelettique; le muscle ayant longtemps été considéré comme l’élément majeur permettant à l'homme de se déplacer et d’agir sur son environnement (Stévy Farcy). Or le muscle ne peut stabiliser une posture ou produire un mouvement sans l'aide des tissus tendineux. Ils constituent une entité que l’on désigne sous le terme de système tendino-musculaire. Pour assurer ses fonctions, le complexe muscle-tendon est constitué d’éléments contractiles et d’éléments élastiques et l'élasticité de l'unité musculo-tendineuse constitue l'une des caractéristiques mécaniques fondamentales du fonctionnement musculaire lors du maintien postural et du mouvement humain.
En effet, le complexe muscle-tendon a la capacité de se comporter comme un ressort pour restituer l’énergie potentielle élastique qu’il a stockée préalablement. Cette capacité de stockage-restitution d’énergie élastique du complexe muscle-tendon dépend de la raideur de la structure. Elle permet à l’homme d’être plus performant et plus économe dans la production de force lors des mouvements fonctionnels.
Si l’on prend pour exemple les sauts, on peut observer que leur hauteur s’améliore lorsqu’ils sont précédés d’un contre-mouvement et ceci grâce à un étirement des structures musculo-tendineuses impliquées, confirmé scientifiquement par la démonstration de l’importance du stockage d’énergie élastique dans les muscles contractés excentriquement pour augmenter le travail total produit pendant les sauts.
Grâce à l’échographie, le rôle de cette élasticité musculo-tendineuse et les interactions dynamiques entre les différentes structures élastiques composant le complexe muscle-tendon dans les gestes fonctionnels ont pu être mises en évidence in vivo et notamment lors de la marche, de la course et des sauts: le muscle se contractant sur des faibles amplitudes (contraction quasi-isométrique) lors de ces mouvements, les structures tendineuses subissent de plus grandes variations de longueurs, en utilisant leur capacité de stockage-restitution d’énergie élastique (Stévy Farcy). Ce mécanisme de plasticité tendineuse permet au muscle de générer de la force avec un raccourcissement minimum, réduisant ainsi le travail qu’il produit et l’énergie dépensée, l’action des tissus tendineux permettant au muscle de générer de la force à une vitesse de raccourcissement réduite, diminuant ainsi le nombre de fibres musculaires recrutées nécessaires pour produire une force. Induisant aussi une réduction du coût métabolique de l’activité musculaire, on peut en conclure que les tissus tendineux assurent un rôle primordial de stockage-restitution de l’énergie élastique permettant de réduire la part de celle dépensée par le muscle, de compenser les capacités contractiles limitées du muscle et d’amplifier ainsi la puissance développée par le complexe muscle-tendon.
Cette raideur musculo-tendineuse s’appréhende par un exercice de rebonds maximaux des membres inférieurs. Une raideur élevée est intéressante en sprint sur courte distance et dans les lancers. Une relation significative a été démontrée entre la performance dans ces 2 disciplines et cette raideur. En sprint, cette relation est en rapport avec l’aptitude à accélérer sur la 1ère partie d’un 100 m. Dans les lancers, elle est en relation avec la puissance lors d’un mouvement concentrique. Un niveau élevé de raideur musculo-tendineuse permet de maintenir dans des conditions optimales de longueur et de tension, les éléments contractiles d’actine et de myosine et les éléments élastiques de connectine de la fibre musculaire. Cela améliore la capacité de production de force. Enfin cette qualité de raideur favoriserait une meilleure transmission de la force produite aux éléments du squelette dans la phase initiale du mouvement, ce qui permet aux lanceurs de développer et de transmettre rapidement des niveaux de force élevés, qui vont se traduire par une forte accélération en début de mouvement.
La force
C’est la qualité physique majeure dans les lancers. Elle est à la base et à des degrés divers des autres qualités physiques. Pendant des lustres, l’école soviétique a dominé dans la plupart des sports de force et tout spécialement en haltérophilie.
Ci-dessous le soviétique Vassili Alexéiev, double champion olympique des super-lourds (Munich 1972, Montréal 1976), une légende pour tous les amateurs d’haltérophilie dont je fais partie. Il a écrit une des plus belles pages de ce sport, avec ses 2 compatriotes Iouri Vlassov et Leonid Jabotinski, colosse de 165 kg au meilleur de sa forme, qui remporta lui aussi deux médailles d'or aux jeux Olympiques (Tokyo 1964, Mexico 1968), améliora dix-sept records du monde, portant en 1967 le total aux trois mouvements à 590 kg. Le colossal mano a mano aux jeux de Tokyo en 1964 entre Vlassov et Jabotinski reste encore dans les mémoires de tous les amateurs d’haltérophilie.
Quelques définitions
Dans la pratique sportive on distingue :
- la force explosive pure (haltérophilie, lancers en athlétisme, tous les sports de détente).
- la force en mouvement combinée à la vitesse, c'est la puissance musculaire (P= FxV).
- la combinaison de force explosive, d'endurance musculaire et de puissance.
1- La force maximale
C’est la force qui varie en fonction du type de contraction musculaire (allongement/ raccourcissement) et en fonction de la vitesse de réalisation du mouvement. A vitesse nulle elle se nomme force maximale isométrique.
Pour des mouvements concentriques on l’appelle force maximale concentrique.
Elle équivaut à 1 RM = charge maximale à 100% des possibilités du moment et ne pouvant être développée qu'une seule fois.
Pour les mouvements excentriques, c'est la force maximale excentrique très supérieure à la force maximale concentrique (coefficient multiplicateur de 1,3 à 1,5 suivant les auteurs).
Pour les mouvements explosifs, on parle de détente.
2- La force explosive
Elle correspond à une contraction musculaire maximale pouvant être déclenchée en un minimum de temps.
3- La puissance
Elle correspond au produit de la force par la vitesse (f x v). La puissance est maximale pour des vitesses légèrement inférieures à la moitié de la vitesse maximale. Elle est quasiment nulle si la vitesse est très lente et la force maximale, de même que si la vitesse est très élevée et la force minimale.
4- La force statique
Sur le plan hémodynamique la force, exercice bref et intense, est assimilable à un effort statique effectué à respiration bloquée (barrage pulmonaire) et de type isométrique sur la circulation périphérique (barrage périphérique).
Conséquences de l’effort statique: peu ou pas d'incidence sur le débit cardiaque; hypertension artérielle systolique pour vaincre le barrage périphérique; hypertension artérielle diastolique d'adaptation au barrage pulmonaire par hypertrophie ventriculaire droite; hyperpression encéphalique liée à la stase veineuse cardiaque droite.
5- La force dynamique
C’est la puissance musculaire liée au pouvoir contractile du tissu musculaire et mise en jeu par les voies nerveuses de la plaque motrice.
Elle est proportionnelle à la surface musculaire des muscles qui travaillent et dépend de la réserve en matériel énergétique, essentiellement le phosphagène et le glycogène musculaire.
La puissance musculaire est influencée par la température, la fatigue, la récupération, les états émotionnels, les bras de leviers mécaniques musculaires, l’âge et le sexe. Avant la puberté il n'y a guère de différence entre filles et garçons.
Après la puberté, la force globale du corps qui est proportionnelle à la masse musculaire est supérieure de 30 à 50% chez les garçons, avec supériorité franche au niveau des épaules, des bras et des muscles du tronc et supériorité moindre pour les membres inférieurs. En valeur absolue la force décline après 35 ans.
6- Appréciation de la force musculaire statique et dynamique
On peut apprécier la force musculaire globale d'un individu par des tests de terrain, en additionnant le nombre de flexions de bras sur barres parallèles (dips) + le nombre de relevés de buste + le nombre de tractions à la barre fixe, aussi bien qu’en soulevant des poids et haltères en salle, ou au moyen d'un dynamomètre de force en laboratoire.
7- Pyramide de la force
A la base il y a l'endurance musculaire. Au sommet il y a la force explosive utile à la discipline sportive. Au milieu la force maximale, qui n'est pas une fin en soi et peut même être contre-productive si elle ne sert pas la discipline sportive.
A quoi sert de pousser 250 kilos en squat ou 180 kilos au développé-couché si les tests de terrain de détente verticale et horizontale, de vitesse et d’endurance sont mauvais et si le sujet est incapable de maîtriser un entraînement intensif de qualité et varié dans le temps.
Bases scientifiques de la force
On sait depuis Zatsiorski que le développement de la force est plus lié à des phénomènes nerveux qu'à l'hypertrophie musculaire. Il intervient sur le recrutement et la synchronisation des unités motrices, la coordination inter-musculaire liée à une bonne technique et l’élasticité musculaire en rapport avec le réflexe myotatique.
1- Le recrutement des unités motrices
Il intervient entre 0 et 80% de la force maximale et explique le gain de force rapide en début de période de musculation.
2- La synchronisation des unités motrices
Elle est de 80% chez le sujet entraîné et de 20% chez le sédentaire. Elle entraîne une réponse motrice à la fois plus brève et plus intense, mais qui, paradoxalement, serait défavorable dans la vie de tous les jours car responsable de mouvements tremblés et violents. Il existe physiologiquement un circuit intra-médullaire désynchronisateur qui brouille la synchronisation naturelle des inter-neurones de Renschaw. Pour développer la force il va falloir lever cette inhibition. Cela est rendu possible par l'activation d'un autre circuit nerveux, qui va inhiber le circuit de Renshaw grâce à un entraînement avec des charges supérieures à 80% de la force maximale.
3- La coordination inter-musculaire
Son support physiologique est l’élasticité musculaire en rapport avec les fuseaux neuro-musculaires, placés en parallèle et les organes tendineux de Golgi, placés en série. Sur le plan sportif cette coordination inter-musculaire est en rapport avec la technique individuelle qui aboutit au geste juste, économe en énergie, d'efficacité maximale et facteur déterminant de la performance.
Les techniques de renforcement musculaire
Ces techniques utilisent le poids du corps, les haltères, les appareils de musculation, les lancers ou les portés d'objets de poids différents. Ce sont des procédures de renforcement de muscles concourant à une même fonction, par exemple flexions de bras ou extensions de jambe sur la cuisse. Le but est de ne pas ressembler à un body-builder mais à un décathlonien.
1- Techniques basées sur le renforcement statique de la force
Le travail statique encore dénommé travail isométrique ne fait pas intervenir de mouvement. La force y est proportionnelle à la résistance qui s'oppose au déplacement du membre.
Résistance manuelle en cas de blessure et contrôlable par un tiers (kinésithérapeute) ou par un dispositif fixe, ou par l'intermédiaire d'un appareil de musculation ou d'un poids.
Hettinger et Muller ont pu démontrer qu'une seule contraction isométrique d'1 seconde par jour contre une résistance maximale, suffisait à maintenir le niveau de force.
Troisier a mis au point une méthode de renforcement statique intermittent (sur le modèle de l'entraînement fractionné) qui consiste à enchaîner des séries de contractions statiques de 6 secondes, entrecoupées de phases de repos de 6 secondes. Cela correspond à un travail à la fois de force et d'endurance musculaire, très favorable après blessures (affections orthopédiques sous plâtre ou rhumatologiques rachidiennes). Le travail statique isométrique ne contraint ni les grosses articulations périphériques comme le coude ou le genou, ni le rachis et ne comporte pas de risques.
2 - Techniques basées sur le renforcement isotonique de la force
Le travail dynamique est encore dénommé travail isotonique. La résistance constante n'entravant pas le mouvement, il reste libre.
En cas de faiblesse musculaire on peut soit alléger la résistance, soit faciliter l'exécution du mouvement (mouvement actif aidé).
En cas de faiblesse majeure, le renforcement isotonique peut être effectué sans la contrainte de la pesanteur. Ce travail dynamique doit être exécuté à pleine amplitude.
Les protocoles font varier, soit la vitesse du mouvement isotonique, soit la charge, soit le nombre de répétitions du mouvement et le nombre de séries. Ils sont basés sur la charge maximale capable d'être mobilisée à pleine amplitude sur une répétition (1 RM) et le nombre (n) de répétitions réalisables à pleine amplitude, avec une fraction de la charge maximale.
Suivant l'objectif recherché de force, de puissance, ou d'endurance musculaire, on privilégiera:
- 20 séries de 20 répétitions, pour l'endurance musculaire (20x20), en utilisant son propre poids de corps (flexions de bras et de jambes, par exemple).
- de 10 séries de 10 répétitions (10x10) à 6 séries de 6 répétitions (6x6) pour la puissance musculaire, avec haltères ou appareils de musculation. - 1 série de 3 répétitions à 90% de la RM (1x3) + 1 série de 2 répétitions à 95% (1x2) + 1 répétition à 100% (1x1), pour améliorer la force maximale.
Ce travail dynamique peut être exécuté sur un mode concentrique qui rapproche les insertions musculaires (excellent pour les fléchisseurs des bras et les extenseurs des jambe), ou sur un mode excentrique qui éloigne les insertions musculaires et consiste à freiner le mouvement (excellent pour moyen fessier, droit antérieur de la cuisse, jumeau interne du mollet, ischio-jambiers, rotateurs des ceintures scapulaire et pelvienne, dorsi-fléchisseurs de cheville). Le body-building par la méthode des efforts répétés (beaucoup de répétitions et beaucoup de séries) avec haltères ou appareils de musculation entraîne une hypertrophie musculaire contre-productive, une perte de l'élasticité musculaire, une baisse de la vitesse et bien d’autres effets négatifs incompatibles avec une pratique sportive de haut niveau autre que le culturisme.
3- Techniques basées sur le renforcement dynamique isocinétique
Il s'effectue sur machine isocinétique. Dans ce type de travail, la vitesse de l'exercice est imposée. Pour maintenir une vitesse de déplacement constante, c'est la résistance de la machine qui s'adapte en permanence à la force développée par le sujet. La vitesse est de type angulaire et va de 30° par seconde à 240° par seconde. Plus la vitesse est lente et plus la force développée par le sportif ou le blessé est grande.
Cet appareil isocinétique est également le dynamomètre le plus précis pour mesurer la force musculaire. En dehors du développement musculaire spécifique des sportifs de haut niveau, les indications du renforcement musculaire isocinétique sont toutes des indications médicales: rééducation des séquelles des affections neurologiques chroniques, récupération musculaire après entorse grave du genou, opéré ou non, bilan musculaire des muscles du tronc du lombalgique chronique, bilan musculaire à visée de rééducation des muscles rotateurs d’épaule et des fléchisseurs et extenseurs de cheville.
4- techniques globales de renforcement musculaire
Les 3 mouvements de la force athlétique, squat, développé-couché, lever de terre et les 2 mouvements d’haltérophilie, l’arraché et le développé-jeté, renforcent les groupes musculaires agissant en synergie et concourant à une même fonction (muscles synergistes).
5- Le travail de renforcement musculaire par la pliométrie (Zatsiorski, Zanon, Bosco, Cometti, Vercoshanski)
Aspects physiologiques de la pliométrie
La pliométrie est la méthode de renforcement musculaire la plus efficiente. Elle est basée physiologiquement sur le cycle étirement-raccourcissement des fibres musculaires. On parle d'une action musculaire pliométrique lorsqu’un muscle qui se trouve dans un état de tension est d'abord soumis à un allongement (phase excentrique), puis à une contraction (phase concentrique). On sait depuis Zatsiorski (1966) qu'un athlète qui pousse en position de squat sur une barre fixe produit une force appelée force maximale isométrique. Le même athlète, lors d'un saut en contrebas (exercice de pliométrie), va pouvoir développer une force supérieure d’1,5 à 2 fois par rapport à sa force maximale isométrique.
Cette efficacité est en rapport avec le cycle étirement-raccourcissement des sarcomères musculaires et on formule aujourd'hui deux types d’explications, l’intervention du réflexe myotatique et le rôle joué par l'élasticité musculaire.
Illustrations
Les actions les plus courantes sont la plupart du temps pliométriques. Dans la course la foulée comporte une phase d'amortissement (excentrique) et une phase de renvoi (concentrique). Les foulées bondissantes et tous les bondissements sont également régis par les mêmes principes, mais avec des tensions musculaires supérieures.
Effets immédiats de la pliométrie
Chez un sujet très entraîné, après une séance de type pliométrie intense (avec plinths hauts), 10 jours de récupération sont nécessaires avant une compétition. 3 jours vont suffire pour un travail de moyenne intensité à base d’exercices avec bancs ou haies.
Effets retardés
Il concerne le travail effectué pendant un cycle d’entraînement. Pour un cycle de pliométrie intense comportant 4 séances de ce type, il faut 3 semaines de récupération, chiffre que l'on peut ramener à 10 jours en cas de pliométrie d'intensité moyenne.
Les méthodes pliométriques
- La pliométrie simple est illustrée par des foulées bondissantes, sauts à la corde, plinth bas (20 cm), bancs.
- La pliométrie intense s'effectue avec des plinths hauts (60 à 100 cm) et s'exécute au moyen de différentes flexions de jambes à 130°, 90°, 60°, en les combinant, ou sans les combiner.
- La pliométrie avec charge consiste à exécuter des squats avec un ou plusieurs temps de ressort. Son but est de développer et d'améliorer l'explosivité des muscles de la jambe, très profitable à tous les sportifs de haut niveau.
Consignes de réalisation
- Gainage: 10 secondes dans la position de la chaise romaine, cuisses à l'horizontale, bras équilibrateurs tendus devant soi, regard horizontal, nuque et épaules relâchées, talons au sol.
- Sauts: 10 sauts enchaînés sans temps d'arrêt, extension complète, aide des bras lancés vers le haut, réception sur jambes mi-fléchies.
- Sprint sur 10 mètres, amorcé dès la réception au sol du dernier saut, sans aucun temps d'arrêt. L’athlète cherche à être en accélération constante durant les 10 mètres. La récupération entre 2 répétitions des 3 séquences gainage-sauts-sprint doit être très courte (5 secondes).
Le travail de la force explosive par la pliométrie
Il consiste à réaliser des séries de 4 à 10 répétitions des trois séquences de gainage, sauts et sprint et les répéter de 3 à 5 fois. La récupération entre les séries est de 2 à 5 minutes environ, en fonction de l'état de forme du moment. Le protocole le plus utilisé dure 3 semaines à raison de 3 séances d'1 heure par semaine. Le gain espéré est de + 20% de la RM.
Objectifs et moyens pour Lancer loin
Lancer loin nécessite des qualités de coordination, d'adresse et de force-vitesse des membres inférieurs et supérieurs qu'il est possible de mesurer par des tests de laboratoire sur ergocycle (Sargeant et Wingate), et des tests de terrain, squat ou demi-squat pour tester la force des membres inférieurs et développé-couché pour tester celle des membres supérieurs (Bosco, Rahmani, Izquierdo, Cronin).
A notre connaissance, peu d’études, en-dehors de celles de Bouhlel en 2007 sur le javelot et d'Olivier Rambaud en 2008 pour les autres lancers, ont corrélé force et vitesse des membres avec la performance dans les 4 disciplines de lancers.
Les ressources mécaniques
La performance en lancer est fonction de la vitesse d'envol. Pour imprimer à l’engin une vitesse d’envol maximale, le lanceur doit produire un niveau de force élevé sur un temps très court.
Le déplacement du système lanceur-engin étant limité par la taille de l’aire de lancer, cela renvoie au concept de puissance qui dépend de l’aptitude des muscles impliqués à développer des niveaux de puissance élevés.
Il y a une corrélation significative entre la performance en lancer et la force musculaire maximale des membres inférieurs et supérieurs. On apprécie ces dernières par la détermination du 1 RM (une répétition à charge maximale) en squat et en développé-couché, mais pas seulement. Bouhlel et collaborateurs ont démontré une relation significative entre la puissance maximale des membres supérieurs et inférieurs déterminée sur bicyclette ergométrique et la performance en javelot.
Muscles mis en jeu dans les lancers
Au niveau des membres inférieurs, l'extension du genou et de la hanche sollicite les muscles grands fessiers pour la hanche, quadriceps et triceps suraux pour le genou. Grands fessiers, quadriceps et triceps suraux sont pareillement sollicités au cours du mouvement de squat.
Au niveau des membres supérieurs interviennent les muscles rhomboïdes, fixateurs de l’omoplate. Ils maintiennent la posture et travaillent en isométrie dans les disciplines de poids, marteau et disque.
Les muscles adducteurs d’épaule, grand pectoral et deltoïde antérieur, travaillent en dynamique au cours des mouvements de lancer du poids et de disque et en isométrie au lancer de marteau.
Lors du mouvement d'extension du coude, le muscle triceps brachial travaille en dynamique au cours de l’éjection au lancer de poids et en isométrique au lancer de marteau. Ces muscles fixateurs de l’omoplate, adducteurs d’épaule et extenseurs du coude sont également sollicités au cours du mouvement de développé-couché.
Mesure de la PMax des membres supérieurs et inférieurs
Les premières études de mesure de la force musculaire ont été réalisées par Hislop et Perrine en 1967 sur des dynamomètres isocinétiques qui sont des appareils de mesure de la force musculaire dont la résistance s’adapte à un effort réalisé à vitesse constante.
Ils mesurent de la manière la plus sécuritaire possible le quotient de force entre muscles agonistes et antagonistes et constituent, en médecine de rééducation, un excellent moyen de bilan de la force musculaire après un traumatisme conséquent des membres et de suivi post-traumatique de la récupération de cette force musculaire.
Très adaptés au milieu médical, ces dynamomètres isocinétiques manquent malgré tout de pertinence quand il s'agit de mesurer la force musculaire des membres chez les sportifs de haut niveau et en particulier chez les lanceurs. Les mouvements humains en général et ceux de la pratique sportive en particulier étant caractérisés par des phases successives d’accélération et de décélération d’une masse constante (conditions iso-inertielles), cette force musculaire maximale ne peut être analysée idéalement qu'en laboratoire sur des plateformes de force, nec plus ultra en matière de qualité de mesure de cette force musculaire iso-inertielle.
Mais encore une fois, cette analyse sur plateforme de force n’est pas adaptée aux lanceurs.
La bonne solution de remplacement à ces plateformes de force sera alors d’étudier la force musculaire à partir de mouvements utilisant les mêmes groupes musculaires que ceux impliqués dans un exercice iso-inertiel, le squat ou demi-squat pour les membres inférieurs et le développé-couché pour les membres supérieurs.
Ces mouvements de squat et de développé-couché se rapprochant à la fois des conditions d’exercice et de performance dans les 4 disciplines de lancer sont donc utilisés dans le cadre de l'entraînement de force-vitesse et très appropriés à l’évaluation de la force des lanceurs.
Rôle de la vitesse d'envol
Une revue de la littérature démontre l’influence majeure de la vitesse d’envol de l’engin sur la performance dans les lancers. Cette vitesse d’envol maximale ne peut être atteinte que si le lanceur est apte à produire un niveau de force élevé sur un temps inférieur à 3 secondes.
Analyse par discipline
Les qualités musculaires des membres inférieurs des lanceurs de chaque discipline sont comparables lorsque la Pmax est rapportée à la masse corporelle et il n’existe pas de différence significative entre les quatre disciplines de poids, disque, marteau et javelot (les lanceurs de poids et de disque ont une Pmax significativement plus élevée de 20%, uniquement parce que leur poids de corps est plus élevé).
Il est intéressant aussi de noter que les lanceurs de marteau ont des valeurs de Pmax des membres supérieurs très inférieures à celles des lanceurs de poids et de disque. Ceci est en accord avec la spécificité du lancer de marteau, les bras du lanceur restant tendus tout au long du lancer (travail en isométrie).
Leur rôle est de résister à la force centrifuge de l’engin, tout en maintenant un rayon de giration optimale. En conséquence, ayant besoin de moins de force brute, la part d’entraînement en force des membres supérieurs des lanceurs de marteau est très inférieure à celle des lanceurs de poids et de disque
Relations entre force musculaire et performance dans les 4 lancers (Olivier Rambaud)
Il existe une relation significative entre la puissance maximale déterminée au cours des tests de demi-squat ou de squat complet et de développé-couché et la performance réalisée en compétition dans les 4 disciplines de lancer.
Cette relation est en accord avec l’étude de Bouhlel et collaborateurs qui montre l’influence significative de la puissance maximale des membres supérieurs et inférieurs, déterminée au cours d’un exercice sur bicyclette ergométrique, avec les performances de terrain réalisées par une population de lanceurs de javelot de niveau national.
A noter que l’action des membres inférieurs permet de déclencher le mouvement, puis d’accélérer le système lanceur-engin dans l’aire de lancer grâce à un mouvement de translation ou de rotation pour les lanceurs de poids, un mouvement de rotation pour les lanceurs de disque et de marteau et pendant la course d’élan et à l’impulsion au javelot.
L’accélération finale de l’engin avant son éjection dépend ensuite de l’action des groupes musculaires du tronc et principalement des membres supérieurs. Les qualités de force et de vitesse des membres supérieurs sont également déterminantes dans la performance.
Cette importance des qualités de vitesse est en accord avec l’analyse technique des différentes disciplines.
Les membres inférieurs permettent d’accélérer le système lanceur-engin, mais l’accélération finale de l’engin avant son éjection résulte de l’action du tronc et des membres supérieurs.
Applications dans le cadre de l’évaluation et de l’entraînement des lanceurs
1- Ce sont les qualités de force explosive qui déterminent la puissance maximale et la performance en lancer.
Elles sont parfaitement déterminées par des exercices de demi-squat ou de squat complet et de développé-couché.
Une mesure de la raideur neuro-musculaire lors d’un exercice de rebonds est également conseillée.
Pour les lanceurs de marteau, la mesure de 1 RM est certes très pertinente, mais la mesure de la force maximale isométrique sous barre guidée pour évaluer les membres supérieurs l'est également.
2- Rôle des qualités d’explosivité
L’analyse de l’aptitude aérobie par un test maximal (mesure du VO2 max) est réalisée régulièrement dans les disciplines d’endurance afin de mesurer leur valeur et de s’assurer du bon fonctionnement du système cardio-vasculaire, mesure à laquelle on peut associer la détermination de la cinétique lactique afin de fournir des données utiles au contrôle de l’intensité des séances d’entraînement (fréquence cardiaque maximale et seuil lactique). De la même façon, les qualités d'explosivité dans les lancers pourraient bénéficier en plus des tests de force maximale de terrain, d'un test de force-vitesse sur bicyclette ergométrique, comme par exemple le test de Wingate qui mesure la puissance anaérobie de pointe et la capacité anaérobie.
Le test de laboratoire Wingate (Ayalon et coll.)
Ce test explore le métabolisme anaérobie alactique (très utilisé chez les cyclistes professionnels sur appareil Cyclus 2). Le sportif effectue un effort violent sur bicyclette ergométrique (Monark) de 30 secondes.
La résistance sera réglée en fonction du poids corporel et de la cadence de pédalage. Après avoir atteint la puissance maximale, on observera jusqu’à la fin du test une baisse de puissance continue.
La capacité anaérobie lactique est difficile à distinguer de celle du métabolisme anaérobie alactique en raison de l’intervention quasi immédiate de la glycolyse anaérobie avec production de lactates dès les premières secondes de l’exercice. Elle prend en compte la Pmax observée dans les 5-8 premières secondes (en tenant compte de l'inertie de l'ergocycle) et la puissance moyenne sur les 30 secondes, correspondant à la capacité lactique.
Trois indices peuvent être retenus pour ce test
1- La puissance pic (des 5-8 premières secondes). Elle correspond à la puissance maximale alactique.
2- La puissance moyenne sur toute la durée du test de 30 secondes.
Elle correspond à la puissance du métabolisme anaérobie lactique + alactique (après avoir atteint le pic de puissance maximale on observe ensuite une baisse continue de la puissance).
3- L’endurance maximale anaérobie lactique est la faculté de soutenir dans le temps un fort pourcentage de la puissance pic.
Résultats du test
Ce test permet de suivre les effets d’un entraînement spécifique dans les sports de haut niveau à forte capacité anaérobie, mais aussi après blessure pour le contrôle de la récupération de la force musculaire. Dans les lancers, la détermination du pic de puissance est suffisante. Au-delà, la détermination de la capacité de puissance n’est intéressante que dans les sports de résistance.
Conclusion sur les objectifs et moyens pour lancer loin
Il existe une corrélation entre les PMax des membres inférieurs et supérieurs testées sur 1 RM en demi-squat, squat complet et développé-couché et la performance dans les 4 lancers. Différentes études ont également souligné l’importance d’un niveau de raideur élevé pour être performant lors d’un exercice explosif, avec relation significative entre la raideur des membres supérieurs et la force maximale isométrique, ainsi que le travail réalisé pendant la phase concentrique d’un mouvement de développé-couché.
Les athlètes ayant un niveau de raideur des membres supérieurs élevé ont un niveau de puissance maximale et une vitesse de montée en puissance supérieurs lors d’un exercice de développé-couché en mode concentrique. L'exploration force-vitesse sur bicyclette ergométrique jusqu'au pic de puissance peut être intéressante pour déterminer les qualités musculaires spécifiques propres à chacun des 4 lancers.
Notion de force utile
Toutefois musculation lourde = terrain dangereux. Pour Didier Poppé, quand on démarre sur les concepts et la philosophie de la musculation lourde, on est sur un terrain de plus en plus controversé, les records en développé couché, squats et arraché ne sont plus une référence dans la préparation des lanceurs et l’escalade des masses et des charges est une hérésie. Il faut la remplacer par la notion de force utile, c’est à dire de force nécessaire pour produire un maximum de vitesse avec un engin d'un poids donné et en effet, à partir d’un certain niveau, toute augmentation de force ne résultera pas forcément en une augmentation de production de vitesse, au contraire, passé ce niveau, on constate une baisse ou une stagnation des performances; et les tests les plus intéressants et les plus appropriés sont les tests de détente verticale, détente verticale en force réactive, détente horizontale, détente horizontale multi-bonds, capacité de vitesse maximale avec charge ultra légère. On travaille maintenant avec des sensors sur les barres et les engins pour enregistrer les vitesses.
Il semble (sauf exceptions) que les lancers français ont beaucoup de mal à se débarrasser des concepts hérités des Américains dans les années 60 qui étaient adeptes de la musculation - haltérophilie - power lifting.
Cette ‘philosophie du ''plus gros, plus lourd, plus fort, plus loin'', a été complètement remise en cause par les Allemands de l’Est (dopés certes mais cela n’exclut pas les méthodes de préparation physique) qui étaient moins lourds, plus rapides et pour la plupart « forts mais pas trop » .
Une indication à ce sujet, les Américains, qui dominaient autrefois le monde des lancers dans toutes les épreuves, ont quasiment disparu des lancers légers (sauf Valérie Allman qui, justement est un très bon exemple de la préparation actuelle), survivent dans le lancer de poids, voire de marteau avec leurs mastodontes de 150 kg et plus, mais disparaitront le jour où plus d’entraîneurs feront de vrais athlètes et pas des haltéro-lanceurs bodybuildés. Ça va venir. Au final, la préparation physique c’est comme la médecine: c’est lié! On en apprend tous les jours et on n’est jamais sûr de rien.
Et Didier Poppé de citer à titre d’exemple, 1 de ses ex-athlètes, le lanceur de disque Connor Bell qui est entraîné maintenant par un jeune coach Néo Zélandais qui a repris son groupe de Lancer. Ce jeune entraîneur est très au fait des méthodes actuelles, qui fait un doctorat de préparation physique des lancers en rotation et avec lequel il partage la plupart des idées sur la préparation physique). Mensurations de Connor Bell, 21 ans : taille 1.92 m, poids 120 kg, meilleur lanceur de disque cadet et junior mondial depuis 2017 (69 m en cadet, 67 m en junior), près de 65 m au 2 kg. En musculation suivant les ‘’critères'' classiques, il fait 130kg à l’épaulé, 135 en développé couché, ne fait quasiment jamais de squats, soulevés de terre, arrachés, mais travaille avec charges légères et en multi stimuli et excentrique. Bref un vrai athlète lanceur. Cet entraîneur prépare aussi Maddison Wesche, 22 ans, 6ème du poids Féminin à Tokyo avec près de 19 m (3 m de plus que la meilleure Française!) et qui est loin d’être un monstre comme les américaines du même concours! Pour mémoire, records de Jacques Accambray : DC = 190 kg; Squat = 275 kg; Lever de terre = 315 kg, épaulé= 200 kg; arraché= 147,5 kg.
Lolassonn Djouhann : DC = 250 kg; Squat = 230 kg; épaulé = 175 kg; arraché = 125 kg.
Etirements et activités physiques et sportives (avec l'aide de Pascal Prévost, un des plus fins connaisseurs de la physiologie de l'exercice musculaire)
Les étirements du système musculo-tendineux, en diminuant physiologiquement l’action des motoneurones (neurones moteurs de la corne antérieure motrice de la moelle épinière) vont se traduire par une baisse du tonus musculaire, la possibilité d’activer les muscles, une plus grande possibilité d’allonger le muscle et son tendon et donc une moins grande résistance à son allongement passif. De plus si lors d'un geste sportif, une contraction musculaire est immédiatement précédée par un étirement, la force et la puissance produites lors de la contraction seront augmentées, en partie grâce au stockage et à la restitution d'énergie élastique et ce phénomène augmente le rendement musculaire par rapport à une contraction concentrique isolée.
Toutefois le principal objectif des étirements est de relâcher et de décontracter les muscles et partant les étirements en fin d’exercice, en diminuant les fortes tensions résiduelles après un entraînement intensif, facilitent la récupération post-exercices et sont parfaitement justifiés.
Mais qu’en est-il de l’utilisation des étirements les plus courants en début de séance ou dans certaines conditions comme à l’issue d’un entraînement dans lequel on a abordé une nouvelle technique gestuelle ou fait une séance de renforcement musculaire avec un fort pourcentage de travail excentrique ou pliométrique, et quelles seront les conséquences de leur utilisation sur la performance sportive? Réponse : on peut déjà affirmer sans ambiguïté que toute modification de la raideur du système musculo-squelettique va avoir des répercussions sur les performances dans les sports de force et de vitesse, ou impliquant l’utilisation de la puissance musculaire.
Alors étant donnés les effets des étirements, leurs utilisations à l’échauffement ou avant une compétition est-il justifiée? Réponse: les étirements diminuent la force, la vitesse et la puissance musculaire et quelle que soit la technique d’étirement utilisée, les effets négatifs sur la performance sont présents et fonction:
- de l’angle articulaire: par exemple pour le genou, la force isométrique est impactée lorsque l’angle est supérieur à 160°, ce qui peut affecter énormément la performance de la force que le sujet est capable de développer lors d’un geste sportif spécifique (l’explication du phénomène est le fait que la série @d’étirements placerait les sarcomères dans une longueur moins favorable au développement d’une force intense).
- de la vitesse du mouvement, mais uniquement pour les mouvements impliquant les vitesses les plus faibles (c’est à dire ceux impliquant un plus grand niveau de production de force et correspondant aux longueurs des sarcomères où se forme le plus grand nombre de ponts d’actine-myosine).
Etirements et prévention des blessures
L'un des arguments souvent avancés pour expliquer l'utilité de placer des étirements en début, au cours, ou à l'issue de l'échauffement et/ou d’une séance, est qu'ils auraient un effet bénéfique sur les risques de blessures. Pourtant, une analyse objective de la littérature montre que les résultats des études publiés à ce jour n’abondent pas dans ce sens, d’un point de vue effet à court terme et le niveau de la probabilité d'être blessé que l'on fasse ou non des étirements avant une séance d’entraînement est élevé. Et plus on avance dans l'entraînement et plus les chances d'avoir une blessure augmentent que l'on s'étire ou non dans la phase initiale d’un programme d’entraînement.
La conclusion est donc que les étirements avant l’exercice ne semblent pas constituer une pratique efficace pour réduire le risque de blessures. Mais sur le plan de la méthodologie il faut attendre des résultats plus fiables et le principe de précaution doit s’appliquer à cette situation (aucune étude n'ayant duré assez longtemps ou n'a utilisé d'étirements suffisamment longs pour mettre évidence ce phénomène).
Effets des étirements sur les courbatures (DOMS)
Les courbatures correspondent à des douleurs qui apparaissent au bout de 24 à 48 heures, sur une ou plusieurs zones musculaires sollicitées de manière inhabituelle et notamment pendant les périodes de reprise après une période d’arrêt (convalescence, vacances), d’apprentissage de nouvelles techniques ou d’augmentation de la charge d’entraînement.
On explique leur présence par une dominante de travail excentrique qui a provoqué des micro-lésions au sein des muscles sollicités. Le résultat est, au niveau microscopique, la déstructuration d’une grande partie des sarcomères des fibres musculaires étirées de façon importante alors qu’elles étaient contractées. Il s’en suit un processus de réparation pouvant durer de 5 à 7 jours et il a été suggéré que les étirements pouvaient empêcher l’apparition des courbatures ou diminuer les douleurs. Deux travaux intéressants rapportés par Pascal Prévost montrent l’inter-relation des mécanismes mis en jeu dans le travail excentrique et les étirements:
- d‘une part, les deux types d'allongements (passifs pour les étirements et actifs pour la contraction excentrique) peuvent induire des courbatures chez des sujets qui ne sont pas habitués à ce genre d'exercices. Et contrairement à ce qui est souvent dit, les étirements statiques entraînent des courbatures plus importantes que les étirements balistiques, car ils provoquent des degrés d’allongement beaucoup plus importants (cela va à l’opposé de ce que l'on admet généralement dans le milieu sportif concernant les étirements balistiques).
- d‘autre part, il a été démontré que les douleurs, ainsi que la baisse de force, liées aux courbatures étaient plus prononcées lorsque la séance d'entraînement était précédée et/ou suivie d'une session d'étirements.
Mis ensemble, ces résultats démontrent que les étirements et les courbatures altèrent les mêmes structures au sein de la fibre musculaire. La diminution éphémère des douleurs liées à la courbature que pourraient éprouver les sportifs lors des étirements (la douleur disparaît généralement au bout de 1 à 2 min d’étirement) va dans le sens de l'hypothèse d'une réduction de l’œdème intramusculaire concomitant à l'apparition des courbatures.
Les exercices excentriques et les étirements passifs agissant sur les mêmes structures (tissu conjonctif du muscle), il semble fort probable qu'ils affectent les tissus de la même manière (action sur le squelette cellulaire de la fibre musculaire notamment). De fait, les étirements, réalisés après une séance d’entraînement dont on sait qu'elle provoquera des courbatures pourraient aggraver le degré de détérioration lié au travail excentrique.
En conclusion: les études menées sur les effets immédiats des étirements avant et/ou après les exercices à dominante excentrique n'ont pu démontrer que les étirements avaient un effet préventif sur les courbatures. L’effet immédiat et à court terme semble donc aller dans le sens d’une contre-indication à la pratique des étirements sur des muscles courbatus. Par conséquent, il paraît souhaitable de ne pas étirer un muscle suite à une séance dont on sait qu’elle entraînera des courbatures (reprise de saison, séance d’une intensité supérieure à d’habitude, apprentissage d’une nouvelle technique, renforcement musculaire de type pliométrique ou stato-dynamique).
Effets à long terme des étirements sur la performance
Face à ce tableau très négatif des effets immédiats des étirements sur le muscle, il serait injuste de ne pas aborder les adaptations à long terme sur la performance, suite à un entraînement incluant des étirements réguliers.
Si à court terme, il y a augmentation de l’amplitude articulaire immédiatement après les étirements, cette augmentation est également présente à plus long terme. Par exemple, à l'issue d'un programme d’entraînement de 8 semaines comportant des étirements unilatéraux (contracter-relâcher) il a été observé une amélioration de la souplesse active et passive (jusqu'à 6,3° d'amplitude maximale de mouvement).
Mais, plus important, il y a une amélioration des moments de force maximale (jusqu'à 21,6%) et de production de travail (jusqu'à 12,9%) musculaire essentiellement dans les phases excentriques, celles où la tension est principalement supportée par les structures élastiques du fait que les sarcomères sont étirés au-delà de leur longueur de repos.
Les étirements auraient donc des effets bénéfiques à long terme sur les capacités de restitution d’énergie élastique et donc pour les exercices impliquant la puissance musculaire. Et à plus long terme, les étirements sont importants car il a été démontré que les muscles les plus raides étaient aussi les plus susceptibles d’avoir des courbatures.
En entretenant un certain niveau d’élasticité, les étirements auraient un effet bénéfique permettant de limiter l'apparition des courbatures grâce aux modifications du comportement du muscle lors des exercices excentriques, dont on sait qu'ils sont les principaux responsables de ce traumatisme musculaire.
Conclusion sur les étirements
Les étirements réalisés pendant l’échauffement, avant une séance d'entraînement, ou pire avant une compétition induisent des modifications immédiates du système tendino-musculaire qui peuvent nuire à la performance sportive et donc ils ont apparemment un effet inverse à celui supposé ou désiré.
Ceci est valable uniquement pour l’entraînement qui suit et non pour l’entraînement à long terme. En effet, un programme d’étirements durant 3 à 12 semaines améliore la force des extenseurs des genoux, tout autant que leur souplesse.
Il semblerait également que les étirements ne diminuent pas les risques de blessures, surtout dans les phases initiales d’un nouvel apprentissage, d’une augmentation d’intensité d’entraînement, ou durant un programme de renforcement musculaire à dominante excentrique.
Malgré tout, cela ne remet pas en cause leur efficacité une fois cette période terminée.
Par contre leurs effets sont tels, qu'il est plutôt conseillé de les utiliser comme technique de récupération post-exercices, sauf si le risque d'apparition de courbatures à l'issue de la séance est faible.
Dans le cas contraire, le système tendino-musculaire des athlètes s’exposerait à un ralentissement des processus de régénération musculaire mis en oeuvre dès les premières heures qui suivent la séance à l'origine de ces traumatismes; la fonction musculaire n’ayant pas alors la possibilité de retrouver aussi rapidement que prévu ses capacités maximales.
À long terme, les étirements auraient donc des effets bénéfiques sur les capacités de restitution d’énergie élastique et donc pour les exercices impliquant la puissance musculaire.
À plus long terme encore, les étirements sont importants car il a été démontré que les muscles les plus raides étaient aussi ceux qui étaient les plus susceptibles d’avoir des courbatures.
Au final, en entretenant un certain niveau d’élasticité, les étirements ont un effet bénéfique permettant de limiter l'apparition des courbatures grâce aux modifications du comportement du muscle lors des exercices excentriques dont on sait qu'ils sont les grands pourvoyeurs de ces courbatures.
Le mental dans les Lancers
Le mental est, avec le geste technique et l’entraînement physique, le troisième pilier de la performance sportive et une donnée essentielle (Meriem Salmi, psychologue INSEP) dans la quête de l’excellence. Il relève de la génétique et de la personnalité, mais ce côté inné du mental peut quand même être entraîné et très fortement enrichi à partir d’une préparation mentale que dispensent avec bonheur certains psychologues spécialisés, avec l’objectif d’optimiser les performances individuelles.
Dans le milieu très fermé du rugby des années 70 et 80, le regretté Raoul Barrière, l’immense entraîneur de l’équipe du grand Béziers avec ses 13 titres majeurs en 13 ans, l’avait déjà compris avant tout le monde. Il s’était entouré en son temps des meilleurs spécialistes de médecine sportive et d’un sophrologue qui ont aidé cette génération dorée de joueurs de rugby biterrois à améliorer leur maîtrise de soi et leur capacité de concentration, à gérer le stress et aborder toujours positivement les grands rendez-vous. Plus près de nous, notre meilleur judoka Teddy Rinner et nos plus grands nageurs, Florent Manaudou, Camille Lacourt, Frédéric Bousquet, Fabien Gillot ont été ou sont suivis régulièrement par des psychologues du sport, avec les résultats que l’on sait. Selon Aimé Jacquet, entraîneur de l’équipe de France championne du monde de Football 1998, la force mentale s’appuie sur 3 facultés psychologiques qui interviennent dans la haute performance: l’audace qui fait tenter des choses difficiles et fait appel à la confiance en soi, la persévérance qui demande de la constance, de l’obstination, de l’opiniâtreté et de la ténacité dans l’effort, l’intelligence, la faculté reine, celle qui module audace et persévérance, permet de comprendre vite, de s’adapter facilement et d’être rationnel sans brider son intuition et ses propres sensations.
La préparation mentale
Avoir du mental est donc la marque de fabrique de nos plus grands champions (Renaud Lavillenie, Kevin Mayer, Mélina Robert-Michon), et c’est là qu’intervient la préparation mentale qui, en accélérant le processus d’optimisation des performances, va rendre l’entraînement physique et technique encore plus efficace et les athlètes plus forts en compétition. Coupler entraînement physique et préparation mentale permet donc d’accélérer considérablement l’évolution positive de la performance et fait progresser l’athlète plus vite. Pour le médecin de terrain cette préparation mentale a également l’avantage, en jouant sur la concentration, de diminuer le risque de blessures macro-traumatiques. Malgré l’intensité de l’entraînement et le stress de la haute compétition, l’athlète reste toujours conscient de ses mouvements et lucide quoi qu'il arrive.
Dans cette préparation mentale et à côté des entraîneurs, des préparateurs mentaux et des kinésithérapeutes, le médecin de terrain a toute sa place et, comme l’a écrit si joliment DL Poppé, le médecin est avec l’entraîneur le compagnon des mauvais moments; non seulement on compte sur sa compétence et son expérience pour vous tirer d’un mauvais pas, mais aussi sur son humanité, et sur la relation positive et confiante qu’il sait établir avec des gens pressés et stressés.
Les bases alimentaires (à propos des protéines, des suppléments protéiques et de la créatine)
Lancer loin nécessite de la force, beaucoup de force et, comme nous avons pu le constater pendant les différents stages et compétitions que nous avons médicalement encadrés, pour acquérir cette indispensable qualité physique la plupart des jeunes lanceuses et lanceurs des différentes équipes de France d’athlétisme (cadets, juniors, espoirs, élites) remplissaient leurs assiettes avec des aliments riches en protéines, viandes, poissons, oeufs, fromages, en pensant que force musculaire et protéines faisaient bon ménage et étaient étroitement corrélées.
D’où cette mise au point sur les protéines, les compléments protéinés et la créatine.
1- Mise au pont sur les protéines
Les protéines sont de grosses molécules biologiques dont l'élément de base est l'acide aminé (AA).
Elles sont composées d’atomes de carbone (C), d'hydrogène (H) et d'oxygène (O), tout comme les glucides (sucres) et les lipides (graisses), mais avec en plus et c'est leur spécificité, un atome d'azote (N).
Ces protéines constituent la structure de base de nos cellules: muscles, peau, cheveux, os, organes et la charpente de notre corps. Certaines pilotent même le fonctionnement de nos cellules: enzymes, hormones, hémoglobine, plaquettes, anticorps.
Alors qu’un adulte détruit en moyenne 300 grammes de protéines par jour dont une bonne partie est recyclée, 50 à 80 g de protéines sont perdues quotidiennement et transformées en urée (déchet azoté éliminé par voie urinaire).
Notre organisme sait stocker de la graisse à l’infini (réserves de lipides quasi inépuisables) et dans une moindre mesure les sucres (glucides en réserve sous forme de glycogène hépatique et musculaire), mais ne sait pas stocker les AA qui sont épuisés en quelques heures.
Lipides et glucides ne possédant pas d'atome d’azote, ils ne peuvent en aucune façon être transformés en acides aminés et pour couvrir les besoins en protéines, notre organisme est forcé de s’approvisionner à partir des apports alimentaires.
En cas d’ingestion excessive de protéines et faute de pouvoir les stocker, une bonne part sera convertie d’abord en glucides, puis en lipides avec prise concomitante de poids, et l’azote des protéines consommées en surplus après passage par le foie sera éliminé par les urines et s’accompagnera d’une élimination concomitante de calcium.
Les 8 acides aminés essentiels
Notre organisme est incapable de synthétiser 8 d’entre eux (l’isoleucine, la leucine, la lysine, la méthionine, la phényl-alanine, la thréonine, le tryptophane et la valine). Ces 8 acides aminés sont dits «essentiels». Ils doivent obligatoirement être apportés par l’alimentation.
Chez l’enfant, 2 autres AA sont également essentiels:
- l’histidine et l’arginine.
Les acides aminés limitants
Il s’agit de:
- la méthionine, présente dans les protéines du lait, de la viande, du soja, des fèves, des pois chiches et des lentilles.
- la lysine, présente dans le blé, l'avoine, le riz, le maïs.
- le tryptophane, présent dans le poisson et le maïs.
- l’isoleucine, présent dans le foie et le cœur.
En présence d'un AA limitant, il est nécessaire d'associer d’autres sources de protéines au cours d'un même repas (par exemple céréale + produit laitier ou céréale + légumineuse).
Besoins journaliers en protéines et quelles protéines consommer ?
Pour un non sportif, les besoins journaliers sont d'environ 1g par kilo de poids corporel; au-delà d'un poids de 100 kg, un apport protéique supplémentaire n’est pas nécessaire.
Chez les sportifs d’endurance s’entraînant une heure par jour et 5 jours par semaine 1,1 g/jour par kilo de poids de corps suffit. En endurance de haut niveau 1,6 g/jour sont nécessaires.
Chez les sportifs de force, pour l’entretien de la masse musculaire 1,3 à 1,5 g suffisent. Pour un gain de masse musculaire, 2 à 2,5 g sont nécessaires, mais pas plus de 6 mois par an à cause du risque hépatique et rénal.
La valeur biologique des protéines dépend de leur teneur en AA essentiels. Une protéine a une valeur biologique élevée lorsque, apportée en petite quantité, elle fournit l'ensemble des AA requis par l'organisme.
On distingue:
les protéines animales: viandes, poissons, œufs (la protéine de l'œuf est la protéine de référence, l’équilibre en AA y est parfait).
- les protéines laitières: fromage, lait.
- les protéines végétales: levures, légumineuses, oléagineux, céréales complètes (le soja est une légumineuse, la levure de bière et les germes de céréales contiennent tous les AA essentiels).
Principes et bénéfices d'un protocole nutritionnel enrichi en protéines après entraînement intensif :
Pendant une séance d’entraînement on ne construit pas de fibres musculaires, tout au contraire on casse des fibres et des AA sont libérés.
Lorsque les grosses séances d’entraînement s’enchaînent, la perte protidique est telle qu'un protocole supplétif facilite les processus de reconstruction mis en place par l’organisme, mais le gain musculaire sera moindre si, pendant la séance d’entraînement, on n’apporte pas de glucides.
En clair, pendant une séance d’entraînement, il est conseillé de consommer une boisson un peu sucrée et salée (en transpirant on perd du sel) et au minimum boire 500 ml/heure.
Dès la fin de la séance et pendant l’heure qui suit, il est bon de consommer par exemple 250 ml de yaourt liquide et un oeuf dur et le soir manger 1 à 2 assiettes de soupe que l'on salera un peu plus que de coutume.
En période d'entraînement intensif, cette supplémentation en protéines doit faire appel uniquement à des protéines naturelles que l'on va trouver exclusivement dans une alimentation riche en protéines (viandes, abats, oeufs, poissons, laitages, soja, légumineuses, etc.) et exclut donc tout recours à une supplémentation en poudre de protéines.
NB: pour les sportifs d’endurance, en aucun cas, les entraînements sollicitant la filière aérobie avec pour carburant les graisses ne sont concernés. Pour les entraînements de type fractionné, c'est vers une gestion correcte de l'acidose qu'il va falloir s'orienter.
2- Mise au point sur les suppléments protéinés
Physiologiquement une supplémentation artificielle en protéines est non seulement inutile mais le plus souvent dangereuse et en particulier à l’adolescence, période où l’éducation sportive doit absolument privilégier les notions non encore bien assimilées de bon sens, de respect du corps et d’éthique sportive.
Pourtant comme nous l’avons constaté dans les disciplines de force, beaucoup trop de jeunes se laissent tenter par une consommation élevée de protéines artificielles (poudres de lait par exemple).
Le seul intérêt d'un apport protidique supplémentaire par rapport à une alimentation normale concerne uniquement la phase de récupération succédant à une séance d'entraînement intensif.
Et encore cette supplémentation peut-elle parfaitement se faire en augmentant le pourcentage de protéines dans la ration alimentaire (en le faisant passer de 20 à 30%) et à la condition expresse de l'accompagner d’une ingestion concomitante de glucides, éléments nutritifs essentiels des muscles, et de liquides (pour être assimilées les protéines ont besoin de beaucoup d’eau).
En post-entraînement intensif, yaourt liquide, fruits, fromage blanc à 0% seront les bienvenus.
3- Mise au point sur la créatine
Que penser d’un gain de masse rapide «grâce» à une prise de créatine? A cela on peut répondre qu’un gain de masse rapide peut signifier une prise concomitante d’anabolisants, bien évidemment à distance des compétitions de manière à échapper à tout contrôle anti-dopage.
Notre organisme fabriquant de façon autonome environ 3 g de créatine par jour, le danger en consommant des suppléments de créatine réside dans le fait que notre organisme arrêtera d’en fabriquer et cet arrêt sera suivi de sévères troubles musculaires susceptibles d’évoluer vers de graves pathologies musculaires et respiratoires.
Rappelons que:
- l’administration de créatine par voie intraveineuse a entraîné de nombreux décès, vers l’âge de 40 ans.
- certaines poudres de créatine que l'on peut se procurer sur le Net peuvent contenir des produits interdits (nandrolone, testostérone, IGF1 et autres facteurs de croissance, insuline, etc.).
- une prise de testostérone exogène va s'accompagner à la longue d'une forte diminution de la testostérone endogène.
- à l’arrêt des prises d’anabolisants, les testicules ne pourront plus assurer une production autonome d’androgènes (sans compter le risque de développer un cancer du testicule ou de la prostate). Ces prises d'anabolisants représentent donc de réelles bombes à retardement.
Une étude du CIO (comité international olympique) a démontré que le risque pour le sportif de consommer un produit ou un complément nutritionnel dans lequel ont été inclus des produits interdits est élevé et a été évalué à 25%. En France les produits et compléments alimentaires bénéficient généralement d’une autorisation de commercialisation par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS).
A retenir
- les glucides (sucres ou hydrates de carbone) sont les nutriments essentiels des muscles, mais pas les protéines. Ces dernières, consommées de façon sauvage, génèrent la production de déchets azotés que le rein aura du mal à éliminer (sous forme d’urée).
- un apport massif de protéines va rompre l’équilibre nutritionnel souhaitable pour la santé qui est de 55% de glucides, 30% de lipides, 15% de protéines.
- le risque d’être positif lors d’un contrôle anti-dopage doit être envisagé si le sportif consomme des suppléments protéiques non sécurisés.
- une nutrition équilibrée restera toujours le principal moyen pour que l’organisme dispose de tout ce dont il a besoin pour la santé et la performance; et il ne sert à rien de consommer des protéines après un effort intensif si les règles d’une alimentation équilibrée ne sont pas respectées.
- en aucun cas un protocole nutritionnel basé sur la prise de protéines ne doit être mis en place chez un jeune sportif qui devra d’abord s’approprier d’autres outils pour progresser: une nutrition équilibrée, du mental, de la technique, de l’endurance y compris chez le sportif de force; cette endurance va élever son niveau de condition physique et permettra d'éliminer plus facilement toute substance toxique.
- un jeune sportif dont l’âge osseux n’est pas définitivement fixé ne doit pas être exposé à des entraînements intensifs qui sollicitent trop la masse musculaire.
- apporter trop de protéines ne sert à rien, au contraire cela va diminuer la capacité autonome que possède notre corps de reconstruire du muscle après l’effort.
Conclusion sur l’alimentation du lanceur
Une prise de compléments protéinés ou de créatine n'a aucun intérêt dans la mesure où une alimentation supplémentée (421 GPL) avec du lait et des oeufs (protéines naturelles) suffit amplement à couvrir les besoins des sportifs de toutes disciplines, y compris dans les sports de force pure.
Chez les jeunes athlètes, cette supplémentation est non seulement inutile mais dangereuse.
421 GPL = 4 parts de glucides + 2 parts de protéines + 1 part de lipides et uniquement en période d'entraînement intensif.
Alimentation équilibrée = 50 à 55% de glucides + 30% de lipides + 15 à 20% de protéines.
Bases médicales des blessures de surcharge des Lanceurs
I- Les 4 facteurs de risques majeurs des blessures de surcharge
1- Le geste technique
La technique étant de construire des compétences, gagner en liberté d'action et remplir tous les objectifs de l’éducation physique et sportive (EPS), acquérir le bon geste technique dans les lancers en athlétisme est un temps essentiel. Pas de geste technique efficient sans une posture équilibrée pendant son exécution (Jacques Pelgas): regard horizontal et récepteurs labyrinthiques de l’équilibre stables. L’activation de la chaîne cinétique débute au niveau du sol, se propage aux membres inférieurs et au tronc, où force et vitesse sont générées puis canalisées au niveau de l’épaule. Force et vitesse seront ensuite délivrées au membre supérieur dominant par la fronde scapulaire, avec forte implication du coude jusqu'à la main, puis éjection par la main directrice. Cette chaîne cinétique ne sera efficiente que si le geste technique est maîtrisé et toute défaillance d’un ou plusieurs maillons de cette chaîne cinétique va être source de blessures.
2- Les volumes et charges d’entraînement
Volumes et charges d’entraînement vont s’avérer redoutablement pathogènes, s’ils s’éloignent de la notion de force utile à chaque discipline de lancer et dépassent les seuils de résistance des structures ostéo-articulaires: disques inter-vertébraux, articulations postérieures vertébrales, cartilages articulaires, ligaments, tendons et muscles périarticulaires.
3- Le fonctionnement en excentrique des muscles polyarticulaires des membres inférieurs
La bipédie a profondément modifié la statique humaine (syndrome de Lucy). Elle a obligé les muscles polyarticulaires sous-pelviens et de jambes à se mouvoir en excentrique pendant la marche et à la course, avec un inconvénient majeur, le risque de claquage sur 4 groupes musculaires conçus courts à l’origine: les ischio-jambiers et les adducteurs, le droit fémoral du quadriceps, le jumeau interne du mollet.
4- Les dystrophies tissulaires du SCTM
En se basant sur les travaux anatomiques du Pr Guy Lazorthes sur les nerfs rachidiens, le Dr Robert Maigne a décrit, dans son ouvrage «Les douleurs d’origine vertébrale et leur traitement par manipulations rachidiennes», un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) correspondant à un ensemble de troubles trophiques conduisant, s’ils ne sont pas traités, à des pathologies tendino-périostées et musculaires sur les métamères des branches antérieures des nerfs rachidiens.
II- Geste technique et blessures
Pour les Docteurs Jean Genety et Elisabeth Brunet-Guedj, la presque totalité des blessures tendino-périostées et musculaires dans les sports de force et les lancers en Athlétisme sont des technopathies, c’est-à-dire des blessures liées au geste technique ou à un dysentraînement par excès de travail de force. C’est très clairement écrit dans leur ouvrage «Traumatologie du sport en pratique médicale courante». En parlant de ce geste technique, mes 2 confrères lyonnais écrivent : «Il obéit à des normes précises relevant de la mécanique du mouvement et de la physiologie articulaire. Le non-respect de ces normes aboutira à des accidents traumatiques ou micro-traumatiques d'autant plus sérieux que les charges d'entraînement seront importantes». Ils citent nommément les lanceurs de javelot et leurs problèmes récurrents d'épaules et de coudes, les haltérophiles et autres pratiquants de musculation lourde et leurs problèmes articulaires et de rachis cervical et lombaire.
III-Les secrets du Dr Müller du Bayern de Munich et de la Mannschaft
Si l’on vous dit: Usain Bolt, Linford Christie, Donovan Bailey, Maurice Greene, Carmelita Jeter, Tyson Gay, Yoan Blake, Mike Powel, Ronald Pognon pour ne citer que le gratin de l’Athlétisme mondial, qu’ont-ils en commun tous ces sprinters et ce sauteur en longueur de légende? Celui d'avoir eu des accidents musculaires et tendineux récurrents et d'avoir consulté le Dr Müller, le médecin du Bayern de Munich et de l'équipe d’Allemagne.
Or, en dehors de traiter les plus grands athlètes de la planète dans sa luxueuse clinique munichoise, qu'a donc de si particulier ce bon docteur? Tout simplement d'avoir compris très tôt qu'il y a un lien à 90% entre accidents tendino-musculaires et colonne vertébrale qu’il traite par des injections para-vertébrales, comme le rapporte Pierre-Jean Vazel dans un article de son blog «Le Docteur Müller plus fort que la douleur des sprinters».
Dans cet article PJ Vazel, l’actuel coach de Quentin Bigot notre meilleur lanceur de marteau du moment, nous dévoile en partie les secrets du médecin allemand qu’il a rencontré à plusieurs reprises du temps où il entraînait quelques-uns des meilleurs athlètes masculins et féminins du sprint hexagonal. PJV écrit: «Le Dr Müller a observé empiriquement que la colonne vertébrale est impliquée dans 90 % des cas de problèmes musculaires. Or Bolt est affligé d'une scoliose qui crée un porte-à-faux sur sa colonne vertébrale et se traduit par une jambe droite plus courte d’1,5 cm et un surcroît de travail sur les ischio-jambiers de sa cuisse gauche. Comme il n’est pas possible de changer la forme de sa colonne, Bolt doit s’entraîner et vivre avec… Depuis deux olympiades, le médecin allemand oblige ce sprinter hors du commun à s’astreindre 3 fois par semaine à des exercices spécifiques pour ses ischio-jambiers et sa colonne vertébrale, à être suivi en permanence par un masseur et à se rendre en moyenne trois fois par an à la clinique».
En prenant toujours l’exemple d’Usain Bolt (ses dysfonctions vertébrales lombaires basses, la forte contracture de ses muscles para-vertébraux lombaires et ses blessures récurrentes sur les IJ), il est facile de comprendre que la relation entre colonne vertébrale et blessure musculaire est une évidence.
Evidente aussi la nécessité de traiter à la fois le joint lombo-sacré en dysfonction et la blessure musculaire sous-pelvienne des ischio-jambiers le plus souvent, mais aussi des adducteurs, du droit fémoral du quadriceps et du jumeau interne du mollet, également très affectés par des accidents musculaires récurrents.
IV- Autre exemple de blessure musculaire des ischio-jambiers en rapport avec la colonne vertébrale
Tout aussi clairement, dans un article sur «l’entraînement des ischio-jambiers du sprinter au-delà du renforcement musculaire», Frédéric Aubert, entraîneur d’athlétisme et préparateur physique des rugbymen du Stade Français, attire l'attention sur la relation entre blessures musculaires des IJ des sprinters et colonne vertébrale. Il écrit: "Il faut porter notre réflexion sur les déviations et agressions de la région sacro-lombaire, susceptibles de provoquer des spasmes et contractures des ischio-jambiers en résonance avec les racines nerveuses du nerf sciatique, pincées ou irritées". Aubert préconise aussi de bannir les efforts anaérobies lactiques la veille de toute compétition de sprint, et d'être vigilant à propos du travail pliométrique en cas de problèmes lombaires bas. Et pour essayer d'en finir avec les blessures chroniques récurrentes des IJ, il propose un programme spécifique ergonomique de prévention qui a fait considérablement chuter le taux de leurs blessures et qui a permis une participation plus dense des sprinters aux compétitions et l’amélioration de leurs records personnels.
V- Bases anatomiques des blessures micro-traumatiques de surcharge
1- La colonne vertébrale
Longue tige osseuse articulée et haubanée, la colonne vertébrale ou rachis est posée sur le socle pelvien et soutient la tête. Elle est constituée de 33 vertèbres: 7 cervicales, 12 dorsales ou thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées (soudées) formant le sacrum et 4 coccygiennes formant le coccyx.
Ces vertèbres sont reliées entre elles par des disques intervertébraux et forment un axe à 3 courbures qui permet de diviser par 10 les contraintes axiales. Les segments vertébraux des 24 premières vertèbres sont flexibles et mobiles. Les vertèbres du sacrum sont très peu mobiles. Celles du coccyx, restant fixes, sont considérées comme de fausses vertèbres. La moelle épinière est contenue dans le canal médullaire de la colonne vertébrale d’où vont s’échapper les nerfs rachidiens.
2- Les nerfs rachidiens
31 paires de racines nerveuses, antérieures motrices et postérieures sensitives (8 paires cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne), se détachent de la moelle épinière et quittent le canal rachidien par les trous de conjugaison latéro-vertébraux ou foramen, pour former les nerfs rachidiens. Ces 31 nerfs rachidiens, nés de l'anastomose d'une racine antérieure et d'une racine postérieure, vont se diviser rapidement en deux branches, une antérieure pour la motricité des membres et une petite branche postérieure pour la motricité et la sensibilité de la région dorsale.
3- Les dermatomes
Un dermatome est une zone de peau innervée par une des deux racines du nerf rachidien qui se détachent des cornes antérieures motrices et postérieures sensitives de la moelle épinière. En clinique, l’examen de ces dermatomes à la recherche de cellulalgies au pincé-roulé va permettre de remonter jusqu’à la dysfonction vertébrale et la racine nerveuse irritée.
4- Le trépied fonctionnel de Junghans
Les pathologies de surcharge de la colonne vertébrale vont affecter la portion mobile du trépied fonctionnel de Junghans qui comprend :
- en avant et entre les deux corps vertébraux, le disque intervertébral avec son nucleus entouré de l’annulus.
- au milieu, le ligament longitudinal postérieur et, placé latéralement, le foramen ou trou de conjugaison d'où vont s'échapper les branches antérieures et postérieures des différents nerfs rachidiens.
- en arrière, les facettes des articulations interapophysaires postérieures, les apophyses épineuses et le ligament inter-épineux du segment vertébral postérieur.
5- La mobilité rachidienne
Les deux régions anatomiques les plus mobiles sont les rachis cervical et lombaire, placés en début et bout de chaîne.
Elles seront les régions les plus concernées par les pathologies de surcharge.
Quant au rachis dorsal, beaucoup plus fixé à cause de la cage thoracique, il ne sera affecté qu’à sa jonction avec le rachis lombaire (zone thoraco-lombaire).
En cervical :
Les joints les plus mobiles seront les plus exposés :
- C2/C3 (il est aussi le segment de décompensation des dysfonctions des 2 premiers étages: C0/C1 et C1/C2).
- C3/C4, C4/C5, C5/C6, C7/T1 (ces joints sont ceux qui ont les plus hauts surplombs).
En lombaire :
- La flexion du tronc contraint le disque intervertébral dont le nucleus va filer vers l’arrière et constituer une menace pour le nerf rachidien. Chez les athlètes de force qui ne sont pas lombalgiques, cette position en antéflexion du tronc est compensée jusqu'à 60° de flexion par la force des spinaux profonds et par le muscle transverse profond de l’abdomen. Si l’athlète est lombalgique, les spinaux seront 25% moins fort.
- La rotation lombaire sollicite le disque en cisaillement et est encore plus délétère pour le disque intervertébral que la flexion du tronc.
- Les mouvements répétés en extension lombaire forcée sont particulièrement agressifs pour l'isthme intervertébral.
Parmi les différents joints inter-vertébraux lombaires:
- T12/L1 et L1/L2 sont les plus mobiles en rotation
- L4/L5 et L5/S1 sont les plus mobiles en flexion/extension.
Ils seront le siège des principales dysfonctions vertébrales thoraco-lombaires, lombaires et lombo-sacrées.
La mobilité lombaire avec ses contraintes sur les articulaires postérieures en extension et sur le disque intervertébral en flexion; la rotation lombaire cisaille le disque et contraint les articulaires postérieures du côté de la rotation.
VI- Charges supportées par la colonne vertébrale
De nombreux chercheurs se sont penchés sur l’analyse des charges supportées par la colonne vertébrale. Ils distinguent des forces de compression axiales qui s'exercent sur les disques intervertébraux et essentiellement sur celui situé le plus bas, le disque L5/S1 et des forces de cisaillement qui s'exercent sur les articulations vertébrales postérieures et tout spécialement celles en T12/L1 et sur le massif des articulaires de L5.
1 - Les forces de compression axiales
En raison du grand nombre de facteurs qui entrent en jeu dans la résistance des vertèbres aux forces de compression axiales, il est très difficile de fixer une limite de chargement ou de poids supportable. Malgré tout, les chercheurs ont pu définir un seuil de tolérance. Le plus connu est celui de la force en compression du NIOSH (National Institute for Occupational Safety and Health, agence fédérale américaine chargée de mener des recherches et de formuler des recommandations pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles).
Ce seuil de compression a été établi à 3,4 kilo-newton (kN) ou 340 kgf. Jusqu’à cette charge limite, la quasi-totalité des hommes (99 %) et les 3/4 des femmes sont protégés. Le critère acceptable de compression axiale est donc de 340 kilogramme-force (kgf). Au delà de cette charge, il y a risque surtout pour les 2 derniers disques lombaires.
2- Les forces de cisaillement
Les forces de cisaillement au niveau vertébral sont essentiellement supportées par les articulations postérieures. Le critère acceptable de cisaillement est de 1000 Newton ou 100 kgf. Au-delà, il y a risque sur les articulations vertébrales postérieures. Quand les forces de cisaillement sont supérieures à la résistance de l'isthme intervertébral, il se fracture et cette fracture correspond à une spondylolyse de l'isthme intervertébral. Quand la spondylolyse est bilatérale, progressivement la vertèbre du dessus, le plus souvent L5, va glisser vers l'avant et vers le bas (spondylolisthésis).
3- Les capacités de résistance des disques intervertébraux lombaires est largement franchie par les athlètes travaillant en force.
Pour un sujet de taille moyenne en position statique debout, Maquet a calculé que la capacité de résistance à des charges axiales peut aller jusqu’à 1200 kg. C’est largement supérieur à la limite de rupture théorique d'un disque sain qui est de 500-800 kg. Cette limite théorique de résistance à des charges axiales de 1200 kg est largement franchie par les lanceurs qui travaillent en force (lanceurs de poids, disque et marteau surtout, mais aussi de javelot). Malgré leurs capacités de résistance vertébrale, la force de leurs muscles spinaux et de leur caisson abdominal profond, les lanceurs finissent par devenir assez rapidement lombalgiques. A noter que la capacité de résistance d'un disque présentant des lésions dégénératives n’est plus que de 150 kg.
4- Les moyens de compensation des forces de compression et de cisaillement :
Les meilleurs moyens de compensation sont représentés par les muscles spinaux, le grand dorsal, le fascia thoraco-lombaire, le muscle carré des lombes et la sangle abdominale. En complément des spinaux, rôle majeur également du caisson abdominal profond et plus spécialement du muscle transverse de l’abdomen dont les fibres transversales contournent les viscères, préservent d'une potentielle éventration et protègent l'orifice profond du canal inguinal, dont la faiblesse est une des causes premières des pubalgies vraies.
5- Rôle du caisson abdominal profond (Bernadette de Gasquet)
Rappelons que le caisson abdominal profond est un ensemble de muscles englobant le diaphragme et les différents muscles du tronc et du bassin.
Il supporte la colonne lombaire, le bassin et la cage thoracique, participe à leurs mouvements et au maintien de la station debout.
Il est fermé en haut par le diaphragme, en bas par les muscles du plancher pelvien (périnée), en arrière par la colonne vertébrale et les muscles spinaux (extenseurs du rachis) et en avant par les muscles abdominaux.
Ils sont composés à 95% de fibres dites toniques à activité essentiellement statique.
Les abdominaux sont disposés en deux plans, un plan superficiel avec les muscles obliques et grands droits de l’abdomen, et un plan profond avec le transverse de l’abdomen.
Les obliques sont des muscles situés entre le bassin et la cage thoracique. Ils interviennent dans la rétroversion du bassin et la rotation du tronc et participent à sa flexion. Leur contraction rapproche les basses côtes de la ligne médiane du corps.
Les grands droits sont les muscles responsables de la flexion globale du tronc et de l'abaissement des côtes.
Obliques et grands droits sont antagonistes du transverse de l’abdomen et il faut toujours s'en rappeler lorsqu'on travaille les abdominaux et opter définitivement pour un travail de type isométrique en lieu et place d'un travail dynamique de crunch en flexion et en oblique.
Lorsqu'il est activé, le plan superficiel des muscles abdominaux génère aussi une pression sur le périnée et ne doit jamais être sollicité en cas de descente d'organes, de fuites urinaires ou après un accouchement (jamais de crunch en flexion et en oblique dans une rééducation après grossesse).
Le plan profond du transverse de l’abdomen forme la limite antérieure du caisson abdominal profond. Par l’horizontalisation de ses fibres, il est le constituant principal de la ceinture musculaire naturelle de l'abdomen et travaille en synergie avec les muscles du périnée.
A l’expiration il se contracte légèrement, resserre la taille sur elle-même et permet au diaphragme de remonter vers la cage thoracique.
Les muscles du plan profond sont tous synergistes et leur travail provoque un effet caisson qui génère une pression autour de la colonne vertébrale et la protège. Cet effet caisson, comparable à un cylindre abdominal, assure la stabilité de la colonne vertébrale lombaire.
6- Rôle de poutre composite de l'association rachis lombaire + muscles spinaux + muscle transverse de l’abdomen.
Les muscles spinaux (multifidus) avec leur structure longitudinale et oblique et le transverse de l’abdomen avec sa structure horizontale jouent également le rôle d'une poutre composite.
Rappelons qu’en biomécanique une poutre composite est l’association de 2 matériaux différents se partageant les contraintes auxquels ils sont soumis en fonction de leur élasticité propre.
En clair, rachis lombaire, spinaux et transverse de l’abdomen, à la manière d'une poutre composite, sont capables de mieux résister aux différentes contraintes professionnelles et sportives tout en offrant un maximum de résistance avec un minimum d’encombrement.
VII- Bases lésionnelles des blessures de surcharge
1- Le DIM de Robert Maigne
Dans une dysfonction vertébrale, la théorie lésionnelle dominante est celle du Dr Robert Maigne. Il la désigne sous le terme de "DlM" (dérangement inter-vertébral mineur). Ce dérangement est d’origine mécanique et affecte tout ce qui est mobile au niveau du trépied fonctionnel de Junghans. Son maître symptôme est la douleur qui peut manquer en début d’évolution. Ce dérangement mécanique s’accompagne d’un dérangement fonctionnel sur les étages adjacents et sa base lésionnelle est, dans une majorité de cas, un blocage intra-discal mineur non symptomatique par lui-même, invisible en imagerie, mais symptomatique sur les éléments de voisinage, les branches antérieures et postérieures du nerf rachidien. L’irritation de la branche antérieure du nerf rachidien va être responsable de cellulalgies dans les dermatomes antérieurs et de 3 autres signes dystrophiques tissulaires: tendinalgies, périostalgies et myalgies du syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) de Maigne dans le métamère du nerf rachidien irrité. L’irritation de la branche postérieure va être responsable de cellulalgies dans les dermatomes postérieurs de la peau du dos et de contractures des muscles para-vertébraux.
Le dépistage d’un DIM est essentiellement clinique. Il se fait en 3 étapes:
- d’abord par une approche globale de la mobilité régionale rachidienne dans les 6 secteurs de l’espace, par d’éventuelles douleurs provoquées par la mobilisation, et par des restrictions de mobilité qui seront rapportées sur un schéma en étoile à 6 branches.
- ensuite par une approche analytique au niveau du segment intervertébral en souffrance avec recherche de signes de DIM: douleurs provoquées à la pression des reliefs du segment intervertébral (processus épineux, articulaires postérieures et ligaments sus et inter-épineux).
- enfin par la recherche de points métamériques.
2- Le schéma en étoile
Le Dr Yvon Lesage a décrit un schéma en étoile à 6 branches qui correspond à la mobilité d’une zone rachidienne avec ses 6 directions possibles: F= flexion; E = extension; RD = rotation droite; RG = rotation gauche; LFD = latéro-flexion droite; LFG = latéro-flexion gauche.
Sur ce schéma en étoile, le clinicien va cocher des traits et des croix plus ou moins rapprochées de l’épicentre. Les traits traduisent une limitation non douloureuse de la mobilité de la zone anatomique examinée et les croix une limitation douloureuse. L’importance des limitations est représentée par le nombre de traits ou de croix (de 1 à 3) et par leur distance avec l’épicentre.
3- Les points métamériques
Le Dr Lesage a également décrit des points métamériques très précis sur les membres supérieurs et inférieurs. Ces points métamériques sont électivement douloureux au pincé de peau. Quand ils sont retrouvés à l’examen clinique, ils vont permettre un dépistage rapide d'une dysfonction vertébrale segmentaire (DIM) et d'un SCTPM.
4- Ce DIM est invisible à l’imagerie vertébrale
Un DIM est invisible en imagerie et ne se positivera que bien des années plus tard, sous la forme de discopathies avec aplatissement d’un ou plusieurs disques intervertébraux sur les radiographies conventionnelles, d’une protusion discale ou d’une hernie du nucleus au scanner ou à l’IRM.
5- Le syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM)
Le SCTPM est la conséquence d’un DIM. Quand la branche antérieure d’un nerf rachidien est très fortement irritée par un conflit chimique ou un conflit disco-radiculaire par hernie discale, cette irritation va s'accompagner de troubles moteurs, sensitifs et réflexes d’une névralgie sciatique, cruralgie, etc.
Quand l'irritation de cette branche antérieure est plus à minima, elle va se traduire cliniquement par un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) qui s'exprimera dans le métamère de la branche antérieure irritée et associera de manière inconstante:
- des plaques de cellulalgies dans certaines zones de peau du dermatome antérieur, douloureuses au palpé-roulé et signe clinique le plus constant.
- des douleurs tendineuses (tendinalgies) appréciées en faisant rouler le tendon en plein corps ou par frictions transversales, très différentes d’une tendinopathie (avec ses stades de Blazina et sa triade clinique).
- des douleurs périostées (périostalgies) provoquées par la palpation, avec aspect grumeleux par exemple de la crête tibiale (métamère L4) ou de la symphyse pubienne (métamère T12), différentes d’une périostite.
- des myalgies correspondant à des modifications de la consistance et de la sensibilité de certains faisceaux musculaires qui prendront l'aspect de cordons grumeleux et douloureux à la palpation, très différentes cliniquement d’une élongation musculaire ou d’un claquage.
6- Principales localisations du SCTM
- Branche antérieure de C5, étage intervertébral C4/C5 :
Cellulalgies (C) sur : fosse sus-épineuse; faces antérieure et externe du bras; faces antérieure et externe de l’avant-bras; bord externe de l'éminence thénar.
Cordons musculaires (CM) sur: deltoïde moyen ou antérieur; petit rond sur la ligne axillaire postérieure; grand dentelé (insertions costales supérieures); rhomboïdes; éminence thénar.
Ténalgies (T): long biceps; supra-épineux et territoire des tendinopathies de la coiffe des rotateurs d’épaule.
Périostalgies (P): articulation acromio-claviculaire; apophyse coracoïde; face antérieure du scaphoïde carpien.
- Branche antérieure de C6, étage C5/C6 :
C : fosse sus-épineuse; face externe du bras; face antéro-externe de l’avant- bras.
CM : infra-épineux; radiaux; 1er et 2ème inter-osseux dorsaux.
T : insertion distale du sterno-cléido-mastoïdien; long biceps; supra et infra-épineux; V deltoïdien; insertion distale des radiaux; épicondyliens latéraux.
P : articulation sterno-claviculaire; épicondyle latéral; styloïde radiale; bord radial 2ème métacarpe; articulation trapézo-métacarpienne.
- Branche antérieure de C7, étage C6/C7:
C : face postéro-externe épaule, bras et avant-bras.
CM : deltoïde postérieur et vaste externe du triceps brachial.
T : épicondyliens latéraux.
P: zone postérieure épicondyle, tête radiale, interligne radio-huméral.
- Branche antérieure T12, étage inter-vertébral T12/L1:
C : point de crête iliaque à 6 cm de la ligne médiane (branche postérieure); trochanter (perforante latérale); pli de l'aine (branche antérieure).
CM : muscles adducteurs
T : adducteurs.
P: branches et symphyse pubiennes.
- Branche antérieure L4:
C : versant médial para-condylien de la cuisse.
CM : quadriceps.
T : patte d’oie. P: tibia.
- Branche antérieure L5, étage L4/L5:
C : face antéro-externe de jambe.
M : tenseur du fascia lata; moyen fessier (avec L4 et S1); faisceaux supérieurs du grand fessier.
T : biceps fémoral.
P : grand trochanter.
- Branche antérieure S1, étage L5/S1:
C : mollet postérieur.
CM : grand fessier; petit fessier; pyramidal (piriforme); ischio-jambiers internes; jumeaux; soléaire.
T : achille.
P : calcanéum latéral et plantaire.
7- Les dystrophies tissulaires du SCTPM vont évoluer vers des blessures tendino-périostées et musculaires récurrentes.
Si ces lésions dystrophiques tissulaires métamériques ne sont pas diagnostiquées précocement et traitées, elles vont évoluer pour leur propre compte et se transformer en:
- tendinopathies d'épaule, coude, poignet, bassin, hanche, genou, cheville.
- périostites (tibiales, pubiennes, etc.) ou fractures de fatigue si les contraintes sont répétées, rythmées et à une intensité inférieure au seuil d'apparition d'une vraie fracture.
- accidents musculaires intrinsèques de gravités diverses qui vont de l'élongation musculaire au claquage sur les ischio-jambiers, le droit fémoral, les adducteurs et le jumeau interne, les fibres musculaires et le tissu fibreux de soutien cassant électivement sur les zones myalgiques de ces 4 groupes musculaires à risques.
8- Le lien entre DIM, dystrophies tissulaires du SCTPM et blessures périphériques n’est jamais fait
Comme le lien entre DIM, dystrophies tissulaires du SCTPM et blessures périphériques n’est, à de rares exceptions, jamais fait, la blessure périphérique va devenir récurrente avec, comme toujours en athlétisme, un grand perdant, l’athlète.
9- Comment casser par la thérapeutique le lien entre colonne vertébrale et blessures:
- par les manipulations vertébrales :
Ce sont des manoeuvres orthopédiques très efficaces sur les joints en dysfonction et sur les SCTPM qui en découlent. Compte tenu de leur dangerosité potentielle et des précautions d’emploi, elles ont longtemps été réservées aux seuls médecins. Afin de s’aligner sur les lois européennes, leur utilisation a été étendue en 2002 aux kinésithérapeutes, puis aux ostéopathes non médecins et non kinés, formés dans des écoles privées d’ostéopathie.
La SOFMMOO (société française de médecine manuelle-orthopédie et ostéopathie) a émis 5 recommandations qui ne s’adressent qu’aux seuls médecins ostéopathes, les ostéopathes exclusifs n’ayant pas été signataires de ce travail. Ces recommandations ont été proposées aux praticiens de médecine manuelle, afin qu’ils puissent, à la lumière d’un diagnostic médical précis, choisir l’acte manipulatif parmi tous les autres traitements et le réaliser eux-mêmes.
1- avant tout, le médecin manipulateur doit être diplômé d’une faculté de médecine et techniquement très compétent.
2- après l’obtention du diplôme universitaire de 3ème cycle, un an d’exercice continu des techniques manipulatives est indispensable avant de réaliser des manipulations rachidiennes.
3- le premier temps de la consultation consiste en un interrogatoire pré-manipulatif qui a pour but de préciser l’existence d’antécédents et d’effets indésirables en lien avec des manipulations vertébrales antérieures (vertiges, état nauséeux, etc). Tout événement indésirable préalable doit faire réfuter une nouvelle manipulation.
4- un examen clinique neurologique et vasculaire est indispensable avant toute manipulation.
5- ces manipulations ne peuvent être proposées qu’après l’échec des traitements médicamenteux et physiques habituels. Dans ce cas, elles seront effectuées avec l’accord éclairé du patient à qui on a expliqué de manière simple, loyale et intelligible, en quoi consistent les manipulations et leurs risques. Les manipulations vertébrales cervicales doivent toujours être précédées de tests cliniques vasculaires pré-manipulatifs (test de Klein ou équivalents).
Ces manipulations vertébrales sont des gestes de haute technicité. Elles doivent être réalisées avec douceur et doigté et avec le moins de rotation possible (agressive sur l’artère vertébrale en cervical, et sur les disques et les articulations vertébrales postérieures à tous les étages). Un suivi médical doit être assuré après leur réalisation.
Dans le cas où des manipulations cervicales sont réalisées par un non-médecin, un certificat médical de non contre- indication doit être rédigé avant l’acte manipulatif.
- par les techniques sur les tissus mous :
Pétrissages profonds, lents et appuyés (sur les quadriceps par exemple), manoeuvres de vibrations ou de pressions punctiformes maintenues 30 secondes ou étirements musculaires (sur les muscles fessiers), et bien d’autres, sont des techniques que les kinésithérapeutes maîtrisent parfaitement. On les associe volontiers aux manipulations vertébrales.
NB: nous reviendrons plus en détail sur les massages, les mobilisations et les manipulations vertébrales, dans le chapitre consacré au traitement des lombalgies des lanceurs.
- par d’autres thérapeutiques
Quand les thérapies manuelles ne sont pas suffisamment efficaces pour effacer la dysfonction vertébrale, sa trace mnésique et les dystrophies tissulaires du SCTPM, on leur adjoint un traitement anti-inflammatoire (AINS) et antalgique (paracétamol) ou, si nécessaire, des infiltrations scanno-guidées foraminales ou articulaires postérieures de dérivés cortisonés.
En l'absence de toute allergie, les infiltrations locales d'anesthésiques type xylocaïne sont efficaces sur les dystrophies tissulaires.
10- Six exemples de blessures des membres inférieurs en relation avec la colonne vertébrale lombaire
Médecin d'un club d’athlétisme de mon département, je suis amené à suivre régulièrement des athlètes de toutes disciplines et d'âges divers. Une fin d’après-midi de début de saison, j'ai eu l'occasion d'examiner 5 athlètes dans le local qui me sert d'infirmerie au stade d’athlétisme.
Voici résumées en quelques lignes ces 5 observations de blessures en rapport avec la colonne vertébrale et une sixième, assez édifiante.
- Jeune fille de 15 ans, discipline sprints et sauts:
A ressenti, au décours d'un entraînement de type fractionné, une douleur qu'elle qualifie d'assez violente sur le devant de la cuisse. Elle cote cette douleur à l'EVA à 7 (sur une échelle de la douleur qui va de 1 à 10). L'impotence fonctionnelle est immédiate. L'examen de la colonne lombaire retrouve des signes cliniques de DIM en L3/L4, un point métamérique sus-rotulien L4 et un SCTM dans le métamère L4. Diagnostic: claquage du droit fémoral de la cuisse droite intriqué avec un DIM L3/L4 et un SCTPM L4.
- Jeune homme de 23 ans, sprinter:
Présente une gène douloureuse du pli de l'aine droit qui l'empêche de se donner à fond et qu'il traîne depuis la reprise de la nouvelle saison d'athlétisme. Examen clinique en faveur d'une pubalgie vraie associée à un syndrome de la charnière dorso-lombaire: douleur vive à la palpation des branches pubiennes, triade clinique d’une tendionopathie positive (testing des adducteurs en contraction résistée et en étirement, palpation de l’enthèse), palpation de l'orifice inguinal sans particularité, hanches de mobilité symétrique (pas de limitation de la flexion croisée: flexion-adduction-rotation interne), signes de DIM en regard de la charnière thoraco-lombaire T12/L1, point de crête droit à 6 cm de la ligne des épineuses, cellulalgies postérieures fessières supérieures, latérales trochantériennes et antérieures du pli de l’aine.
- Jeune homme de 35 ans, coureur de demi-fond:
Après une interruption de quelques années, a repris vigoureusement l'entraînement de demi-fond depuis quelques mois. Clinique: présente des douleurs sur la crête tibiale gauche avec aspect grumeleux à la palpation, testing des muscles tibiaux antérieur et postérieur et des autres muscles de jambe sans particularités, point métamérique sus-rotulien de Lesage L4, signes de DIM en L3/L4. Diagnostic: périostite tibiale. Intrication avec un DIM et un SCTPM.
- Adolescent de 15 ans, non encore spécialisé (pratique toutes les disciplines de l'athlétisme) :
Doléances: douleurs se projetant sur la rotule à l'impulsion et à la réception en saut en longueur et au triple saut. Examen clinique: pas de syndrome rotulien, palpation du tendon rotulien sensible sur son insertion haute, signes de DIM L3/L4. Diagnostic: ostéochondrose de la pointe de la rotule avec DIM L3/L4 associé.
- Etudiant de 24 ans, spécialiste de demi-fond :
A travaillé manuellement les mois d'été avec port de charges lourdes. Depuis la reprise de l’entraînement fin août, ressent des douleurs au niveau de la face postérieure des 2 cuisses. Cliniquement: lombalgies intermittentes et présence d’un DIM lombo-sacré avec irradiation à type de sciatalgie bilatérale, prédominante du côté gauche, points métamériques de Lesage S1 gauches, pas de signe de Lasègue, ROT achilléen asymétrique (plus vif du côté gauche). Diagnostic: DIM L5/S1 avec lombo-sciatalgie S1 à bascule.
- Autre exemple hautement significatif :
Médecin de l'équipe de France d'athlétisme des moins de 18 ans, je suis amené, lors d'un match international, à examiner à la demande d'une de nos kinésithérapeutes, une coureuse de 400m haies se plaignant depuis plusieurs mois de douleurs au niveau de ses IJ droits et traitée pour une entésopathie d'insertion sur la tubérosité ischiatique. Diagnostic après examen clinique: lombo-sciatalgie S1 avec points métamériques S1 de cuisse et de jambe, tendinalgies des IJ (stades de Blazina et triade d’une tendinopathie négatifs) et signes de DIM L5/S1.
Je traite par AINS, thérapie manuelle sur la dysfonction vertébrale et le SCTPM + soins kiné. Après 24 heures de repos, la sprinteuse peut continuer sa préparation et participer à la course où elle se classe très honorablement. Directives pour surveiller et continuer à traiter cette lombo-sciatalgie à son retour.
Quelques mois après, aux championnats d'Europe cadets, je retrouve cette même athlète engagée en individuel sur 400m haies et dans le relais où, dernière relayeuse, elle doit courir sur 400 m (ses 3 co-équipières courant sur 100, 200 et 300 m). L’avant-veille des deux finales j’apprends que le diagnostic de lombo-sciatalgie précédemment porté n'a pas été retenu, l’imagerie (radios conventionnelles et scanner), comme on pouvait s’y attendre, n’ayant pas montré de signes de lésions au niveau des 2 derniers étages lombaires. Exacerbées par les courses de qualifications, les douleurs sont bien présentes au niveau de la face postérieure de la cuisse, mais cette fois-ci sur un mode plus aigu, avec légère impulsivité à la toux, signe de Lasègue droit et ROT achilléens asymétriques. Je traite par l'association AINS + antalgiques + kinésithérapie + thérapies manuelles les matins des 2 finales.
Deux jours après, elle finit 4ème en individuel sur 400m haies et quelques heures plus tard, talonnée en permanence par une concurrente qui ne réussira jamais à la passer, elle fait une course éblouissante sur le tour de piste et remporte avec ses coéquipières le relais qui est sacré champion d'Europe.
11- Conclusion sur les bases médicales des blessures de surcharge
Sans connaissance du lien entre dystrophies tissulaires du SCTPM et colonne vertébrale, il n’est pas possible d’en faire le diagnostic clinique, de traiter par tous moyens médicaux et kinésithérapiques le DIM et le SCTPM avant que ce dernier ne se transforme en blessure tendineuse, périostée ou musculaire et de faire de la prévention.
La pathologie traumatique dans les Lancers
Pour faciliter la lecture des lignes qui vont suivre par le plus grand nombre (athlètes, entraîneurs, encadrement, kinésithérapeutes, profs EPS, étudiants en STAPS, etc) et les rendre plus abordables pour tous ceux qui veulent en savoir davantage sur les différentes lésions traumatiques, les mécanismes lésionnels, le diagnostic clinique, l’imagerie, la prise en charge thérapeutique et les complications potentielles des différentes blessures, le texte a été enrichi par des notions d’anatomie et de biomécanique et illustré par beaucoup d’images prises sur le Net.
Nous avons beaucoup insisté sur l'examen clinique, «la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique» (Jacques Rodineau) qui, à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément principal de la démarche médicale.
Guidée par la clinique et grâce aux progrès techniques, l’imagerie moderne est devenue incontournable de nos jours et nous lui avons accordé aussi la place qu’elle mérite.
Cette pathologie traumatique dans les lancers est directement en rapport avec 4 facteurs de risques majeurs: le geste technique, les volumes et charges d’entraînement, le fonctionnement en excentrique des muscles polyarticulaires sous-pelviens et de jambe, la présence d’un SCTPM de Robert Maigne sur le métamère d’un nerf rachidien irrité par un DIM.
La pathologie traumatique affectera très spécifiquement le rachis cervical et lombaire, les articulations de l’épaule, du coude, du poignet et de la main du côté dominant, le complexe pelvi-fémoral, le genou et le pied des lanceurs. Dans ces différentes zones anatomiques, en plus des pathologies les plus courantes constatées au fil des ans dans les lancers, nous envisagerons quelques pathologies moins fréquentes comme les pathologies méniscales, les tendinopathies quadricipitales et rotuliennes, celles du tendon d’Achille, l’aponévrosite plantaire, les dysfonctions podo-surales et quelques autres. Enfin traiter des arthroses de hanche et de genou des «vieux» lanceurs était une nécessité, tellement ces 2 pathologies sont plus fréquentes chez eux que dans la population générale.
I- Le rachis cervical du Lanceur
En maintenant le regard horizontal et les labyrinthes de l’oreille interne stables, le rachis cervical contrôle une bonne part de l’équilibre postural et à ce titre il est un des chaînons les plus importants dans la gestuelle des lancers.
Anatomie
Elle est assez singulière, avec :
- présence d'un uncus au niveau de son plateau vertébral supérieur, sorte de rail qui guide le mouvement segmentaire inter-vertébral cervical.
- des apophyses épineuses bifides de C3 à C6. Celles de C7 et T1 sont très accessibles à la palpation (C7 est mobile et T1 fixe).
- une très bonne mobilité globale régionale sagittale en flexion-extension, frontale en inflexion et horizontale en rotation.
- l'artère vertébrale le traverse de part en part
Les deux artères vertébrales se détachent des artères sous-clavières dans le thorax, remontent dans le cou à travers les trous inter-transversaires des vertèbres cervicales de C6 à C3, traversent le rachis cervical supérieur en prenant un chemin très sinueux avant de passer dans le crâne et de vasculariser la partie postérieure du cerveau. Ces artères vertébrales peuvent se trouver contraintes par toute manoeuvre thérapeutique intempestive sur le rachis cervical supérieur
- il est très proche de la chaîne nerveuse du système sympathique
La chaîne nerveuse sympathique et son ganglion cervical supérieur sont placés en latéro-cervical. Elle innerve les organes sensoriels de la face: appareil audio-vestibulaire (dont les labyrinthes pour l’équilibre), yeux, pharynx, larynx, glandes salivaires, appareils lacrymal et nasal, etc. Cette chaîne du système nerveux sympathique peut se trouver contrainte par des contractures cervicales hautes, sur dysfonction de la zone cranio-rachidienne, qui se manifesteront cliniquement par des vertiges et d'autres manifestations neuro-sensorielles du syndrome de Barré et Liéou.
Le système nerveux sympathique cervical supérieur (ganglion cervical supérieur) est anatomiquement proche du rachis cervical supérieur et peut se trouver contraint par des contractures musculaires latéro-cervicales (image F. Netter).
- des malformations vertébrales cervicales doivent être systématiquement recherchées au niveau du rachis cervical supérieur
Au niveau de la jonction cranio-rachidienne, les médecins de médecine manuelle doivent impérativement faire la chasse à de potentielles malformations diverses. Certaines sont des contre-indications absolues des manipulations (radiographies indispensables avant tout geste manipulatif du rachis cervical, afin d'éviter des complications neurologiques gravissimes):
1- Le foramen arcualé
C’est une anomalie osseuse ou fibreuse du rachis cervical supérieur. La présence de ce monticule postérieur ou d'autres anomalies comme la fermeture de son canal transversaire au niveau de la 1ère vertèbre cervicale, peuvent contraindre l'artère vertébrale, très proche anatomiquement. Contrairement à d’autres malformations vertébrales cervicales, le foramen arcualé n’est pas une contre-indication absolue des manipulations sur les 2 premiers joints inter-vertébraux du rachis cervical supérieur.
Sa présence doit quand même inciter tout médecin de médecine manuelle à la prudence, à bien soupeser le bénéfice-risque de ces thérapeutiques potentiellement dangereuses et à privilégier en cas d’indication des manipulations pour céphalées ou vertiges ayant résisté aux autres thérapeutiques, les manoeuvres en détorsion sur le 3ème segment inter-vertébral C2/C3, beaucoup moins toxiques et tout aussi efficaces que celles en dérotation sur C0/C1 et en désinflexion sur C1/C2.
2- L’impression basilaire
Elle correspond à un décalage vers le haut du rachis cervical supérieur. Sur des radiographies de profil, la pointe de l’apophyse odontoïde de C2 se situe au-dessus de la ligne de Chamberlain (base de l’occiput).
L’impression basilaire est une contre-indication absolue des manipulations vertébrales cervicales hautes.
Biomécanique du rachis cervical
Le rachis cervical est la portion du rachis la plus mobile et partant l’une des plus vulnérables. Il supporte la tête et l'oriente dans toutes les directions possibles de l'espace. On lui distingue 5 fonctions :
- fonction de mât disposé en lordose.
- fonction de ressort encaissant les contraintes réparties entre les disques à partir de C2/C3 et les articulations vertébrales postérieures.
- fonction de flexible autorisant 2 mouvements principaux: sagittal de flexion-extension et de torsion (mélange d’inclinaison latérale et de rotation, automatiquement associées).
- fonction de protection de la moelle, des racines nerveuses, des 8 nerfs rachidiens cervicaux (de C1 à C8) et de l’artère vertébrale.
- fonction d'information nociceptive très riche et intriquée avec la région de l’épaule et proprioceptive pour la posture (propriocepteurs du regard et de l’équilibre).
Schématiquement on le subdivise en 2 zones anatomiquement et fonctionnellement distinctes mais qui se complètent, le rachis cervical supérieur ou zone cranio-rachidienne et inférieur ou zone disco-cervicale.
1- Le rachis cervical supérieur ou zone crânio-rachidienne
Il comprend 3 unités qui ont la particularité de n’avoir pas de disque intervertébral:
- l’occiput du crâne que l’on peut assimiler fonctionnellement à une vertèbre, la vertèbre occipitale = C0
- la 1ère vertèbre cervicale, l’atlas = C1.
Ce rachis cervical supérieur corrige en permanence les mouvements de torsion des vertèbres cervicales sous-jacentes de C3 à C7, afin de préserver l’horizontalité du regard et la stabilité des labyrinthes qui interviennent dans le maintien de la posture, gardienne de l’équilibre postural dans les lancers. Cette zone crânio-rachidienne préserve aussi les structures vasculaires et nerveuses de voisinage: artères vertébrales, bulbe rachidien, moelle épinière et premières racines nerveuses cervicales, C1, C2 et C3.
Elle est pourvue de freins ligamentaires puissants assurant la stabilité passive et de 14 haubans musculaires courts assurant la stabilité active.
2- Le rachis cervical inférieur ou disco-cervical
Rachis disco-cervical à cause de la présence d’un disque intervertébral à chaque étage. Il va de C3 à C7 et présente quelques particularités:
- les apophyses transverses de C3 à C6 sont percées par l’artère vertébrale.
- les facettes articulaires de C7 à C3 sont d’obliquité croissante: en C2/C3, l’axe est incliné de 45° par rapport à l’horizontale; en C7/D1 les facettes sont quasi horizontales (10°).
3- Il y a complémentarité fonctionnelle entre rachis cervical supérieur et inférieur
Les mouvements d’inclinaison du rachis cervical inférieur sont compensés en crânio-rachidien pour obtenir une rotation pure et les mouvements de rotation du rachis cervical inférieur sont compensés en crânio-rachidien pour obtenir une inclinaison latérale pure.
La pathologie cervicale des lanceurs
Le rachis cervical est soumis à d'importantes contraintes dans les lancers. Elles sont source de douleurs cervicales (cervicalgies), de limitations d'amplitude du côté douloureux et de pièges cliniques à bien connaître si l’on ne veut pas retarder ou laisser errer le diagnostic. Ces cervicalgies peuvent se compliquer de céphalées (maux de tête), de cervico-brachialgies et de névralgies cervico-brachiales, d’un syndrome de Barré et Liéou et d’une myélopathie (atteinte de la moelle épinière) cervicarthrosique (en rapport avec de l’arthrose cervicale) chez les vieux lanceurs.
1- Les cervicalgies
Ce sont des douleurs des régions du cou et de la nuque. Quasi constantes chez les lanceurs, elles sont pour le moins gênantes et même invalidantes par leurs complications.
Elles siègent au niveau des étages inter-vertébraux les plus mobiles du rachis cervical: C4-C5, C5-C6 et C6-C7 (ces 3 étages ayant les plus hauts surplombs).
Ces cervicalgies peuvent avoir un caractère aigu, c'est le fameux torticolis qui correspond à un blocage complet ou quasi complet de la mobilité cervicale (impossibilité de tourner la tête dans un sens ou dans l’autre par contracture des muscles cervicaux et principalement du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien (SCM) et des muscles scalènes).
Mais le plus souvent les cervicalgies évoluent sur un mode douloureux modéré qui s'accompagne d'une limitation fonctionnelle en rotation du même côté que la douleur cervicale et de contractures surtout sur les muscles latéraux (SCM et scalènes) et sur les muscles postérieurs (trapèzes).
Cette évolution à bas bruit peut être entre-coupée de poussées douloureuses cervicales aiguës sur un fond douloureux chronique.
La lésion originale vertébrale cervicale est une discopathie du disque inter-vertébral qui va retentir sur les éléments de voisinage: racines et branches antérieures et postérieures des nerfs rachidiens, artères et veines vertébrales avec troubles vasculaires, système nerveux sympathique cervical.
2- Une forme de cervicalgie est tout particulièrement piégeuse : l'algie inter-scapulo-vertébrale de Robert Maigne et François Lecorre (entre omoplates et colonne vertébrale dorsale haute).
Cette algie inter-scapulo-vertébrale se présente cliniquement comme une douleur le plus souvent unilatérale de la région dorsale haute (fausse dorsalgie), alors que son origine est à rechercher sur un des segments du rachis cervical inférieur compris entre C4/C5 et C7/D1.
A l’examen physique, 3 signes sont à rechercher :
1- un point inter-scapulo-vertébral en para D5-D6, toujours constant et clé du diagnostic. Il correspond anatomiquement à l’émergence de la branche postérieure de D2 qui se distribue latéralement sur la peau du dos qui devient cellulalgique en cas d’irritation nerveuse. Au préalable cette branche postérieure de D2 s’anastomose avec les branches postérieures de C5 à D1, en formant un vaste réseau nerveux. Mais plus vraisemblablement encore et d’après le Pr Guy Lazorthes, les branches postérieures de C5 à D1 sont généralement inexistantes et la branche postérieure de D2 représenterait alors le contingent cutané des derniers étages cervicaux de C5 à D1.
Ce point inter-scapulo-vertébral est remarquablement fixe dans sa topographie chez tous les patients et à tous les examens et il est situé à 3 cm environ de la ligne médiane en regard de D5 et plus rarement de D6. Sa disparition au cours d'un traitement signe la disparition de la dorsalgie. Chez le faux dorsalgique chronique, il existe en-dehors des périodes douloureuses.
2- un point sonnette cervical antérieur inconstant dont la pression réveille une douleur dorsale haute.
3- un DIM au niveau d’un segment inter-vertébral du rachis cervical inférieur.
L'algie inter-scapulo-vertébrale de Robert Maigne avec son point éponyme toujours constant qui correspond à l'émergence de la branche postérieure de D2 en para D5-D6 (d’après Hovelacque) et se distribue latéralement sur la peau du dos (avec zone cellulalgique en cas d’irritation nerveuse). Cette branche postérieure de D2 représenterait alors le contingent cutané des derniers étages cervicaux de C5 à D1 (Pr Guy Lazorthes). Le point cervical antérieur de Robert Maigne est inconstant; sa pression réveille une douleur dorsale haute.
3- Autres formes cliniques qui peuvent être piégeuses si elles ne sont pas rattachées au rachis cervical: les douleurs projetées (référées) sur l’épaule, le coude et le poignet d’origine cervicale (fausses épaules douloureuses, faux coude ou poignet douloureux).
- les fausses épaules douloureuses sont d’origine segmentaire cervicale C3- C4 ou C4-C5 et se présentent sous la forme :
1- d’une trapézalgie (douleurs sur le muscle trapèze) par irritation de la branche postérieure de C4 ou de douleur sous-claviculaire, si la branche antérieure de C4 est atteinte.
2- par une dorsalgie inter-scapulo-vertébrale si la branche postérieure de C5 est irritée ou de douleurs projetées sur le moignon de l’épaule (fausse épaule douloureuse) ou en sus-épicondylien latéral (fausse épicondylite externe du coude), si la branche antérieure de C5 est lésée.
NB: - une trapézalgie C4 ou une algie sous-claviculaire ne sont jamais en relation avec une pathologie de la coiffe des rotateurs mais constituent un diagnostic différentiel avec une pathologie scapulo-thoracique le plus souvent acromio ou sterno-claviculaire.
- une douleur du moignon de l’épaule ou du sillon delto-pectoral d’origine rachidienne cervicale doit faire rechercher une pathologie associée de la coiffe des rotateurs ou du tendon du long biceps.
- les douleurs d’épaule d’origine rachidienne cervicale sont probablement les causes les plus fréquentes d’erreurs diagnostiques en pathologie rachidienne. A titre isolé, une épaule douloureuse d’origine cervicale est une pathologie fréquente, mais très souvent associée à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs (on parle alors d’épaule mixte cervico-scapulaire). Ces épaules mixtes sont responsables d’une insuffisance notoire de bons résultats dans la réponse thérapeutique si l’on oublie de traiter concomitamment rachis cervical et pathologie de coiffe.
- les faux coudes douloureux externes sont en rapport avec la branche antérieure de C5 ou de C6 (fausse épicondylite externe). Les faux coudes douloureux internes (fausse épicondylite interne), avec celle de T1.
Les faux coudes postérieurs (olécrane), avec la branche antérieure de C7. Mais association toujours possible de ces coudes douloureux d’origine vertébrale cervicale, avec des tendinopathies épicondyliennes ou olécraniennes.
- les faux poignets douloureux externes sont en rapport avec la branche antérieure de C6. Les faux poignets douloureux internes avec celle de C8. Avec également association toujours possible avec une tendinopathie de l’un des 6 compartiments du poignet .
Sur le plan diagnostique, ces douleurs projetées s’accompagnent d’un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) sur le métamère du nerf rachidien irrité et d’un DIM à l’examen physique, qui les font rattacher au rachis cervical.
4- Les cervico-brachialgies de C5 à T1 sont des formes atténuées d’une névralgie cervico-brachiale (NCB). Elles sont cliniquement plus piégeuses, mais la présence d’un signe de Lasègue cervical (l’abduction-rotation externe et rétropulsion du bras, tête tournée du côté opposé à l’examen physique provoque des paresthésies au niveau des racines nerveuses cervicales) doit orienter vers une origine rachidienne sur le rachis cervical inférieur.
Sur le plan thérapeutique les cervicalgies, les algies inter-scapulo-vertébrales, les syndromes douloureux projetés d’origine cervicale et les cervico-brachialgies répondent bien aux thérapeutiques manuelles ou à un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et paracétamol, voire à une corticothérapie de quelques jours si pour une raison quelconque le traitement manuel n’est pas indiqué ou en cas de résistance aux AINS.
5- Les névralgies cervico-brachiales (NCB)
Elles représentent déjà une complication aigüe de la pathologie cervicale et correspondent à une irritation de la branche antérieure du nerf rachidien par une lésion discale (discopathie, bulgus, hernie discale molle) ou par unco-discarthrose (hernie discale dure) chez les vieux lanceurs.
Leur point de départ est cervical, leur irradiation, brachiale et leur trajet est métamérique dans le territoire d’innervation des racines nerveuses C5, C6, C7, C8 et T1.
Cliniquement on retrouve dans une NCB des troubles sensitifs, moteurs et réflexes.
L’anamnèse et la symptomatologie laissent peu de place à l’erreur diagnostique.
6- Les maux de tête (céphalées) d'origine rachidienne cervicale haute de Robert Maigne
Ces maux de tête ont pour origine les 3 premières racines nerveuses cervicales, dont les branches postérieures innervent le vertex (C3 est interne, C2 est médian, C1 est externe).
En cas de dysfonctionnement cervical haut, la palpation retrouve un empâtement douloureux du massif des articulaires postérieures de C2/C3 et en cas d’irritation d’une des branches antérieures d’un des 3 premiers nerfs rachidiens cervicaux.
L’examen retrouve des signes crânio-faciaux : palpé-roulé douloureux avec pli cutané épaissi au niveau du sourcil, de la tempe, de l’angle maxillaire inférieur et un signe du shampooing sur l’occiput.
- très spécifiquement pour C3: l’examen palpatoire retrouve une zone cellulalgique sur le sourcil et la joue du côté de la dysfonction cervicale.tro-auriculaire.
Ces douleurs, localisées le plus souvent au-dessus des yeux et à l’arrière de la tête, peuvent s'accompagner de nausées.
7- Le syndrome de Barré et Liéou (autre piège diagnostique)
Ce syndrome est un ensemble de manifestations neuro-sensorielles de type ophtalmologique, audio-vestibulaire, pharyngé, qui accompagnent habituellement les céphalées cervicales (mais pas toujours et source alors d’errance diagnostique) et sont en rapport avec l'irritation du système nerveux sympathique cervical supérieur.
Ces symptômes apparaissent rarement tous ensemble. Leur combinaison, de même que leur intensité est variable et elles incluent:
- des troubles vestibulaires: vertiges, étourdissements, particulièrement lors de mouvements rapides du cou et des sensations de perte d’équilibre.
- des troubles de l'audition: sensation d’entendre moins bien et bourdonnements ou sifflements dans les oreilles (acouphènes).
- des troubles visuels: fatigue visuelle, sensation d’avoir de la poussière dans les yeux ou de voir des petits points dansants.
- des troubles des sécrétions avec chaleur, transpiration abondante, hyper-sécrétions nasales et lacrymales.
- des troubles cérébraux: difficulté à se concentrer, perte de mémoire, anxiété.
8- L’arthrose cervicale (cervicarthrose) du vieux lanceur
Cette cervicarthrose est souvent muette. Les lanceurs ont juste l’impression d’avoir des grains de sable à la mobilisation de leur cou et de la raideur. Présence d’un pincement discal et d’ostéophytes sur les radios.
Quand elle est symptomatique, cette arthrose cervicale se manifestera alors par des cervicalgies aigües ou chroniques; une NCB (névralgie cervico-brachiale); des céphalées (maux de tête) et la possibilité de formes intriquées de ces céphalées avec le syndrome de Barré et Liéou.
9- Une complication possible, rare mais sévère chez le vieux lanceur: la myélopathie cervicarthrosique
Elle correspond à une compression lente de la moelle sur un ou plusieurs étages cervicaux par dégénérescence des disques et des uncus des corps vertébraux cervicaux. Elle touche le lanceur âgé avec un mode de début insidieux, parfois progressif, parfois brutal et iatrogène après manipulations vertébrales cervicales intempestives, ou secondaire à un traumatisme en hyper-extension.
Sur le plan clinique
La myélopathie se manifeste par des signes neurologiques plus ou moins sévères et selon un tableau qui peut être très polymorphe.
Au début de l’évolution, les troubles prédominent classiquement dans les membres supérieurs sous la forme de douleurs, de fourmillements, ou d’une diminution de la sensibilité dans les bras, les avant-bras ou les mains. La maladresse est fréquente à ce stade avec des épisodes de lâchage des objets.
Dans les formes plus évoluées une faiblesse musculaire apparait aux membres supérieurs et/ou aux membres inférieurs avec une fatigabilité à la marche. Les troubles sexuels ou sphinctériens font également partie de la symptomatologie.
Les signes d'examen d'une myélopathie sont majorés à la fatigue, minorés par le repos.
Il y a association d’un syndrome lésionnel avec mono ou pluri radiculalgie cervico-brachiale suivant le niveau de l'atteinte + un syndrome sous lésionnel: syndrome irritatif pyramidal + troubles sensitifs discrets : fourmillements et pseudo algie sciatique.
Deux signes sont à rechercher:
- le signe de Lhermitte = décharges électriques le long de la colonne vertébrale provoquées par la flexion de la tête
- le signe d'Aboulker = astéréognosie pour les mouvements fins comme se boutonner la chemise avec impossibilité d'effectuer ces gestes fins.
Signes négatifs
Aucun signe d'atteinte supra-médullaire.
Confirmation diagnostique
La radio conventionnelle et l’imagerie IRM.
Diagnostic différentiel:
La SLA (sclérose latérale amyotrophique) de Charcot avec présence de signes supra-médullaires bulbaires et pseudo-bulbaires.
L’évolution spontanée de la maladie en l’absence de traitement
Cette évolution spontanée se caractérise par l’aggravation par paliers des troubles neurologiques.
L’imagerie IRM d’une compression de la moelle cervicale au niveau d’un segment inter-vertébral cervical (= rétrécissement du cordon médullaire); il précise le niveau de la compression et son importance.
La prise en charge d’une myélopathie cervicarthrosique
Le traitement médical est peu efficace en cas de myélopathie.
Voila pourquoi l’intervention chirurgicale doit être discutée dès l’apparition des 1ers signes. Cette chirurgie consiste en la décompression de la moelle épinière, soit par voie antérieure, soit par voie postérieure si plusieurs niveaux sont atteints.
Le but de ce traitement est avant tout de stabiliser l’évolution de la maladie. Après la chirurgie, les troubles neurologiques régressent généralement. Néanmoins ils peuvent ne régresser que de manière incomplète, d’où l’importance d’une prise en charge précoce. Dans certaines formes particulièrement graves, la myélopathie peut s’aggraver malgré un traitement chirurgical correctement conduit.
10- Le traitement médical conservateur des cervicalgies communes
Il doit être proposé en première intention dans les cervicalgies exemptes de tout déficit neurologique.
Il comprend:
- une immobilisation cervicale par collier souple de quelques jours
- un traitement médicamenteux avec antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de cortisone per os en cas de résistance aux AINS
- des tractions axiales manuelles ou mécaniques sur table
- de la kinésithérapie avec physiothérapie
- des manipulations cervicales en suivant bien les 5 recommandations de la SOFMMOO (manipulations vertébrales cervicales hautement discutables en présence d’une hernie discale dure ou molle)
- des infiltrations épidurales ou foraminales sous contrôle scannographique.
Le traitement des cervicalgies communes par manipulations vertébrales cervicales
Seules les cervicalgies communes relèvent d’un traitement par médecine manuelle-ostéopathie et il faut quasi exclure les manipulations vertébrales cervicales du traitement médical des névralgies cervico-brachiales par hernie discale molle ou dure et totalement les exclure dans la myélopathie cervicarthrosique et les cervicalgies symptomatiques (tumorales, infectieuses, inflammatoires, etc).
Compte tenu des complications vasculaires potentielles, leur emploi doit être réservé à des praticiens chevronnés et doit toujours être précédé par des tests vasculaires pré-manipulatifs qui sont des tests de posture cervicaux.
Rappel des principes des tests de posture cervicaux à faire en préalable à toute manipulation vertébrale cervicale
Ces tests peuvent s’effectuer en extension ou flexion pure, en rotation pure ou avec latéro-flexion combinée. La manœuvre classique la plus recommandée est la mise en extension + rotation d’un côté + latéroflexion opposée qui a pour effet de solliciter dans son étirement le plus important, l’artère vertébrale opposée à la rotation. La posture doit être douce, non forcée, maintenue au moins 20 secondes et réalisée de chaque côté, le patient gardant les yeux ouverts. Dès le moindre symptôme anormal pendant la réalisation du test: troubles de l’équilibre, céphalées, nausée, acouphènes, apparition d’un nystagmus, le test de posture doit être interrompu et des explorations complémentaires effectuées.
Les techniques cervicales
Les manoeuvres les plus usuelles sur le rachis cervical se font en décubitus dorsal et tête sur table. Mais il existe tout un tas d’autres techniques: tête libre, en décubitus ventral type menton pivot, en décubitus latéral type mandoline, en position assise et en désinflexion type Récamier, etc, que l'on apprend dans toutes les bonnes écoles de médecine manuelle-ostéopathie.
1- Les manoeuvres sur la jonction crânio rachidienne C0/C1 et C1/ C2 :
Ces manoeuvres sur la jonction crânio-rachidienne ont un interdit: la manoeuvre Hole in line qui porte le cou en inflexion latérale avec appui direct sur la face latérale de l'axis, sujet positionné en décubitus latéral.
La recherche clinique de la restriction du mouvement du rachis cervical haut Cette recherche clinique doit être précédée par des manoeuvres de sécurité debout, puis couché et s’effectue dans le paramètre de moindre amplitude: la rotation pour C0/C1 et l'inflexion pour C1/C2, patient en décubitus dorsal dans le positionnement de la manipulation crânio-rachidienne.
Les indications des manoeuvres sur le rachis cervical supérieur :
Les principales indications des manipulations du rachis cervical supérieur sont les céphalées (maux de tête), la névralgie occipitale d'Arnold, le syndrome de Barré et Liéou, l’attitude antalgique du rachis cervical, les difficultés à l’hyper-extension du cou, à tourner la tête, la contracture des muscles du triangle de Tillaux, les cellulalgies de Robert Maigne (signe du sourcil, de la joue…).
Techniques :
Ces manoeuvres se font tête sur table et yeux du patient ouverts (et donc avec possibilité pour le thérapeute de surveiller cliniquement ce dernier pendant l’acte manipulatif):
- d’abord une mobilisation globale recrute tout le rachis cervical dans le sens libre et permet de bien positionner la main manipulatrice sur la crânio-rachidienne
- ensuite un petit déplacement latéral (jeu corporel) dans le sens inverse restreint de la dysfonction verrouille la crânio-rachidienne en hyper-extension
- puis recherche de la restriction de mobilité d'abord en rotation, pouce vers la mandibule, qui explore l’étage C0/C1, puis en inflexion latérale, pouce vers orbite, qui explore l’étage C1/C2
- enfin manipulation dans le paramètre de moindre amplitude libre: la dérotation en C0-C1 ou la désinflexion en C1- C2 (dé dans le sens de défaire) avec pulsion dans le respect des règles de Robert Maigne (manipulations dans le sens contraire de la douleur).
Précisions complémentaires à propos de la pathologie vertébrale cervicale haute
Très souvent la pathologie crânio-rachidienne des deux premiers étages cervicaux C0/C1 et C1/C2 se décompense au niveau de l’étage cervical sous-jacent C2/C3 et la manipulation de cet étage C2/C3, beaucoup moins à risque que sur les 2 premiers étages cervicaux, permet de libérer l’ensemble des 3 étages du rachis cervical supérieur.
Dans un certain nombre d'indications de manipulation du rachis cervical supérieur, compte tenu de la forte contracture des muscles para-vertébraux responsable d'une raideur majeure et douloureuse du haut du cou et en application des règles de Robert Maigne qui recommandent formellement de ne manipuler le rachis que si 3 directions au mieux et 2 au moins sont non douloureuses (schéma en étoile de Lesage), il est parfois impossible de manipuler le rachis cervical supérieur.
Aussi, afin de lever cette contre indication technique provisoire, il est intéressant de traiter ces patients pendant quelques jours (de 3 à 10 jours) par des AINS ou mieux par des anti-inflammatoires stéroïdiens per os (cortancyl ou solupred à une dose de 40 mg à 60 mg/ jour en une seule prise le matin au petit déjeuner, en leur adjoignant un protecteur gastrique).
Ces corticoïdes font habituellement céder le blocage douloureux et permettent de manipuler en toute sécurité: soit le rachis sous-occipital, soit de préférence le segment C2-C3, soit quelquefois le segment C3-C4.
2- Manoeuvres disco-cervicales de C2/C3 à C7/T1 :
Ce sont des manoeuvres en détorsion (combiné de flexion et d'extension et de rotation et d'inflexion latérale); la pulsion se fait sur le joint supérieur dans le sens libre.
Techniques disco-cervicales
Leurs principes sont similaires aux manoeuvres précédentes sur la crânio-rachidienne:
- recrutement dans le sens libre en faisant rouler la tête sur la table (ce qui permet de bien placer la butée manipulatrice sur le joint à manipuler)
- revenir dans le sens restreint par déplacement latéral jusqu'au verrouillage du joint à manipuler
- pulsion dans le sens libre.
3- Manoeuvres sur la charnière cervico - thoracique :
- Technique en menton pivot
Technique très utilisée; pulsion par le talon de la main caudale ou mieux par le pisciforme du poignet placé sur l'apophyse transverse de T1; la main céphalique avec contact palmaire sur l'occiput ne bouge pas; les coudes restent tendus.
- Technique en mandoline
C'est une manoeuvre en désinflexion, patient en décubitus latéral.
La pulsion se fait sur le joint supérieur C7 par un mouvement de couple des épaules de l'opérateur, le pouce caudal sur la face latérale du joint inférieur T1 assiste ou contrarie le mouvement, mais n'intervient pas.
- Technique à la Récamier
C'est aussi une manoeuvre en désinflexion; la pulsion se fait par le pouce caudal sur la face latérale de l'épineuse de T1.
11- Les risques liés aux manipulations vertébrales cervicales
Depuis 2002 (loi Kouchner), le recours aux différentes techniques vertébrales de médecine manuelle-ostéopathie n’est plus l’apanage des seuls médecins. Leur utilisation a été élargie par la loi aux kinésithérapeutes d’abord, puis aux ostéopathes non médecins et non kinésithérapeutes, avec toujours comme indication principale, la dysfonction intervertébrale mineure ou DIM de Robert Maigne qui associe cliniquement: douleur, contracture et restriction de mobilité.
Et bien qu’une prescription médicale soit nécessaire pour les non médecins pour réaliser certains actes comme les manipulations du rachis cervical par exemple, on déplore chaque année des complications liées à ces gestes sur le rachis cervical supérieur:
- pour les plus graves, il s’agit principalement de complications à type de lésions vasculaires entraînant des séquelles neurologiques définitives: dissection des artères vertébrales, accidents vasculaires cérébraux (syndrome de Wallenberg).
- pour les complications les plus bénignes, on déplore une aggravation de la symptomatologie initiale, ou des douleurs, ou des courbatures.
Le Pr Philippe Vautravers (du CHU Haute-Pierre, Strasbourg) a comptabilisé seulement 1 incident sur 4 millions de manipulations dorsales et lombaires et de 1 à 3 incidents /100 000 manipulations cervicales.
Les accidents des manipulations pourraient être minimisés encore davantage si les ostéopathes respectaient les recommandations de la société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathique (SOFMMOO), ainsi que le principe de précaution qui analyse le rapport bénéfice/risque et conclut à un rapport favorable pour les manipulations dorsales ou lombaires (1 incident pour 4 millions de manipulations) et de la prudence pour les manipulations cervicales (1 à 3 incidents toutes les 100 000 manipulations).
La SOFMMOO a également établi une liste de contre-indications aux manipulations vertébrales cervicales.
12- Contre-indications absolues des manipulations vertébrales cervicales
- toute pathologie des artères vertébrales
- les affections rachidiennes tumorales, infectieuses, fracturaires, malformatives (l’impression basillaire; la maladie d’Arnold-Chiari = anomalie structurelle du cervelet caractérisée par un glissement d'une ou des deux amygdales cérébelleuses vers le foramen magnum = ouverture de la base du crâne en position occipitale; le canal cervical étroit…), inflammatoires, post-traumatiques récentes (de moins de six semaines)
- les névralgies cervico-brachiales par hernie discale ou ostéophytose.
13- Les contre-indications relatives des manipulations vertébrales cervicales
- Contre-indications diverses:
la prise d’anticoagulants, les facteurs de risques vasculaires cervico-crâniens liés à la prise d’oestro-progestatifs (contraception), au tabagisme, à l’hypertension artérielle, le patient âgé, un enraidissement important du rachis cervical.
La raideur du rachis cervical (dont le torticolis) est une contre indication relative des manipulations vertébrales cervicales.
- Les contre-indications techniques des manipulations vertébrales cervicales
Le non respect possible des règles fondamentales d’application des manipulations vertébrales (3 axes de mobilité libres ou au moins 2).
14- Pas d’ indications à utiliser les manipulations cervicales
La jeune fille ou le jeune garçon avant l’âge de 15 ans, les affections psychiatriques (névrose, psychoses….), la pathologie organique de voisinage (ORL, neurologique, pulmonaire…), la fibromyalgie.
15- En cas d’échec du traitement conservateur des cervicalgies communes ou de déficit moteur une dissectomie chirurgicale doit être pratiquée par voie d’abord antérieure (mais comme cette dissectomie isolée expose à de la cyphose cervicale post opératoire, un comblement de l'espace discal doit alors la compléter, par greffe autologue, cage ou prothèse discale chez les plus jeunes).
16- Mise au point sur les prothèses discales cervicales
Les indications
La mise en place d'une prothèse discale cervicale concerne les patients de 18 à 60 ans présentant une névralgie cervico-brachiale compressive par une hernie discale molle ou dure ou une myélopathie cervicarthrosique débutante, ou après échec du traitement conservateur de plus de 6 semaines, avec mobilité conservée en flexion-extension de 4° minimum sur les clichés dynamiques du rachis cervical.
Les contre-indications des prothèses discales cervicales
- une cervicarthrose trop évoluée avec faible mobilité sur les clichés dynamiques et a priori présence de lésions articulaires postérieures sévères
- des antécédents d’infection, de traumatismes (coup du lapin, accidents de sports) ayant pu entraîner une hyper-mobilité ou une déformation d'un étage vertébral cervical
- de l’ostéoporose.
II- La colonne lombaire des lanceurs
Introduction
A cause des contraintes liées au geste technique et à l'entraînement spécifique de musculation lourde afin d'acquérir l'indispensable force, la colonne lombaire des lanceurs est agressée en permanence au niveau de ses points faibles: disques intervertébraux, articulations vertébrales postérieures, isthme inter-vertébral de L5.
Les muscles transverse de l'abdomen et spinaux, qui ont un rôle majeur dans la posture, doivent être capables chez un lanceur de protéger leur colonne lombaire et de s'opposer aux effets délétères des puissants muscles antéverseurs du bassin (couturier, petit psoas, iliaque, droit antérieur, adducteurs).
Les contraintes axiales et en cisaillement vont se traduire par des douleurs lombaires (lombalgies), qu'il faudra contrôler très vite médicalement pour ne pas tomber dans le piège de la blessure récurrente.
Nous verrons que cette pathologie lombaire présente de nombreux pièges diagnostiques et se complique volontiers de problèmes neurologiques.
Anatomie et biomécanique
La colonne vertébrale ou rachis est une longue tige osseuse articulée et haubanée, posée sur le socle pelvien et soutenant la tête.
Elle concilie 2 impératifs apparemment contradictoires de souplesse et de rigidité qui lui confèrent une résistance remarquable.
La souplesse est liée à la multiplicité des différentes vertèbres superposées et à leur déformabilité due à l'activité posturale gamma, qui contrôle les muscles spinaux courts intervenant dans les mouvements fins et précis et ajuste automatiquement leurs tensions de manière à maintenir ou rétablir un état d’équilibre.
La rigidité est liée au haubanage ligamento-musculaire avec:
- un rôle de frein et d’amortisseur passif de l’amplitude des mouvements, pour les ligaments
- de soutien et d’ancrage, pour les fascias
- de stabilité active, pour les muscles longs des gouttières.
Rôle de la bipédie
La bipédie (syndrome de Lucy) a modifié la statique humaine en obligeant:
- la colonne vertébrale à se doter de courbures (lordoses cervicale et lombaire, cyphose dorsale) qui décuplent l’amortissement des contraintes axiales
- le bassin à devenir un socle de soutien, incliné en moyenne de 37° par rapport à l'horizontale (pente sacrée), mais avec des points faibles, les 2 derniers disques lombaires L4/L5 et L5/S1 et l'isthme de L5
- les muscles du secteur sous-pelvien, ischio-jambiers, droit fémoral du quadriceps et adducteurs de cuisse à se mouvoir en excentrique à la marche et à la course (avec tous les inconvénients que cela suppose pour des muscles conçus courts à l’origine), à tirer sur leurs insertions hautes pelviennes et à creuser le bas du dos (à l'origine de lombalgies).
L'adaptation phylogénétique s’est faite en 2 temps : bipédie intermittente, puis permanente.
L'adaptation ontogénétique commence in utero et se termine à l'âge de 6 ans, par la mise en place des différentes courbures et la stabilisation de la marche.
Incontestablement c'est l'adoption forcée de la station debout bipède (syndrome de Lucy): passage de A à B (avec passage intermédiaire par la station debout intermittente) par nos ancêtres australopithèques qui vivaient il y a quelques millions d'années dans la savane au milieu d'un environnement hostile qui est source de bien des problèmes.
Les points faibles du rachis lombaire
1 - Le disque intervertébral lombaire
C'est l'amortisseur principal des contraintes axiales. Il dégénère à partir de l'âge de 20 ans: l'annulus (partie périphérique du disque inter-vertébral) se fissure et du matériel du nucléus (partie centrale du disque) va s'invaginer à travers les fissures. Il est innervé comme nous le verrons avec la pathologie lombaire des lanceurs, par le système sympathique (rameaux communicants et nerf de Luschka).
2- L'isthme de L5 (5ème vertèbre lombaire)
L’isthme intervertébral de L5 est situé entre le massif des articulations vertébrales postérieures supérieures et inférieures. A cause de l'implantation abracadabrantesque du mât vertébral à 37° par rapport à l’horizontale sur la vertèbre S1 (socle sacré), L5 aura tendance à glisser vers l'avant (= spondylolysthésis, toujours précédé par une spondylolyse bilatérale), malgré les efforts gigantesques pour l’en empêcher consentis par le segment postérieur de L5 qui agrippe celui de la 1ère vertèbre du sacrum S1 à la manière d’un trapéziste et le soutien des puissants ligaments ilio-lombaires.
Cette spondylolyse est un phénomène acquis, secondaire à la verticalisation de l’espèce humaine, à prédisposition héréditaire et âge de survenue précoce. Dans la plupart des cas une spondylolyse n'est pas douloureuse et passe le plus souvent inaperçue. Il en existe 2 formes, une à sacrum vertical, et l'autre à sacrum horizontal qui concernerait 25 % des athlètes de haut niveau. Sa localisation: L5 dans 95 % des cas; bilatérale dans 95 % des cas. Sa transmission génétique est à mode dominant et faible pénétrance. Elle n'existe pas à la naissance.
C'est l'ypercontact des articulations vertébrales postérieures entre elles et spondylolyse qui correspond à une fracture secondaire de l'isthme, point de passage obligé des forces de cisaillement.
En cas de spondylolyse bilatérale, la vertèbre du dessus (L5 par rapport à S1) va filer vers l’avant et le bas (= spondylolisthésis).
La dernière vertèbre lombaire L5 du mât vertébral est implantée à 37° d’inclinaison en moyenne (pente sacrée) sur la 1ère vertèbre sacrée S1.
Les muscles perturbateurs de la posture
1- Les muscles antéverseurs du bassin
Ils s'opposent aux muscles posturaux. Chez les lanceurs insuffisamment gainés, ces muscles antéverseurs du bassin vont prendre facilement le pas sur le transverse de l'abdomen et le multifidus et entraîner des lombalgies.
Muscles antéverseurs du bassin: couturier, iliaque, petit psoas, adducteurs, et, le plus puissant, le droit fémoral du quadriceps. Ils s’opposent aux muscles posturaux du caisson abdominal profond et aux spinaux.
2- Les muscles ischio-jambiers (IJ)
Mis en place par la bipédie et conçus courts, ils seront sujets aux claquages musculaires et, en tirant sur le bassin, vont être sources de lombalgies.
La pathologie lombaire du lanceur
Les différents gestes techniques et l'entraînement physique font subir au rachis lombaire d'énormes contraintes en pression axiale et de cisaillement en rotation qui vont déborder ses capacités physiologiques d'adaptation.
En clinique cela va se traduire, en cas de dysfonction segmentaire (dérangement intervertébral mineur ou DIM de Robert Maigne), de discopathie, d’irritation chimique des racines nerveuses par du matériel discal, de compression mécanique par 1 hernie discale, de spondylolyse avec spondylolisthésis, par des douleurs lombaires (lombalgies), de la raideur et des complications neurologiques (sciatique, cruralgie), assez peu compatibles, quand la pathologie est récurrente, avec un entraînement physique efficient et des compétitions de haut niveau.
1- Les lombalgies d'origine discale
Elles représentent la majorité des lombalgies. On la décrit classiquement comme une douleur chronique de la zone lombo-fessière, en barre, diffuse, mal systématisée, d’origine nerveuse sympathique (de type viscéral), avec ou sans irradiation sciatique ou déviation antalgique. Son horaire est diurne quand la douleur est de type mécanique, nocturne quand la lombalgie discale prend le masque trompeur d'une douleur inflammatoire. Son mode de survenue peut être brutal ou insidieux.
Le lumbago discal est un blocage aigu (équivalent lombaire du torticolis cervical) avec attitude antalgique dite croisée en inflexion et légère flexion (penche du côté opposé à la douleur) ou directe (penche du côté douloureux) et très rarement en cyphose. Beaucoup plus rarement, un lumbago est d’origine articulaire postérieure au niveau de la charnière thoraco-lombaire, sans attitude antalgique, mais avec une raideur en antéflexion du tronc.
Sur le plan de la prise en charge des lombalgies discales
Certaines lombalgies d’origine discale, quand elles sont récurrentes sont particulièrement résistantes à toutes les thérapeutiques usuelles. Il sera alors nécessaire de recourir à des infiltrations, voire à une thermo-coagulation avec rhizolyse (destruction des fibres nerveuses conduisant la douleur par de la chaleur à 80°, grâce à des électrodes) et partant, de bien connaître l’innervation lombaire basse et plus spécifiquement la façon dont est innervé le disque intervertébral.
L’innervation de la zone lombaire cutanée basse
Rappelons au préalable que les branches postérieures des nerfs L4 et L5 sont inexistantes, ou en tous cas qu’elles ne rejoignent jamais la peau du bas du dos. Il existe donc un trou d’innervation cutanée pour les niveaux lombaires bas, pris en charge par les branches postérieures des nerfs rachidiens sus-jacents et principalement celles de L2; les douleurs des niveaux lombaires bas sont donc des douleurs projetées, car il n’existe pas d'innervation cutanée directe de cette zone.
Innervation du disque intervertébral lombaire
Le disque intervertébral possède une double innervation sensitive, à la fois sympathique para-vertébrale et somatique par le nerf rachidien ou spinal. En effet sa partie antérieure est uniquement innervée par des fibres sympathiques, tandis que sa partie postérieure est innervée par le nerf sinu-vertébral décrit pour la 1ère fois par Luschka en 1850.
- le nerf sinu-vertébral de Luschka
Ce nerf, formé par la jonction de deux racines, l'une rachidienne spinale, l'autre sympathique en provenance de la chaîne sympathique latéro-vertébrale, naît de la racine postérieure sensitive en dehors du foramen, puis y pénètre selon un trajet récurrent. Il n’y a pas de lien direct sur le plan histologique et embryologique entre les parties antérieure et postérieure du disque (cette double innervation sympathique et somatique d'une même structure est même une originalité propre au disque inter-vertébral et il n'existe dans le corps humain aucune autre structure ayant ce type d’innervation).
- le ganglion spinal de L2 et les rameaux communicants sympathiques dans le circuit de la lombalgie discale
La racine postérieure sensitive d’un nerf spinal présente un petit renflement ovalaire, le ganglion spinal, qui contient les corps cellulaires des neurones qui amènent les messages de la peau vers le système nerveux central. Sur le plan neuro-physiologique, ce ganglion spinal de la racine nerveuse L2 est le point de convergence de tous les influx douloureux d’origine sympathique et somatique de la région lombaire basse et constituera un potentiel piège thérapeutique quand il s’agira de traiter une lombalgie discale basse récurrente, à infiltrer en L2 et surtout pas en foraminal lombaire bas.
Quant aux rameaux communicants du système sympathique, ils jouent un rôle essentiel dans la transmission des messages douloureux, puisqu’ils permettent, dans un 1er temps la remontée de l'information depuis les niveaux lombaires bas via la chaîne sympathique vers le ganglion sympathique L2, puis dans un 2ème temps, ils assurent la transmission nerveuse entre les ganglions sympathique et spinal en L2.
Le nerf sinu-vertébral dans le foramen intervertébral véhicule à la fois des fibres nerveuses somatiques et sympathiques.
Le ganglion spinal du nerf rachidien est le petit renflement ovalaire de la racine postérieure sensitive du nerf rachidien.
La chaîne sympathique présente des ganglions et des rameaux communicants blancs et gris en connection avec les ganglions spinaux.
Petit rappel sur le système nerveux autonome (ortho et para sympathique)
Le système nerveux autonome (SNA) assure l’innervation et donc le contrôle automatique des viscères (cœur, tractus digestif, tissus glandulaires...), des muscles lisses, des vaisseaux et de divers éléments cutanés (glandes sudoripares, muscles pilomoteurs…), d’où le terme de douleur viscérale sympathique pour désigner une douleur vertébrale d’origine discale.
La 1ère partie du système nerveux autonome est le système sympathique ou système orthosympathique ou adrénergique (médiateurs chimiques la noradrénaline et l’adrénaline). C’est un cordon nerveux situé des 2 côtés de la colonne vertébrale, qui va de la base du crâne au sacrum et qui relie les ganglions sympathiques entre eux. Cette chaîne sympathique est elle-même reliée aux nerfs spinaux par les rameaux communicants gris (31 paires) et blancs (14 paires) parce que, contrairement aux précédents, ils sont entourés d’une enveloppe protectrice de myéline de couleur blanche.
La 2ème partie du système nerveux autonome est le système parasympathique ou cholinergique (médiateur chimique, l’acétyl-choline). Il est situé aux niveau des nerfs crâniens et sacrés et sa stimulation déclenche des réponses antagonistes de celles du système sympathique.
La chaîne sympathique latéro-vertébrale va de la base du crâne au sacrum. Elle est reliée aux nerfs spinaux par les rameaux communicants gris (31 paires) et blancs (14 paires) qui ont une importance considérable dans la transmission des messages douloureux.
Au niveau thoracique (dorsal) et jusqu’en lombaire L2, rameaux communicants gris et blancs co-existent.
Caractéristiques cliniques des douleurs des lombalgies discales
Les caractéristiques cliniques des douleurs des lombalgies discales (de toute la région lombo-fessière, chroniques, diffuses, en barre, mal systématisées) font suggérer que ces douleurs sont de type viscéral sympathique et que le nerf de Luschka est impliqué dans leur transmission. Et donc dans le traitement d’une lombalgie discale résistante aux thérapeutiques usuelles, une infiltration spécifique des éléments assurant l’innervation discale d’un disque lombaire bas peut être très pertinente.
Application thérapeutique dans une lombalgie discale
- 1ère possibilité: l’infiltration dans le foramen L2- L3 du ganglion spinal L2 (voie classique)
La convergence des influx nerveux douloureux lombaires bas au niveau du ganglion spinal L2 justifie que l’infiltration soit réalisée à son niveau et les études cliniques réalisées tendent à le confirmer. Deux études ont confirmé le bien-fondé de cette infiltration foraminale du ganglion spinal de L2:
1- Nakamura et son équipe japonaise ont réalisé sur 30 patients des infiltrations au niveau du ganglion spinal L2, obtenant de bons résultats avec une amélioration des patients atteints de lombalgies discales chroniques.
2- une analyse portant sur une courte série de 24 patients traités par infiltration (14 hommes et 10 femmes) a été réalisée par le Dr Lanoiselé à l'hôpital Maubreuil avec un suivi sur 6 mois et classement en trois catégories des patients selon leur type de douleurs:
- 16 malades avec douleur en barre de toute la région lombo-fessière avec peu ou pas de points douloureux
- 6 malades avec douleur postérieure à type de syndrome facettaire
- 2 malades avec douleur intervertébrale aiguë (DIVA).
Les résultats ont été évalués sur l’EVA (échelle analogique de la douleur qui va de 0 = aucune douleur à 10 = douleur maximale) et la reprise d'activité fonctionnelle, professionnelle ou de vie quotidienne.
Résultats:
- sur les douleurs en barre (16 patients): 10 très bons; 6 bons; 0 mauvais
- sur le syndrome facettaire (6 patients): 1 très bon; 2 bons; 3 mauvais
- sur le DIVA (2 patients): 2 mauvais résultats.
Cette analyse de Lanoiselé donne 19 résultats très bons et bons, dont 16 proviennent de patients ayant des douleurs de type sympathique, alors que pour les patients ayant des douleurs de type somatique, l’efficacité du traitement est quasi nulle.
Ces 2 études tendent donc à montrer la pertinence de l'infiltration du ganglion spinal L2 pour les patients souffrant de douleurs d’origine sympathique.
2ème possibilité: l’infiltration ou pour certaines équipes médico-chirurgicales la thermo-coagulation des rameaux communicants de L2
Les rameaux communicants sympathiques de L2 cheminent sur les faces latérales des corps vertébraux de la vertèbre L2. Leur infiltration à ce niveau ou, en cas de résistance aux infiltrations du ganglion spinal, la thermo-coagulation avec rhizolyse, c’est-à-dire la destruction par la chaleur des fibres véhiculant la douleur sympathique va interrompre la transmission du message douloureux qui remonte jusqu'au ganglion sympathique L2, pour être transmis ensuite au ganglion spinal L2 par les rameaux communicants qui cheminent latéralement le long du corps vertébral. Toutefois la zone tissulaire détruite par une telle intervention est conséquente (0.5 cm2) et il convient donc de réfléchir à d'éventuelles lésions vasculaires risquant d’entraîner une ischémie médullaire.
2- Les lombalgies d'origine articulaire postérieure vertébrale (syndrome facettaire lombaire)
Anatomiquement les articulaires postérieures lombaires sont cylindriques et en position sagittale (ce qui limite la rotation, paramètre de moindre amplitude en lombaire). Elles sont recouvertes par une capsule articulaire richement innervée et sont à fort potentiel de dégénérescence (comme toute articulation périphérique) chez les vieux lanceurs.
Cliniquement, la lombalgie d’origine articulaire vertébrale postérieure ou syndrome facettaire est en général aigüe, à point de départ précis lombaire bas, mieux ressentie en position debout et se majorant en hyper-extension.
La douleur de ce type de lombalgie est principalement véhiculée par la branche postérieure (dorsale) du nerf spinal (3 rameaux nerveux sur 5).
Il relève d’1 traitement par des antalgiques de niveau 1 (paracétamol), des anti-inflammatoires (AINS), des manipulations vertébrales dans le sens de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne et de la gymnastique médicale en cyphose. En cas de résistance à ces traitements simples, le recours à des infiltrations scanno-guidées de dérivés cortisonés au niveau des facettes articulaires est nécessaire et, en cas d’échec de ces différents traitements, on peut même être amené à proposer une thermo-coagulation des facettes en la faisant suivre par un programme de restauration fonctionnelle du rachis (avec gainage lombaire en cyphose et réentraînement à l’effort) dans une Ecole du dos.
3- Les lombalgies sur spondylolisthésis par lyse isthmique
Dans un certain nombre de cas et spécialement chez les jeunes lanceurs, les lombalgies peuvent avoir pour origine une lyse isthmique qui correspond à une fracture de fatigue de l’isthme, en rapport avec la répétition de contraintes en cisaillement. Le spondylolisthésis correspond lui, à un glissement de gravité croissante (grades 1 à 4) d’une vertèbre lombaire (très souvent L5) vers l’avant et vers le bas par rapport à la vertèbre située juste en dessous; glissement entraînant avec lui tout le reste de la colonne vertébrale. Ce glissement ne restera pas longtemps bien toléré chez les jeunes athlètes de lancers (qui sont des activités hyperlordosantes et en rotation), et il conviendra de confier très vite le listhésis à des services spécialisés en médecine physique et rééducation, si l’on ne veut pas voir s’installer une discopathie sous-jacente au glissement qui, inévitablement, aggravera ce dernier et se compliquera d’une atteinte neurologique (sciatique).
4- Les lombo-sciatiques
Généralités
Dans les sciatiques discales, la rhumatologie moderne a rendu presque obsolète le conflit mécanique disco-radiculaire de Sylvain De Sèze, au profit, la plupart du temps, d'un conflit chimique lié à des éléments inflammatoires en provenance du noyau du disque intervertébral, qui vont s'écouler vers l'arrière et irriter l'une des deux racines nerveuses du nerf sciatique, L5 ou S1. Grâce à la clinique et à l’imagerie moderne, le diagnostic différentiel avec les autres vraies sciatiques et les fausses sciatiques reste un vrai régal pour les cliniciens du rachis. Dans un certain nombre de cas, le conflit est mécanique par hernie discale (HD) et correspond à un conflit entre le nucléus du disque intervertébral qui s'échappe vers l'arrière à travers une fente de l'annulus et la racine nerveuse de voisinage L5 ou S1. Son traitement est le plus souvent médical (médicamenteux, infiltrations, kinésithérapie, orthèses lombaires) et habituellement suffisant. Dans un petit nombre de cas, ces lombo-sciatiques sur HD peuvent évoluer très défavorablement (formes hyper-algiques, paralysantes par atteinte de la queue de cheval) et sont à opérer très vite.
Le mécanisme lésionnel d'une hernie discale
C'est un mécanisme en flexion du tronc associée à une torsion, mouvements que l'on retrouve dans la technique des différents lancers et dans la préparation physique. En antéflexion du tronc, la partie antérieure du disque s’aplatit et entraîne une hyper-pression dans le nucléus dont la partie postérieure peut filer vers l’arrière, quand l'anneau discal est fissuré.
Une hernie discale postéro-latérale viendra agresser la racine antérieure du nerf rachidien L5 ou S1.
Le mécanisme lésionnel en sagittal: l’antéflexion impacte le disque et l’extension agresse les articulations vertébrales postérieures.
5- Les lombalgies basses d’origine haute = syndrome de la charnière dorso-lombaire
Ce type de lombalgie est assez fréquent chez les lanceurs. Elle a été décrite par Robert Maigne sous le terme de syndrome de la charnière dorso-lombaire et sa méconnaissance est à l'origine de bien des retards diagnostiques et de la plupart des échecs thérapeutiques. Son origine, très souvent recherchée par des praticiens non spécialisés au niveau du rachis lombaire bas (L4/L5 ou L5/S1), est en réalité située plus haut sur l'étage thoraco-lombaire T12/L1.
Elle est un véritable piège diagnostique quand les douleurs, ressenties habituellement dans le haut de la fesse, se projettent dans la région abdominale basse (fausses douleurs gynécologiques ou uro-génitales), le pli de l’aine (fausse pubalgie) ou sur la hanche latérale au niveau de la région du grand trochanter (fausse tendinopathie du moyen fessier).
Son traitement par manipulations vertébrales est très efficace et, en cas de résistance au traitement manuel, le recours à une ou plusieurs infiltrations scanno-guidées est nécessaire.
6- La pathologie rachidienne des enfants et adolescents des écoles d’athlétisme
Le chapitre sur la pathologie rachidienne ne serait pas complet si n’étaient pas traitées 2 affections rachidiennes qui peuvent affecter les enfants et adolescents des écoles d’athlétisme, la maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents et la scoliose idiopathique, à un moment crucial qui est celui de l’apprentissage de la technique. En fonction de leur sévérité, ces 2 affections seront, soit incompatibles avec la poursuite d’1 entraînement d’athlétisme pluri-disciplinaire, soit l’entraînement et les compétitions seront toujours possible dans les formes stables et très atténuées d’1 maladie de Scheuermann avec peu de douleurs et de raideur ou dans les scolioses mineures autour de 10 à 15° et non évolutives, sous surveillance médicale stricte, si, et seulement si, c’est le choix de l’enfant ou de l’adolescent et pour son seul plaisir.
a- La maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents
La maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents est une affection rachidienne dystrophique de croissance des plateaux vertébraux dorsaux et/ou lombaires de la famille des ostéochondroses épiphysaires.
Elle correspond à un trouble de l'ossification chez l'adolescent sportif (et davantage les garçons que les filles) en rapport avec les activités physiques.
Ce trouble de l'ossification peut affecter:
- le cartilage des articulations comme dans les ostéochondroses du genou ou de la hanche.
- des zones non-articulaires comme les insertions tendineuses, par exemple l’insertion basse du tendon rotulien de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) du genou dans la maladie d’Osgood-Schlatter.
- la plaque de croissance du cartilage de conjugaison des plateaux vertébraux comme dans la maladie de Scheuermann sur les vertèbres dorso-lombaires le plus souvent, ou la maladie de Blount de l'extrémité supérieure du tibia.
La maladie de Scheuermann n'est pas héréditaire mais elle a un aspect familial. Elle apparaît à l'adolescence et confère au dos son aspect voûté.
La maladie de Scheuermann sur 1 vue de profil confère au dos son aspect voûté d’hypercyphose avec hyperlordose lombaire compensatrice. Image droite sur 1 radio de profil: maladie de Scheuermann localisée au rachis lombaire.
Le diagnostic différentiel avec les autres types de cyphoses
Chez certains adolescents peu actifs, la cyphose peut être due à une insuffisance de la musculature dorsale et il n'y a alors aucune déformation significative ni signes cliniques patents, ni signes radiologiques sur la colonne vertébrale et cette forme de cyphose est de bon pronostic. Inversement, chez certains adultes jeunes, la cyphose peut être symptomatique d’une maladie rhumatismale inflammatoire, la spondylarthrite ankylosante qui affecte surtout le bassin et la colonne vertébrale (pelvi-spondylite rhumatismale), évolue par poussées et associe des douleurs articulaires nocturnes, de la raideur dorsale, de la fièvre, de la fatigue, des troubles intestinaux, non compatibles avec un entraînement et des compétitions de lancers.
Physiopathologie
La maladie de Scheuermann se développe sous l'action de facteurs environnementaux (postures maintenues longtemps et activités sportives), et des études expérimentales ont montré que des contraintes répétées sur les cartilages de croissance des plateaux vertébraux induisent des lésions de dystrophie de croissance. D'autres études ont mis en évidence qu'il y avait 4 fois plus de dystrophies de croissance chez les sportifs de haut niveau que dans une population témoin sédentaire et il a été également prouvé que leur fréquence est augmentée chez les jeunes gymnastes et dans les sports de lutte et de force. Une autre étude portant sur 2270 enfants a montré une corrélation significative entre l’angle de cyphose thoracique et le nombre d’heures d’entraînement, les plus grandes valeurs angulaires de cyphose étant observées chez les gymnastes.
Signe clinique d’appel
Le signe clinique cardinal est la douleur. Elle est de type mécanique (diurne), calmée par le repos et majorée à l'effort (port du cartable, pratique sportive intensive, en fin de journée), mais le sommeil n’est pas entravé. Caractéristique importante, il n'y a pas de signes fonctionnels associés à la douleur: pas de fièvre, de fatigue, de modification du poids du corps et l’appétit est conservé.
Signes d'examen
- à l’inspection de face et de dos, il n’y a pas de répercution sur la ligne des épaules, des pointes des omoplates, de la taille, bi-iliaque, des fossettes sacro-iliaques de Michaélis et des épines iliaques antéro-supérieures (EIAS), toutes ces lignes restant bien alignées.
- l’aspect de profil est très évocateur avec la présence d’une voussure dorsale plus ou moins étendue, associée à une hyperlordose lombaire compensatrice.
- à l’analyse des mobilités, il y a 1 importante raideur rachidienne (autre signe clinique majeur) en antéflexion du tronc à la distance doigts-sol, mais pas de gibbosité (différence avec une scoliose vraie) et de la raideur en extension avec impossibilité de se tenir bien droit.
- les signes négatifs: absence de signes cutanés ou neurologiques sont en faveur d’une cause mécanique.
Diagnostic de certitude par les radiographies de profil
1- cunéisation antérieure de 5° au moins sur 3 vertèbres au minimum;
2 - aspect feuilleté des plateaux vertébraux;
3- nodules de Schmorl (hernies intra-spongieuses) à un stade évolué.
Traitement fonctionnel
Dans les formes de Scheuermann peu sévères cela passe, chez les jeunes sportifs, par l'arrêt momentané mais qui peut aller jusqu'à la fin de la croissance, de la pratique délétère qui entretient douleurs et raideur (gymnastique, lutte, judo, haltérophilie, athlétisme, rugby, musculation), par un travail de gainage des muscles abdominaux et lombaires en isométrie et d'ouverture de la cage thoracique par des mouvements de renforcement musculaire (poulies haute et basse, pull-over, rameur, etc).
Traitement orthopédique par corset ou plâtre
Dans les indications orthopédiques, la prise en charge et le suivi relèvent d'un praticien spécialisé en médecine physique et réadaptation (MPR) avec, tout comme dans le traitement orthopédique d’une scoliose, l’indispensable adhésion de l'adolescent et de sa famille à la démarche thérapeutique. L’objectif du traitement orthopédique est de diminuer la surcharge mécanique de la partie antérieure des corps vertébraux afin d’atténuer l'hypercyphose thoracique, tout en favorisant la reprise d'une croissance normale sur cette partie cunéisée (en forme de coin) des vertèbres dystrophiques. Le corset sera laissé jusqu'à la fin de la croissance de la colonne vertébrale
Les di fférents corsets de corrections orthopédiques avec, pour objectif commun, la diminution de la surcharge vertébrale antérieure.
Traitement chirurgical
L'indication chirurgicale concerne les voussures importantes et les formes cliniques très enraidissantes qui engagent le pronostic fonctionnel.
La correction de l'hypercyphose thoracique par un chirurgien orthopédique pédiatrique et par lui seul passe par une arthrodèse vertébrale de libération d'un enraidissement en malposition qui va rétablir l'équilibre de profil, au prix d'un sacrifice de la mobilité. Cette chirurgie délicate se fait en 2 temps:
- un 1er temps opératoire par voie antérieure pour réséquer les disques inter-vertébraux lésés
- un 2ème temps par voie postérieure pour arthrodéser (bloquer pour obtenir une fusion osseuse) les vertèbres entre elles, avec greffe osseuse et ostéosynthèse.
La kinésithérapie
Dans 1 maladie de Scheuermann, la kinésithérapie doit toujours être associée au traitement médical ou chirurgical. Elle sera développée plus en détail avec les scolioses idiopathiques dans le chapitre qui suit.
b- Les Scolioses idiopathiques (infantiles, juvéniles et de l’adolescence = 75% de l’ensemble des scolioses)
Une scoliose structurale idiopathique juvénile, (avant l’apparition des 1ers signes pubertaires) ou de l’adolescence, (après la puberté, les plus nombreuses) correspond à une déformation rachidienne dans les 3 plans de l’espace (sagittal, frontal et horizontal) d’une courbure vertébrale cervicale, thoracique ou lombo-sacrée, entraînant une torsion de 1 ou plusieurs vertèbres sur elles-mêmes et provoquant une déformation du thorax, de l’abdomen et en para-vertébral au niveau du dos.
Cette déformation rachidienne est non réductible, d’où le qualificatif de structurale, ce qui l’oppose d’emblée aux attitudes scoliotiques qui correspondent à une inflexion latérale du rachis dans le plan frontal sans véritable torsion et surtout sans déformation du tronc.
Ces scolioses affectent à 80% les filles, apparaissent et évoluent au cours de l’enfance et parfois même dès la petite enfance (avant 3 ans = scoliose infantile) ou de l’adolescence, en l’absence de tout autre processus pathologique décelable, d’où le qualificatif d’idiopathique (= sans cause).
Leur traduction clinique est une asymétrie du tronc, la gibbosité.
La présence d’anomalies cutanées, de signes neurologiques, de dysmorphies et d’hyperlaxité doit impérativement faire penser à une scoliose non idiopathique (avec cause).
Les scolioses idiopathiques sont considérées par l'assurance maladie comme une affection de longue durée (ALD), avec prise en charge à 100% sous réserve que l'angle de déviation soit >25° et corresponde à une déviation permanente et irréductible de la colonne vertébrale dans les 3 plans de l’espace avec rotation des corps vertébraux.
Physiopathologie
Pour Gonon, de Mauroy et Stagnara, une scoliose idiopathique est en rapport avec une maturation anormale du système nerveux central génétiquement déterminé associée à un déséquilibre de croissance des différents composants de la vertèbre, influencé par des facteurs chimiques ou neuro-musculaires.
Evolutivité d’une scoliose idiopathique
Une scoliose est susceptible de s’aggraver tout au long de la croissance et son évolutivité, maximale pendant la poussée pubertaire, peut s’accentuer à l’âge adulte (perte de taille, majoration angulaire et cyphose).
Le diagnostic de scoliose idiopathique est radio-clinique
Après avoir éliminé par la clinique une attitude scoliotique (déformation réductible en position couchée) et l’avoir différenciée d’une scoliose non idiopathique (négativité de l’examen cutané et neurologique), bien se rappeler que la gibbosité de la scoliose ne doit s’accompagner ni de douleurs ni de raideur (qui sont des complications).
Les clichés radiographiques classiques de face et de profil pour une scoliose vont de la base du crâne au bassin et restent encore d’actualité.
On leur préfère de plus en plus le système EOS, encore plus performant et qui permet pour la 1ère fois une étude du corps entier, debout, de face, de profil.
Et bien que ce système utilise les rayons X comme la radiographie, la dose de rayons nécessaire étant près de 10 fois inférieure, cela en fait une méthode de choix chez l’enfant.
Le défi, pour le praticien spécialiste, sera d’apprécier l'évolutivité de cette scoliose qui sera d’autant plus délétère que la zone anatomique sera courte, de poser soit l'indication d’un traitement orthopédique à partir d'un angle de Cobb radio-anatomique de 20° (sans attendre le seuil fatidique des 30°), soit l’indication d’une prise en charge chirurgicale dans les scolioses graves, et enfin de s’assurer, et c’est fondamental, de l’adhésion de l’enfant scoliotique et de sa famille, afin d’assoir le succès d'un traitement orthopédique long et contraignant ou d’une chirurgie rachidienne.
Estimation de l’évolutivité
C'est la surveillance clinique par le spécialiste, après plusieurs consultations comparatives, qui va déterminer le caractère évolutif de la scoliose et guider la prise en charge thérapeutique.
Les éléments de cette évolutivité sont l’histoire familiale (antécédents familiaux), l’âge de découverte de la scoliose, sa topographie (double majeure), l’angulation et le stade de maturation sexuelle et osseuse. Le diagramme d'évaluation de G. Duval-Beaupère va quantifier le potentiel d’aggravation.
Une scoliose est considérée comme évolutive si la différence entre 2 examens cliniques consécutifs est de + 5° sur 2 radiographies à 4 ou 6 mois d’intervalle. Une courbure > 30° est réputée d’emblée évolutive.
Rappel sur la croissance rachidienne
Chaque vertèbre présente une zone cartilagineuse de croissance, le listel marginal des plateaux supérieur et inférieur qui va progressivement s'ossifier jusqu'à la fin de la croissance (vers 18 ans-20 ans en moyenne).
L’ossification est toutefois inégale, la vertèbre lombaire croissant 2 fois plus vite que la vertèbre thoracique et plus rapidement sur le corps vertébral en lombaire et sur l'arc postérieur en thoracique.
La croissance est vive de 0 à 5 ans et douce de 5 à 10 ans et la puberté est une période de virage dangereux (de 11 à 13 ans chez la fille et de 13 à 15 ans chez le garçon, compte tenu que la poussée de croissance est de 1 cm par mois, avec 2/3 pour le rachis et 1/3 pour les membres inférieurs).
De 13 à 15 ans chez les filles et de 15 à 17 ans chez le garçon, la croissance portera exclusivement sur le rachis et sera de l’ordre de 5 à 6 cm.
La croissance de l’enfant scoliotique
La croissance va servir de guide pour le port du corset, la scoliose étant un rapport de force entre la croissance déjà faite et la croissance à venir qui s’évalue à partir :
- de la taille debout et assis.
- du suivi des caractères sexuels secondaires (la puberté démarrant chez la fille dès l'apparition des 1ers poils pubiens et du gonflement des mamelons et par l’augmentation de la taille des testicules chez le garçon)
- de l'âge osseux pris à la main et au coude et par le test de Risser sur la crête iliaque.
Le test de Risser sur un cliché radiographique du bassin de face
Risser 0 = 2/3 de la puberté)
Risser 1 = 2ème phase de la puberté avec décélération à 13 ans chez la fille et 15 ans chez le garçon.
Risser 2 = 14 ans d'âge osseux chez la fille et 16 ans chez le garçon.
Risser 3 = il reste 1 an de croissance.
Risser 4 = l' âge osseux est de 15 ans pour la fille et de 17 ans pour le garçon.
A bien retenir:
- si l'angle de scoliose est de 30° à 11 ans, il y a 90% de risque d’aggravation.
- s’il est de 30° à 14 ans, le risque d'aggravation est de 30%.
En même temps, il faut surveiller la croissance du périmètre thoracique qui s'accroît de 23 cm entre 10 et 18 ans et de 50% en volume.
Evaluation clinique à renouveler périodiquement
L’évaluation clinique d’une scoliose est parfaitement codifiée sur un sujet en slip et torse nu. La voici en résumé:
L'équilibre du bassin s’apprécie debout
- l’équilibre arrière par la ligne des 2 épaules, de la pointe des omoplates, de la taille, de la ligne bi-iliaque et celle reliant les fossettes de Michaléis qui apprécie la nutation du bassin.
- l’équilibre avant par la ligne reliant les 2 épines iliaques antéro-supérieures (EIAS).
- l‘axe occipito/sacré en frontal et l'axe tragus/acromion/trochanter en sagittal.
L’examen dynamique rachidien s’effectue
Penché en avant:
- appréciation de la gibbosité scoliotique sur la convexité, sa hauteur, et la zone anatomique en cause (scoliose simple sur 1 courbure rachidienne ou double sur 2 courbures).
Couché:
- appréciation de la souplesse des quadriceps à la distance talon-fesse; des ischio-jambiers (IJ) avec l'angle poplité; de la force des lombaires (test de Sorensen) et des abdominaux (test de Schirado-Hito).
Un examen neurologique et cutané
Il est indispensable pour le diagnostic différentiel avec les scolioses non idiopathiques congénitales (10%), neurologiques (5%) et autres 10%.
Les bilans para-cliniques complètent le bilan clinique
- bilan posturométrique à la recherche d’ un trouble postural.
- bilan d’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) à la recherche d'un syndrome restrictif à la spirométrie, dans le cas des scolioses doubles majeures thoraco-lombaires évolutives.
Evaluation radiologique
Les clichés traditionnels qui prennent la totalité de la colonne de face jusqu'au bassin
- mesurent l'angle de Cobb entre les vertèbres supérieure et inférieure les plus inclinées sur l’horizontale.
- apprécient la rotation vertébrale (en 4 grades) qui correspond au déplacement de l’apophyse épineuse de la vertèbre sommet par rapport au pédicule vertébral et au bord latéral du corps de cette vertèbre, du côté concave de la courbure.
Scolioses mineures et majeures
Par rapport à une colonne vertébrale normale, une scoliose mineure est une scoliose comprise entre 10 et 25° d’angulation; une scoliose majeure va au delà de 25° et une scoliose grave ou chirurgicale à partir de 60°.
Les facteurs de bon pronostic
- les scolioses tardives de l'adolescence proche de la maturité osseuse.
- les scolioses lombaires avec compensation du déséquilibre du bassin du côté de la concavité qui réduit la gibbosité avec 1 axe frontal qui s’équilibre et une lordose marquée.
Les facteurs de mauvais pronostic
- les scolioses juvéniles avec dos plat, gibbosité et rotation vertébrale importantes, angle de Cobb supérieur à 20°.
- les doubles majeures, double courbure cervico-thoracique et surtout thoraco-lombaire, par rapport à une courbure simple, lombaire ou thoracique (les plus nombreuses, avec 25% du total des scolioses idiopathiques).
La prise en charge thérapeutique est un contrat passé avec l’enfant scoliotique et sa famille
Le traitement de la scoliose s’inscrit dans la durée et une sorte de contrat avec l'enfant surtout et son entourage est nécessaire. Les objectifs seront de prévenir l’aggravation de la déformation ou qu’elle soit la plus modérée possible en fin de croissance et de prévenir le retentissement fonctionnel de la déviation.
Afin de tenir ces objectifs l'éducation thérapeutique est fondamentale. Elle comprend l’apprentissage et l’évaluation des connaissances sur la maladie, la compréhension de l’affection et des symptômes présents et futurs, l’information sur les stratégies thérapeutiques, l’évolution des thérapeutiques et leurs effets indésirables.
Comme le mode de vie de l'enfant va changer, il va falloir fournir à cet enfant des conseils hygiéno-diététiques (lutte contre un excès de poids ou un risque de dénutrition, prévention de l’ostéoporose, régime adapté au corset).
La pratique d’activités physiques ou sportives doit être favorisé. La dispense de sport est rarement justifiée. Sauf cas particuliers, une scoliose d’angulation modérée n’aura pas d’incidence sur l'aptitude scolaire et professionnelle.
La prise en charge orthopédique par corsets ou plâtres (avec le Dr BIOT et l'équipe soignante des Massues de Lyon)
L’objectif du traitement orthopédique est d’amener la scoliose en fin de croissance à une angulation qui ne sera pas supérieure à l’angulation initiale.
Son principe est d’exercer des forces mécaniques de correction réduisant les déformations durant la croissance du rachis, dans le but d'améliorer ou au moins de contrôler le processus d’aggravation.
Les indications sont les scolioses > 20° dont l’évolutivité est documentée ou les scolioses de plus de 30° sans preuves évolutives. Elles seront modulées en fonction de leur topographie, de l’importance de l’angulation, de leur caractère réductible, de l’âge et du stade de maturation osseuse.
Le choix des différents types de corsets plâtrés ou plastiques est fonction de l’expérience du thérapeute et de l’équipe soignante.
La stratégie est déterminée au cas par cas et adaptée à l’évolution de la scoliose en tenant compte en particulier de la coopération du jeune patient.
Une information aussi complète que possible sur l’objectif, la durée du traitement et le rythme journalier contribue à une meilleure observance. L’efficacité du corset sera régulièrement vérifiée par l’imagerie radiologique.
Les différents types de corset
- le corset plâtré a été réalisé en 1877 par Sayre, puis repris dans tous les protocoles, jusqu’à ce que les progrès de la chirurgie le rendent moins impératif dans le traitement orthopédique conservateur. Il est basé sur un principe d'élongation-dérotation-déflexion de la colonne vertébrale.
Son but est de réduire l’importance de l’angulation scoliotique et s'effectue par la mise en place de 1 ou 2 plâtres successifs pendant quelques semaines. Il est suivi par la mise en place d’un corset de Milwaukee ou Lyonnais.
- le corset Lyonnais a été inventé en 1949 par Stagnara et réalisé à partir de 2 hémi-coques pelviennes reliées entre elles par 2 mâts constituant l'ossature générale où seront placées les mains réductrices à charnières qui vont agir en dérotation et en poussée postérieure pour corriger les gibbosités et l'appui sous-axillaire. Le traitement orthopédique conservateur lyonnais associe un temps de réduction par 1 ou plusieurs corsets plâtrés, puis 1 contention par orthèse réglable en période de croissance pubertaire et 1 rééducation spécifique. Le corset Lyonnais peut être enlevé sans limitation de durée, pour la pratique d’un sport adapté.
- le corset de Milwaukee a été mis au point par Blount dans les années 50 et a largement fait ses preuves. Il doit surtout être employé en période de croissance vertébrale importante, c'est-à-dire jusqu’à 5 ans et au moment de la croissance pubertaire, suivant le type de scoliose, infantile, juvénile, de l’adolescent. Il a l'avantage d'être assez facilement adaptable et réglable, mais a l'inconvénient de posséder un collier cervical et donc une partie visible qui peut limiter la tolérance et l'acceptation. Le corset de Milwaukee n'est placé parfois que la nuit dans les scolioses évolutives qui restent de l'ordre de 20° à 25° d’angulation. Dans les scolioses > 30°, un corset de réduction plâtré précède la mise en place d’un corset de Milwaukee.
La prise en charge chirurgicale (avec les équipes de chirurgie orthopédique infantile des Pr Gérard Bollini, Marseille; du Dr Jean-Luc Clément, Nice; du Dr Michel Guillaumat, Paris)
Il est difficile dans la chirurgie des scolioses de ne pas évoquer les grands pionniers que furent les Prs Yves Cotrel et Jean Dubousset.
Le traitement chirurgical est réservé aux échecs du traitement orthopédique et aux scolioses qui continuent à évoluer. Il va permettre d’offrir aux patients une meilleure qualité de vie.
Son objectif est de réduire et de fixer la déformation dans les trois plans de l’espace.
Son principe est de corriger, à l’aide d’une instrumentation, et de maintenir dans le temps cette correction par une greffe osseuse pour une fusion solide.
Les techniques chirurgicales (double-abord, chirurgie mini-invasive, ostéotomies, longs montages) doivent être adaptées à chaque patient. Une thoracoplastie (ablation chirurgicale de côtes) est parfois associée pour parfaire le résultat esthétique.
Les indications sont posées au cas par cas et en fonction de l’histoire de chaque scoliose et les techniques opératoires seront choisies en fonction des localisations, mais aussi de l’expérience des équipes chirurgicales.
Un bilan d’imagerie rachidienne récent est habituellement prescrit pour analyser la réductibilité des courbures.
Des examens complémentaires en pré-chirurgical peuvent être nécessaires:
- potentiels évoqués médullaires qui visent à détecter et à localiser des dysfonctionnements des voies sensorielles et motrices, en cas de complication neurologique.
- exploration fonctionnelle respiratoire, en cas de localisation thoracique.
Certaines scolioses avec angles de courbure très importants peuvent nécessiter une préparation particulière (discectomies, ostéotomies, tractions, etc.) pour limiter les risques de complications dans cette chirurgie complexe.
Des scolioses avec angulation sévère chez le petit enfant peuvent nécessiter une chirurgie précoce.
La Kinésithérapie
Elle est habituellement prescrite en association au traitement orthopédique et chirurgical et adaptée au cas par cas. Prescrite isolément elle n’a pas fait la preuve de son efficacité sur l’évolution des courbures.
Elle a pour but d’entretenir les amplitudes articulaires vertébrales et costo-vertébrales, de renforcer les muscles érecteurs du rachis, d’entretenir la fonction respiratoire, de travailler la statique vertébrale.
La continuité des soins à tout âge est un objectif primordial, la fin de la croissance osseuse ne signifiant pas la fin du problème.
Activités sportives dans la maladie de Scheuermann et les scolioses
Les 2 pathologies précitées présentent à peu près les mêmes problématiques face aux activités sportives.
Les activités à privilégier
Les bienfaits de la méthode de renforcement de la musculature profonde comme le gainage abdomino-lombaire et la méthode Pilates sont évidents.
Sont excellents aussi, l’escalade, sport complet qui sollicite l’ensemble du corps en développant aussi bien la force que la souplesse, la natation bien que ne favorisant pas beaucoup la densité osseuse et mieux encore la natation synchronisée qui travaille la perception verticale du corps et enfin l’équitation, la posture du dos du cavalier étant très ergonomique (le risque est la chute, qu’il faut éviter à tout prix avec un cheval docile).
Quant aux sports de raquette, bien qu’asymétriques, ils n’agissent pas négativement s’ils sont pratiqués modérément.
Prudence
Avec les exercices d'hyperextension du tronc en général, et surtout ceux exécutés avec une grande amplitude qui entretiennent l'hyperlaxité et le dos creux et ne favorisent pas assez le renforcement musculaire, il faut se montrer prudent car ils peuvent aggraver la scoliose. C’est le cas de la gymnastique (artistique, rythmique) ou de la danse classique, surtout lorsqu’elles sont pratiquées plus de 10h par semaine.
Déconseillés à cause des contraintes en pression axiale et de torsion comme en haltérophilie, athlétisme (sauts, lancers de poids ou de javelot plus que de disque et de marteau), certains sports collectifs comme le rugby et le hand-ball, la musculation avec port de charge au-dessus des épaules.
Toutefois les meilleurs sports restent ceux que l’enfant et l’adolescent aiment.
7- Le canal lombaire rétréci du vieux Lanceur
Dans un certain nombre de cas, après la cinquantaine et même avant chez le vieux lanceur, les lombalgies peuvent être aussi liées à une sténose acquise du canal rachidien (troisième cause en fréquence), surtout si celle-ci est précédée par un canal lombaire constitutionnellement étroit (double peine) sur pédicules vertébraux naturellement courts qui rétrécissent le diamètre du canal. Le canal lombaire est considéré comme rétréci si les diamètres au scanner sont inférieurs à 13 mm en antéro-postérieur et à 15 mm en transversal. Ce rétrécissement acquis est en rapport avec une dégénérescence des éléments antérieurs de voisinage du canal vertébral: disque inter-vertébral, ligament longitudinal postérieur et ligament jaune et des éléments postérieurs, les articulations vertébrales postérieures.
En l'état actuel de nos connaissances et au crible de la médecine par les preuves, il est préférable de traiter médicament le syndrome canalaire et de réserver la chirurgie d'élargissement du canal par section des lames vertébrales (laminectomie) à des cas d'évolution éminemment défavorable.
Clinique
Cette lombalgie d'origine canalaire n'est pas cliniquement univoque. Elle peut même être, dans un nombre non négligeable de cas, longtemps muette. Mais une fois présentes, les lombalgies d'origine canalaire s'accompagnent volontiers de radiculalgies sciatique et/ou crurale, de paresthésies (sensation de picotements, d’engourdissements, de décharges électriques ou de fourmillements) ou de dysesthésies (altération de la sensibilité), de faiblesse des membres inférieurs, d'un retentissement sur la marche à type de pseudo-claudication avec réduction du périmètre de marche (la vraie claudication étant, elle, d'origine vasculaire artérielle) et quelquefois d'un syndrome de la queue de cheval avec troubles sphinctériens par spondylolisthésis dynamique (glissement vertébral fonctionnel qui réduit le diamètre du canal et en fait une vraie urgence chirurgicale).
Une des caractéristiques cliniques de la sténose canalaire est d'être particulièrement prégnante en position debout, de s'accentuer à la marche jusqu'à réduire drastiquement le périmètre de marche nous l’avons déjà évoqué, mais aussi d'être atténuée par les positions du patient légèrement penché en avant (signe du caddie de supermarché) ou couché en chien de fusil, positions qui placent le bas du dos en hypercyphose et agrandissent naturellement le diamètre du canal rachidien.
L’imagerie
- La radiographie du rachis lombaire (de face, de profil et dynamique)
Elle visualise parfaitement le rétrécissement et son niveau (.
- Le scanner
En complément du bilan radiographique, le scanner est un excellent examen complémentaire. Il permet de visualiser le diamètre du canal lombaire rétréci, la compression d’une ou de plusieurs racines en cas de radiculalgie et de faire le bilan complet des disques, des articulaires postérieures et des ligaments.
- L’IRM
En cas de doute persistant, une IRM sera systématiquement prescrite, surtout si une intervention chirurgicale est prévue.
Sur 1 IRM du rachis lombaire avec séquence myélographique: il y a 1 aspect typique en «collier de perle» correspondant à une compression étagée du cordon médullaire.
Le traitement médical de 1ère intention
Excepté en cas de complications neurologiques (5 à 10% des cas), le traitement médical est systématique en première intention: antalgiques de niveau 1 (paracétamol) ou de niveau 2 (paracétamol+codéïne) et si possible jamais de niveau 3 (morphiniques); anti-inflammatoires (AINS), rééducation fonctionnelle, voire port d’un corset lombaire, infiltrations épidurales ou foraminales sous imagerie. Ce traitement médical de 1ère intention peut suffire à stabiliser les douleurs pendant de nombreuses années.
Malgré tout il n’existe pas de facteurs permettant de connaître l’évolutivité des douleurs (évolution fréquente par poussées douloureuses de durée variable) et il s’avèrera inefficace en cas de sténose canalaire sévère, de glissement vertébral important, ou de symptomatologie à type de claudication neurogène majeure avec périmètre de marche de quelques mètres.
Evolution naturelle d'une sténose lombaire
Elle se fait en quelques semaines, mois ou années, vers l’aggravation des douleurs, des paresthésies, de la claudication neurogène; cette dernière évoluant vers un déficit moteur et/ou sensitif ou vers 1 syndrome de la queue de cheval.
Le traitement chirurgical doit rester une exception
Il consistera à élargir le diamètre du canal médullaire par une laminectomie (section des 2 lames de la vertèbre). Nos confrères chirurgiens du rachis de l'institut parisien du dos recommandent d’opérer:
- en urgence en cas de déficit moteur, sensitif et/ou de syndrome de la queue de cheval
- en cas de sévérité des signes cliniques (claudication neurogène sévère avec périmètre de marche de quelques mètres seulement)
- en cas de demande du patient ne supportant plus ses douleurs, malgré un traitement médical bien conduit.
Toutefois, par rapport au traitement médical conservateur, aucune étude, selon les revues Cochrane (revues qui sont mondialement reconnues comme fournissant les preuves du plus haut niveau en matière de soins de santé et fondées sur des données probantes), ne recommande le traitement chirurgical dans la prise en charge du canal lombaire rétréci, sauf en cas d’évolution défavorable de la symptomatologie clinique, malgré un traitement médical conservateur de qualité.
8- Lombalgies et médecine manuelle
Le traitement des lombalgies mécaniques du lanceur ne saurait se résumer aux seules manipulations vertébrales, même si elles représentent le côté le plus spectaculaire de la médecine manuelle.
Les massages (avec le groupe d’études des thérapeutiques manuelles (GETM) d’Eric de Winter avec lequel j’ai enseigné pendant 10 années).
Le massage manuel est un des actes orthopédiques fondamentaux du masseur-kinésithérapeute, auxiliaire numéro 1 des médecins de terrain et de médecine manuelle. Dès lors, rappeler quelques données fondamentales peut s’avérer utile, les massages étant des manoeuvres manuelles ou mécaniques (avec appareils) à visée de mobilisation des segments corporels.
Principes d’un massage
Un massage est une manoeuvre orthopédique effectuée sur un sujet en confiance, en relâchement musculaire maximal et dans 1 environnement chaud. Un examen clinique préalable aura éliminé les contre-indications.
Le massage débute par des manoeuvres générales de détente, puis par des manoeuvres locales et doit toujours être progressif, non douloureux, dosé et adapté.
Manoeuvres de massages lombaires fondamentales:
- les pressions ont un effet antalgique et circulatoire: effleurage ou glissé superficiel, glissé profond, pressions locales.
- les pétrissages superficiels libèrent les adhérences profondes (principalement les cellulalgies) par du pincé-roulé et du pli-cassé.
- les pétrissages profonds ont un effet sédatif ou vivifiant suivant la vigueur du massage.
Dans les lombalgies, ces manoeuvres consisteront surtout à pétrir les muscles de la fosse iliaque externe.
- les étirement des masses musculaires ont des effets sédatifs et décontracturants puissants. Ils s’effectuent dans le sens longitudinal avec le bord cubital des 2 mains ou dans le sens transversal en agrippant les lombes en masse avec la pulpe des 4 derniers doigts, en les étirant lentement, en les maintenant étirées quelques secondes, puis en les relâchant.
Les mobilisations lombaires
Les mobilisations viennent compléter l’effet thérapeutique des massages et peuvent, à elles seules, faire céder beaucoup de lombalgies. Elles constituent parfois le seul recours thérapeutique quand les manipulations vertébrales sont techniquement contre-indiquées.
Une mobilisation est 1 manoeuvre orthopédique en 3 temps
- 1er temps: mise en position correcte du lanceur(se).
- 2ème temps: mise en tension par le thérapeute qui imprime au segment qu’il mobilise un mouvement passif jusqu’à sa limite physiologique et le maintient plusieurs secondes.
- 3ème temps: relâchement à partir de la mise en tension, puis le thérapeute revient à la position de départ.
Sujet allongé
Il existe 4 types de de mobilisations lombaires:
- en flexion lombaire, lanceur sur le dos, le thérapeute mobilise un ou les 2 genoux en direction des épaules, obtenant ainsi une hyperflexion lombaire.
- en flexion et rotation, le genou fléchi est poussé par le thérapeute vers l’épaule opposée, en exagérant progressivement la rotation.
- en inflexion et en extension lombaire.
Sujet à cheval en bout de table
Le thérapeute demande d’abord au lanceur de croiser les bras; puis se place perpendiculairement à lui; ensuite il cravate d’une main son épaule opposée, l’autre main placée sur sa région lombaire assistant ou contrariant la mobilisation; enfin la main mobilisatrice du thérapeute fait effectuer au rachis lombaire une rotation.
Les manipulations vertébrales lombaires
Les manipulations vertébrales sont probablement aussi vieilles que l’humanité. Elles étaient déjà connues des Egyptiens, des Chinois, des Arabes. Hippocrate lui même les jugeaient intéressantes. Depuis les années 60, grâce au Dr Robert Maigne, elles sont parfaitement codifiées et ont fait l’objet de nombreuses publications et d’un enseignement universitaire diplômant.
Définition d’une manipulation vertébrale
Une manipulation vertébrale est un mouvement forcé, bref, sec, unique et exécuté à partir d’une position de mise en tension sur 1 segment vertébral.
Ce mouvement forcé va porter le segment à manipuler jusqu’à ses limites physiologiques, mais sans dépasser un certain seuil. Ce mouvement forcé correspond à une variation isométrique qui est une variation de tension et non de longueur (qui correspondrait alors à une luxation).
————— mouvement volontaire
—————— mouvement passif ou mobilisation
——————- manipulation
——————— luxation
La variation isométrique qui correspond à l’acte manipulatif s’accompagne souvent mais pas toujours d’un bruit de craquement et doit impérativement obéir à la règle de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne (elle doit être exécutée dans le sens inverse de la douleur).
Les 3 temps de l’acte manipulatif
- positionnement du patient (mise en position correcte)
- mise en tension du segment à manipuler et maintien de cette tension
- manipulation proprement dite.
Les 3 types de manipulations vertébrales
Une manipulation vertébrale a une identité précise et, suivant le niveau des points d’appui, il existe 3 variétés de techniques manipulatives:
- les manoeuvres directes ou immédiates
Elles ont les points d'appui de part et d'autre du joint à manipuler et s’exécutent par pression directe avec le talon de la main ou le pisciforme. Apparemment faciles, elles sont en réalité très difficiles à bien maîtriser et d'indications restreintes parce que puissantes et très peu contrôlables.
- les manoeuvres indirectes ou médiates
Elles utilisent des bras de levier naturels: tête, bras, bassin, jambes et des points d'appui éloignés du joint à manipuler.
- les manoeuvres semi-indirectes ou semi-médiates
Elles sont d’une grande précision. Elles utilisent d'un côté un appui éloigné et de l'autre un appui immédiat proche du joint en dysfonction.
L’éxagération de la tension locale sur l'appui immédiat définira une manoeuvre assistée (tout comme pour les mobilisations à cheval en bout de table). La pulsion manipulative sur le point d'appui à distance, avec contre-appui local pour contrecarrer le jeu physiologique en fera une manoeuvre contrariée.
Le protocole opératoire d’une manipulation vertébrale
C'est le diagnostic par l’examen segmentaire du rachis d’un dérangement inter-vertébral mineur (DIM) réversible, qui va conduire à la décision d'emploi d'1 manipulation.
Pour l’opérateur, le protocole opératoire consistera à placer le patient, se placer, puis se déplacer. Le choix par le thérapeute de la manoeuvre qui va inverser la dysfonction sera celui d'une technique qu’il effectuera, pour une plus grande sécurité, dans le paramètre de moindre amplitude (PMA) du joint à manipuler (rappelons que le PMA en lombaire = la rotation).
Technique opératoire fondamentale (GETM)
- préparation du sujet par massages et mobilisations (indispensables).
- positionnement du sujet et de l'opérateur (placer et se placer).
- recrutement dit «coordonné» qui respecte la physiologie vertébrale (sans dissociation des paramètres de rotation et d'inflexion latérale qui doivent être de même sens).
- inversion des paramètres sagittaux (flexion et extension), de rotation et d’inflexion de part et d'autre du joint à traiter, de manière à créer un couple de force optimal, pour une meilleure tolérance et efficience opératoire.
- vérification par le thérapeute qu’il est au bon niveau (celui du joint à traiter).
- mise en tension par exagération d'un des points d'appui dits de «contrôle», l'autre restant fixe (la manipulation n’est pas le fait de 2 actions contraires et la mise en tension va épuiser tous les paramètres de mobilité du joint à manipuler).
- la pulsion se fait dans une direction inverse de la douleur et du secteur d'amplitude limité. Elle ne sera pas un mouvement lancé, mais une simple variation isométrique avec augmentation de tension. Elle sera suivie d’une vérification post-opératoire et d’un accompagnement post-manipulation.
Conceptualisation d’une manipulation vertébrale ou articulaire (GETM)
Nous avons vu que l'appareil locomoteur forme un ensemble + ou - interdépendant de complexes articulaires en chaîne, concourant à une même fonction (et pour faire simple à la locomotion). Chaque maillon de cette chaîne peut être assimilable à ce qu'arbitrairement Eric de Winter a dénommé complexe cinétique structurel (CSS).
Chaque CSS est composé de structures passives ostéo-ligamentaires, actives musculaires et de régulation neuro-hormonales et présente au repos un certain état de tension (on dit que ce CSS est auto-régulé).
Si une contrainte interne ou externe est appliquée sur ce CSS, il va alors se déformer et acquérir un autre niveau de régulation avec retour à l'état initial dès que la contrainte a cessé. C’est l’absence de retour à l'état initial qui est synonyme d’une dysfonction persistante et sa traduction clinique sera fonction de l’intensité de la contrainte initiale:
- au niveau des structures passives, la dysfonction douloureuse ou lésionnelle sera mise en évidence par l'examen segmentaire du rachis, complété au moindre doute par un bilan d’imagerie et éventuellement biologique.
- au niveau des structures actives, le dérangement musculaire au niveau para-vertébral va correspondre à la contracture locale du muscle transversaire- épineux qui va rendre pérenne la dysfonction, se palper directement en para-rachidien et en rachidien de manière indirecte par le palper cinétique fin (en rapport avec un trouble du mouvement segmentaire dans un des 4 secteurs d’amplitude du segment inter-vertébral en dysfonction: flexion, extension, rotation, inflexion latérale). Cette contracture para-vertébrale est d'origine posturale gamma: le moto-neurone gamma reçoit une information sensorielle du fuseau neuro-musculaire, la lui renvoie et ce dernier va se contracter (réflexe myotatique direct qui va activer le circuit médullaire court mono-synaptique alpha et déclencher la contracture musculaire).
- au niveau des structures de régulation, le dérangement va se traduire par des signes cliniques d’irritation nerveuse sur le territoire d’innervation de la la branche postérieure du nerf rachidien quand elle existe: contracture para-vertébrale et cellulalgies de la peau du dos et sur celui de la branche antérieure avec, suivant la sévérité de l’atteinte nerveuse, soit syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique, soit névralgie radiculaire (sciatique, cruralgie) en cas de souffrance aigüe de la racine nerveuse.
La manipulation vertébrale quand elle est indiquée va inverser la dysfonction:
- la mise en tension va mettre en éveil tous les mécano-récepteurs des articulations postérieures, des muscles para-vertébraux et ceux des muscles et tendons innervés par les branches antérieures des nerfs spinaux: les fuseaux neuro-musculaires (FNM) et les organes tendineux de Golgi (OTG).
- la pulsion manipulative va créer un orage proprioceptif inhibiteur qui va lever de façon réflexe la contracture et effacer les signes neuro-trophiques et leur mise en mémoire.
Les indications des manipulations vertébrales
Ce sont toutes les douleurs aigües ou chroniques d’origine mécanique et qualifiées de mineures par rapport aux pathologies majeures non mécaniques et non réversibles qu’il faut éliminer par la clinique, l’imagerie et la biologie. L’acte manipulatif est l’aboutissement naturel d’une démarche rigoureuse et bien des fois le traitement de choix des dysfonctions vertébrales mineures; il ne doit jamais être un acte thérapeutique isolé mais faire partie d’une prise en charge médicale plurielle (traitements par médicaments, kinésithérapie, etc); le principe étant qu’il est préférable de ne pas manipuler que de mal manipuler. Il existe tellement de pièges cliniques en pathologie vertébrale et de particularités anatomiques préalablement détaillées en rapport avec l’innervation du rachis cervical et lombaire que, devant une douleur d’origine vertébrale d’apparence banale, aucun thérapeute du rachis ne doit jamais penser qu’elle est a priori d’origine mécanique mineure et relèverait systématiquement d’un traitement par manipulations vertébrales (avec la loi Kouchner, elles ne sont plus l’apanage des seuls médecins ostéopathes; kinésithérapeutes et ostéopathes exclusifs non médecins et non kinés étant aussi autorisés, depuis 2002, à manipuler).
Dans le même ordre d’idée, les manipulations vertébrales ne peuvent être du ressort que de thérapeutes bien formés, expérimentés et avec un excellent niveau médical afin de ne pas faire d’erreurs diagnostiques: des tumeurs, des affections médullaires et rachidiennes, des maladies viscérales étant parfois susceptibles de se présenter à leurs débuts sous le masque faussement rassurant d’une dysfonction vertébrale douloureuse. C’est peu dire que tout thérapeute du rachis doit être systématique dans sa démarche clinique, faire un examen orthopédique complet et pouvoir disposer, quand c’est nécessaire, d’une imagerie avec au moins des radiographies (tout en se méfiant des mauvais clichés apportant une fausse sécurité, la clinique devant toujours avoir le dernier mot) et d’une biologie a minima (VS, CRP).
Enfin rappelons en dernier lieu que l’acte manipulatif doit toujours obéir à la règle de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne et respecter le schéma en étoile d’Yvon Lesage (pour manipuler en toute sécurité, 3 directions ou au moins 2 doivent être libres et attention à ne pas transformer, par une manoeuvre intempestive, une simple lombalgie en lombosciatique ou pire en une sciatique paralysante ou hyperalgique).
Les contre-indications des manipulations vertébrales
Elles sont à la fois techniques (0 ou 1 seule direction libre, limitation technique du thérapeute) et cliniques (les affections malformatives, tumorales, inflammatoires, infectieuses du rachis et de la moelle, les fractures vertébrales, l’ostéoporose).
Les techniques lombaires
Les techniques lombaires sont nombreuses (se rapporter aux ouvrages de Robert Maigne et de nombreux autres confrères). Elles se font en dérotation pure ou associée à 1 flexion ou à 1 extension (la rotation = le paramètre de moindre amplitude en lombaire et le préfixe dé = défaire la limitation fonctionnelle du joint en dysfonction).
Le positionnement du sujet est variable: assis à cheval, en décubitus latéral ou en décubitus ventral.
Les indications des techniques lombaires
Même s’il a fait la réputation des manipulations vertébrales et des thérapeutes qui les pratiquent, le lumbago discal ou articulaire postérieur n’est pas la meilleure des indications en cas de blocage de toutes les directions. Les lombalgies subaigües et chroniques sur DIM de Robert Maigne et leurs signes trophiques d’accompagnement (le SCTPM) répondent bien aux différentes techniques lombaires.
Prévention de la pathologie lombaire
Gainage en isométrie. Renforcement des spinaux, grand dorsal, carré des lombes et fascia thoraco-lombaire. Jamais de crunch en flexion du tronc.
III- L’épaule du Lanceur
Anatomie et biomécanique
L'aptitude à lancer loin est d'origine phylogénétique, progressivement acquise au cours du développement de l’espèce humaine et rendue possible grâce à l'extraordinaire souplesse des structures gléno-humérales de l'épaule qui a cette qualité biomécanique spécifique de pouvoir étirer son plan antérieur. Elle est dotée d’une capsule lâche et parsemée de solutions de continuité propice aux luxations antérieures, et d’éléments trop faiblement stabilisateurs pour faire face aux contraintes dans les lancers: les muscles de la coiffe des rotateurs, le hauban antérieur du tendon du long biceps et le ligament gléno-huméral inférieur. Dès lors chez les lanceurs de haut niveau, la propension aux accidents d’instabilité antérieure sur lésions de Bankart seront monnaie courante et à la base de toutes les pathologies micro (tendinopathies) et macro-traumatiques (luxations).
Sur le plan osseux, l'épaule est composée de 3 os
1- La tête humérale avec ses 2 tubérosités, trochiter sur sa face externe et trochin sur sa face interne. Le tendon du long biceps y chemine dans sa gouttière bicipitale située entre les 2 tubérosités. Le ligament gléno-huméral inférieur renforce sa capsule antéro-inférieure, forme avec le ligament coraco-huméral une sorte de pilier interne au niveau de la partie supérieure et interne de la coulisse bicipitale s'opposant à la luxation interne du tendon du long biceps, et assure une certaine stabilité à l’épaule antérieure.
2- L’omoplate avec sa glène et son bourrelet glénoïdien est articulaire avec la tête humérale. Son acromion présente sur son bord externe un bec acromial très acéré (facteur favorisant un conflit antéro-supérieur d’épaule) et son apophysaire coracoïde est le lieu d'insertion des tendons du coraco-brachial, de la courte portion du biceps brachial et du petit pectoral.
3- La clavicule s’articule par son bord externe avec l'acromion de l'omoplate (articulation acromio-claviculaire) et par son bord interne avec le sternum et la 1ère côte (articulation sterno-costo-claviculaire). Son quart externe peut être sujet, chez les lanceurs, à des troubles de la vascularisation.
Sur le plan musculaire
1- La chape musculaire des muscles de la coiffe des rotateurs (muscles supra et infra-épineux, sous-scapulaire, tendon du long biceps) s'oppose à la force ascensionnelle du puissant muscle deltoïde et stabilise la tête humérale, lorsque ses tendons sont sains, en la maintenant en permanence en face de la glène de l’omoplate.
2- L’action conjuguée des muscles grand-dentelés, rhomboïdes et trapèzes moyen et inférieur (fixateurs) stabilise la glène de l’omoplate.
3- Les muscles antérieurs sont représentés par le grand et le petit pectoral, le sous-scapulaire, le court et le long biceps, le coraco-biceps et le très volumineux et puissant deltoïde dont la force ascensionnelle, en cas de défaillance des muscles de la coiffe, va prendre le dessus et attirer vers le haut les tendons de la coiffe qui vont venir s'abîmer contre les structures dures ligamentaires et osseuses du plafond de l’épaule: le ligament acromio-coracoïdien, le bec osseux acromial et la face inférieure de l'articulation acromio-claviculaire.
4- Les muscles postérieurs sont très développés chez les lanceurs: trapèze, deltoïde postérieur, supra et infra-épineux, petit et grand rond, rhomboïdes, angulaire de l’omoplate, triceps brachial.
Le secret de l'efficacité de l'épaule dans les lancers
Le paradoxe de l’épaule est de permettre des degrés extrêmes de rotation externe d’épaule, grâce à la laxité capsulaire, tout en maintenant un équilibre et un centrage dynamique de la tête humérale et c’est une gageure de la part d'un complexe articulaire très peu congruent au niveau de sa composante scapulo-humérale. Cette efficacité du complexe de l'épaule est rendue possible grâce à la synchronisation parfaite de ses deux composantes scapulo-humérale et scapulo-thoracique.
1- La scapulo-humérale (SH)
Elle comprend l'articulation gléno-humérale et sa bourse de glissement sous-deltoïdienne. Son rôle, par l'intermédiaire des muscles de la coiffe des rotateurs et du tendon du long biceps, est celui d'un ligament actif qui, en maintenant un centrage dynamique permanent dans les 3 plans de l’espace de la tête humérale contre la glène de l’omoplate, assure à la fois force propulsive et protection des structures passives (François Bonnel).
2 - La scapulo-thoracique (ST)
Elle comprend les deux articulations acromio-claviculaire, sterno-costo-claviculaire et la bourse de glissement omo-thoracique. Son importance fonctionnelle est majeure. Elle autorise, lors du mouvement d'élévation du bras, un mouvement de sonnette (bascule) de l'omoplate de 60°, qui doit être maintenu libre en toutes occasions pour ne pas être faussé.
Toute altération du positionnement et de la mobilité de l'omoplate (dyskinésie) est source de perte de flexibilité, de fatigue et de déséquilibre musculaire, qui auront des conséquences délétères sur la qualité du geste technique des lanceurs.
Cette synchronisation entre les deux composantes fonctionnelles de l’épaule, qui stabilise la glène dans les 3 plans de l'espace et positionne correctement l'omoplate lors de son mouvement de bascule, va permettre lors du mouvement de lancer, un transfert harmonieux des forces en provenance du tronc vers le membre supérieur. Avec la coiffe des rotateurs surtout et le tendon du long biceps, la scapulo-thoracique apparaît donc comme un élément essentiel de la chaîne cinétique de l’épaule du lanceur et doit être considérée comme la véritable plateforme d’insertion des muscles qui contrôlent la mobilité et l’équilibre de l’articulation gléno-humérale.
En résumé
Ainsi profilée pour produire un maximum de puissance, l'épaule se comporte biomécaniquement comme une fronde qui emmagasine de l'énergie et, au moment de l’armé du bras, la stocke au niveau de ses tendons et ligaments. Cela lui permet ensuite d’accélérer le bras propulseur vers l’avant et de générer un mouvement coordonné et précis, ultra-rapide et efficient, afin de catapulter l’engin le plus loin possible et selon une trajectoire idoine.
Les pathologies de l'épaule des lanceurs
Lorsqu'on examine l'épaule dominante des lanceurs, elle présente des modifications dites adaptatives: hypertrophie musculaire généralisée, hypotrophie des muscles rotateurs externes, hyperlaxité de sa partie antérieure et inférieure, rétraction de sa partie postérieure, excès de rotation externe de plus de 9° et déficit de rotation interne de 15° en moyenne (Philippe Valenti).
Les muscles rotateurs internes et externes de l’épaule étant des éléments influençant la performance dans les sports de lancer, il faut considérer les adaptations musculaires induites par la répétition des gestes de lancer comme des facteurs de risques de blessures de l’épaule par déséquilibre musculaire. Testée sur machine isocinétique, la force musculaire des muscles rotateurs internes et externes est considérée comme un moyen technique d'exploration très pertinent. La pratique d'un sport d’armé-lancé augmentant la force des rotateurs internes du côté dominant, tout déséquilibre musculaire doit être pris en considération, dépisté en isocinétisme, pris en compte lors de la préparation physique et au besoin rééduqué (Pascal Edouard).
La problématique au niveau de l'épaule chez les lanceurs va être une équation impossible à résoudre d'une asymétrie de la force musculaire en faveur des muscles rotateurs internes. Elle va induire un important déséquilibre, que les muscles rotateurs externes et le tendon du long biceps ne parviendront pas à solutionner. Cela va laisser les tubérosités de la tête humérale (grande et petite) rentrer en conflit avec les formations ostéo-ligamentaires antéro-supérieures ou antéro-internes de l’épaule, et créer des lésions d'impaction sur les tendons de la coiffe des rotateurs, leurs bourses et le tendon du long biceps, qui peuvent aller jusqu'à la rupture tendineuse chez les lanceurs de javelot, poids et disque et des lésions d'étirement chez les lanceurs de marteau.
1- L’instabilité gléno-humérale antérieure
L’instabilité gléno-humérale antérieure chez les lanceurs est le prix à payer de l’adaptation de l’épaule. Elle correspond à une lésion antéro-inférieure du bourrelet glénoïdien et du ligament gléno-huméral inférieur (lésions de Bankart, lésion primaire chez les lanceurs). En cas d'indication opératoire, c'est cette instabilité antérieure d’épaule que le chirurgien doit corriger.
2- Les conflits d’épaule
Un conflit correspond à une lésion de frottement d'une partie molle, en l'occurence pour l’épaule les tendons de la coiffe des rotateurs, du long biceps et le bourrelet glénoïden, prise en tenaille entre deux surfaces dures, fibreuses ou osseuses.
- Le conflit postéro-supérieur
Généralités
Le conflit postéro-supérieur d’épaule est spécifique du lanceur de javelot. En position d’armé, le bras est en abduction horizontale et rotation externe et dans cette position, il y a contact physiologique entre la face profonde du muscle supra-épineux (inséré sur la surface dure du trochiter), la glène postéro-supérieure de l’omoplate et le bourrelet-glénoïdien.
Au début l’épaule va s’adapter par rétraction progressive de sa capsule postéro-inférieure qui déplace le centre de rotation de la tête humérale vers le haut et vers l’arrière, ce qui va augmenter la rotation externe, améliorer la performance et retarder dans un premier temps le conflit. Cette adaptation va fonctionner jusqu’au moment où elle va être dépassée et le conflit finir par s’installer.
Le diagnostic clinique
Il se résume à 2 manoeuvres: accentuation des douleurs au testing en position d'armé du bras debout et poussée vers l'avant par l'examinateur de la tête humérale (TH) et disparition de ces douleurs en position couchée, par poussée inverse vers l'arrière de la tête humérale = test de relocation de Jobe.
Le diagnostic para-clinique par l’imagerie
Les radiographies vont chercher à mettre en évidence des lésions d'usure (inconstantes) du rebord postérieur de la glène. L’échographie des tendons de la coiffe va rechercher des lésions de tendinopathie du supra-épineux et l’arthro-scanner, des lésions du bourrelet glénoïdien, du cartilage ou de l'os.
Place de l’arthroscopie
En cas de négativité des examens para-cliniques, le recours à une arthroscopie exploratrice est recommandée par la plupart des spécialistes de l’épaule. Elle va mettre en évidence des lésions intra-articulaires de la face profonde du supra-épineux, du bourrelet, de la capsule antérieure et des ligaments gléno-huméraux.
Prise en charge médicale
Quand les lésions sont peu évoluées, la prise en charge est médicale: arrêt temporaire des lancers pendant quelques mois, adaptation du geste technique, kinésithérapie et une ou deux infiltrations intra-articulaires de corticoïdes sous contrôle radiographique.
Prise en charge chirurgicale
Elle s’effectue sous arthroscopie. Ce geste chirurgical a minima, grâce à de petites incisions de 1 cm, n’agresse pas les parties molles et il est à la fois diagnostique et thérapeutique sur les lésions intra-articulaires (bourrelet, coiffe, ligaments). La rééducation post-chirurgie commence à la fin de la 6ème semaine et une reprise sportive est possible entre trois et six mois après l’acte opératoire. Les résultats de la prise en charge chirurgicale sont bons à 90% sur les douleurs.
Rappelons que dès 1985, débridement chirurgical et régularisation des lésions de la face profonde du supra-épineux avaient été proposés par Andrews. Dans sa série 76% avaient pu reprendre leur sport au même niveau, 9% à un niveau inférieur, 15% avaient été incapables de reprendre.
- Le conflit sous-acromial antéro-supérieur
C’est un conflit entre une partie molle, l’insertion du tendon supra-épineux qui va se trouver pris en tenaille lors de l'élévation antérieure du bras, et 2 surfaces dures: le trochiter de la face externe de la tête humérale et soit le bec acromial, soit le ligament acromio-coracoïdien, soit la face inférieure de l'articulation acromio-claviculaire quand elle présente des signes de dégénérescence. Cet affrontement de parties molles contre des formations dures fibreuses ou osseuses va entraîner des lésions de sévérité variable: bursite de la bourse séreuse sous-acromiale, tendino-bursite, tendinopathie simple, rupture partielle ou totale d'un ou de plusieurs tendons de la coiffe (généralement le supra-épineux, muscle starter de l’abduction). Cliniquement ce conflit repose sur les 3 tests suivants:
1- le signe de Neer (impingement sign), placé derrière le patient le médecin élève passivement le bras du sujet en rotation interne. Ce signe est positif lorsqu’il reproduit la douleur vers 80 à 100° d’élévation.
2- le signe de Yocum se recherche la main du patient posée sur l’épaule opposée, bras à 90° d’élévation antérieure. On demande au patient de lever le coude au ciel contre résistance. Le signe est positif si le patient ressent une douleur qu’il reconnaît.
3- le signe de Hawkins: l’examinateur placé devant le patient élève son bras jusqu’à 90° de flexion antérieure stricte, coude fléchi à 90°. Il imprime alors un mouvement de rotation interne à l’épaule en abaissant l’avant-bras. On reproduit ainsi le mouvement des tendons sous le ligament acromio-coracoïdien.
- Le conflit antéro-interne
En fin de geste en adduction horizontale chez les lanceurs de disque, de marteau et de poids, le tendon du muscle sous-scapulaire va se trouver coincé entre le trochin ou petite tubérosité interne de la tête humérale sur laquelle il s’insère et l'apophyse coracoïde de l’omoplate; possibilité également de coincement du tendon du long biceps, anatomiquement très proche.
Ce type de conflit est plus diffus que le précédent. Il est favorisé par une instabilité gléno-humérale antérieure et les tests de Hawkins (commun avec le conflit antéro-interne) et d'adduction horizontale-rotation interne sont positifs (ce dernier est commun avec la pathologie A/C).
3- L’arthropathie acromio-claviculaire (A/C) des lanceurs
C'est une lésion de surcharge de l’A/C de l'épaule. On la rencontre assez souvent dans les lancers à cause des efforts répétés de musculation du train supérieur (séries de développés couchés, développés nuques, épaulés-jetés, etc).
Cliniquement, elle se présente sous la forme de douleurs se projetant sur le trapèze supérieur que des tests cliniques et des radiographies ciblées auront tôt fait de diagnostiquer.
Les signes radiologiques se concentrent exclusivement du côté claviculaire: condensation, géodes, absence d'ostéophytes et d'ascension de la clavicule + un signe radiologique majeur: conservation de l'interligne A/C sans pincement articulaire.
Le traitement d'une arthropathie A/C
Il est médical la plupart du temps. Il est quelquefois chirurgical quand la prise en charge médicale s'avère insuffisante à stabiliser les douleurs et que la pathologie évolue défavorablement (le lanceur ne suivant pas les recommandations médicales de suspendre pendant quelques mois le renforcement musculaire du train supérieur). Il s'agira alors de raboter chirurgicalement le centimètre externe de la clavicule.
Le diagnostic différentiel
1- L’arthrose A/C
Elle affecte les lanceurs plus âgés et peut succéder à l'arthropathie. Les symptômes dans l’arthrose A/C sont bilatéraux. Les signes d'arthrose sur la radiographie: pincement articulaire, ostéophytose, remaniement des deux berges articulaires.
2- L’ostéolyse du quart externe de la clavicule
Cette ostéolyse affecte également les lanceurs. L’hypothèse physiopathologique la plus vraisemblable correspondrait à un trouble de la vascularisation de l’articulation A/C, généré par la répétition de micro-traumatismes engendrés par le port de charges lourdes. Les radiographies montrent une fonte de l'extrémité distale de la clavicule qui s'amincit comme un sucre d’orge, avec élargissement progressif de l'interligne (jusqu'à 3 cm). Pour le diagnostic précoce d’une ostéolyse A/C, l’IRM est très performante. La cicatrisation peut se faire avec restitution ad integrum en 1 année ou plus, avec souvent production d'importantes calcifications péri-claviculaires.
Image gauche: arthrose A/C avec pincement de l’interligne, des ostéophytes et un remaniement des deux berges articulaires. Image droite: ostéolyse du quart externe de la clavicule avec aspect radiologique en sucre d’orge (élargissement de l’interligne qui peut atteindre jusqu’à 3 cm).
Techniques manuelles scapulaires
Articulation profilée pour produire un maximum de puissance, se comportant biomécaniquement comme une fronde qui emmagasine de l'énergie pour la restituer au moment du lâcher du mobile, la ceinture scapulaire, grâce à la synchronisation parfaite de ses deux composantes scapulo-humérale et scapulo-thoracique, va générer dans les lancers un mouvement coordonné et ultra-rapide qui va lui permettre de catapulter poids, disque, marteau et javelot le plus loin possible.
Néanmoins, mise à mal par le geste technique et l’entraînement de force-vitesse, la synchronisation des 2 composantes de l’épaule aura besoin pour bien fonctionner de fluidité au niveau de ses 2 espaces de glissement omo-thoracique et sous-deltoïdien (que lui prodigueront des techniques manuelles de mobilisation de l’espace de glissement omo-thoracique et de décoaptation de la tête humérale).
Rappelons au préalable que les 2 composantes de la ceinture scapulaire ont une action complémentaire permettant tous les mouvements de l’épaule.
Si elles sont complémentaires, elles sont aussi interdépendantes, l’atteinte de l'une se répercutant obligatoirement sur l’autre.
L'articulation omo-humérale se charge de la plus grande partie du travail, mais l’omo-thoracique et les articulations acromio et sterno-costo-claviculaires ont une importance que l'on a eu longtemps le tort d’ignorer ou de négliger.
1- Technique de mobilisation de l’espace de glissement omo-thoracique, bras en adduction
Cette technique peut être utilisée même lorsqu’il existe une importante raideur de l’épaule comme par exemple une capsule rétractile.
Le sujet est allongé sur le côté sain, la jambe inférieure repliée et fléchie, la jambe supérieure tendue, position qui permet une bonne stabilité. Le bras opposé est allongé le long du corps.
L’opérateur se place devant le sujet, son abdomen contre le thorax du patient. Son bras supérieur passe par-dessus l’épaule à mobiliser et saisit le bord interne de l’omoplate.
Le bras inférieur glisse sous le bras du sujet et sa main empaume l’angle inférieur de l’omoplate. Un mouvement de circumduction dans un sens puis dans l’autre, lent d’abord, puis progressivement plus rapide, mais surtout plus souple, permet de mobiliser l’omoplate sur le thorax jusqu’à l’obtention d’un bon assouplissement.
2- Technique du pilon
Cette technique permet de lever des adhérences capsulaires résiduelles si besoin et fait suite au précédent. Le bras du sujet est porté à angle droit et son coude est replié. Une main de l’opérateur vient se placer dans la saignée du bras replié, l’autre main se plaçant au-dessus de l’olécrane.
La main du sujet pend en avant ou en arrière. L’opérateur exécute un mouvement de pilon de haut en bas et de bas en haut avec de plus en plus d’ampleur et fait varier l’orientation du bras afin de changer les rapports articulaires. Le dernier mouvement est un geste sec vers le haut qui doit décoller les surfaces articulaires.
La prévention au niveau de l'épaule
L'épaule devrait pouvoir bénéficier d'un travail spécifique de renforcement excentrique des muscles rotateurs externes de la ceinture scapulaire, d’étirement des rotateurs internes raccourcis, faire l’objet d’une évaluation isocinétique de la force des rotateurs d'épaule et si besoin d’une prise en charge en médecine de rééducation et en médecine manuelle pour maintenir la fluidité des 2 espaces de glissement omo-thoracique et sous-deltoïdien.
IV- Le coude du Lanceur
Le coude est une articulation complexe, à la fois souple et forte sur son versant interne épitrochléen et présentant un valgus physiologique et quelquefois un petit recurvatum. Très sollicités dans les sports de lancer, les 4 compartiments du coude, interne surtout, externe, postérieur et antérieur vont subir des contraintes qui vont dépasser les limites de la résistance physiologique de leurs structures intra et extra-articulaires et entraîner des lésions spécifiques. Une pathologie du coude du jeune lanceur de javelot l’ostéo-chondrite disséquante (OCD) peut être redoutable si elle tarde à être diagnostiquée. Enfin, après 20 années de pratique et plus, les pathologies dégénératives du coude des vieux lanceurs sont monnaie courante.
Anatomie
Le coude est une articulation qui unit l'humérus (l’os du bras) aux deux os de l’avant-bras, le radius et le cubitus (ulna).
1- Le coude osseux et articulaire
Le coude = 3 os (humérus, ulna, radius), 3 articulations (huméro-ulnaire, huméro-radiale et radio-ulnaire supérieure), 1 seule synoviale et une seule cavité articulaire. L’extrémité supérieure de l’ulna a une forme particulière en crochet pour pouvoir s'articuler en haut avec la trochlée de l’humérus et latéralement avec la tête radiale.
Le processus osseux qui remonte derrière la palette humérale est l’olécrane. En avant et plus bas, en-dessous de la zone des surfaces articulaires, la petite saillie osseuse qui verrouille l’articulation huméro-ulnaire est l’apophyse ou processus coronoïde.
L’épitrochlée (épicondyle médial) est la saillie osseuse qui se trouve sur l'extrémité basse de l'humérus, à la face interne du bras.
L’épicondyle latéral est la saillie osseuse de la face externe du coude.
2- Le coude ligamentaire interne
Le ligament collatéral ulnaire (LCU) est l'élément essentiel de la stabilité statique du coude en valgus. Il est composé de 3 faisceaux tendus de l’épitrochlée à l’extrémité proximale de l’ulna. Son faisceau antérieur est le plus volumineux et le plus résistant et assure près de 78 % de la stabilité antéro-postérieure du coude. A 90° de flexion, même en l’absence de la moitié de l’olécrane, le coude restera stable à condition que le LCU soit intact. S’il est rompu, l’instabilité antéro-postérieure sera majeure.
3- Le coude musculaire
La musculature péri-articulaire du coude comprend 3 muscles fléchisseurs, le biceps brachial, le brachial antérieur, le long supinateur (le mal nommé parce qu'il n'est pas du tout supinateur mais un puissant muscle fléchisseur du coude lorsque l’avant-bras est en position intermédiaire); 2 muscles extenseurs, le long triceps et l’anconé; 1 muscle supinateur, le court supinateur; 1 muscle pronateur, le rond pronateur.
Le biceps, le brachial antérieur et le triceps assurent la coaptation du coude et augmentent la congruence de l’articulation huméro-ulnaire. Le groupe des fléchisseurs-pronateurs, grand et petit palmaire et cubital antérieur, participent à la stabilisation en valgus du coude.
Le rond pronateur est aussi fléchisseur accessoire et son maximum d'efficacité est à 90°. Les deux muscles palmaires et le muscle cubital antérieur entrent en jeu dans la flexion contre forte résistance. Ils protègent par ailleurs le versant interne de l'articulation du coude en s'opposant à toute force qui accentuerait le valgus.
Cette action est responsable pour une grande part des épitrochléites (épicondylites médiales) des lanceurs.
4- Le nerf ulnaire
Il chemine de l'aisselle jusqu'à la main interne et va se trouver contraint dans la gouttière épitrochléenne. Il abandonne, dans sa partie terminale au niveau de la main interne, un rameau nerveux pour le muscle adducteur du pouce et un autre pour le faisceau profond du muscle court fléchisseur du pouce.
Dans son trajet il innerve 1 seul muscle épicondylien, le cubital antérieur et 3 muscles de l'éminence hypothénar du bord interne de la main, l’opposant, le court fléchisseur et l'abducteur du 5ème doigt.
Il innerve également au niveau de la main les muscles inter-osseux dorsaux et palmaires (qui écartent et rapprochent les doigts de la main) et les 3ème et 4ème petits muscles lombricaux qui ont une action d'extension des doigts.
Ce nerf ulnaire, chez les lanceurs, va se trouver contraint par la flexion du coude qui diminue fortement le calibre de la gouttière épitrochléo-olécranienne dans lequel il chemine. Cela va se traduire en clinique par un syndrome canalaire avec des signes neurologiques sensitifs (fourmillements) sur le versant interne de l’avant-bras et de la main (2 doigts internes), puis des signes moteurs.
Chez les lanceurs, quand le coude passe de l’extension à la flexion, le nerf ulnaire va se trouver contraint dans la gouttière épitrochléo-olécranienne.
Biomécanique
1- Généralités
En raison de la forte congruence entre trochlée de l'humérus et crochet sigmoïdien de l’ulna, le coude est une des articulations les plus contraintes du squelette. Par sa fonction de flexion-extension il rapproche ou éloigne la main de l'axe du corps et complète l'action de l'épaule dans l'orientation de la main dans les 3 plans de l’espace. Par sa fonction de pro-supination (apparue tardivement sur le plan phylogénétique) le coude introduit un 3ème degré de liberté au poignet, indispensable au contrôle d'attitude de la main qui peut ainsi saisir un objet de façon optimale, mais nécessite l’intégrité des deux articulations radio-ulnaires supérieure et inférieure.
Le coude dirige et positionne la main dans l'espace avec l'aide de ses deux articulations adjacentes, l'épaule et le poignet et obéit ainsi à 2 impératifs apparemment contradictoires, de mobilité, avec sa capacité à s'allonger et se raccourcir dans les actions de préhension et de force, et de stabilité de manière à transmettre les pressions. Il a un rôle essentiel dans l’alimentation, la toilette corporelle, le travail manuel, la gestuelle sportive. On prône avec l’épaule, on supine avec l’avant-bras et le ratio de force muscles pronateurs/supinateurs est inférieur à 1 (les muscles pronateurs sont moins forts).
2- Le coude dans les lancers
Par son positionnement intermédiaire dans la gestuelle des lancers, le coude va augmenter ou diminuer le rendement du geste et les contraintes qu’il va subir vont être maximales pendant la phase d’accélération et la fin du geste (avec risque accru de blessures).
La phase d’accélération du geste de lancer va se traduire par une augmentation importante des contraintes en extension et en valgus qui vont entraîner une sollicitation accrue des structures stabilisatrices internes et postérieures du coude. En fin du geste, la forte décélération au niveau du coude sera contrôlée par le tonus musculaire.
En cas d’incompétence musculaire, la vitesse du coude ne sera plus limitée que par les structures ligamentaires internes et notamment le faisceau antérieur du ligament collatéral interne.
Quand les forces dynamiques au moment du lancer vont dépasser la force de résistance du LCU, cela va entraîner des micro-lésions ligamentaires qui affecteront la dynamique des lancers et, si elles se poursuivent et se répètent, cela va finir par affaiblir puis rompre le LCU.
Les mouvements répétés en valgus qui étirent le plan ligamento-musculaire interne du coude vont entraîner non seulement une tension excessive sur l’ensemble des structures de ce compartiment interne, mais également un conflit de surcharge au niveau de son compartiment postérieur et une compression au niveau des structures externes huméro-radiales.
Si l’on prend pour exemple le lancer de poids dans la phase préparatoire d’élan, le coude est en position de flexion maximale, engin au contact de la région cervicale. Dans la phase de lancer proprement dite, le coude va passer d’une position de flexion à celle d’extension. Pour obtenir le meilleur rendement, le déplacement angulaire du coude doit être de 45° et le plus rapide possible.
Mécanismes lésionnels
Les mécanisme des lésions du coude se font en distraction (étirements répétés) sur le compartiment interne huméro-ulnaire et en impaction (compression) sur le compartiment externe huméro-radial et postérieur huméro-olécranien.
Lésions
Les lésions au niveau du coude vont se caractériser par des atteintes du compartiment interne du bras dominant, par mécanisme lésionnel en étirement, avec d'abord fatigue des muscles pronateurs puis tendinopathies de ces mêmes muscles, ensuite lésion du ligament collatéral ulnaire (LCU) et enfin souffrance du nerf ulnaire. Plus tardives et par mécanisme lésionnel en compression, les lésions vont affecter le cartilage du compartiment externe ou postérieur du coude par arthropathie latérale huméro-radiale ou postérieure huméro-olécranienne. Quant aux atteintes du compartiment antérieur du coude, il va s'agir essentiellement de lésions de tendinopathies ou de rupture partielle ou totale de l'insertion du tendon distal du biceps brachial.
- Lésions du compartiment interne du coude
1- Le syndrome d’hypersollicitation et de compression du fascia de Bennett
La sollicitation permanente dans les efforts de lancer des muscles fléchisseurs et pronateurs du coude afin d'assurer la stabilité dynamique en valgus va vite aboutir à un véritable surmenage musculaire, source de contractures et de fatigue. Elles vont se traduire cliniquement par l'apparition de douleurs, d’oedèmes et d'un déficit d’extension à l'examen physique du coude. A un degré au-dessus d’hypersollicitation musculaire, les muscles fléchisseurs et pronateurs du coude vont s’hypertrophier, se trouver à l’étroit à l'intérieur de leurs propres enveloppes fibreuses et finir par être comprimés, réalisant une sorte de syndrome de loge qui va se traduire cliniquement par des douleurs internes pendant ou après l’effort et obligeront le lanceur à stopper ses activités après quelques lancers. Ces deux syndromes d’hypersollicitation et de compression intra-fasciale correspondent à des troubles fonctionnels sans lésions anatomiques et leur traitement va reposer essentiellement sur le repos et la kinésithérapie. En cas d’échec du traitement conservateur, il peut y avoir exceptionnellement besoin de recourir à une fasciotomie chirurgicale de décompression par section de l’enveloppe fibreuse des muscles fléchisseurs et pronateurs du coude.
2- Lésions du ligament collatéral ulnaire (LCU)
Les sollicitations répétées du coude par la gestuelle technique et l'entraînement physique vont engendrer des micro-lésions intra-ligamentaires qui vont progressivement affaiblir le LCU jusqu’à une possible rupture qui peut survenir parfois de manière brutale. Le diagnostic clinique va reposer sur l’existence d’une douleur localisée du bord interne du coude lors de la phase d’armé du bras ou d’accélération du geste de lancer. L’examen palpatoire va retrouver une douleur élective en-dessous de l’épitrochlée, au niveau de l’articulation huméro-ulnaire. La mobilisation en valgus peut mettre en évidence une laxité interne par comparaison avec le coude contro-latéral.
Radiographie, échographie en stress, arthro-scanner ou arthro-IRM visualiseront la lésion ligamentaire.
Le traitement conservateur va reposer sur une rééducation spécifique du groupe des muscles fléchisseurs-pronateurs.
Le traitement chirurgical par greffon tendineux n’est réservé qu’aux échecs des traitements conservateurs. Dans les ruptures aiguës du LCU, la réparation du ligament est le traitement de choix.
3- Lésions du nerf ulnaire
Au niveau du coude, le nerf ulnaire chemine dans le défilé ostéo-ligamentaire de la gouttière épitrochléo-olécranienne. Lors du passage de l’extension à la flexion, le défilé va diminuer en volume de 55%, sa pression être multipliée par 6 et le nerf ulnaire y subir une élongation physiologique de 4,7 mm.
La répétition des contraintes dans les lancers va occasionner des tractions anormales qui vont encore plus entraver la liberté du nerf ulnaire et finir par créer un syndrome canalaire par conflit contenant-contenu et se traduire par des signes de souffrance sensitive d’abord, puis motrice, qu'il ne faut surtout pas laisser s'installer durablement. A ces contraintes de traction peuvent être associées des contraintes supplémentaires de friction en cas d’instabilité en valgus, de subluxation traumatique du nerf, ou d’ostéophytose des bords de la gouttière. Une hypertrophie musculaire des fléchisseurs-pronateurs peut également entraîner une compression du nerf au niveau de l’arcade du fléchisseur ulnaire du carpe et ajouter encore un peu plus de souffrance.
Le diagnostic clinique d’atteinte du nerf ulnaire repose sur l’existence d’un signe de Tinel à la percussion de la gouttière épitrochléo-olécranienne, et la présence de paresthésies (fourmillements, picotements, engourdissements) des doigts internes (4ème et 5ème doigts). La positivité du signe de Wartenberg qui correspond à l’impossibilité de ramener le petit doigt au contact des autres doigts (abduction permanente du 5 ème doigt) est déjà le signe d'une atteinte motrice. Un électromyogramme (EMG) confirmera l’atteinte sensitivo-motrice, la sévérité de l’atteinte et le pronostic.
Si le syndrome canalaire est peu sévère, le traitement va faire appel aux infiltrations de corticoïdes en association avec une immobilisation par attelle amovible nocturne, coude à 45°. En cas d’atteinte sensitivo-motrice sévère à l'EMG, une neurolyse chirurgicale du nerf ulnaire dans sa gouttière s'avérera nécessaire.
- Lésions ostéo-chondrales du compartiment externe radio-huméral du coude par compression
L’effet des contraintes en valgus au niveau du coude du côté interne va entraîner des forces en compression au niveau du compartiment externe radio-huméral, avec apparition de lésions ostéo-chondrales au niveau du condyle latéral ou au niveau de la tête radiale. Possibilité aussi de formation de corps étrangers. Cliniquement ces lésions externes par compression vont se traduire par des douleurs latérales à l’effort ou lors des mouvements de prono-supination, et parfois des blocages du coude. La mise en compression à l'examen physique de l’articulation huméro-radiale va reproduire ou augmenter la symptomatologie douloureuse.
L’arthro-scanner ou l’IRM confirmeront le diagnostic clinique. Le traitement est essentiellement médical (kinésithérapie).
La régularisation arthroscopique d’un fragment ostéo-chondral peut être préconisée en cas de clapet ou de fragment libre articulaire.
- Lésions de surcharge du compartiment postérieur du coude
1- Le conflit postérieur de surcharge
Les contraintes en extension-valgus vont entraîner des symptômes au niveau du compartiment postéro-interne du coude par conflit entre l’olécrane et le bord interne de la fossette olécranienne de l’humérus.
Cliniquement les lanceurs vont se plaindre de douleurs au niveau de la partie postérieure du coude, d’apparition de plus en plus précoce.
Elles vont se répercuter sur la gestuelle technique avec lâché prématuré. Parfois des impressions de ressaut peuvent survenir, voire des blocages dus aux corps étrangers libérés.
L’examen va retrouver une douleur postérieure à la palpation de la pointe de l’olécrane, majorée par l’hyperextension du coude et un déficit d’extension de 15 à 20°.
Les radiographies standard vont mettre en évidence une ostéophytose de la pointe de l’olécrane et des corps étrangers dans la fossette postérieure. L’arthro-scanner permet de mieux préciser ces lésions.
Le traitement est d'abord médical, puis chirurgical en cas de persistance de la symptomatologie. Un nettoyage sous arthroscopie fera disparaître le conflit.
2- Les fractures de fatigue de l’olécrane
Cette lésion est la résultante de tractions excessives et répétitives qui vont se traduire par une douleur postérieure centrée sur l’olécrane, survenant uniquement à l’effort, cédant au repos et une limitation de l’extension du coude à l’examen de la mobilité.
La radiographie standard de profil va mettre en évidence la solution de continuité au niveau de l'os fracturé.
Le traitement est médical. Repos complet, attelle 6 à 8 semaines, puis rééducation et reprise du sport après la fin du 3ème mois.
3- Les tendinopathies du triceps
Les avulsions ou les ruptures du tendon du triceps sont rares (1 à 2 % de l’ensemble des ruptures tendineuses). La lésion la plus habituelle est une avulsion de l’insertion du tendon du triceps brachial sur l’olécrane.
Si la lésion tendineuse est partielle, l’extension contre résistance du coude est conservée.
Si elle est complète, avec avulsion d’un fragment osseux aux dépens de l’olécrane, l’extension contre résistance, voire la simple pesanteur, seront impossibles.
La rupture tendineuse survient en général lors d’une contraction excentrique du triceps. Des facteurs favorisants sont souvent retrouvés: dysentraînement, bursite après injection de corticoïdes, dopage aux anabolisants.
Dans les ruptures partielles, le traitement médical conservateur permet en général une cicatrisation sans déficit fonctionnel.
Une réparation chirurgicale n’est justifiée secondairement que si persistent douleurs et faiblesse résiduelle.
Dans les ruptures complètes récentes, le traitement chirurgical précoce donne de bons résultats. Dans les ruptures anciennes, la réparation chirurgicale peut être indiquée en cas de gêne fonctionnelle persistante.
- Lésions du compartiment antérieur du coude
1- Les tendinopathies du biceps brachial
Les tendinopathies touchant le tendon distal du biceps sont rares. Elles se présentent sous la forme d'un tableau douloureux, généralement associé à une rupture partielle.
Le diagnostic clinique est frustre. La douleur provoquée par la palpation de la tubérosité bicipitale sur la face latérale de l’avant-bras en pronation maximale peut aider au diagnostic.
L’échographie et/ou l’IRM confirmeront l’impression clinique.
Le traitement en cas de tendinopathie ou de lésion partielle est la mise au repos + de la kinésithérapie.
2- Les ruptures du tendon distal du biceps brachial (BB)
Le diagnostic d’une rupture du tendon distal du BB est une évidence en cas de rupture complète. La douleur est brutale en coup de fouet, le claquement audible, l’ascension du corps musculaire immédiate ou parfois en 2 temps au testing en flexion-supination contrariée du coude.
Le tendon est non palpable sur la face antéro-interne du coude avec, à la place, une encoche douloureuse. L’ecchymose est tardive.
Le traitement chirurgical de principe va limiter les complications. La réparation chirurgicale (réinsertion trans-osseuse) dans les 3 semaines qui suivent la rupture doit être confiée à un chirurgien ayant l'habitude de ce type de lésion, sous peine de baisse du niveau sportif.
Le coude du «jeune» lanceur de javelot: l’ostéochondrite disséquante (OCD) du condyle latéral
L'OCD représente la pathologie articulaire micro-traumatique la plus fréquente chez un jeune lanceur.
Elle correspond à une nécrose localisée de l’os sous-chondral qui peut entraîner une fissuration, puis une séparation du cartilage articulaire.
Les symptômes de l’OCD sont représentés par des douleurs typiquement localisées sur le versant latéral, de la raideur, des craquements, des pseudo- blocages ou des blocages vrais et de l’œdème.
Des radiographies de face et de profil sont indispensables et suffisent souvent au diagnostic. L’IRM permet de rechercher une lésion cartilagineuse associée ou un fragment libre articulaire. Il permet aussi de mesurer la taille et la localisation exacte de la lésion.
Le traitement est d’abord médical: 6 mois d’arrêt de l’activité de lancer, mise au repos de l’articulation, kinésithérapie de mobilisation.
Le traitement chirurgical est indiqué en l’absence d’amélioration clinique et radiographique ou en cas de libération d’un fragment ostéo-cartilagineux dans l’articulation.
Le coude du «vieux» lanceur
La répétition des sollicitations mécaniques va déboucher sur l’apparition de lésions cartilagineuses dégénératives, principalement au niveau du compartiment latéral. Des ossifications ligamentaires diffuses sont aussi fréquentes. L'arthroscopie va permettre d’évaluer l’état des surfaces articulaires. Le traitement repose sur l’ablation arthroscopique des corps étrangers libres intra-articulaires, associée à une synoviectomie. Une régularisation d’ostéophytes peut être faite dans le même temps.
1- L’ostéochondromatose secondaire
Il s’agit d’une pathologie d’hypersollicitation entraînant la production de formations osseuses intra-articulaires. Elles sont souvent associées à de l’arthrose du coude et se manifestent par la survenue de blocages aigus.
Le diagnostic est clinique, confirmé par la radiographie et l’arthro-scanner qui visualiseront les corps étrangers.
2- L’arthrose du compartiment latéral huméro-radial
Elle résulte d’une pratique ancienne et continue des sports de lancer et va se traduire par des douleurs latérales au niveau du coude, des épanchements articulaires et une limitation des amplitudes articulaires avec un flessum du coude. L’arthrose sera d’autant plus importante qu’il existe une instabilité interne et chronique du coude. La radiographie conventionnelle et l’arthro-scanner permettent de faire le diagnostic, d’évaluer l’état articulaire du coude et de rechercher des corps étrangers libres intra-articulaires.
Le traitement est d’abord médical. Chirurgical en cas de gêne significative avec ablation des ostéophytes et des corps étrangers intra-articulaires.
La prévention au niveau du coude
Une bonne technique de lancer, un entraînement et un renforcement musculaire spécifiques des fléchisseurs-pronateurs, une reprise progressive en début de saison, un échauffement bien conduit, toutes ces recommandations vont réduire considérablement le risque de déstabilisation du compartiment interne, d’hyper-pression externe, de surcharge mécanique des compartiments antérieur et postérieur du coude, mais pas toujours comme au javelot par exemple, où, même parfaitement exécuté, le geste technique contraignant par lui-même est pathogène.
Le respect des périodes de repos relatif pendant la saison sportive, une vraie coupure en fin de saison, un suivi médical et kinésithérapique attentif qui doit également prendre en compte les contraintes sur le rachis cervical seront à même de réduire le nombre et la sévérité des blessures du coude des lanceurs.
V- Le poignet et la main du Lanceur
Chez les lanceurs, ampoules, tendinopathies du poignet, entorses du ligament latéral interne de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce et entorses des doigts longs, blocages de la tête radiale, des épiphyses radiales et ulnaires et de la trapézo-métacarpienne, instabilité du semi-lunaire, sont les plus fréquemment rencontrées.
A l’inverse autrement plus graves et secondaires à une chute sur le talon de la main, les fractures du scaphoïde et les entorses des ligaments intrinsèques du poignet (ligaments scapho et pyramido-lunaires) ne se rencontrent qu’à titre exceptionnel et leur prise en charge nécessite des compétences et un savoir-faire très spécifiques. Si elles ne sont pas très vite adressées à un service d'orthopédie spécialisé SOS Main, fractures du scaphoïde et entorses scapho et pyramido-lunaires vont laisser des séquelles douloureuses et enraidissantes, incompatibles avec la pratique et l’entraînement des lancers.
1- Les tendinopathies du poignet
Anatomie et biomécanique
Les tendons sont nombreux au niveau du poignet. Grêles pour la plupart, ils ont un trajet long et coudé et sont structurellement fragiles.
Ils coulissent dans des tunnels ostéo-fibreux par l'intermédiaire de gaines synoviales. Les tendons antérieurs sont fléchisseurs du carpe et des doigts de la main et les tendons postérieurs sont extenseurs des doigts, exceptés le long abducteur du pouce et le cubital postérieur (extenseur ulnaire du carpe) qui est extenseur et adducteur de la main. Ces tendons postérieurs sont répartis classiquement en 6 compartiments.
Les lésions de tendinopathies
Elles sont en rapport avec un surmenage du poignet, siègent sur un des 6 compartiments postérieurs et sont favorisées par une gestuelle technique imparfaite et du dysentraînement quantitatif ou qualitatif.
Les signes cliniques
Ils se résument à des douleurs déclenchées par le mouvement et localisées sur 1 des 6 compartiments du dos de la main. Les tendons antérieurs sont très rarement affectés. L’examen retrouve un empâtement localisé et la triade symptomatique de toute tendinopathie: douleur à la contraction isométrique résistée, à l'étirement et à la palpation. Dans les lancers, l’impotence fonctionnelle se manifestera par une baisse de force au moment de la prise en main du mobile.
Le diagnostic positif
Il est constitué par le test anesthésique au chlorhydrate de lidocaïne (xylocaïne). En l’absence d’allergie à ce type de produit, l’injection de cet anesthésique local fait disparaître instantanément la douleur.
Le traitement
Ce sont des affections bénignes et la guérison peut être spontanée si le geste technique défectueux ou le dysentraînement est corrigé. Le recours à un traitement antalgique et anti-inflammatoire et à une ou plusieurs infiltrations est parfois nécessaire. Dans certains cas la kinésithérapie par les massages transverses profonds peut être la solution.
Les formes cliniques des tendinopathies
- La ténosynovite de De Quervain du 1er compartiment: long abducteur et court extenseur du pouce. La symptomatologie (douleur, empâtement localisé) est située en regard de la tabatière anatomique du poignet. Elle est due à un surmenage local. Son traitement est d’abord médical et une attelle de repos est d’une grande efficacité. On associe généralement à cette attelle des anti-inflammatoires, des antalgiques et une à deux infiltrations si besoin. Le traitement sera chirurgical en cas d’échec du traitement médical.
Cette ténosynovite de De Quervain est souvent associée à la névrite de Wartemberg par neuropathie de la branche sensitive du nerf radial, anatomiquement très proche des 2 tendons. Cette névrite se manifestera cliniquement sous la forme de douleurs et de dysesthésies du bord externe du poignet. Ce trouble de la sensibilité peut être masqué parfois par les douleurs de la tendinopathie. Dans cette neuropathie sensitive, comme il n’y a pas de risque d’atteinte motrice, son traitement est avant tout conservateur et fait appel aux antalgiques et anti-inflamatoires, infiltrations, orthèse de repos, courant électrique (TENS). La guérison peut être longue à venir.
Une neurolyse chirurgicale ne s’adressera qu’aux échecs du traitement conservateur et aux cas vus tardivement.
- La tendinopathie des muscles radiaux du 2ème compartiment. Elle correspond au syndrome du croisement ou aïe crépitant de Tillaux. Cliniquement la douleur sur la colonne du pouce est plus distale, à 3 travers de doigt environ de la styloïde.
- La tendinopathie du 3ème compartiment (long extenseur du pouce).
- La tendinopathie du 4ème compartiment (extenseur propre du 2ème doigt).
- La tendinopathie du 5ème compartiment (c’est le compartiment le plus volumineux. Il renferme les 4 tendons du muscle extenseur commun des doigts et le tendon de l'extenseur propre de l'index, difficile à identifier lors de l'examen ultrasonographique.
- La tendinopathie du 6ème compartiment du cubital postérieur (muscle épicondylien) est en rapport le plus souvent avec une rupture de sa cloison interne, secondairement à des mouvements forcés ou par frictions répétées.
La tendinopathie du 1er compartiment de De Quervain (long abducteur et court extenseur du pouce). L’attelle de repos est très efficace dans son traitement.
2- Les entorses du ligament collatéral interne (LCI) de l’articulation métacarpo-phalangienne (AMP) du pouce
Dans une entorse grave du LCI de l'AMP par mécanisme lésionnel en abduction forcée du pouce, le ligament principal est rompu et ne cicatrisera pas, du fait de sa proximité avec la lame aponévrotique de l'adducteur du pouce qui le recouvre et s’interpose (lésion de Stener).
Le diagnostic de gravité clinique
Le testing des laxités est à proscrire car il risque d'aggraver un éventuel arrachement osseux. A sa place, le test fonctionnel consistant à faire saisir et soulever par le blessé un objet de gros volume comme une bouteille est suffisant. La 1ère commissure ne pouvant pas bien s’ouvrir à cause de la lésion de Stener et l’articulation métacarpo-phalangienne n'étant pas stable, le blessé est incapable de réaliser ce geste simple. Les autres signes sont la perception par le blessé d'un craquement, suivi d’une impression de déboîtement. Le bilan radiographique recherchera un éventuel arrachement osseux.
Le traitement
En cas de prise en charge inadaptée, la colonne du pouce ne sera pas fonctionnelle et le recours à un service SOS Main est indispensable.
Une lésion bénigne sera immobilisée 15 jours. 15 jours supplémentaires seront nécessaires pour la rééducation. Une entorse grave non déplacée sera immobilisée entre 30 et 45 jours + 15 jours de rééducation. Une entorse grave avec déplacement sera opérée avec pose d’un plâtre en post-opératoire pendant 30 jours + une rééducation de 15 jours.
3- Les entorses des doigts longs
Ce sont des lésions des ligaments collatéraux des articulations inter-phalangiennes proximales (IPP) surtout, ou des inter-phalangiennes distales (IPD). Ces ligaments collatéraux internes et externes assurent la stabilité latérale et sont composés d'un ligament principal tendu en flexion et d'un ligament accessoire tendu en extension. La plaque palmaire (fibro-cartilage antérieur) assure également la stabilité de l’IPP.
Le diagnostic clinique
Il est facile: douleurs et gonflement le plus souvent de l'IPP. Les radiographies de face et de profil préciseront l'éventuelle existence d'un fragment osseux ou d'une laxité radiologique, signes d’entorse grave.
Ces entorses sont généralement des traumatismes bénins, et en tant que telles, sont le plus souvent négligées par les blessés qui ne respectent pas les consignes médicales. Aussi les séquelles de ces entorses à type de gonflement douloureux et de raideur sont monnaie courante et la gêne fonctionnelle sera d'autant plus importante que l'entorse siègera sur l’IPP.
Le traitement
Dans les entorses graves, le traitement est assez délicat et relève de structures spécialisées SOS Main. Dans les entorses bénignes, on appareille le doigt pendant 2 à 5 jours, puis syndactylie avec capitonnage interdigital par de la mousse et kinésithérapie active de 15 jours de manière à rendre le doigt indolore et mobile. Reprise sportive après la 3ème semaine.
4- Les dysfonctions du système articulaire mécaniquement asservi chiro-antibrachial
Dans les lancers, coude, poignet et main du SAMA chiro-antibrachial peuvent être le siège de dysfonctions non lésionnelles (imagerie négative) au niveau de la tête radiale (blocages douloureux), des 2 extrémités radiales et ulnaires (qui peuvent se gripper), du semi-lunaire (instabilité) et de l’articulation trapézo-métacarpienne.
- Les blocages douloureux de la tête radiale avec supination ou pronation douloureuse. Son traitement va consister à faire riper la tête radiale vers l'avant si supination douloureuse, ou vers l'arrière si pronation douloureuse.
- L‘instabilité du semi-lunaire se traduit par un poignet douloureux en flexion ou en extension. Une manoeuvre en coup de fouet de sens inverse à la dysfonction va la faire disparaître.
- Le grippage des 2 épiphyses distales radiale et ulnaire va se traduire cliniquement par un poignet douloureux et enraidi. Correction en faisant riper les 2 extrémités radiale et ulnaire dans le sens inverse de la dysfonction.
- Les blocages douloureux de l’articulation trapézo-métacarpienne du pouce seront corrigés par une traction sur la colonne du pouce pour mettre en tension l’articulation et pulsion sur le fond de la tabatière anatomique vers le bas.
VI- Le complexe lombo-pelvi-fémoral du Lanceur
Anatomie
Il englobe:
- les deux dernières vertèbres lombaires L4 et L5,
- le bassin en entier: os coxaux, articulations sacro-iliaques, symphyse pubienne,
- le secteur sous-pelvien avec les deux hanches et les muscles ischio-jambiers, droit fémoral et adducteurs.
Biomécanique
Ce complexe est un système auto-bloquant et le sacrum y est encastré comme un coin entre les 2 ailes iliaques. Plus la charge axiale est élevée, plus le sacrum est maintenu par auto-blocage. C'est également un système suspendu par les 2 forts ligaments sacro-iliaques.
Sur le plan fonctionnel c’est un système articulaire mécaniquement asservi (SAMA) à la cardan et à fonctions dissociées dont le rôle essentiel est de préserver l’horizontalité de la plateforme pelvienne.
Il permet:
- l’orientation du tronc dans tous les mouvements de l’espace,
- la transmission et la répartition du poids du corps vers les 2 hanches par les 2 articulations sacro-iliaques
- l’équilibration de la plateforme sacrée, inclinée à 37° en moyenne sur l'horizontale.
Ce SAMA autorise un mouvement régional lombaire bas ample de flexion/extension, d'inflexion latérale droite et gauche et des rotations très réduites de l'ordre de 1 à 2°. Le mouvement de flexion/extension au niveau des articulations sacro-iliaques est une nutation qui fait basculer le sacrum vers l’avant et le coccyx vers l’arrière et une contre-nutation qui est le mouvement inverse. Les avis diffèrent sur l’importance à accorder aux articulations sacro-iliaques. Pour Robert Maigne la mobilité à leur niveau est minime et négligeable sauf pendant la grossesse. Pour le GETM d’Eric de Winter et l’école dijonnaise du Pr Guy Piganiol, les contraintes sont identiques à tous les étages du segment lombo-pelvi-fémoral et les dysfonctions affecteront tout aussi bien le rachis lombaire et lombo-sacré que les articulations sacro-iliaques et la symphyse pubienne.
La pathologie pelvi-fémorale des lanceurs
La ceinture pelvienne et les 2 hanches sont des zones anatomiques extrêmement sollicitées dans la pratique sportive.
Chez les lanceurs, tout déséquilibre lombo-pelvi-fémoral sera, non seulement synonyme de geste technique défectueux, mais aussi pathogène pour le rachis lombaire bas, les sacro-iliaques et la symphyse pubienne.
Pour le médecin de terrain, toute douleur de cette région constitue un challenge diagnostique et thérapeutique toujours difficile à relever, et le diagnostic de pubalgie du carrefour pubien ou de toute autre entité anatomo-clinique régionale ne doit jamais être un diagnostic de facilité, tellement l’anatomie y est compliquée, les causes de déséquilibre fonctionnel nombreuses et les pathologies très souvent intriquées.
Nous ne retiendrons que les plus significatives: les pubalgies vraies et fausses, le conflit antérieur de hanche et son risque de coxarthrose précoce, l’épiphysiolyse de hanche de l’adolescent sportif, les dysfonctions sacro-iliaques et les accidents musculaires du secteur sous-pelvien.
1- La pubalgie vraie
Selon la conception française (Pr Rodineau), une pubalgie vraie correspond à un syndrome de surmenage douloureux du carrefour pubien du pli de l’aine.
Il recouvre 3 entités anatomo-cliniques bien distinctes qui risquent de s'intriquer en cas de retard diagnostique et/ou de prise en charge inadaptée. Elles ont un mécanisme lésionnel commun, la faiblesse de la paroi postérieure du canal inguinal.
Les facteurs de risque
La pubalgie vraie est une pathologie du sportif jeune et presque exclusivement masculine. En athlétisme elle affecte toutes les disciplines: marche, épreuves combinées, perche, courses de fond et de demi-fond, steeple, haies, lancers. Les facteurs de risque sont nombreux, mais nous ne retiendrons que le déséquilibre de la balance entre des adducteurs très puissants/des abdominaux plus faibles et un ratio de force adducteurs/abducteurs < ou = à 0,8 .
Les trois formes cliniques de la pubalgie
- La tendinopathie des adducteurs (pubalgie basse) ou des grands droits de l’abdomen (pubalgie haute) de diagnostic clinique facile (stades de Blazina et triade symptomatique: douleur à la palpation, à la contraction résistée et à l’étirement), et à l’imagerie peu contributive.
- L’ostéo-arthropathie pubienne (pubalgie médiane)
C'est elle la vraie pubalgie. Elle touche la symphyse pubienne par surmenage de l'articulation et déséquilibre musculaire du ratio adducteurs (forts)/ abdominaux (faibles). L’aspect sur les radiographies est celui d’une pseudo-arthrite, sans corrélation radio-clinique, que mes confrères Durey, Boeda et Rodineau ont classée en 4 stades. L'évolution favorable se fait environ en 3 mois avec le plus souvent restitution ad integrum de la symphyse pubienne.
- La pathologie pariétale abdominale
Il s'agit généralement d'une pathologie congénitale du canal inguinal. La douleur est sus-pubienne et irradie volontiers vers le pubis et les testicules. Elle est d'apparition progressive et impulsive aux efforts de toux. La palpation de l'anneau inguinal est sensible et cherchera à mettre en évidence une déhiscence, une pointe de hernie ou un anneau dilaté et sensible. Tous les signes positifs se majorent lorsqu'on fait tousser le blessé. L'imagerie est peu contributive. Dans un certain nombre de cas rebelles, la symptomatologie douloureuse du canal inguinal est liée à un syndrome canalaire des nerfs ilio-inguinaux ou ilio-hypogastriques avec troubles sensitifs de la région inguinale et irradiation pubienne. Ils seront traités par des infiltrations scanno-guidées d’hydrocortancyl 125 mg.
Le traitement d’une pubalgie vraie
Il est médical avant tout et conduit à une guérison dans 80 à 85% des cas. Le repos sportif est incontournable et peut aller jusqu'à 3 mois avec exclusion totale du geste technique déclenchant les douleurs. La prise en charge de la douleur est fonction de la forme anatomo-clinique et la kinésithérapie occupe une place de choix. Son objectif est d'éviter le passage à la chronicité.
- Intérêt des injections de PRP
Pour beaucoup d’auteurs elles sont efficaces dans les lésions tendineuses aiguës ou chroniques et dans l’ostéo-arthropathie. Elles seront suivies par un traitement fonctionnel qui doit débuter quelques jours après l’injection et être poursuivi plusieurs semaines.
- Place de la chirurgie
La chirurgie pariétale du canal inguinal, par abaissement des muscles larges de l'abdomen et leur mise en tension, doit être plus ou moins rapidement proposée, au plus tard vers le 4ème mois. La rééducation post-chirurgicale doit respecter les délais de cicatrisation de la sangle abdominale et éviter toute sollicitation intempestive de la paroi abdominale pendant les 4 premières semaines.
La prévention de la pubalgie vraie
Dans cette pathologie complexe avec facteurs de risques nombreux et lésions multiples, des exercices physiques spécifiques à visée préventive doivent être intégrés dans la préparation physique des lanceurs, avec l'aide de kinésithérapeutes ou de préparateurs physiques spécialement formés: échauffement long, stretching avant tout exercice et surtout, à distance de l’exercice, renforcement musculaire excentrique des adducteurs (avec ou sans bandes élastiques) et des muscles larges de l’abdomen (gainage), correction des défauts techniques, éducation posturale.
2- Les fausses pubalgies
Il existe un certain nombre de fausses pubalgies qui se rapprochent cliniquement des pubalgies vraies. Les douleurs se projetant au niveau du pli de l’aine, elles en ont toute l’apparence. En réalité elles ont des causes différentes et sont des entités anatomo-cliniques bien distinctes.
La problématique est que certaines peuvent parfaitement s’intriquer avec une pubalgie vraie en cas de retard diagnostique ou de prise en charge inadaptée. Les examens complémentaires seront alors d’un grand secours pour le clinicien.
Ces fausses pubalgies comprennent :
- Les douleurs projetées d'origine rachidienne thoraco-lombaire
Le syndrome de la charnière dorso-lombaire de Robert Maigne pose problème à cause de sa projection lombaire basse faussement prise pour une pathologie de charnière lombo-sacrée, mais aussi parce que ce syndrome est presque toujours associé à une pubalgie vraie. Cette pathologie vertébrale de charnière, si elle n’est pas diagnostiquée précocément, traitée en même temps que la pubalgie vraie et régulièrement surveillée, sera source de chronicisation de la symptomatologie pubienne.
- La névralgie pudendale d'origine sacrée
C’est une neuropathie du canal d’Alcock dans lequel le nerf pudendal (honteux interne) se trouve contraint. Les douleurs, quand elles se projettent au niveau du pli de l’aine, peuvent un temps passer pour une pubalgie vraie et faire errer le diagnostic. Mais, à type de brûlures ou de picotements avec irradiation vers le périnée, elles finiront par évoquer un syndrome canalaire qu’une ou deux infiltrations scanno-guidées traiteront avec succès.
- Les fractures de fatigue des branches pubiennes
Elles se manifestent par des douleurs de topographie variable autour du pli de l’aine, mais avec cette caractéristique de se majorer à l’effort jusqu’à le rendre quasi impossible. Le diagnostic est radiologique et l’imagerie IRM sera déterminante pour le diagnostic précoce.
- Les dysplasies de hanche
Elles correspondent à une malformation constitutionnelle de l’articulation de la hanche par déficit de couverture de la tête fémorale. Elles conduiront à une arthrose de hanche précoce de traitement chirurgical.
3- Le conflit antérieur de hanche
C’est un conflit par frottement entre la jonction tête fémorale-col du fémur et bord antérieur du cotyle-labrum (bourrelet cotyloïdien). Il affecte tout spécialement une population sportive qui sollicite les hanches dans des positions extrêmes de flexion et de rotation. En athlétisme ce sont les coureurs de haies et les sauteurs qui sont préférentiellement touchés et quelquefois les lanceurs de javelot. Si on laisse filer le conflit par frottement, il va évoluer vers des lésions cartilagineuses et une arthrose de hanche précoce. Le chirurgien suisse Reinhold Ganz a décrit 2 types de conflits, le conflit par effet came et celui par effet tenaille à cause d'un rebord cotyloïdien trop couvrant. En théorie la tête du fémur est bien ronde et vient parfaitement bien s’articuler dans le cotyle, doublé du bourrelet cotyloïdien.
Quelquefois la tête du fémur n’est pas aussi ronde qu’elle devrait l’être et les sportifs qui ont des troubles de la sphéricité vont développer à terme une arthrose de hanche, la petite bosse de la tête fémorale, qui rentre dans le cotyle dans certains mouvements extrêmes, va finir par entraîner des lésions du cartilage qui vont s’étendre et détruire l’articulation.
Les 2 formes cliniques
- Le conflit antérieur de hanche par effet came
Il correspond à une déformation de la partie antérieure de la tête fémorale, avec un rajout en forme de bosse qui va entraîner des lésions cartilagineuses par hyperpression localisée.
- Le conflit antérieur de hanche par effet tenaille
Il se différencie du précédent à cause d’une paroi antérieure cotyloïdienne trop couvrante qui va limiter la flexion de hanche, le col venant buter sur le bourrelet cotyloïdien. Dans l’effet tenaille, les lésions sur le cartilage restent proches du bourrelet et ne s’étendent pas au cotyle, si bien qu'une arthroscopie simple d’exérèse sur une ossification localisée du bourrelet donnera de bons résultats.
Le diagnostic
Le sportif se plaint au départ de douleurs dans le pli de l’aine que l’on aurait tort de prendre pour une pubalgie vraie, de craquements ou de blocages fugaces de sa hanche en dysfonction.
Ces signes d’alerte vont s’accentuer et devenir de plus en plus gênants fonctionnellement.
A ce stade, l’examen clinique mettra en évidence un déficit de la rotation interne de hanche et une asymétrie de mobilité en flexion croisée.
Les radiographies (face, faux profil de Lequesne et profil chirurgical) sont normales en début d’évolution puis vont finir par se positiver.
Le traitement
A partir du moment où l’on a bien compris que le problème venait d’un trouble de la sphéricité ou d’une paroi antérieure trop couvrante avec lésions du bourrelet chez des sportifs, le chirurgien suisse Ganz a proposé d’opérer sous arthroscopie ce trouble de la sphéricité ou de lésion du bourrelet.
Cette chirurgie a minima va sinon enrayer du moins considérablement freiner le processus arthrogène et permettre à une très grande majorité de sportifs de retrouver une hanche quasi parfaite et la possibilité de reprendre leurs activités sans trop de perte de niveau.
Même s’il est encore un peu tôt pour affirmer qu’à très long terme on va éviter à ces sportifs la mise en place d'une prothèse, ce traitement conservateur a au moins le mérite de la simplicité et de l’efficacité sur les douleurs et sur la mobilité de la hanche.
Il est moins efficace en cas de pincement de l’interligne articulaire ou de lésions cartilagineuses nettes.
La prévention
Chez les sportifs la présence de douleurs inguinales ou trochantériennes et une limitation de la rotation interne de hanche doivent immédiatement alerter, évoquer en premier un problème de hanche articulaire et faire pratiquer une imagerie qui conduira à un diagnostic précoce et à une intervention sous arthroscopie.
4- L’épiphysiolyse (décollement de l'épiphyse supérieure du fémur) du jeune lanceur
L'épiphyse supérieure du fémur correspond à son extrémité supérieure. Chez l'enfant et l'adolescent en période de croissance, cette épiphyse est séparée du col du fémur et du reste du fémur par du cartilage de conjugaison et l'épiphysiolyse correspond à un décollement de l'épiphyse fémorale qui glisse vers l'arrière ou vers le dedans.
Généralités
Vers 13-15 ans et jusqu'à 18 ans, l'épiphysiolyse touche surtout le garçon (2,5 fois plus de garçons que de filles). Elle peut être à début brutal ou progressif et à évolution longue. La pratique sportive est un facteur favorisant. Dans 30% des cas l'affection est bilatérale et dans ce cas, la 2ème hanche est atteinte le plus souvent à 18 mois d'intervalle.
Le diagnostic
Il est souvent porté avec retard en raison de sa rareté et des formes trompeuses que peut prendre cette affection (les douleurs peuvent n’être ressenties qu’au niveau du genou et c’est un piège clinique fréquent).
Comme l’examen du genou s’avérera strictement normal, il faut vite examiner l’articulation adjacente de la hanche qui mettra en évidence le plus souvent une asymétrie de mobilité spécialement en rotation interne, genou tendu posé sur le plan de la table d’examen, ou à la flexion croisée (flexion, adduction, rotation interne), genou fléchi à 90°.
Des radiographies de hanche comparatives mettront en évidence le glissement de la tête fémorale, soit vers l'arrière, soit vers le dedans.
Le glissement de l’épiphyse fémorale
Il est le plus souven
L’évolution spontanée
Elle est dominée par la majoration du déplacement et le risque de survenue d’un glissement «aigu» qui peuvent s'associer à des complications précoces (coxite, ostéonécrose) et à long terme (arthrose secondaire).
Le traitement
Il est affaire de chirurgien orthopédique spécialisé et vise à stopper la progression du glissement pour éviter les complications dont la fréquence augmente avec l’importance du déplacement. Un diagnostic précoce reste le meilleur facteur pronostique dans cette affection.
A retenir :
Entre 13 et 18 ans, tout adolescent sportif présentant une boîterie de hanche, des douleurs spontanées, localisées dans le pli de l'aine et irradiant jusqu'au genou, ou provoquées par l'examen physique, une limitation fonctionnelle de la rotation interne seule ou de la flexion croisée (flexion/adduction/rotation interne), doit être considéré comme une épiphysiolyse et conduire à une interdiction formelle de poursuivre toute activité physique et sportive jusqu’à preuve radiologique du contraire et avis d'un chirurgien orthopédique.
5- Les dysfonctions sacro-iliaques du SAMA lombo-pelvien
Dans la mesure où il est admis que le mouvement de flexion-extension au niveau des articulations sacro-iliaques est une nutation qui fait basculer le sacrum vers l’avant et le coccyx vers l’arrière et la contre-nutation, le mouvement inverse; qu’une des fonctions du SAMA lombo-pelvien est de transmettre et de répartir le poids du corps vers les 2 hanches par l’intermédiaire des 2 sacro-iliaques et que les contraintes sont identiques à tous les étages du segment lombo-pelvi-fémoral, force nous est donnée de reconnaître que ces dernières peuvent être, tout comme en lombaire et lombo-sacré, le siège de dysfonctions isolées chez les lanceurs, que des techniques manuelles bien ciblées seront parfaitement capables de corriger. Ces techniques manuelles lombo-pelviennes vont agir sur les articulations sacro-iliaques qui sont des di-arthrodies pourvues d’une certaine mobilité (affirmée par Ambroisé Paré d’abord, puis par Zaglas (1851) et Duncan (1854) qui ont parfaitement décrit les mouvements de nutation et de contre-nutation). Il faut reconnaître quand même, qu’après 50 ans, cette articulation est le siège de remaniements anatomiques dégénératifs se traduisant par une rigidité sacro-iliaque (dans une proportion de 87% et de manière très prononcée dans le sexe masculin). Cela ne changera rien au problème dans la mesure où biomécaniquement le système lombo-pelvien étant un système articulaire mécaniquement asservi, les techniques lombo-pelviennes et lombaires sur les segments L4/L5 et L5/S1, même en cas de raideur majeure sacro-iliaque, vont agir sur tous les étages du SAMA lombo-pelvien.
- Manoeuvre en dénutation
Une nutation du bassin ayant été mise en évidence par l'examen clinique (schéma de gauche: pouces de l’opérateur sur les fossettes sacrées de Michaléis, ascension d’une épine iliaque postéro-supérieure = signe de Piédalu). Cette nutation unilatérale du bassin sera traitée par une manoeuvre en dénutation (dé dans le sens de défaire la nutation), patient positionné sur le côté opposé à la dysfonction (image de droite). Dans cette dysfonction, l'ilion fixé en postérieur va être repoussé vers l'avant et vers le bas (on ne peut agir que sur lui).
- Manoeuvre en décontre-nutation qui va repousser vers l’arrière l'hémi-sacrum bloqué vers l'avant et vers le bas.
- Une manoeuvre sur la symphyse pubienne (qui subit des contraintes de cisaillement en cas de nutation du bassin) complète les 2 manoeuvres précédentes: sujet en décubitus dorsal, genoux pliés. L’opérateur commande d’écarter puis de serrer les genoux. La pulsion se fait en sens inverse.
6- Les accidents musculaires dans le secteur sous-pelvien
De tous les termes utilisés pour désigner les accidents musculaires intrinsèques, celui qui est le mieux compris des sportifs parce qu'ils l'ont eux- même inventé est celui de « claquage ». Avec l'entorse externe de cheville, ce sont les 2 traumatismes les plus fréquemment rencontrés en pratique sportive. Un claquage survient quasi exclusivement sur un groupe musculaire des membres inférieurs mis en tension trop brutalement et s'accompagne le plus souvent d'un claquement caractéristique, à la manière d'un coup de fouet et audible parfois à plusieurs mètres de distance. La douleur vive quelquefois syncopale et l’impotence fonctionnelle immédiate empêchent un athlète, le plus souvent de vitesse ou de sauts, de poursuivre son effort. Excepté au javelot où nous en rencontrons de temps en temps, les trois autres disciplines (poids, disque et marteau), sauf exceptions, semblent épargnées.
A quoi correspond la lésion musculaire dans un claquage?
Depuis l'avénement de l’échographie et de l’IRM pour le haut niveau, la compréhension de la lésion musculaire n'est plus la même et on est passé d'une atteinte pure des fibres musculaires à une lésion musculo-aponévrotique. Et si l'on peut oser cette comparaison avec une feuille de vigne, on est passé d'une lésion de la partie verte de la feuille à une lésion qui intéresse les nervures.
Cette grande facilité à se claquer est à mettre au compte de l’évolution de l’espèce humaine (syndrome de Lucy)
C’est l’acquisition progressive de la station debout au cours de la phylogenèse (syndrome de Lucy) qui a rendu les muscles postérieurs, internes et antérieurs de cuisse, ischio-jambiers, adducteurs, droit fémoral du quadriceps trop courts structurellement et mal adaptés au travail excentrique pendant la marche et la course. Parmi les facteurs de risque classiquement évoqués dans un claquage, nous ne retiendrons que les déséquilibres musculaires quadriceps/ischio-jambiers et abdominaux/adducteurs, un dysentraînement qualitatif ou quantitatif, des antécédents de claquage et le SCTPM de Robert Maigne, amplement développé avec les bases médicales des blessures de surcharge.
Les deux mécanismes lésionnels des claquages
C'est à partir d'études suédoises chez les footballeurs professionnels qu'ont été décrits deux types de lésions: 72% sont des sprint-lésions qui surviennent pendant une course de vitesse ou sur une accélération et 28% sont des stretch-lésions par étirements brusques. Ce sont ces dernières qui sont susceptibles de frapper les lanceurs.
La clinique des claquages
Sur le plan clinique le diagnostic de claquage est une évidence, aussi nous ne retiendrons que les trois critères de gravité de Guillodo qui nous semblent les plus pertinents: 1- si la douleur immédiate est > 6 à l'échelle visuelle analogique (EVA) qui va de 1 à 10; 2- si la limitation à l'étirement du muscle lésé est > de 15%; 3- si malgré le protocole de traitement Rice ou Grec à appliquer immédiatement, douleur et impotence fonctionnelle sont > 3 jours, c’est grave et le temps de guérison de l'accident musculaire sera > 40 jours.
L’imagerie
L’échographie reste l’imagerie de 1ère intention. L’examen IRM est réservé au haut niveau. Il est très sensible pour la détection de l’oedème, constamment présent dans un claquage.
La conduite à tenir dans les minutes qui suivent le claquage
1- application immédiate du protocole GREC ou Rice: repos avec retrait immédiat de la compétition, glace, compression, élévation; ou application du système Game Ready qui comprime et refroidit en même temps.
2- prescription d'antalgiques de niveau 1 ou 2 suivant l’importance de la douleur à l’EVA (bannir absolument les anti-inflammatoires qui n’ont pas leur place la 1ère semaine, leurs effets, minorant la phase cellulaire de l’inflammation, aggravent le saignement).
3- le risque thrombo-embolique est gravissime et ne doit pas échapper à la vigilance du médecin. Suivant le degré de sévérité de l’impotence fonctionnelle, préventivement seront injectées des héparines de bas poids moléculaire (HBPM).
La prise en charge secondaire: avant tout une kinésithérapie de type excentrique
La kinésithérapie a pour objectif premier d’optimiser la cicatrisation et de redonner au tissu musculaire ses propriétés biomécaniques et physiologiques initiales, garantes d'un geste sportif efficient. Le protocole suédois de type excentrique à partir d’exercices sub-maximaux est nettement supérieur à tous les autres protocoles. Par rapport à un protocole classique d’étirement et de renforcement musculaire concentrique, il réduit le délai moyen de cicatrisation qui passe ainsi de 51 à 28 jours. Les massages intempestifs du foyer lésionnel sont totalement contre-indiqués en phase aiguë. Ils peuvent entraîner des calcifications secondaires, une cicatrisation anarchique et des complications veineuses.
En prévention
Tout déséquilibre musculaire quadriceps/ischio-jambiers et abdominaux/adducteurs doit être corrigé, l’entraînement physique maîtrisé; le renforcement excentrique des 4 groupes musculaires à risque doit faire partie intégrale de l’entraînement physique; le SCTPM et un DIM de Robert Maigne, amplement développé avec les bases médicales des blessures de surcharge, doivent être systématiquement recherché et traité.
7- L’arthrose de hanche ou coxarthrose du «vieux» lanceur
La hanche ou articulation coxo-fémorale unit le fémur à l'os coxal du bassin. C’est la plus grosse articulation du corps humain et la 2ème après l'épaule au niveau mobilité.
Chez tous les individus et a fortiori chez les sportifs de force/vitesse comme dans les lancers, la hanche est soumise en permanence à d’importantes contraintes d’hyperpression articulaire (déjà pendant la marche, à chaque appui unipodal, elle supporte 4 fois le poids du corps).
D'où le risque élevé de coxarthrose, la 2ème en fréquence après l'arthrose du genou.
Cette arthrose de hanche qui touche environ 4% des individus entre 40 et 70 ans peut être primitive (sans cause précise) par dégénérescence, avec comme dans toute arthrose, 1 usure du cartilage articulaire (pincement articulaire), associée à de l’ostéophytose (sorte d'éperons osseux qui entourent l’articulation sur différentes localisations), des phénomènes d’ostéosclérose caractérisés par une dégradation de l'os sous-chondral et formation de lacunes (géodes) et à une inflammation de la membrane synoviale.
Une coxarthrose peut être aussi secondaire (avec cause), généralement une dysplasie sur un vice architectural (coxa valga, coxa vara ou coxa plana) ou 1 maladie articulaire pré-existante.
Inversement à la population générale, la coxarthrose chez les lanceurs est presque toujours primitive.
Epidémiologie
La prévalence (nombre de cas dans la population générale à un moment donné, englobant aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens) de l’arthrose de hanche augmente avec l’âge, avec une légère prédominance féminine.
Sa fréquence est en nette augmentation du fait du vieillissement de la population et de la progression des facteurs de risques tels que le surpoids et une sédentarité relative.
L’OMS (organisation mondiale de la santé) a estimé qu’entre 2015 et 2050 la proportion des plus de 60 ans dans le monde va passer de 12% à 22%.
Parmi les plus de 60 ans, il y en aura un grand nombre qui souffriront d’arthrose, maladie articulaire la plus répandue et responsable d'une sédentarisation forcée.
L’arthrose, toutes localisations confondues, touche actuellement 15% de la population mondiale dont 20 millions d’européens.
A 65 ans, selon les critères radiologiques, il y a à peu près 70% des gens qui vont présenter des signes d’arthrose.
Cette proportion va encore s’accentuer avec l’âge avec un lien scientifiquement prouvé entre le fait de souffrir d’arthrose et de développer un diabète, de l’obésité et des maladies cardio-vasculaires.
En-dehors de la chirurgie, aucun traitement médical ne permet encore de véritablement soigner l’arthrose de hanche.
Les traitements médicaux proposés aux coxarthrosiques ne les améliorent que sur le plan algo-fonctionnel et encore pendant 1 certain temps, et c’est déjà bien.
Seul un remplacement prothétique ou la correction d’un vice architectural est capable de leur redonner une vie normale.
Physiopathologie
Un excès pondéral dans la population générale et des micro-traumatismes répétés chez les sportifs sont les grands pourvoyeurs d’arthrose de hanche.
De la même manière, un vice architectural par dysplasie ou, chez les lanceurs, une anomalie de sphéricité de la tête fémorale ou un toit de cotyle trop couvrant, vont entraîner des pressions qui vont se répartir inégalement sur le cartilage et le bourrelet cotyloïdien, les abîmer, et finalement aboutir à une arthrose plus précoce (coxarthrose sur hanche dysplasique ou par conflit antérieur).
Les lésions anatomiques dans une arthrose de hanche affectent tous les tissus articulaires:
Non seulement le cartilage, qui va se fissurer de la superficie vers la profondeur, finira par se détacher en lambeaux et ses propres cellules (les chondrocites) vont sécréter des enzymes de dégradation; mais aussi l’os sous-chondral qui va être le siège d’un hyper-remodelage condensant et géodique et la membrane synoviale qui va devenir inflammatoire et hypervascularisée.
De l’ostéophytose (sorte de bave osseuse) cotyloïdienne, péricapitale, cervicale inférieure, sous-capitale, de l’arrière-fond du cotyle, complète le tableau.
Signes cliniques de présomption
- les douleurs
Elles ont un horaire mécanique et apparaissent lorsque l'articulation est en charge ou en activité (pendant la marche ou à la station debout prolongée) et sont calmées par le repos.
Leur topographie est variable.
Dans les cas typiques:
- il s’agira de douleurs dans le pli de l’aine à irradiation crurale antérieure
- parfois il va s’agir de douleurs postérieures fessières ou encore de la région externe trochantérienne.
- dans un certain nombre de cas les douleurs vont siéger exclusivement au niveau du genou (fausses gonalgies et piège clinique: toute douleur du genou doit conduire systématiquement à examiner la hanche).
- la gêne fonctionnelle
Elle va se manifester par une limitation du périmètre de marche en durée ou en distance, de la boiterie, des difficultés pour rentrer ou sortir d'une voiture ou d'une baignoire, de s'asseoir sur un siège bas, de mettre ses chaussettes.
L'indice de Lequesne est un indice algo-fonctionnel basé sur:
- la douleur
- le périmètre de marche
- les difficultés dans la vie quotidienne.
Plus le score de Lequesne est élevé, plus l’arthrose de hanche est sévère.
- l’examen clinique
Il est toujours comparatif par rapport à la hanche controlatérale et affirmera l'existence d'une pathologie coxo-fémorale, sans présumer de l’étiologie.
Le signe majeur est la limitation fonctionnelle douloureuse des mouvements de la hanche qui va affecter en priorité la flexion croisée: flexion-adduction-rotation interne.
Les chiffres retrouvés sur une hanche saine sont de 130° en flexion, 60° en abduction, 30° en adduction, 60° en rotation externe, 40° en rotation interne, 30° en extension.
Le diagnostic étiologique par les radiographies
Pour le diagnostic de coxarthrose primitive ou secondaire, les radiographies avec clichés du bassin de face et faux profil de Lequesne des 2 hanches sont essentielles:
Recherche dans 1 coxarthrose primitive :
- d’1 pincement de l'interligne dû à la diminution de hauteur du cartilage
- d’1 réaction osseuse d’ostéosclérose sous forme de condensation sous-chondrale au niveau de la zone de pincement articulaire et parfois géodes
- d’1 ostéophytose de l'avant-toit de l’acétabulum (cavité articulaire de la hanche qui reçoit la tête du fémur), de la jonction toit-fond (double fond) et à sa partie inférieure et interne sur le pourtour du col du fémur (collerette ostéophytique).
Recherche dans 1 coxarthrose secondaire de signes radiographiques
- dysplasiques ( coxa valga ou coxa vara)
- ou de maladie articulaire
Evolution d’une coxarthrose
Les coxarthroses primitives ont de grandes différences dans leur manière d’évoluer individuellement (ça va de quelques années à quelques décennies et environ 60 % des coxarthroses vont nécessiter la mise en place d’une prothèse totale de hanche après 10 ans d’évolution).
Les coxarthroses secondaires ont un début plus précoce (vers 30 ou 40 ans) et la dégradation articulaire y est plus rapide.
Une forme particulière d’arthrose de hanche, la coxarthrose destructrice rapide, provoque en moins d'un an 1 disparition complète du cartilage et d'importantes destructions osseuses de la tête fémorale.
Traitement
Celui de la coxarthrose primitive
- Il est longtemps médical
Il va s’agir d’un traitement de rééducation fonctionnelle avec un grand volet d’éducation thérapeutique: ménagement relatif de l'articulation avec réduction des déplacements à pied; limitation des stations debout; marche avec une canne tenue du côté opposé à la coxarthrose; entretien de la trophicité musculaire et des amplitudes articulaires par kinésithérapie idéalement en décharge (balnéothérapie en piscine); prévention des attitudes vicieuses. Le maintien d'une activité physique est conseillé.
Associé à un traitement médicamenteux avec :
- des antalgiques de niveau 1 (paracétamol) ou de niveau 2 (+ codéine)
+ des anti-inflammatoires (AINS);
- un traitement anti-arthrosique d’action lente (sulfate de chondroïtine, glucosamine, etc);
- une visco-supplémentation scanno-guidée avec de l’acide hyaluronique (AH) et pour certaines équipes médicales, injections de PRP (Platelet Rich Plasma=concentré de plaquettes sanguines) en cas d’échec de la visco-supplémentation.
- Il deviendra chirurgical dans une coxarthrose primitive
Par la mise en place d'une prothèse totale de hanche, dès que la dégradation algo-fonctionnelle sera patente à l’indice de Lequesne et sans attendre que la fonte musculaire des fessiers et du quadriceps ne soit trop prononcée et devienne rédhibitoire.
Dans les coxarthroses secondaires à une pathologie articulaire ou à une malformation architecturale
Dès l'apparition des douleurs, un traitement chirurgical correctif doit être envisagé très précocement (butée cotyloïdienne ou ostéotomie), avant que la dégradation articulaire et fonctionnelle ne complique les suites opératoires.
Coxarthrose et sports
Sports autorisés
- marche rapide
- golf
- natation
- canoë
- bowling
- voile
- gymnastique
- ski alpin sur pente moyenne et ski de fond
- vélo d’appartement.
Sports autorisés à leur niveau antérieur de pratique
- tennis en double sur terre battue
- randonnées en moyenne montagne
- tennis de table
- vélo de route
- équitation, escrime
Sports déconseillés
- tennis en simple sur terrain dur, squash
- ski alpin sur pente raide et/ou bosses, escalade
- sports de combat et de ballon avec pivots
- course à pied sur sols durs.
VIII- Le genou du Lanceur
Généralités
Le genou est la plus grosse articulation du corps humain et aussi l’une des plus exposées en matière de traumatologie sportive. Il sert à passer le pas et, pendant la marche et les activités physiques, la bipédie fait subir à ses surfaces articulaires des pressions considérables (de l’ordre de 350 Kg/cm2 en appui monopodal, dont 70% seront absorbés par le compartiment interne) et des contraintes de tractions importantes sur l'appareil capsulo-ligamentaire et tendino-musculaire.
A ces exigences imposées par la phylogenèse, le genou a répondu parfaitement par le cartilage de revêtement le plus épais de l'organisme, l'interposition de ménisques pour pallier au défaut de congruence de ses différentes composantes articulaires et par un dispositif péri-articulaire extraordinairement efficient.
Anatomie fonctionnelle
Le fonctionnement du genou étant particulièrement complexe, si l’on veut bien comprendre les différentes pathologies et tout spécialement les laxités secondaires à des ruptures des ligaments stabilisateurs du genou, il est fondamental de connaître d’abord son fonctionnement normal.
Il comprend 2 articulations bien distinctes, l’articulation fémoro-patellaire entre trochlée fémorale et face postérieure de la rotule avec sa physiologie propre et les 2 compartiments fémoro-tibial interne et externe de l’articulation fémoro-tibiale qui mettent en contact les 2 condyles fémoraux et les 2 plateaux tibiaux.
Les 2 compartiments du genou sont foncièrement différents à la fois dans leur conception et dans leur fonctionnement. Le compartiment fémoro-tibial interne est synonyme de stabilité. Il assure une coaptation articulaire efficace par l’intermédiaire d’un système ligamentaire puissant et par une complémentarité osseuse convenable entre la convexité de la poulie condylienne interne et la concavité de la glène tibiale.
A l’opposé, le compartiment fémoro-tibial externe est taillé pour la mobilité. La coaptation articulaire y est moindre que sur le côté interne à cause de la faible tension de son appareil capsulo-ligamentaire et de son incongruence articulaire, avec 1 condyle externe tordu sur son axe sagittal en forme de haricot convexe et un plateau tibial externe, également convexe.
Le compartiment interne est congruent et stable; le compartiment externe est non congruent et mobile
Fonctionnellement cette double articulation fémoro-tibiale (F/T) est décrite comme une articulation bi-condylienne.
En réalité elle fonctionne comme une articulation trochléenne modifiée par le massif des épineuses qui autorise 2 degrés de liberté, la flexion/extension et la rotation.
- Dans le plan sagittal, le mouvement de flexion/extension (F/E) s’effectue par roulement-glissement des condyles sur les surfaces tibiales, avec une grande amplitude de mouvement de l’ordre de 150°.
- Dans le plan horizontal, la genèse embryologique incomplète de la crête trochléenne tibiale du massif des épines autorise des mouvements de rotation (R) dont l’amplitude varie en fonction de la flexion du genou (R compris entre 26° et 29°).
- Dans le plan frontal, il n’y a aucun mouvement physiologique, excepté une petite mobilité en varus correspondant à une adaptation minime aux contraintes de varus/valgus.
La double articulation fémoro/tibiale présente des axes de mouvement sagittal de flexion/extension et horizontal en rotation qui sont perpendiculaires et le lieu d’interception géométrique de ces axes définit le centre articulaire du genou (CAG). Il correspond au point d’application des forces musculaires multidirectionnelles (le moteur musculaire des muscles péri-articulaires du genou) qui s’exercent sur ce CAG. Ce centre articulaire du genou se confond avec le massif des épines tibiales et donc avec les 2 ligaments du pivot central et on peut affirmer avec certitude que le pivot central ligamentaire correspond bien au CAG.
Le genou musculaire
1- Le moteur musculaire du genou
Le moteur musculaire du genou est constitué par ses muscles péri-articulaires: le quadriceps est extenseur et un peu rotateur interne, les muscles jumeaux interne et externe sont de puissants fléchisseurs et pas du tout rotateurs, les haubans musculaires latéraux (tenseur du facia lata et biceps fémoral) sont uniquement fléchisseurs et rotateurs externes, les haubans internes (muscles de la patte d’oie: couturier, droit interne et semi-tendineux) sont uniquement fléchisseurs et rotateurs internes.
La force motrice (Fm) a une direction fixe, parallèle à l'axe des fibres musculaires et un point d'application (PA) situé différemment par rapport au CAG et aux axes sagittaux et horizontaux.
2- Les forces musculaires perturbatrices
Le moteur musculaire du genou présente malgré tout un sérieux inconvénient, celui d’engendrer des forces perturbatrices qui agissent non plus sur les axes du centre articulaire du genou, mais directement sur les structures osseuses et en l’occurrence, pour le genou, sur le tibia. Par exemple, pour le quadriceps les forces perturbatrices vont s’exercer sur le tibia en position d'extension complète et jusqu’à 60° de flexion, d’abord en tiroir antérieur, puis en tiroir postérieur. Pour les muscles jumeaux du mollet, elles tirent sur les condyles sur lesquels elles s’insèrent vers l’arrière et donc exercent une contrainte délétère perturbatrice en tiroir antérieur, quel que soit le degré de flexion du genou. Ces forces perturbatrices musculaires risqueraient de déstabiliser complètement le CAG et compromettre le fonctionnement du genou, s’il n’y avait pour les contrer les stabilisateurs statiques ménisco-ligamentaires.
La stabilité du genou
La stabilité du genou est assurée par les 2 ménisques, les différents ligaments et les formations fibreuses. Comme tout ligament, ceux du genou sont des éléments élastiques composés de fibres de collagène qui en font des forces de rappel, dont l’action stabilisatrice va être proportionnelle à leur état de tension, avec une relation non linéaire entre la force de rappel développée par le ligament et son allongement. Les 2 variables ne sont pas proportionnelles, en début de sollicitation d’un ligament la force de rappel est moindre.
Une fois les fibres recrutées, le ligament subit une phase de déformation élastique avec allongement sans dommage pour le ligament. Si la contrainte se poursuit, il va y avoir rupture partielle, puis totale, sans parallélisme avec la force de rappel développée par le ligament qui, elle, n’augmente pas.
1- Action stabilisatrice des ménisques
Les 2 ménisques font office de cales et améliorent la congruence fémoro-tibiale tout en répartissant les contraintes. Ils ont un effet dynamique par leurs connexions postérieures avec les points d’angles antéro-interne (PAPI) et postéro-externe (PAPE), avec le semi-membraneux pour le ménisque interne (MI) et le muscle poplité pour le ménisque externe (ME).
Genou en flexion, ils avancent et genou en extension, ils reculent et se comportent donc comme des sangles de protection activo-passives.
2- Action stabilisatrice du pivot central (LCA+ LCP)
Parce que le pivot central qui englobe le ligament croisé antérieur et le ligament croisé postérieur se confond avec le centre articulaire du genou, son action stabilisatrice est déterminante. Le pivot central stabilise le genou dans les 3 plans de l'espace et particulièrement en sagittal où le LCA contrôle la translation antérieure, tandis que le LCP contrôle la translation postérieure. Dans le plan horizontal, le LCA s’enroule autour du LCP et contrôle la rotation interne. La rotation externe échappe au pivot complètement décroisé et inefficace dans cette position. Dans le plan frontal, lorsque le genou est tendu, le pivot s’oppose aux contraintes en varus/valgus. Quand le genou est fléchi, le varus/valgus est contrôlé par les ligaments collatéraux, LCI pour le valgus et LCE pour le varus.
3-Action stabilisatrice des formations fibreuses postérieures
Elles forment un ensemble fonctionnel avec les cornes postérieures des ménisques qu'on leur adjoint.
Ce sont les premiers freins de l'avancée du tibia et donc du contrôle de la rotation externe, genou en flexion.
4-Action stabilisatrice des formations internes, LCI et PAPI
- Le ligament collatéral interne (LCI, ex LLI)
C’est un ligament très puissant, très adhérent à la capsule. Il court du condyle interne à la métaphyse tibiale proximale interne. Il s’oppose aux contraintes en valgus du genou en flexion.
Avec le PAPI il contrôle la rotation externe en freinant l’avancée du plateau tibial interne et la translation antérieure.
- Le PAPI
C’est une structure très résistante. Il est formé par le ligament oblique postérieur, la corne postérieure du MI et le tendon du muscle semi- membraneux qui est l’élément actif du PAPI.
Il contrôle le tiroir postérieur, la rotation interne et le valgus dans une position proche de l’extension.
5- Action stabilisatrice des formations externes, LLE et PAPE
- Le ligament collatéral externe (LCE, ex LLE)
Il est tendu du tubercule condylien externe à la tête du péroné et n’adhère pas à la capsule.
Il contrôle seul le varus quand le genou est fléchi. Quand le genou est tendu, il participe à son contrôle avec le LCP.
- Le PAPE
Il est moins résistant que le PAPI. Il se compose de la corne postérieure du ménisque externe, de la coque condylienne externe, du tendon poplité, du muscle poplité qui est son élément actif, du complexe poplité fibreux et d’une arcade à sa partie inférieure (ligament poplité arqué) pour le tendon principal du muscle poplité.
II empêche le recul du plateau tibial externe et doit être réparé en cas de lésion.
Il contrôle essentiellement la translation postérieure, la rotation externe et le varus, genou à 30°de flexion.
LCE et PAPE stabilisent la rotation externe, limitent la translation antérieure et accessoirement la rotation interne.
Ils ont un rôle anti-varus modéré.
6- Action stabilisatrice des formations antéro-externes
Elles participent au contrôle de la rotation interne et peuvent être lésées en cas de torsion excessive du genou en rotation interne et emporter un fragment osseux à leur insertion tibiale, en arrière du tubercule de Gerdy, connu sous le terme de fracture de Segond.
Sa présence sur des radiographies en frais signe obligatoirement une rupture du LCA, le désamarrage des formations antéro-externes étant toujours précédé par celui du LCA (la présence d'une pastille osseuse emportant la marge tibiale externe est pathognomonique de la rupture du LCA).
La stabilité du genou en résumé
1- La stabilité sagittale
Genou en extension, le LCA agit seul sur le déplacement antérieur. Lésion du LCA = translation antérieure du tibia = signe de Lachman à pratiquer à plusieurs degrés de flexion entre 10° et 25° et toujours indolore, sauf si lésion méniscale associée.
Genou en flexion, la translation antérieure est aussi limitée par les ligaments collatéraux et les points d’angles. Elle est, au mieux, appréciée à 70° de flexion. Dans une lésion isolée du LCA, il n’y a pas de tiroir antérieur direct (TAD). Si un TAD est présent dans une lésion fraîche du genou, cela correspond à une lésion du LCA + des lésions des formations latérales ou postérieures, surtout quand la cale représentée par le ménisque interne disparaît.
La translation postérieure s'apprécie à 90° de flexion. Elle est limitée par le LCP et les cornes postérieures des 2 ménisques.
2- La stabilité rotatoire
Le déplacement en rotation est contrôlé par le pivot, le LCA quand le genou est proche de l'extension et le LCP genou en flexion. Le genou n’a que deux positions de stabilité, le VFE et le VRI. Des lésions capsulo-ligamentaires très souvent associées surviendront sur un mouvement forcé indirect ou plus grave si le mouvement est appuyé sur les 2 positions de stabilité :
- en VFE (valgus/flexion/rotation externe) la stabilité est à dominante active, ischio-jambiers pour la flexion avec en particulier le demi-membraneux, le poplité pour la rotation externe, avec danger d'abord théorique pour le PAPI et le LCI, ce qui n'est toujours pas vérifié en pratique où le LCA peut être lésé isolément.
- en VRI (varus/flexion/rotation interne) la stabilité est activo-passive par la bandelette de Maissiat et le biceps, avec danger pour le PAPE et le LCA en cas de mécanisme lésionnel en VRI.
3- La stabilité frontale
Le valgus est limité par le LCI + le pivot central ligamentaire, genou en extension. Petit valgus = lésion du LCI = entorse bénigne. Grand valgus = lésion du pivot + LCI.
Le varus est limité par LCE + pivot (LCP surtout) + PAPE. Petit varus physiologique en flexion. Grand varus en extension = lésion externe (LCE) + postéro-externe (PAPE) + pivot.
La stabilité du genou est maximale en VFE et VRI. Si ces positions de stabilité maximale sont forcées, les structures ligamentaires stabilisatrices passives vont céder.
4- Limites du système de stabilisation ligamentaire
Le système ligamentaire du genou n’échappe pas à la règle de tout système ligamentaire qui a ses propres limites liées à la rigidité fonctionnelle de ses structures. Avec une résistance élastique de 60 kilos/cm2 le LCA n’est pas assez fort pour contrer le quadriceps qui peut développer des forces de contraintes pouvant aller jusqu’à 400 kilos/cm2.
Le genou aura donc besoin d’un système de suppléance qui sera en même temps un système de protection pour les ligaments. Ce système de suppléance sera forcément dynamique et dévolu aux différents muscles du moteur musculaire péri-articulaire. Ils s’avéreront les meilleurs des coaptateurs articulaires et assureront, avec l’action stabilisatrice des différents ligaments, l’équilibre biomécanique du genou face aux forces perturbatrices qui seront ainsi maîtrisées.
Les pathologies du genou
1- Le genou méniscal
Les ménisques sont des fibro-cartilages en forme de demi-lune qui s’interposent entre l’extrémité inférieure du fémur et l’extrémité supérieure du tibia de manière à amortir et à répartir les différentes contraintes exercées sur le genou. Grâce à leurs connections avec les formations postérieures, le ménisque interne recule de 6mm en flexion et le ménisque externe de 12 mm. En extension ils sont attirés vers l'avant par les ligaments ménisco-rotuliens, et en rotation leur déplacement se fait en sens inverse de celui de la glène tibiale.
Le point de départ d’une lésion méniscale traumatique est un mécanisme de torsion qui commencera par déchirer sa corne postérieure.
Si ce mécanisme lésionnel en twist se répète (classique drame en plusieurs actes), la lésion traumatique se complètera progressivement vers l’avant et aboutira à une lésion dite en anse de seau qui se traduira en clinique par des blocages itératifs du genou.
Avec l’âge et les répétitions des contraintes axiales les ménisques vont dégénérer et se fissurer horizontalement (lésion radiaire) en feuillets de livre, de dedans (versant libre) en dehors (mur périphérique); mais ces fissures radiaires à faible pouvoir chondrogène resteront longtemps bien tolérées fonctionnellement. Quand la totalité de la largeur du ménisque est lésée, quelques gouttelettes de synovie peuvent passer à travers une brèche capsulaire et former un kyste méniscal bien visible.
Le ménisque interne ou médial (MI)
le MI est anatomiquement très ouvert (en forme de C) et adhère fortement au plan ligamentaire interne. Il a un effet de cale par sa corne postérieure qui limite la translation antérieure et, en le maintenant fixé, ses puissantes attaches ménisco-tibiales le rendront vulnérable à tout mécanisme lésionnel en torsion.
Le ménisque externe ou latéral (ME)
Le ME est anatomiquement fermé (en forme de o) et très mobile. Il est sujet aux anomalies morphologiques (ménisque discoïde visible en imagerie).
La lésion méniscale externe est plus antérieure et plus proche du mur périphérique que celle du ménisque interne, avec quasi constamment au bout d'un certain nombre d'années d’évolution, formation d'un pseudo-kyste extériorisé dans l'interligne antéro-externe.
Diagnostic d’une lésion méniscale
Aucune manoeuvre physique de coincement méniscal n’est pathognomonique mais, dans le diagnostic d’une lésion méniscale, c’est la symptomatologie clinique qui reste la plus fiable et toute douleur après traumatisme en torsion d'un genou doit faire évoquer de principe une lésion méniscale longitudinale à point de départ postérieur.
Formes cliniques
A côté du classique drame en plusieurs actes souvent étiqueté à tort entorse du genou, il existe 3 formes cliniques assez caricaturales de diagnostic facile:
1- les kystes méniscaux extériorisés dans l'interligne externe pour le ME ou dans le creux poplité pour le MI.
2- les désinsertions périphériques (rarement isolées et plutôt sur entorses graves du genou) avec tableau clinique d’hémarthrose.
3- les blocages aigus avec flexum irréductible du genou sur anse de seau luxée.
Dans les lésions anciennes et particulièrement chez les vétérans, la symptomatologie est celle d'une souffrance chronique avec épanchement intra-articulaire et amyotrophie quadricipitale.
L’imagerie
L'IRM est maintenant le moyen d’investigation le plus prescrit et un très bon moyen d’évaluation des différentes lésions méniscales avec 4 grades lésionnels.
Le traitement des lésions méniscales
En prévention de l'arthrose fémoro-tibiale bon nombre de lésions méniscales, lorsqu’elles sont non chirurgicales et symptomatiques, sont traitées par des infiltrations de corticoïde (Diprostène) pour vaincre l'inflammation réactionnelle. Elles seront suivies par des injections d’acide hyaluronique par voie latéro-rotulienne externe (Go on, Arthrex, Sinovial, Synvisc One), excellente alternative à la chirurgie. En cas de résistance à l'acide hyaluronique, des injections de PRP sont de plus en plus proposées. La douleur, souvent vive dans les atteintes du mur périphérique, peut être calmée par des infiltrations d’anesthésiques locaux (xylocaïne).
L’abstention chirurgicale est de mise lorsque la lésion méniscale traumatique se limite à la corne postérieure et dans les lésions dégénératives. Si la lésion déborde vers l’avant et si le sportif est gêné dans sa pratique, il est légitime de procéder à une méniscectomie partielle sous arthroscopie tout en restant très économe dans le geste chirurgical. Les suites de la chirurgie (hydro-hémarthrose) sont vénielles mais ne doivent pas faire oublier l'augmentation notable de la surcharge mécanique imposée au compartiment lésé.
Une suture chirurgicale peut être envisagée sur les lésions méniscales très périphériques en zone rouge très souvent associées à des ruptures des ligaments du genou (cette suture méniscale n'alourdit pas la ligamentoplastie).
A noter que la réparation chirurgicale du ménisque externe peut s’accompagner d’une chondrolyse aiguë, complication redoutable lorsque la reprise de l’activité sportive est trop précoce (avant le 4ème mois).
2- Le genou ligamentaire
Les différents ligaments du genou constituent un ensemble solide et cohérent qui assure sa stabilité frontale par les ligaments collatéraux et sa stabilité antéro-postérieure et rotatoire par le pivot central. Dans les lancers (au javelot surtout, par insuffisance de fixation au moment du double appui), cet ensemble peut se rompre en cas de mécanisme lésionnel en VRI ou en VFE.
Parce qu’il adhère très fortement à la capsule articulaire et au peu mobile MI, le maillon faible de ce système ligamentaire, particulièrement efficient pour assurer la stabilité et la cinétique fémoro-tibiale de cette articulation, reste le ligament collatéral interne.
Le pivot central (LCA + LCP)
En maintenant le contact fémoro-tibial lors des mouvements sagittaux et de rotation, le pivot central (ligament croisé antérieur et ligament croisé postérieur) intervient de façon majeure dans la cinétique et la stabilité du genou. Une lésion d’un de ces 2 éléments définit l'entorse grave.
1- Le ligament croisé antérieur ( LCA )
Long de 38 mm, large de 11 mm et à grand axe oblique, le LCA est composé de deux faisceaux: le faisceau antéro-médial et le faisceau postéro-latéral (avec possibilité de rupture totale ou partielle d'un seul faisceau).
Il est vascularisé essentiellement à partir de la membrane synoviale qui se comporte comme une lame porte-vaisseaux (l'hémarthrose peut manquer en cas de lésion isolée, de rupture partielle ou de brèche capsulaire).
Les propriétés visco-élastiques du LCA s'altèrent avec l'âge et l’immobilisation. Il peut s'allonger physiologiquement jusqu'à 20% de sa longueur sans dégât anatomique, mais en cas de rupture, il n’a aucune possibilité de cicatrisation sauf à se mettre en nourrice sur le LCP.
Son innervation est riche en propriocepteurs et pauvre en récepteurs de la douleur (d’où cette extrême diversité du tableau douloureux qui va de l'indolence totale jusqu’à la douleur syncopale).
Evolution naturelle d'une rupture du LCA
Chez les sportifs (surtout ceux qui ont un morphotype en varus), l’évolution d’une rupture du LCA se fait vers une instabilité majeure avec entorses à répétition, dégradation méniscale et cartilagineuse, laxité antérieure globale par distension des formations antérieures et latérales avec cliniquement un tiroir antérieur direct (syndrome chronique du LCA de Mac Intosch).
Dans les suites immédiates d'un traumatisme du genou et jusqu'à 2 heures après, c'est l'examen clinique qui est le moyen le plus fiable pour mettre en évidence une entorse grave du genou (fiabilité supérieure à celle de l’IRM).
Les signes immédiats de gravité d’une rupture du LCA
- La douleur
En cas de lésion isolée la douleur parfois syncopale au début s’atténue fortement en quelques minutes et laisse du temps pour un bon examen clinique qui va devenir beaucoup plus compliqué quelques heures après, la tension globale liée à l'hémarthrose entravant la recherche d'une rupture.
Si la douleur persiste sans intervalle libre, surtout sur mécanisme lésionnel en VFE comme notre lanceuse de javelot au dernier championnat de France Élite 2020 à Albi, il faut craindre une lésion associée du plan ménisco-ligamentaire interne. Inversement, en cas d’indolence totale toujours possible, cette absence de douleurs peut être source d'erreur diagnostique ou de non consultation, la récupération apparente d'une lésion du LCA se faisant en quelques jours.
- Le craquement ressenti par le blessé au moment de l’impact
- L’impotence fonctionnelle immédiate
A de rares exceptions près, on ne se relève pas seul après une entorse grave.
- Le gonflement rapide du genou
En quelques heures le genou gonfle. Cela correspond à une hémarthrose (épanchement de sang intra-articulaire) qui, en cas de brèche capsulaire, va s'extérioriser sous la forme d'une ecchymose secondaire.
- Le signe de Lachman à 20° de flexion
C’est le signe cardinal de certitude. Il correspond à une avancée ample du tibia (de quelques millimètres jusqu'à 10 mm et plus) avec arrêt mou et asymétrique par rapport au genou controlatéral où l’arrêt est franc. Ce signe n'est toutefois pas facile à mettre en évidence si les cuisses du blessé sont proéminentes comme le sont les cuisses des lanceurs et si le blessé n’est pas relâché au niveau de ses ischio-jambiers.
Les faux négatifs sont rares: anse de seau luxée et bloquée dans l’échancrure inter-condylienne, languette méniscale ou moignon de LCA également bloqués.
- Le ressaut rotatoire en rotation interne
Les tests de ressaut (Jerk test, Lemaire, Pivot shift, etc.) sont très délicats à mettre en évidence dans une lésion fraîche et nécessitent un relâchement complet du blessé, difficile dans un contexte post-traumatique immédiat. Leur sensibilité est faible, le ressaut est retrouvée 1 fois sur 10 et au mieux 1 fois sur 3, mais leur spécificité est proche de 100% ce qui en fait des tests d’une grande valeur diagnostique.
Le traitement d’une rupture du LCA
Compte tenu de l'histoire naturelle du LCA rompu il est licite d'en opérer un certain nombre et tout particulièrement dans le haut niveau.
Actuellement la préférence est donnée aux nouvelles techniques chirurgicales mini-invasives sous arthroscopie à partir des tendons ischio-jambiers (demi tendineux et droit interne dédoublés) ou du tendon rotulien. Le matériel (vis) de fixation bio-résorbable, n’entraînant pas de dommage osseux, a permis de réduire considérablement la morbidité post-opératoire et d'optimiser la réhabilitation fonctionnelle du genou sans toutefois pour l'instant préjuger du devenir à long terme.
Le gonflement rapide du genou lésé en quelques heures va le rendre rapidement inexaminable.
2- Le ligament croisé postérieur (LCP)
Il est plus long, plus épais et nettement plus solide que le LCA. Son grand axe est vertical et il est accompagné dans son trajet dans l’échancrure inter-condylienne par le ligament ménisco-fémoral. Il est constitué de 2 faisceaux antérieur et postérieur. En flexion à 90° il contrôle essentiellement la translation postérieure (un tiroir postérieur est pathognomonique).
Il contrôle aussi la rotation externe, le varus et le recurvatum (petit recurvatum unilatéral = lésions des coques; grand recurvatum = lésions des coques et du LCP. En cas d'atteinte associée du PAPE, les 4 signes se majorent). Il se lèse complètement dans sa moitié supérieure. Sa rupture est parfois basse avec avulsion osseuse. En cas de triade (lésion triple) et surtout de pentade externe (quintuple lésion) il faut impérativement tester le nerf sciatique poplité externe, anatomiquement très proche et assez souvent lésé, et l’articulation tibio-péronière supérieure. La symptomatologie, en cas de lésion isolée, est plus dominée par la douleur que par l'instabilité (en fait le diagnostic en frais n'est pas très souvent posé). La tolérance à moyen terme d'une lésion du LCP est exceptionnelle.
Après 15 ans d’évolution, le processus de dégradation du cartilage frappe les compartiments fémoro-tibial interne et fémoro-patellaire, à cause du recurvatum induit par la rupture du LCP. Le traitement chirurgical est à réserver au sujet jeune ou en cas de triade externe ou de pentade.
Les ligaments collatéraux
Ils interviennent dans la stabilité frontale.
1- Le ligament collatéral interne (LCI ex LLI)
C’est une large bande aplatie formée de deux couches, l’une superficielle résistante et l’autre profonde accessoire, avec des fibres qui adhèrent fortement à la capsule et au ménisque interne. Le LCI est le frein principal du valgus genou fléchi. C'est le ligament le plus faible du genou, notamment à son insertion condylienne. Son atteinte traumatique sur mécanisme lésionnel en valgus forcé est très douloureuse et responsable d'un flexum antalgique. Cette lésion sur l'insertion condylienne cicatrise toujours et n'a pas besoin d'être réparée chirurgicalement. Les complications d'un traitement mal conduit aboutit au syndrome de Pellegreni-Stieda avec calcifications aux radiographies standards et, plus rarement, au syndrome de Palmer qui correspond à une cicatrisation du ligament en position raccourcie.
2- Le ligament collatéral externe (LCE ex LLE)
C’est un cordon arrondi, épais, indépendant de la capsule, bien individualisable et parfaitement palpable. Il se dirige vers l’arrière sur la tête du péroné. Avec la bandelette de Maissiat, c'est le frein principal du varus, genou proche de l’extension. Il est détendu en flexion. Il se lèse sur un mécanisme lésionnel en varus forcé, rarement isolé, qui ne lèse que les formations périphériques externes sans abîmer les ligaments croisés.
Le tableau clinique est souvent frustre. Un examen clinique soigneux aidé et complété par une imagerie appropriée (IRM) vont faire le diagnostic. En cas de rupture sa réparation doit être de principe chirurgicale car il n'a aucune tendance à cicatriser spontanément, surtout si genu-varum associé.
3- Le Genou tendineux
Tendon quadricipital, rotule et tendon rotulien sont constitutifs d'une seule et même unité biomécanique, l'appareil extenseur du genou qui permet son extension active et assure le maintien de la station debout. Cet appareil extenseur du genou est extrêmement sollicité dans la pratique sportive et tout spécialement dans les sports d'impulsion et les sauts en athlétisme, mais aussi chez les lanceurs par dysentraînement (excès de musculation avec charges lourdes), source de tendinopathies quadricipitales (squat) ou rotuliennes (banc à quadriceps).
- Les tendinopathies rotuliennes et quadricipitales de sur-utilisation
Le diagnostic de ces tendinopathies
Le début des troubles est habituellement progressif. Dans quelques cas il est brutal. L'interrogatoire retrouve les stades de Blazina:
- stade 1, douleur après l’effort
- stade 2, douleur en fin d’effort
- stade 3, douleur permanente pendant et après l’effort
- stade 4, rupture.
L’examen clinique bilatéral et comparatif met en évidence la triade symptomatique de toute tendinopathie :
- douleur à la mise en tension contre résistance du tendon en souffrance dans les différentes courses interne et externe.
- douleur à l’étirement lors de la manoeuvre talon-fesse, pour les 2 tendons.
- douleur à la palpation de la pointe de la rotule, ou au niveau de son insertion basse, ou en plein corps du tendon pour la tendinopathie rotulienne, et douleur à la palpation du tendon quadricipital pour la tendinopathie quadricipitale.
Les examens complémentaires
Ils comprennent de manière systématique des radiographies. L’échographie, très performante, peut visualiser un nodule ou un épaississement. L’IRM est demandée à titre systématique dans le haut niveau.
Le traitement médical des tendinopathies du genou
- La technique de Stanish sur un protocole excentrique est effectuée en chaîne fermée classique pendant 4 à 6 semaines, en fonction du stade de la tendinopathie. Elle peut aussi se faire sur un dynamomètre isocinétique et donne d'excellents résultats. Le traitement en chaîne fermée classique s'effectue en 2 phases, d'abord un travail statique qui consiste à augmenter la longueur et l’élasticité de l’unité muscle/tendon par des étirements, puis à compter de la 3ème semaine, des exercices en excentrique, en augmentant progressivement la charge, amélioreront la résistance du tendon. Toute séance de travail doit être précédée d’exercices d’échauffement, de massages et surtout d’étirements de l’appareil extenseur du genou. En fin d’exercice, ces mêmes étirements seront répétés et le glaçage du tendon douloureux sera systématique.
- Les sports non traumatisants pour le tendon (notamment natation et vélo) sont à réintroduire dès la 2ème semaine à condition d’être pratiqués après une séance d’étirements et que le tendon soit glacé en fin d’activité.
- Des injections de PRP sont de plus en plus proposées par de nombreuses équipes médico-chirurgicales.
- La thécarthérapie et les ondes de choc sont largement utilisées par les kinésithérapeutes, mais les preuves scientifiques de leur efficacité manquent .
Un traitement chirurgical de peignage du tendon est proposé dans les échecs du traitement médical.
- Les ruptures tendineuses quadricipitales et rotuliennes
Elles sont rares d’emblée sauf si le mécanisme lésionnel est brutal comme peut l'être une contraction violente du quadriceps, genou en extension.
Elles surviennent habituellement dans un contexte de tendinopathie chronique. Les infiltrations de corticoïdes semblent être un facteur favorisant ces ruptures tendineuses. Le diagnostic clinique est le plus souvent évident. La douleur est violente, l’impulsion stoppée et l’athlète chute. L’impotence fonctionnelle est totale. En frais, l’examen clinique retrouve une dépression sous-rotulienne qui signe la rupture du tendon rotulien et une dépression sus-rotulienne quand le tendon quadricipital est rompu.
Les radiographies vont confirmer la clinique et l’absence de lésion osseuse.
Le traitement relève de la chirurgie orthopédique.
- Les tendinopathies de l’appareil extenseur du genou par choc direct
Ce type de tendinopathie par choc direct sur les tendons de l'appareil extenseur du genou se rencontre volontiers dans les sports de contact et de combat, mais aussi en athlétisme par contusion d’un des 2 tendons.
Ici, la lésion tendineuse n'est jamais isolée et en fonction de la violence du choc elle est souvent associée à une bursite d’une des 2 bourses séreuses superficielle ou profonde et à d'autres souffrances de l'appareil extenseur du genou: contusion osseuse de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) ou chondromalacie rotulienne par souffrance cartilagineuse avec épanchement intra-articulaire (indispensables: radiographies et échographie).
Suivant l’intensité de la force vulnérante, les lésions tendineuses et péri-tendineuses seront de sévérité croissante:
- soit rupture de quelques fibres au niveau du corps ou de l’insertion du tendon et processus de cicatrisation qui commencera à partir des premiers jours et récupération variable de quelques semaines à 2 mois et plus.
- soit, si traumatisme plus conséquent, réparation du tendon plus longue, apparition d'un cal tendineux et régénération complète à la fin du 3ème mois quand tout va bien.
En cas de forte contusion le tendon peut rester fragile et la récupération totale demander une bonne année. Un déficit peut même s’installer surtout s'il persiste au sein du tendon un foyer de nécrose, un nodule fibro-cicatriciel, une cavité kystique ou des calcifications (signes d’une cicatrisation de mauvaise qualité qui relèvera alors de la chirurgie).
Sur le plan thérapeutique, ces contusions tendineuses (qui ne sont en rien des tendinopathies de sur-utilisation) doivent être glacées les 3 premiers jours, mises sous AINS pendant une semaine et rééduquées après la 1ère semaine (le tendon rotulien doit être progressivement sollicité selon le protocole en excentrique de Stanish, d'abord en statique, puis en dynamique).
Il est recommandé d'associer à cette rééducation, en se guidant sur les douleurs, de la natation et du vélo à condition exclusivement de mouliner. Ondes de choc et surtout PRP peuvent accélérer le processus de régénération.
4-L’arthrose du genou ou gonarthrose du «vieux» lanceur
Activités physiques à haute exigence ostéo-articulaire, les lancers en athlétisme sont de grands pourvoyeurs d’arthrose du genou ou gonarthrose qui correspond à 1 dégradation majeure du cartilage et de l’os sous-chondral, de ses surfaces articulaires.
Dans la population générale cette arthrose du genou est 1 affection fréquente (3 fois supérieure à l'arthrose de hanche) et invalidante qui devrait pouvoir bénéficier d'une prise en charge par une équipe médicale expérimentée (médecin MPR et kinésithérapeutes), dès l’apparition des 1ers signes cliniques au stade de chondropathie, associant des mesures orthopédiques à des thérapeutiques innovantes, avant de relever de la chirurgie prothétique dont l’échéance pourrait être retardée et même évitée dans certains cas.
Après 70 ans, la fréquence d'une gonarthrose radiologique avec pincement des interlignes fémoro-tibiaux et/ou fémoro-rotulien est de 40 %, toutes n’étant pas symptomatiques. A un degré lésionnel moindre, celle des chondropathies du genou sont de 70 % à 70 ans.
Classification anatomique
Suivant leur localisation sur les différents compartiments du genou, on distinguera 2 types de gonarthrose, la gonarthrose fémoro-tibiale et la gonarthrose fémoro-patellaire. Suivant la sévérité de l’atteinte dégénérative, on distinguera une gonarthrose globale (la totalité du cartilage des 2 compartiments de la fémoro-tibiale et ou de la fémoro-patellaire sont atteints) et 1 gonarthrose interne ou externe (gonarthrose uni-compartimentale). Les 2 localisations peuvent être associées (gonarthrose tri-compartimentale).
L’arthrose fémoro-tibiale
La gonarthrose fémoro-tibiale est plus fréquente chez les lanceuses que chez les lanceurs, pendant, en fin ou après leurs carrières, en cas de surcharge pondérale, surtout si se surajoute 1 insuffisance veineuse chronique (varices).
Physiopathologie
La dégradation intra-articulaire dans une gonarthrose est en rapport avec des phénomènes mécaniques et biologiques qui vont modifier l’équilibre entre la synthèse et la dégradation du cartilage et de l’os sous-chondral:
- la membrane synoviale, qui tapisse la face interne des articulations du genou et élabore le liquide articulaire (liquide synovial) qui permet la lubrification et la nutrition du cartilage, intervient aussi en produisant des médiateurs chimiques qui vont altérer directement sa matrice.
- l’os sous-chondral participe également à ce phénomène de dégradation articulaire par la sécrétion d’enzymes protéolytiques. Par ailleurs le cartilage ne possèdant pas de nocicepteurs (récepteurs de la douleur), l’origine des douleurs dans une gonarthrose provient essentiellement de l’os sous-chondral qui possède lui, ce type de récepteur.
Epidémiologie
La prévalence de la gonarthrose varie selon la définition retenue (clinique ou radiologique) et selon les populations étudiées et leur âge (l’incidence augmente avec l’âge avec un maximum entre 70 et 79 ans).
Dans une gonarthrose qui affecte 1, 2, ou les 3 compartiments du genou, l’atteinte est fémoro-patellaire à 88%, fémoro-tibiale interne à 67%, fémoro-tibiale externe à 16% et bilatérale dans 2/3 des cas.
Facteurs de risques
Le développement d’une gonarthrose peut être favorisé par des facteurs biomécaniques locaux et systémiques.
Les facteurs biomécaniques locaux
Ils sont de grands pourvoyeurs de gonarthroses secondaires et comprennent:
- les traumatismes articulaires et en particulier les fractures articulaires (rotule, plateaux tibiaux ou condyles), les entorses graves par lésions des ligaments croisés (surtout les séquelles de rupture ancienne du ligament croisé antérieur), les lésions traumatiques longitudinales et en anse de seau des ménisques.
- l’entraînement répétitif avec des charges lourdes dans les sports de force/vitesse comme les lancers est en général très délétère pour les cartilages; pourtant, à propos du squat complet qui est l’exemple type d’un entraînement répétitif avec charges lourdes, certaines études récentes démontrent le contraire, ce mouvement de flexion du genou en charge pourrait même avoir un effet protecteur sur les éléments amortisseurs et de de stabilité du genou (cartilages, ligaments, tendons péri-articulaires).
- la surcharge pondérale, principalement après l’arrêt des compétitions de lancer est l’un des facteurs les plus importants de l’apparition et de la progression radiologique de la gonarthrose. Elle agit en augmentant les pressions sur le genou mais également par l’intermédiaire d’anomalies métaboliques, plusieurs substances synthétisées par les adipocytes (cellules du tissu graisseux) telles que la leptine et l’adiponectine sont incriminées dans la genèse des lésions cartilagineuses.
- les vices architecturaux (genu varum = jambes en O ou genu valgum = jambes en X) peuvent aussi favoriser l’apparition d’une gonarthrose par augmentation des pressions au niveau d’un compartiment par rapport à l’autre (le genu varum favorisant la gonarthrose interne et le genu valgum la gonarthrose externe par ailleurs d’apparition très tardive par rapport à la précédente).
Les facteurs systémiques
Nous l’avons déjà évoqué, la prévalence et l’incidence de la gonarthrose augmentent avec l’âge et sont plus élevées chez les femmes après 50 ans; plusieurs travaux ont démontré l’influence de facteurs génétiques dans la survenue de la gonarthrose. Inversement, l’hormonothérapie substitutive (oestrogénothérapie) en post-ménopause interviendrait en réduisant le risque de gonarthrose. Quant au rôle du tabac, il reste encore flou.
Clinique
Les douleurs de la gonarthrose se manifestent préférentiellement lors de la mise en charge, la marche prolongée ou sur terrain accidenté ou montagneux.
Leur horaire est de type mécanique (diurne), accentué par l’effort et calmé par le repos. Il peut parfois être nocturne, d’allure pseudo-inflammatoire, en cas de poussée congestive d’arthrose.
Les douleurs peuvent également être diffuses ou localisées, mais il n'y a pas nécessairement concordance entre la localisation du ressenti douloureux qui peut être, soit du côté interne, soit du côté externe du genou, et leur origine sur 1 des 2 compartiments fémoro-tibiaux (piège clinique que l’imagerie corrigera).
Les signes d'examen
L'exploration clinique du genou est facilitée par son positionnement anatomique superficiel et la facilité à palper ses différentes structures :
- douleurs à la palpation de l’interligne antéro-médial ou antéro-latéral ou sur les 2, genou fléchi.
- limitation articulaire de la flexion à la distance talon-fesse et en extension à la distance talon-table d’examen, avec possible déficit d'extension passive et active (= flexum).
- épanchement articulaire (hydarthrose) entraînant une augmentation de volume du genou avec présence d'un choc rotulien à l’examen physique et, en cas d’épanchement, pas de signes inflammatoires (pas d'augmentation de la chaleur locale et le liquide synovial quand il est ponctionné est de type mécanique, pauvre en cellules et en globules blancs avec moins de 2000 cellules/mm3 et 50 % de polynucléaires).
- désaxation possible en genu varum associée à une arthrose fémoro-tibiale interne ou en genu valgum associée à une gonarthrose fémoro-tibiale externe.
Cas particulier de la poussée congestive d'arthrose
L’histoire d’une arthrose du genou est jalonnée de poussées congestives qui correspondent à une irritation de la membrane synoviale, en réaction à la libération de fragments cartilagineux. Cette congestion synoviale va activer le processus arthrogène, avec risque accru d’accentuation de la dégradation cartilagineuse, si l’inflammation synoviale n’est pas vite maîtrisée par une thérapeutique symptomatique par anti-inflammatoires (AINS) ou par infiltrations intra-articulaires de corticoïdes ou d’acide hyaluronique (s’il n’y a pas ou très peu d’épanchement), voire par une synoviorthèse (Hexatrione) en cas d’épanchements chroniques récurrents.
Cliniquement
Une poussée congestive d’arthrose va se caractériser par une modification des douleurs qui, d’intermittentes, vont devenir plus ou moins permanentes, et par la présence d'un épanchement intra-articulaire avec possibilité de signes inflammatoires discrets (légère augmentation de la chaleur locale, l'épanchement restant toutefois de type mécanique à l'analyse cytologique). Ces poussées congestives sont mal calmées par le repos et répondent au glaçage de l’articulation et au traitement symptomatique vu précédemment.
Le diagnostic radiologique d'une gonarthrose
Les radiographies vont mettre en évidence les signes habituels d’arthrose qui vont affecter soit l'ensemble des 2 articulations fémoro-tibiales, soit uniquement les compartiments fémoro-tibiaux interne ou externe, avec pincement de l’interligne, condensation et géodes sous-chondrales, ostéophytose marginale des bords des condyles et des épines tibiales sur le cliché debout «en schuss» à 30° de flexion».
Clichés radiographiques à demander
Pour diagnostiquer précocément une arthrose débutante sous forme d'un pincement discret de l'interligne articulaire, il faut demander:
- 1 cliché comparatif de face des 2 genoux en position debout en charge, qui peut aussi révéler une petite désaxation en genu-varum ou valgum.
- 1 cliché en schuss à 30° de flexion qui explore plus particulièrement la zone portante des condyles, la plus exposée.
Le cliché de profil est moins utile.
Dans certains cas, une téléradiographie prenant l'ensemble des membres inférieurs en charge permet de bien étudier l'axe mécanique des membres inférieurs (cet axe mécanique = tracé du centre de la tête du fémur au milieu de la cheville doit passer entre les 2 épines tibiales).
L’évolution d’une gonarthrose
L'évolution va se faire quasi inéluctablement vers une aggravation lente du processus arthrogène, entrecoupée de périodes de poussées douloureuses. La perte moyenne de hauteur de l'interligne articulaire est de 0,2 mm par an, mais avec de très grandes variations individuelles.
Les formes cliniques d’une gonarthrose
La gonarthrose peut être primitive (sans cause particulière) ou secondaire.
Les gonarthroses secondaires sont la conséquence de traumatismes ou de micro-traumatismes et de désaxations axiales en genu varum ou en genu valgum:
- en cas de genu varum, l'axe mécanique des membres inférieurs en téléradiographie passe en-dedans du genou, entraîne une hyperpression du compartiment fémoro-tibial interne et une arthrose fémoro-tibiale interne.
- en cas de genu valgum, l'axe mécanique du membre inférieur passe en-dehors du genou, entraîne une hyperpression du compartiment fémoro-tibial externe et une arthrose fémoro-tibiale externe.
Le genu varum ou/et le genu valgum constitutionnels entraînent une arthrose secondaire (mais il est quelquefois difficile de dire si la déviation axiale est primitive ou secondaire à l’arthrose).
Traitement de la gonarthrose fémoro-tibiale
L’éducation du gonarthrosique est fondamentale
Education sur sa maladie, les facteurs de risque, les profils évolutifs, les différents traitements, l’apprentissage de l'économie articulaire, la pratique d’exercices réguliers pour entretenir les amplitudes articulaires et l'endurance musculaire (contractions isométriques des quadriceps et des fessiers par exemple), l’auto-rééducation à domicile par l’utilisation de chaussures amortissantes et à semelles souples et la marche avec pas simulés (marche qui protège l’appui en n’appuyant pas trop du côté arthrosique et davantage appui avec les bras sur les cannes anglaises). La réduction d'une surcharge pondérale est fondamentale.
Les traitements pharmacologiques
- le paracétamol en début d’évolution est l'antalgique de 1ère intention; à poursuivre au long cours si son efficacité est suffisante. La dose est de 2 à 3 g/jour à prendre régulièrement.
- les applications locales d’AINS et de capsaïcine en complément du paracétamol sont de bons adjuvants, efficaces et sans danger. Ils permettent d'éviter les effets indésirables systémiques gastriques et rénaux des AINS, 1 patient sur 2 obtenant un soulagement > 50% par rapport au placebo, ce qui n’est pas négligeable.
- les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) par voie générale en cas de non réponse au paracétamol et aux applications locales
- les antalgiques opiacés (codéïne + paracétamol) sont utiles comme alternative chez les patients chez qui les AINS sont contre-indiqués, inefficaces, ou mal tolérés. Leurs effets secondaires sont fréquents (constipation, sécheresse bouche, etc) surtout chez les sujets âgés.
- les anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (sulfate de glucosamine, chondroïtine sulfate, diacérhéine) ont un effet symptomatique réel et sans doute structural. Leur activité anti-inflammatoire est prouvée mais inférieure aux AINS, leur effet retard est de 4 semaines, l’effet rémanent à l'arrêt du produit est de 2 à 3 mois et ils sont bien tolérés notamment sur le plan digestif.
- l’infiltration de corticoïdes locaux est indiquée en cas de poussées congestives douloureuses avec peu ou pas d’épanchement intra-articulaire.
- la viscosupplémentation par injections intra-articulaires d'acide hyaluronique (AH) semble avoir actuellement une place reconnue dans le traitement de la gonarthrose. Elle est indiquée en cas d'échec du traitement médical classique et en l'absence de poussée congestive (douleurs nocturnes, épanchement). Son efficacité sera d'autant plus probable que l'arthrose est modérée, sans ou avec très peu d’épanchement intra-articulaire.
- les PRP (concentré de plaquettes sanguines) sont de plus en plus utilisés, mais comme pour tout dérivé sanguin, avec beaucoup de précautions.
- la synoviorthèse par injection d'hexacétonide de triamcinolone (Hexatrione = corticoïde fluoré puissant) ou d’1 radio-isotope (l’Ytrium 90) donne de bons résultats dans les épanchements chroniques du genou.
Le traitement chirurgical
- le lavage articulaire est un traitement d'appoint précieux dans la gonarthrose. Il consiste à irriguer l'articulation avec du sérum physiologique, ce qui permet d'évacuer toutes les micro-substances qui contribuent à entretenir l'inflammation synoviale, sources de douleurs chroniques.
- la chirurgie du cartilage est une technique que proposent certaines équipes chirurgicales.
- le traitement par implant de cellules souches dans la gonarthrose localisée semble promis à un bel avenir.
- une ostéotomie de réaxation est indiquée en cas de genu varum ou valgum.
- la prothèse uni- et surtout bi-compartimentale en cas de douleurs rebelles associées à un handicap et à une destruction radiologique (rare chez les sujets de moins de 60 ans, sauf en cas de maladie inflammatoire associée comme une polyarthrite rhumatoïde ou une arthrose post-traumatique).
5- Le syndrome rotulien (patellaire)
Caractéristiques cliniques de la série rotulienne
Les signes fonctionnels
- douleurs à la descente d’escaliers
- douleurs à l'accroupissement
- douleurs au maintien de la station assise prolongée = signe du cinéma
- parfois accrochage ou pseudo-blocage rotulien.
Les signes d'examen
- le palpé rotulien des 2 facettes articulaires de la rotule (facette latérale et médiale) en poussant transversalement la rotule est sensible
- le signe du rabot = sensation d'accrochage et de frottement douloureux à la mobilisation verticale et transversale de la rotule dans la trochlée.
Le bilan d’imagerie
Les radiographies dans un syndrome rotulien visent à explorer la course de la rotule dans la gorge trochléenne, pendant la flexion du genou:
L’incidence radiographique la plus intéressante est l’incidence axiale du défilé rotulien réalisée à 30° de flexion.
L’articulation fémoro-patellaire est également bien analysée sur les clichés de profil.
Pour explorer les 1ers degrés de flexion, le scanner est plus intéressant.
Cette imagerie vise à mettre en évidence des signes d'atteinte du cartilage fémoro-patellaire sous forme d'un pincement débutant de l'interligne (pincement global, médial ou plus habituellement latéral).
Le bilan d’imagerie cherchera également à vérifier la bonne position de la rotule et l'absence de dysplasie fémoro-patellaire (rotule trop plate, gorge trochléenne pas assez profonde, berge externe de la trochlée dépassant la berge interne de 5 mm).
La chondropathie rotulienne
Elle est en général post-traumatique par choc direct sur la rotule et affecte souvent les sujets de moins de 40 ans.
Les lésions sont plus ou moins sévères et vont du stade 1 de chondromalacie (sorte de ramollissement de l’épais cartilage rotulien) au stade 3 avec fissures profondes, d’évolution variable, soit favorable avec stabilisation puis régression des douleurs, soit défavorable avec apparition progressive d'une arthrose fémoro-patellaire.
Le diagnostic de chondropathie
Il est avant tout clinique avec présence de signes de la série rotulienne.
A noter que la tendance naturelle de la rotule est de tendre vers une déviation externe due au positionnement anatomique latéral de la tubérosité tibiale antérieure, de sorte que le quadriceps, le tendon rotulien et son insertion sur la tubérosité tibiale antérieure forment un angle ouvert vers l'extérieur (angle Q) qui ne doit pas être > 15°.
L’arthrose fémoro-patellaire
L’arthrose fémoro-patellaire se rencontre plus particulièrement chez la lanceuse de 40 ans et plus ou dans les suites d'une chondropathie post-traumatique ou d'une instabilité rotulienne.
Elle affecte le plus souvent la facette articulaire externe et peut être isolée ou associée à 1 arthrose fémoro-tibiale.
Du point de vue clinique
L’examinateur va retrouver, comme dans une chondropathie rotulienne, les différents signes cliniques de la série rotulienne (douleurs à la descente d’escaliers plus qu’à la montée, à l’accroupissement, à la station assise prolongée, accrochages ou pseudo-blocages, signes du rabot, etc).
Les radiographies
Elles vont visualiser les signes habituels d'arthrose (pincement articulaire, condensation sous-chondrale, géodes, ostéophytes).
Le traitement
Le traitement médicamenteux de l'arthrose est similaire à celui de la gonarthrose fémoro-tibiale. La kinésithérapie avec renforcement isométrique du vaste interne pour rééquilibrer la rotule est indispensable.
L’indication chirurgicale doit être toujours proposée de manière prudente.
Gonarthrose et sports
Les facteurs de risques généraux non modifiables des gonarthroses
- l’âge, le sexe féminin, le profil génétique.
- les antécédents de traumatismes et de maladies inflammatoires du genou.
Les facteurs de risque modifiables
- la surcharge pondérale au delà d’un indice de masse corporelle (IMC) > 27
- l’insuffisance d’activités physiques, la faible capacité aérobie.
- la faiblesse du quadriceps (gardien de la rotule par le vaste interne)
- le stress biomécanique dans les excès d’un travail de force.
Les activités sportives modérément contraignantes pour les genoux: la voile, le ski de fond, l’équitation.
Les activités sportives contraignantes sur le plan articulaire: l’athlétisme, le basket, le volley, le football, le rugby, le karaté, le tennis en simple.
Les activités sportives recommandées après prothèse: le golf, la natation, la marche, le vélo.
IX- Le pied du Lanceur
La chaîne cinétique dans les lancers étant une ligne solide débutant par le pied d’appui au niveau du sol, se continuant par le genou, le bassin, la hanche et l’épaule et n’admettant aucune rupture, «avoir du pied» pour un lanceur c’est déjà être d’un très bon niveau sportif, avoir une gestuelle technique correcte, être fort, coordonné et adroit, et avoir de la raideur musculo-tendineuse, laquelle permet une accélération conséquente en début de mouvement.
Anatomie
Classiquement le pied est divisé artificiellement en 3 régions: l'arrière, le médio et l’avant-pied.
L’arrière-pied = articulations tibio-astragalienne (T/A) et sous-astragalienne (S/A) et 4 os: tibia, péroné ou fibula, astragale ou talus, calcanéum.
Le médio-pied = articulation de Chopart (médio-tarsienne) et de Lisfranc (tarso-métatarsienne) et 10 os: calcanéum, astragale, scaphoïde (naviculaire), cuboïde, cunéiformes, base des 5 métatarsiens.
Le cou-de-pied = tibio-astragalienne, Chopart, Lisfranc.
L’avant-pied = articulations métatarso-phalangiennes (M/P) et inter-phalangiennes (I/P), 19 os et 2 sésamoïdes au niveau de la M/P du gros orteil. A noter que sur le plan fonctionnel l’articulation tibio-péronière (fibulo-tibiale) supérieure fait partie du pied (SAMA podo-sural).
Les repères osseux et tendineux
Ils sont importants à connaître et guideront le clinicien dans l’examen physique des différentes articulations:
- les repères osseux: la tête du péroné, les 2 malléoles interne et externe, le tubercule du scaphoïde sur le bord interne du pied, la base du 5ème métatarsien sur son bord externe.
- les repères tendineux: jambier antérieur, long extenseur du gros orteil (hallux) et extenseur commun des orteils en avant, tendon d'Achille en arrière, jambier (tibial) postérieur et long fléchisseur de l’hallux (carrefour postérieur de la cheville) en dedans, fibulaires (péroniers latéraux) en dehors.
La cohérence fonctionnelle du pied
Le pied est un ensemble d’articulations très cohérentes sur le plan fonctionnel. Il préside à 2 fonctions essentielles: la marche (60% phase d’appui, 40% phase oscillante) avec ses 4 temps du déroulement du pas:
- double appui avec élan postérieur, période oscillante avec appui unipodal controlatéral (lévitation), double appui de réception du pied antérieur (déroulement du pied), appui unipodal.
- l’adaptation du pied à une charge axiale, aux inégalités du sol et au restant de l'appareil locomoteur.
Cette cohérence fonctionnelle est visible à chaque pas où, de la péronéo-tibiale supérieure jusqu'aux orteils, chaque articulation du SAMA podo-sural est sollicitée: la flexion/extension du pied sur la jambe se répercute sur la fibulo-tibiale supérieure; l’inversion/éversion du pied mobilise les 3 articulations du cou-de-pied, tibio-tarsienne, sous-astragalienne et médio-tarsienne de Chopart, modifie la voûte plantaire avec la participation des orteils; l’appui unipodal se produit à chaque pas et sollicite toutes les articulations.
La rançon de cette cohérence fonctionnelle est que n'importe quel traumatisme qui affecte un élément de la chaîne du pied va retentir sur les autres éléments, en particulier en début de chaîne au niveau de la tibio-péronière supérieure souvent affectée par une restriction de sa mobilité qu’il faudra lever par des thérapeutiques manuelles.
La traumatologie du pied
1- L’entorse externe récente de la cheville
Sur mécanisme lésionnel le plus souvent en inversion forcée (combinaison d’une flexion plantaire de la cheville, d’un varus de l’arrière-pied et d’une supination de l’avant-pied), l’entorse externe de cheville reste le plus fréquent des traumatismes du pied en pratique sportive et dans la vie de tous les jours (6000 entorses quotidiennes en France). En cas de prise en charge négligée, cette entorse externe de cheville aura cette particularité d’avoir un fort potentiel de récidives (entorses à répétition par absence de cicatrisation d’un ou plusieurs faisceaux du ligament externe qui seront à différencier d’une instabilité par lésion neurologique L5 ou du nerf sciatique poplité externe ou d’une insécurité par diverses causes: douleurs résiduelles, corps étranger intra-articulaire, etc).
Les lésions dans une entorse fraîche du LLE
Suivant l’importance du mouvement vulnérant, l’entorse externe sera de sévérité croissante et ira de la simple distension ligamentaire dans l’entorse bénigne à la rupture du faisceau antérieur et de la capsule antérieure dans l’entorse de gravité moyenne.
Dans une entorse grave, la capsule et les 3 faisceaux antérieur péronéo-astragalien, moyen péronéo-calcanéen et postérieur péronéo-astragalien, se rompent.
La lésion ligamentaire peut même s’étendre aux structures adjacentes, os, pavé ostéo-chondral, ligament en haie de l’articulation sous-astragalienne, gaine des tendons péroniers latéraux, partie externe des ligaments de Chopart et de Lisfranc.
Les Règles d’Ottawa
La plupart des entorses externes de cheville étant des entorses bénignes sans lésions osseuses, les radiographies sont parfaitement inutiles. Pour limiter la prescription d’imagerie au strict nécessaire et suffisant, des règles de bonne pratique (règles d’Ottawa) ont été établies.
Devant un traumatisme de la cheville, le médecin examinateur ne peut prescrire des radiographies que si:
- l’âge est inférieur à 16 ans et supérieur à 55 ans,
- impossibilité d’effectuer 4 pas de suite lors de la survenue du traumatisme ou lors de l’examen clinique,
- présence de douleurs exquises à la palpation du bord postérieur des 2 malléoles sur 6 cm, de la base du 5ème métatarsien sur le bord latéral du pied, du scaphoïde tarsien sur le bord médial, et de la partie supérieure du péroné.
Signes cliniques initiaux d’une entorse externe fraîche
Douleur localisée sur le compartiment externe de la cheville et, suivant le degré de sévérité de l’entorse, craquement perceptible, sensation de déchirure, tuméfaction immédiate des parties molles (oeuf de pigeon des entorses moyennes et graves du LLE).
Symptomatologie différée
Douleurs persistantes, écchymose localisée péri-malléolaire externe avant la 24ème heure, impotence fonctionnelle variable en fonction de la sévérité de la lésion, insomnie la 1ère nuit.
Signes de gravité
Craquement, sensation de déchirure, douleur syncopale, gonflement sous- malléolaire externe immédiat (oeuf de pigeon), gonflement du Chopart externe et/ou en regard de la styloïde du 5ème métatarse sur le bord externe du pied (entorses du Chopart et/ou du Lisfranc associées).
L’examen physique debout quand c’est possible
L’inspection de dos: valgus calcanéen de 6° et varisation lors de l'appui sur pointe du pied, saillie du tendon d'Achille, gouttières rétromalléolaires. L’inspection de profil: recherche d’un pied plat ou creux, visualisation d’une ecchymose malléolaire externe qui s'étend vers le bas (orteils) ou vers le haut (1/3 moyen ou supérieur de jambe).
Les tests fonctionnels: l’athlète doit faire quelques pas (en cas d’impossibilité, appliquer les règles d’Ottawa), s’accroupir sans décoller les talons, exécuter une montée unipodale sur talon et sur pointe et sautiller sur place.
L’examen couché
Il recherche une limitation des mobilités et des douleurs à la mobilisation des différentes articulations (de la tibio-péronière supérieure jusqu’aux inter-phalangiennes proximales et distales).
Le testing tendineux: Achille, jambiers antérieur et postérieur, péroniers latéraux, extenseur commun des orteils, extenseur propre du gros orteil, fléchisseur commun, fléchisseur propre du gros orteil.
La recherche des laxités sagittales et frontales: tiroir antérieur astragalien, ballottement latéral ou choc astragalien, augmentation du varus ou du valgus. La palpation minutieuse: antérieure, latérale, postérieure des os, ligaments et tendons.
Le diagnostic de gravité
Il est difficile à établir le 1er jour; faire alors béquiller le blessé (pas d'appui) et le réévaluer cliniquement entre le 3ème et le 5ème jour (éventuellement après ponction d’une hémarthrose de la tibio-astragalienne ou de la sous-astragalienne).
L’imagerie
Radiographies du pied, échographie, scanner et IRM si besoin sont une aide précieuse pour le bilan lésionnel.
Le traitement fonctionnel
Il doit être précédé par le protocole Rice (RICE = Rest (repos), Ice (glace), Compression, Elevation) ou GREC.
L'orthèse air-cast a révolutionné le traitement de l’entorse en limitant fortement le varus-valgus et en laissant relativement libre la flexion-extension du pied.
Elle permet ainsi une cicatrisation guidée sans enraidissement du cou-de-pied, assure le maintien partiel de la mobilité sagittale et constitue la première étape d'une rééducation proprioceptive.
Dans une majorité de cas, ce type d’orthèse de stabilisation a remplacé les immobilisations plâtrées et réduit considérablement les indications chirurgicales. Suivant la sévérité de l’entorse, l’orthèse air-cast est à porter entre 3 et 6 semaines.
Amovible cette orthèse donne la possibilité de faire à tout instant un bilan lésionnel exact, expose à moins de récidives, assure une bonne stabilité mécanique et entretient la proprioception.
Le traitement orthopédique
La résine garde ses indications en cas de lésion osseuse nécessitant une immobilisation stricte.
Le traitement chirurgical
Par suture + orthèse en cas d’association avec une luxation des tendons péroniers latéraux ou de fracture ostéo-chondrale.
Sur entorse grave le traitement chirurgical doit toujours être proposé au sportif de très haut niveau.
2- Les autres entorses récentes du pied
A côté de l'entorse externe de cheville, il peut exister isolément des entorses internes de cheville, de la tibio-péronière inférieure, de la sous-astragalienne, de la médio-tarsienne de Chopart et de la tarso-métatarsienne de Lisfranc, des métatarso-phalangiennes et des inter-phalangiennes proximales et distales.
- Les entorses internes (médiales) de cheville
Les entorses internes sont rares (fractures le plus souvent). Elles affectent le ligament collatéral interne qui est un ligament solide et formé de 2 couches, une superficielle en éventail (ligament deltoïdien), une profonde composée de 2 faisceaux. Le mécanisme lésionnel est un mouvement d’éversion forcée (cette torsion externe associe flexion dorsale et valgus du pied: abduction et pronation). Le problème, ici, est de ne pas passer à côté d’une fracture de la malléole interne ou d’une fracture ostéo-chondrale de l’astragale (radios indispensables et éventuellement scanner). Le traitement d’une entorse interne sera soit chirurgical pour le haut niveau, soit orthopédique, soit fonctionnel, en fonction du degré de sévérité de l’atteinte ligamentaire.
- L’entorse péronéo-tibiale inférieure
Ce type d'entorse est le plus souvent en rapport avec un mécanisme lésionnel en éversion du pied ou en pronation ou en rotation externe forcée du pied sous le tibia. Traitement: protocole Rice ou Grec (glaçage), résine ou orthèse sur 4 semaines ou résine 6 semaines ou chirurgie pour le haut niveau.
- Les entorses sous-astragaliennes isolées
Ce type d'entorse est rare et concerne les 2 faisceaux du ligament en haie sous-astragalien. Ce dernier supporte toutes les contraintes d’inversion et d’éversion du pied et se tend lors de la supination de l’arrière-pied. Il est tout particulièrement sollicité lors de la marche en terrain inégal. Cette entorse est souvent en rapport avec un mécanisme lésionnel en inversion du pied qui lèse en même temps le LCE de la cheville. Traitement: orthèse; parfois ponction de l'hémarthrose associée; rarement résine.
Les entorses de l'articulation médio-tarsienne de Chopart
Le Chopart externe = l’articulation calcanéo-cuboïdienne et le Chopart interne = astragalo-scaphoïdienne avec ligament en Y. Cette articulation est le sommet de l'arche externe et interne du pied ou sa clef de voûte. Elle autorise l’appui. La médio-tarsienne est pontée en dehors par les tendons péronéaux latéraux et en dedans par les tendons jambier antérieur et postérieur. Fonctionnellement le Chopart est lié à la sous-astragalienne et forme un couple de torsion de l’arrière-pied.
En cas d'entorses du Chopart tout appui est impossible (le blessé se présente, porté par son entourage). En cas de blocage de la pro-supination du pied, une synostose rapide de l’articulation va s’installer rapidement.
C’est l'appui qui fait mal (Chopart externe). Il devient impossible dans l’entorse du Chopart interne. Le traitement: immobiliser par une orthèse et faire obligatoirement béquiller avec 2 cannes anglaises. Lutter contre l'oedème et l’enraidissement, source de synostose rapide; drainer + position déclive et glace pour l'oedème + mobilisation douce.
Les entorses de l’articulation tarso-métatarsienne de Lisfranc
Elles sont rares, de gravité variable, fonction de l’intensité du traumatisme et difficiles à diagnostiquer. Dans une entorse isolée, la symptomatologie est pauvre: gonflement localisé sur l’interligne de Lisfranc. Possibilité de lésions associées (fractures, luxations). La prise en charge est l’affaire de chirurgien spécialisé. Le traitement est soit conservateur soit chirurgical.
3- La désinsertion musculo-aponévrotique du muscle jumeau interne (JI) du mollet
Généralités
Le muscle jumeau (gastrocnémien) interne est extrêmement sollicité en athlétisme. Il peut se désinsérer partiellement ou totalement entre en arrière, le muscle profond du mollet le soléaire et en avant et en dedans, le jumeau interne. Ce décollement peut être comblé par un hématome. En athlétisme cette désinsertion se rencontre surtout en course à pied et quelquefois dans les lancers. Sa gravité est proportionnelle à l'importance de la déchirure aponévrotique et de l'hématome qui viendra combler l'interstice laissé par le décollement. Point important, cette désinsertion ne peut pas être considérée comme un véritable claquage musculaire qui survient, lui, en plein corps musculaire. C'est en réalité un décollement entre deux muscles et sa gravité est liée à la présence d'un hématome qu'il faut ponctionner sous échographie et qui peut récidiver après ponction (glaçage et compression indispensables).
Anatomie et biomécanique
A la fois volumineux et très puissant, le triceps sural du mollet et ses 3 chefs musculaires, le soléaire en profondeur et les muscles jumeaux interne et externe en superficie, est le groupe musculaire qui donne son galbe au mollet.
Physiologiquement il intervient à la fois dans le maintien de la station debout et dans la propulsion des membres inférieurs.
Mécanisme lésionnel
La désinsertion du muscle jumeau interne est la résultante d’un conflit entre le chef mono-articulaire soléaire et le chef poly-articulaire jumeau interne qui s’insère par l’intermédiaire d’une lame tendino-aponévrotique commune aux 2 chefs musculaires. La lésion résulte le plus souvent d’un mécanisme d'étirement brusque avec asynchronisme articulaire (extension du genou et flexion dorsale de cheville). Elle survient soit à froid sur un muscle non échauffé ou à chaud sur un muscle fatigué. Une désinsertion musculo-aponévrotique peut même survenir lors d’une simple marche rapide dans la vie de tous les jours.
Symptomatologie immédiate et conduite à tenir
La douleur est d’emblée violente voire syncopale avec parfois claquement audible. Elle s’accompagne d’une impotence fonctionnelle totale.
Si l'évaluation clinique est immédiate et comparative, l'examinateur va constater un segment jambier tendu et percevoir la masse rétractée du muscle jumeau interne qui surplombe une encoche rapidement comblée et masquée par un hématome fluctuant. La palpation soigneuse du tendon d'Achille s'avère infructueuse, le tendon ne présentant aucune encoche (la rupture du tendon d’Achille est le principal diagnostic différentiel).
L’échographie au 8ème jour
En post-traumatique immédiat l’échographie n'est pas nécessaire et le plus pertinent est d'appliquer immédiatement le protocole thérapeutique RICE.
Nos confrères radiologues conseillent de faire cette échographie entre le 8ème et le 10ème jour. Elle va permettre d’évaluer la gravité de la lésion, de la corréler à la désinsertion aponévrotique et à la persistance de l'épanchement liquidien, de la distinguer des désinsertions partielles qui seront traitées comme des déchirures stade II et des désinsertions totales qui seront traitées comme des ruptures.
La poche de décollement entre soléaire et jumeau interne se traduit en échographie pas une masse hypo-échogène dont le volume peut varier.
Il faut la ponctionner et la surveiller afin d'éviter la survenue d'un pseudo-kyste cloisonné. La guérison, en échographie, va s'effectuer sous la forme d'une zone iso-échogène. L'IRM est un examen d'exception dans cette pathologie.
Le traitement
C’est celui de tout accident musculaire. Il ne se différencie pas de celui d'un accident musculaire classique.
C’est le protocole RICE ou GREC: G comme glaçage; R comme repos relatif avec béquille; E comme élévation du membre lésé avec position déclive dans le lit; C comme compression par une bande de compression de grade 2 des orteils jusqu'au mollet à porter une bonne dizaine de jours + la ponction.
La reprise de la marche est fonction de la douleur résiduelle. Elle doit être précoce. Le béquillage avec 2 cannes anglaises allège l'appui et respecte la douleur.
Place de la kinésithérapie
La kinésithérapie doit précéder la reprise sportive: rééducation à la marche en cas de gêne fonctionnelle, étirements du triceps sural, massages transverses profonds, travail actif du triceps en concentrique puis en excentrique.
La reprise du sport
Elle va dépendre de l'importance de l'hématome et va de 3 à 4 semaines dans les meilleurs cas jusqu’à plusieurs mois si l'hématome persiste.
Cette reprise du sport doit être précédée d'un testing musculaire et la triade musculaire doit être négative à la contraction résistée, à l'étirement et à la palpation. En cas de doute clinique une nouvelle échographie est nécessaire et doit mettre en évidence une zone iso-échogène qui signe la guérison.
Le traitement chirurgical
Il est parfois nécessaire en cas de complications ou pour évacuer un volumineux hématome ou si cet hématome persiste après ponctions répétées.
Prévention
Les muscles jumeaux étant des muscles poly-articulaires (comme les ischio-jambiers, les adducteurs et le droit antérieur du quadriceps), la meilleure des préventions consiste à intégrer à l’entraînement physique des exercices d’étirements progressifs en fin de séance d'entraînement et du renforcement de type excentrique.
Comme toujours en traumatologie sportive l’important est de bien traiter la lésion primaire sous peine de complications secondaires à type de récidives, calcifications, pseudos-kystes, etc, dont certaines pourront relever de la chirurgie.
4- Les tendinopathies du tendon d’Achille
Le tendon d'Achille, tendon terminal du muscle triceps sural du mollet, est le plus gros et le plus puissant tendon de l'organisme. Il supporte des forces de traction pouvant aller jusqu'à 300 Kilos.
A cause d'erreurs de préparation physique comme peut l'être une reprise d'activité trop brutale en début de saison, une tendinopathie de surcharge se développera sur ce tendon soumis à des micro-traumatismes répétés.
L’examen clinique est celui de toute les tendinopathies:
- les stades de Blazina: stade 1, douleur après l’effort; stade 2, douleur en fin d’effort; stade 3, douleur permanente pendant et après l’effort; stade 4 rupture).
- la classique triade symptomatique (douleur à la contraction résistée, à l’étirement, à la palpation du tendon).
Toutefois c’est le temps nécessaire lors des premiers pas du matin pour que cesse la douleur (dérouillage matinal) qui est la notion clinique capitale (Guillodo). Le dérrouillage matinal dictera la conduite à tenir.
L'écho-doppler précisera si cette tendinopathie n'affecte que le tendon (son enthèse, le corps du tendon ou la jonction myo-tendineuse) ou si elle touche ses différentes enveloppes de protection (péri, para-tendon et bourses séreuses), cela aura de l'importance sur le plan de la prise en charge thérapeutique.
Le traitement
A court terme le repos sportif, conjugué à un traitement par le froid, est rapidement efficace sur la douleur. Ensuite toute pratique sportive ou entraînement qui n'entraîne que très peu de douleurs le lendemain matin au réveil peut être poursuivi. A contrario si les douleurs persistent ou augmentent au réveil il est impératif de prendre quelques jours de repos, de glacer à nouveau et ensuite de calquer la reprise de l'entraînement sur les douleurs ressenties le lendemain au réveil. Adapter l’entraînement est donc la solution idéale. Les massages transverses profonds sont une bonne indication des tendinopathies corporéales ou nodulaires (contre-indiqués en cas de calcifications). La physiothérapie et les ondes de choc agissent comme de petits marteaux piqueurs qui bombardent le tendon douloureux et semblent bien adaptés aux tendinopathies nodulaires. Les injections de PRP (activateurs de la cicatrisation tissulaire) sont de plus en plus utilisées, mais plus d’études seraient nécessaires afin de standardiser ce type de traitement et optimiser ses résultats (Jacques Rodineau). Enfin chez des athlètes motivés, les étirements musculo tendineux en excentrique de type Stanish en chaîne cinétique fermée ou sur dynamomètre isocinétique et les auto-étirements donnent d’excellents résultats.
5-La rupture du tendon d’Achille
Son début est brutal : douleur fulgurante du talon avec impression d'avoir reçu un jet de pierre et impotence fonctionnelle immédiate, rapidement suivie d’une rémission avec marche à plat possible.
Cinq signes cliniques sont présents si l’athlète est examiné tôt: en position debout, la montée sur la pointe du pied blessé est impossible. En décubitus dorsal, la dorsi-flexion du pied est augmentée. En décubitus ventral, palpation d'une encoche sur le tendon et le pied tombe à la verticale (il n’est plus tenu que par le tonus musculature du triceps sural et il n’y a plus de transmission de la flexion plantaire à la pression du mollet = signe de Thomson). L’imagerie est inutile pour le diagnostic qui est essentiellement clinique. Le traitement est soit orthopédique soit chirurgical pour le haut niveau ou si ruptures itératives. Il doit être le plus précoce possible et laissé à la discrétion du chirurgien orthopédiste.
6- L’aponévrosite de la plante du pied
L’aponévrosite plantaire est une pathologie de surmenage de l'aponévrose plantaire superficielle, épaisse bande fibreuse triangulaire qui soutient la voûte interne du pied et s’étend du talon jusqu’à la base des orteils où elle se divise en languettes qui vont se fixer sur la base des 1ères phalanges.
Biomécanique de la voûte plantaire
L'aponévrose plantaire supporte le poids du corps en position debout et stabilise l’arrière-pied en varus. Biomécaniquement liée au système propulseur des muscles du mollet et du tendon d’Achille, elle est très fortement sollicitée et étirée pendant la marche et la course où elle transmet les forces de propulsion de l’arrière vers l’avant.
Facteurs favorisants
Des micro-traumatismes répétés ou un étirement brutal enflamment l'aponévrose dans une zone proche de son insertion calcanéenne. Cette zone peut se calcifier et former une épine calcanéenne (épine de Lenoir) en dehors de toute lésion d'aponévrosite. La traction exercée sur l'aponévrose plantaire est majorée par des troubles de la statique: surélévation (pied creux) ou affaissement (pied plat) et par les déplacements sur terrain inégal.
Le diagnostic clinique
Il se résume à une douleur d'intensité variable, sous-talonnière unilatérale et parfois bilatérale dans 1/3 des cas dès les 1ers pas le matin au réveil ou en cours de journée à l’effort. Si la douleur est trop forte elle peut s'accompagner d'une gêne fonctionnelle avec boiterie. A l’inspection il n'y a ni rougeur ni oedème et au podoscope on recherchera un trouble de la statique plantaire. La palpation mettra en évidence une douleur exquise à la pression de l’insertion calcanéenne de l’aponévrose. L'absence de douleur à la pression des faces latérales du calcanéum permet d'éliminer à tout coup une fracture de fatigue (principal diagnostic différentiel).
L'épine de Lenoir correspond à la calcification de l'insertion calcanéenne de l'aponévrose plantaire. Ce n’est pas elle qui est en cause dans une aponévrosite plantaire.
L'imagerie
La radiographie standard du pied peut retrouver un trouble de la statique ou une épine calcanéenne. L'échographie bilatérale et comparative est le meilleur des examens complémentaires. Elle va montrer un épaississement de l'aponévrose plantaire. En cas d'échec de l’échographie, l’IRM confirmera le diagnostic d'aponévrosite ou parfois de rupture partielle.
Le traitement préventif
Introduit dès l’apparition des 1ers signes, le traitement n’en sera que plus efficace.
Il sera celui des facteurs favorisants: hydratation correcte, chaussures de sport adaptées, talonnettes amortissantes, semelles orthopédiques, étirements du système propulseur des muscles du mollet, du tendon d’Achille et de l’aponévrose plantaire, écrasement de l'aponévrose sur une balle de tennis dans un but d'assouplissement.
La kinésithérapie
Toutes les techniques de tissus mous et de mobilisations sectorielles des différentes articulations du pied par un kinésithérapeute seront les bienvenues. La physiothérapie, les étirements de type Stanish sont utiles.
Les traitements médicamenteux
Les antalgiques et les anti-inflammatoires peuvent aider à franchir un cap. Pour beaucoup de confrères rhumatologues, malgré le risque de rupture partielle, les infiltrations de corticoïdes sont suivies de 70 à 80% de très bons résultats.
Les injections de PRP sont de plus en plus utilisées avec succès.
La chirurgie
Dans les ruptures aponévrotiques le recours à la chirurgie peut être envisagé avec le concours d'un chirurgien orthopédiste rompu à ce genre d’intervention et après échec de toutes les autres thérapeutiques.
7- Les dysfonctions du podo-sural (images Yvon Lesage)
La cohérence fonctionnelle du SAMA podo-sural est telle, que tout traumatisme d’un de ses maillons va retentir sur les autres chaînons et entraîner des blocages à répétition, qu’il va falloir lever par des techniques de médecine manuelle dans le sens inverse du blocage.
- Les blocages de la tibio-péronière supérieure (P/T sup)
Les blocages en rétropulsion sont traités par des manoeuvres en antépulsion: la main proximale de l’examinateur cravate le creux poplité, pouce en avant; la main distale empoigne le pied positionné en rotation externe et effectue une flexion forcée sur le genou qui fait avancer la tête du péroné.
Les blocages en antépulsion sont traités par des manoeuvres en rétropulsion. Sujet genou tendu: son membre inférieur est chargé sur l’épaule interne de l’opérateur, pied en rotation interne; mains de l’opérateur croisées sur les épiphyses tibiales et péronières avec butée de l’éminence thénar de la main sur la tête du péroné; pulsion en accentuant vers le bas la tête du péroné.
- Les blocages de la tibio-péronière inférieure (TP inf)
Levée du blocage: membre inférieur tendu sur le plan de la table; la main proximale de l’opérateur bloque le tibia sous le genou; la main distale positionne le pied en varus équin; pulsion sans jamais forcer en accentuant le varus équin.
- Les blocages de la tibio-tarsienne (T/T) et de la sous- astragalienne (S/A)
Levée des blocages par des techniques de décoaptation sagittale pour la T/T, puis frontale pour la S/A. Patient en décubitus ventral: mains de l'opérateur en étau sur le cou de pied; genou de l'opérateur bloquant le creux poplité.
- Les blocages du scaphoïde et du cuboïde
Patient en pro-cubitus, genou sur table ou en dehors de la table (la manipulation est ainsi plus puissante). Les 2 mains de l’opérateur enserrent l’avant-pied, les 2 pouces appuient sur le scaphoïde ou sur le cuboïde tout en bloquant l’avant-pied. L’opérateur effectue des petites secousses pour détendre l’articulation, puis par un mouvement sec le pied est porté en planti-flexion forcée, l’axe de traction se faisant opérateur déporté en dehors de l’axe du membre pour le scaphoïde, et dans l’axe du membre pour le cuboïde.
- Les blocages des inter-phalangiennes
Levée des blocages par décoaptation des inter-phalangiennes proximales (IPP) et distales (IPD). Ce sont des articulations trochléennes mobiles en flexion/extension avec présence de franges synoviales intra-articulaires responsables de blocages. Technique: patient en décubitus dorsal, genou fléchi, orteils hors de la table d’examen. La main proximale bloque le cou-de-pied, l’autre main, par une pince par enfourchement absolument atraumatique, va permettre une traction qui va favoriser l'extension de l'articulation et libérer les franges synoviales bloquées.
Conclusion sur la pathologie des Lancers
L’athlétisme de haut niveau en général et les lancers tout spécialement sont des activités sportives parmi les plus exigeantes qui soient et une école de patience. Derrière une performance de niveau international il y a, partagées avec les coaches et l’encadrement technique, des milliers et des milliers d’heures d’entraînement qui vont solliciter l’appareil ostéo-articulaire des lanceurs et lanceuses jusqu’à ses limites extrêmes.
Les nombreuses blessures de surcharge et celles accidentelles par mécanisme lésionnel en porte-à-faux sur les genoux, chevilles et pieds (très souvent secondaires à une insuffisance de la gestuelle technique) sont là pour nous rappeler que les limites physiologiques de résistance vertébrale et articulaire sont franchies au détriment des disques intervertébraux, des articulations vertébrales postérieures, de l'isthme de L5, des cartilages, des ligaments et des tendons des principales articulations. Blessures que les équipes médico-chirurgicales prennent en charge très efficacement quand il s’agit de primo-blessures, mais avec beaucoup plus de difficultés quand elles sont récurrentes. D’où la nécessité de les diagnostiquer dès les premiers signes, de les traiter avant qu’elles n’évoluent défavorablement et de les prévenir.
Nous avons vu le rôle essentiel de la posture dans la gestuelle technique et la protection de la colonne vertébrale, et partant l'intérêt d’un renforcement des muscles posturaux spinaux et abdominaux profonds par du gainage intensif afin de protéger le rachis cervical et lombaire; avons aussi insisté sur les bienfaits d'un travail aérobie a minima sur vélo ou rameur et d'un renforcement sur un mode excentrique des muscles rotateurs des ceintures scapulaire et pelvienne, et des 4 groupes musculaires à risques: droit antérieur, ischio-jambiers et adducteurs des faces antérieures, postérieures et internes de cuisse et jumeau interne du mollet. Nous avons aussi fait le point sur les étirements et particulièrement insisté pour que soit faite la traque aux dysfonctions de la colonne cervicale et ses nombreux pièges cliniques, dorso-lombaire et lombo-sacrée qui font le lit des blessures de surcharge du membre supérieur dominant et des membres inférieurs.
La prévention commence pour chaque athlète par une hygiène de vie irréprochable aux niveaux alimentation, hydratation et sommeil. Le recours à des compléments alimentaires n’est jamais une nécessité et le dopage doit être combattu de toutes les manières possibles: contrôles sanguins et urinaires réguliers et inopinés, passeport biologique, campagnes de prévention, sévérité des sanctions, etc. Au final, compte tenu du nombre élevé de blessures de surcharge et de la sévérité potentielle de celles qui nécessiteront un recours à la chirurgie réparatrice, comme l'on n'est jamais sûr de les guérir à 100% et pour les athlètes qu’ils puissent revenir à leur niveau antérieur, peut-être serait-il judicieux d'observer une longue coupure à la fin de chaque saison sportive, comme au base-ball aux Etats Unis à cause des pitchers (lanceurs), de manière à éviter la récurrence des blessures, de renforcer les points faibles et enfin comme le recommande Didier Poppé, de remettre peut être en cause tout ce qui est travail de musculation lourde pour revenir à la notion de force utile à chaque discipline de lancers.
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65- Bosco, Rahmani, Izquierdo, Cronin. Tests de terrain et force musculaire.
66- Dr Louis Pallure.
Thèse médecine: contrôle médical et orientation de l’entraînement en rugby (1975).
Diplôme de médecine agricole: les lombalgies par dérangement intervertébral mineur chez l’agriculteur du Roussillon et leur traitement par manoeuvres orthopédiques (1983).
Diplôme de réparation juridique du dommage corporel: le dommage physique dans le rugby professionnel, son évaluation, sa réparation juridique (2000).
Blog de médecine, traumatologie du sport et médecine physique: «un médecin du sport vous informe» (2013).
Médecine et traumatologie des Lancers en Athlétisme (2022).