Chez un grand nombre de sportifs de toutes disciplines et en particulier dans le sport qui nous intéresse de très près, l'Athlétisme, force nous est donnée de constater de plus en plus de lésions micro traumatiques de surmenage, dont l'une au moins, la pubalgie, mérite cette mise au point parce que son diagnostic est souvent retardé et sa prise en charge négligée.
A noter d'emblée que le diagnostic de pubalgie ne doit pas être un diagnostic de facilité et qu'il existe un certain nombre de fausses pubalgies qui cliniquement se rapprochent d'une pubalgie vraie, mais qui en réalité ont des causes différentes (entre 14 et 18 ans chez un adolescent sportif qui présente des douleurs inguinales, avant de porter le diagnostic de pubalgie, il faut envisager en premier la possibilité d'une épiphysiolyse).
A- Les vraies pubalgies
Le carrefour pubien présente quelques singularités qu'il faut connaître:
- la fusion au niveau de leur jonction, entre le muscle grand droit de l'abdomen et le muscle long adducteur controlatéral afin de former une seule et même structure. Cette notion anatomique, partagée maintenant par tous, ne permet pourtant pas encore d’expliquer clairement le mode de transfert des forces et des charges à travers cette aponévrose pré-symphysaire.
- l'insertion du muscle grand adducteur sur la branche ischio-pubienne est différente de celle des autres muscles adducteurs. Elle est à la fois musculaire (en moyenne 60 %) et tendineuse (en moyenne 40 %). La grande fréquence de l'atteinte de ce muscle, suggère un mode de fonctionnement qui le rend très vulnérable et il appartient à l'échographie de mettre en évidence ces variations d'insertion et de préciser si l’atteinte se situe bien au niveau du long adducteur et s’il s’agit d’une enthésopathie d'insertion, d’une fissure tendineuse ou d’une atteinte myo-tendineuse, pronostic et traitement étant alors totalement différents.
III - Physiologie des muscles de la cuisse
Les déséquilibres musculaires antéro-postérieur et interne/externe des muscles de la cuisse et entre abdominaux et adducteurs et les pathologies qui en résultent sont fonction de l'importance des stimulations musculaires variables d'un sport à l'autre et de l'intérêt que le sujet porte à maintenir cet équilibre. Alors que le quadriceps est particulièrement stimulé lors de la pratique des exercices d'extension de la jambe sur la cuisse et de flexions en charge, les ischio-jambiers sont utilisés pour propulser le corps vers l'avant lors des déplacements rapides (course) ou pour fléchir la jambe lors des mouvements de flexion/extension en cyclisme. Quant aux adducteurs eux, ils sont très sensibles aux brusques déplacements latéraux et aux micro-traumatismes engendrés par des appuis plantaires de mauvaise qualité lors de la course. Ils sont également soumis à des étirements excessifs dans de nombreuses activités physiques pratiquées en souplesse (danse, gymnastique).
Le mécanisme lésionnel (ML) +++
Le ML dans une pubalgie correspond à une faiblesse du mur postérieur du canal inguinal et à une rétraction du muscle grand droit de l'abdomen, à l’origine de tensions sur le pubis, de douleurs tendineuses au niveau des insertions osseuses et d’une irritation nerveuse de la branche génitale du nerf génito-fémoral, source de douleurs à l'intérieur de la cuisse et du scrotum (Minnich, AJSM, Sport hernia, V39, 6, 2011).
Les facteurs de risque ++
Ils sont à la fois d'origine intrinsèques et extrinsèques:
Facteurs intrinsèques:
- antécédents de traumatisme des adducteurs ou de la paroi abdominale.
- limitation de la mobilité de hanche en rotation interne.
- facteurs biomécaniques loco-régionaux avec instabilité dynamique du pelvis: hyperlordose lombaire, antéversion du bassin, dysfonction sacro iliaque. Dans cette instabilité dynamique du pelvis, la région lombo-pelvienne joue un rôle primordial dans le transfert des contraintes entre le tronc et les membres inférieurs, avec contraction musculaire anticipée des muscles multifidi, transverses et oblique interne. En cas de douleurs, la contraction de ces muscles et du grand fessier est retardée avec impossibilité de stabiliser le pelvis lors des mouvements des membres inférieurs (Tyler: Clin Sports Med. 29, 2010).
- activation retardée du muscle transverse de l' abdomen avec contraction anticipée des muscles de la paroi abdominale (Transverse, Oblique Interne) lorsque les mouvements des membres inférieurs perturbent l’équilibre de l’anneau pelvien (Cowan: Med.Sci. Sports Exerc., V36, N 12, 2004 ).
- hypotonie constitutionnelle ou acquise des muscles obliques la paroi abdominale basse avec pour conséquences: amincissement, déhiscence, état pré-herniaire.
- déficience de l'orifice interne du canal inguinal: dilaté, en état pré-herniaire.
- dysplasies de hanche ou toute autre pathologie de hanche intra articulaire entraînant une mobilité de hanche réduite: la diminution de la rotation interne (sur cam lésion des conflits antérieurs de hanche ou par rétroversion du fémur) entraîne des contraintes sur le pelvis lors de l’activité physique avec ouverture antéro-inférieure de la symphyse pubienne (Birmingham- AJSM- V40-5-2012). Implication des conflits fémoro-acétabulaire dans la genèse de la pubalgie (Larson/Arthroscopy/2011).
- déséquilibre de la balance Adducteurs très puissants/Abdominaux plus faibles, mais aussi du ratio Adducteurs/Abducteurs < ou = à 80% .
Facteurs extrinsèques
Sports à risque
La pubalgie est une pathologie du jeune sportif, presque exclusivement masculine, qui touche 5-18% des sportifs, tous sports confondus.
- Le Football+++ (schoot, passes latérales, dribbles) avec 58% des footballeurs ayant des antécédents de douleur pubienne, est la discipline sportive la plus exposée. L'incidence de la pubalgie est de 1/1000 Heures de jeux et représente entre 11% et 16% des blessures. Dans une étude Norvégienne sur 508 footballeurs, les joueurs qui ont des antécédents de lésions de la paroi abdominale ont 2 fois plus de risque, ceux qui ont un déficit sur les adducteurs ont 4 fois plus de risque (Engebretsen, AJSM, V20, 10, 2010).
- Hockey: dans ce sport, la force des adducteurs est inférieure de 18% chez les joueurs qui ont des antécédents de lésions des adducteurs. Le ratio de force adducteur/ abducteur est de 95% chez les joueurs sains et de 78% chez les joueurs blessés. Le risque de lésion des adducteurs est 17 fois plus élevé si le ratio est inférieur à 80% (Tyler al. Adductor Muscle Strains in Hockey Players, AJSM, V29, 2, 2001).
- Athlétisme dans une majorité de disciplines (marche, épreuves combinées, perche, courses de fond et de demi-fond, steeple, haies, etc.
- Rugby (ouvreur; buteur),Tennis, Escrime, Danse, Gymnastique, etc.
- Dysentraînement: excés, étirements négligés, musculation mal conduite, matériel inadapté: sol dur, crampons trop longs.
L'évaluation clinique met en évidence la triade classique symptomatique de toute tendinopathie: douleur à la contraction résistée, à l'étirement (et plus en course externe, qu'en course interne, à la palpation).
L'imagerie (radios, échographie, IRM) est peu contributive et met parfois en évidence de discrets remaniements osseux sur la branche ischio- pubienne.
Elle est similaire à la précédente, sauf que la douleur est sus pubienne et touche plutôt l'insertion tendineuse (enthèse).
L'imagerie montre un aspect de pseudo arthrite à la radiographie sans corrélation radio clinique que nos confrères Durey, Boeda et Rodineau ont classés en 4 stades.
L'évolution favorable se fait environ en 3 mois avec souvent restitution ad integrum articulaire.
3/ LA PATHOLOGIE PARIETALE ABDOMINALE
Il s'agit généralement d'une pathologie congénitale du canal inguinal; elle peut quelquefois être acquise. La douleur est sus pubienne et irradie vers le pubis et le testicule. D'apparition progressive, elle est impulsive aux efforts de toux, à l'éternuement et à la défécation.
L'examen physique est d'autant plus sensible qu'il est effectué après effort et réalisé d'abord debout, puis couché:
2II : Nerf ilio-inguinal
2G : Branche génitale
3CL : Nerf cutané latéral de la cuisse 3F : Rameau fessier
A & P : Branches terminales Antérieure et Postérieure
4F : Branche fémorale 4G : Branche génitale
5 : Orifice superficielle du canal inguinal
7: Muscle carré des lombes
8: Muscle iliaque
9: Muscle transverse (profond) et oblique externe
VI - Traitement de la pubalgie
Une étude chez des footballeurs a démontré l'intérêt de 8 semaines d’un entraînement spécifique de force sur les adducteurs de hanche, par bandes élastiques. Ce type d'entraînement a permis d'augmenter de 13% (et donc de manière significative) la force maximale excentrique des adducteurs.
- Jalal Boukhris, Rifi Mojib, Sami Mezghani, JH Jaeger: la pubalgie du sportif de haut niveau: place du traitement chirurgical, à propos d'une série continue de 100 cas
- Wodecki précise que le traitement chirurgical s'adresse aux formes pariéto-abdominales pures ou prédominantes.
- le C.E.R.S (Centre Européen de Rééducation du Sportif) de Capbreton et son directeur médical, le Dr Pierre-Louis Puig ont indéniablement une très grande habitude de la prise en charge médicale de la pubalgie et leur protocole ou équivalents, est à conseiller.
- en cas de tendinopathie d’insertion des adducteurs : physiothérapie locale, massage transversal profond (MTP), mésothérapie, ondes de choc++, étirements (contracté-relâché).
- en cas d'atteinte des grands droits de l’abdomen, il faudra évaluer le niveau de la lésion pour adapter le traitement : tendinopathie d’insertion, lésion tendineuse ou lésion myotendineuse.
- en cas de lésions musculaires ou musculo-aponévrotiques, le repos relatif et la kinésithérapie non douloureuse permettent le plus souvent la cicatrisation.
- en cas de lésion pariéto-abdominale, le sportif doit être orienté rapidement pour un avis chirurgical et opéré.
B- Les fausses pubalgies
- des douleurs projetées d'origine rachidienne thoraco-lombaire (Syndrome de Robert Maigne) d'origine T11-T12, T12-L1 surtout, et parfois L1-L2. Il faut donc devant toute pubalgie, ne pas oublier d'examiner le rachis dorso-lombaire, les deux pathologies pouvant même co-exister, une fausse pubalgie sur syndrome de Maigne pouvant faire le lit d'une vraie pubalgie et compliquer sa prise en charge.
- des dysplasies et du conflit antérieur de hanche et sa cam lésion (voir les articles spécifiques sur l'arthrose de hanche où coxarthrose et le conflits antérieurs de hanche) à cause de leurs douleurs qui se projètent dans le pli de l'aine, peuvent être confondues avec une pubalgie et penser d'abord à une épiphysiolyse+++ chez l'adolescent sportif entre 14 et 18 ans.
- de la névralgie pudendale d'origine sacrée.
- des fractures de fatigue (de stress) des branches pubiennes.
I- Les douleurs projetées d'origine rachidienne thoraco-lombaire T12/L1 (Syndrome de Robert Maigne) :
Voir dans le sommaire, l'article spécifique consacré au syndrome de la charnière thoraco-lombaire.
Ces douleurs projetées sont d'origine T11-T12, T12-L1 surtout, et parfois L1-L2. Il faut donc devant toute pubalgie, ne pas oublier d'examiner le rachis dorso-lombaire, les deux pathologies pouvant même co-exister, une fausse pubalgie sur syndrome de Maigne pouvant faire le lit d'une vraie pubalgie et compliquer sa prise en charge.
II- Les dysplasies de hanche et le conflit antérieur de hanche et sa cam lésion
Voir dans le sommaire, les articles spécifiques sur l'arthrose de hanche où coxarthrose et le conflits antérieurs de hanche; à cause de leurs douleurs qui se projètent dans le pli de l'aine, elles peuvent être confondues avec une pubalgie.
III- L'épiphysiolyse de l'adolescent sportif entre 14 et 18 ans
Définition d'une épiphysiolyse
L'épiphyse supérieure du fémur correspond à l'extrémité supérieure du fémur. Chez l'enfant et l'adolescent en période de croissance, cette épiphyse supérieure est séparée du col et du reste du fémur, par du cartilage de conjugaison. L'épiphysiolyse correspond à un décollement de cette épiphyse supérieure qui glisse vers l'arrière ou vers le dedans, de manière aiguë, brutale ou plus lentement de manière chronique, insidieuse. C'est une dystrophie de croissance en rapport avec l'activité physique.
Le diagnostic est hélas souvent porté avec retard :
- boiterie qui devrait immédiatement alerter tout médecin consciencieux
- formes trompeuses que peut prendre cette affection: devant des douleurs ressenties dans le genou qui à l'examen s'avérera cliniquement normal, penser toujours à examiner l'articulation de la hanche située au dessus.
L'examen clinique de la hanche du côté douloureux, mettra en évidence le plus souvent une asymétrie de mobilité spécialement en rotation interne genou tendu posé sur le plan de la table d'examen, ou de la flexion croisée (flexion, adduction, rotation interne) genou fléchi à 90°.
Des radiographies de hanche, éventuellement comparatives mettront en évidence le glissement de la tête fémorale, soit vers l'arrière, soit vers le dedans.
Entre 13 et 18 ans, tout adolescent sportif présentant des douleurs d'apparition progressive ou brutale localisées dans le pli de l'aine (fausse pubalgie) avec irradiation jusqu'au genou et à fortiori si ces douleurs s'accompagnent d'une boiterie, doit faire envisager une épiphysiolose. L'examen physique genou fléchi de la hanche douloureuse qui met en évidence une limitation fonctionnelle de la flexion croisée: flexion/adduction/rotation interne, doit être considéré comme une épiphysiolyse, avec interdiction formelle de poursuivre toute activité physique et sportive +++ jusqu'à preuve radiologique du contraire et avis d'un chirurgien orthopédique.
Anatomie
Le nerf pudendal nait des branches antérieures des 2e, 3e et 4e nerfs spinaux sacrés qui fusionnent en arrière de l’épine ischiatique. Sortie du petit bassin par le canal intra- piriforme, contournant l’épine ischiatique sous le ligament sacro-épineux. Descend dans le tunnel aponévrotique formé par l’aponévrose du muscle obturateur interne et du ligament sacro- tubéral, appelé canal d’alcock.
Le nerf pudendal se divise juste en dessous de la petite incisure ischiatique en deux branches terminales : le nerf périnéal et le nerf dorsal de la verge ou du clitoris, donnant l’innervation sensitive et motrice de la région périnéale
Femme : ratio 7/10
Douleurs pelviennes spontanées permanentes, à la position assise, diminution en position debout et à la marche.
Fond douloureux chronique à type de brûlures, d’intensité modérée Accès paroxystiques intenses
Hypo ou hyperesthésies cutanées, paresthésies ou sensation d’engourdissement.
Localisation : suivant le trajet du nerf ou irradition à tout le bassin, aux organes génitaux externes et à la région anorectale.
Facteurs favorisants / déclenchants :
Pratique du cyclisme, équitation
Travail assis
Déplacements automobiles répétés
Traumatisme de la région ischiatique
Intervention chirurgicale : proctologique, urologique, gynécologique, orthopédique.
V - Les fractures de fatigue (de stress) des branches pubiennes