Une étude récente concernant 300 patients de moins de 50 ans ayant des douleurs de hanche a montré qu'un bon tiers étaient des sportifs de haut niveau, un autre tiers des sportifs amateurs et le dernier tiers des non sportifs; parmi eux, 17% du total des patients pratiquaient des arts martiaux. Les lésions de hanche observées étaient principalement des lésions du bourrelet (labrum), des lésions du cartilage (chondropathies), des conflits de hanche, des dysplasie. Cette étude prospective met bien en évidence que les sports en ligne et en décharge comme le vélo et la natation sont peu agressifs pour la hanche, que les sports avec pivots et contacts comme le foot et le rugby sont davantage traumatisants et que les sports avec des amplitudes de hanche extrêmes comme le taekwondo et le jiu-jitsu. sont très fréquemment pourvoyeurs de conflits de hanche. La danse classique quant à elle, favorisant l'arthrose précoce (20% de prothèse à l'âge de 50 ans) car souvent associée à de la dysplasie. Le suisse Reinhold Ganz a décrit 2 types de conflit: le conflit par effet came sur mécanisme en rotation et celui par effet tenaille à cause d'un rebord cotyloïdien trop couvrant. Dans la prise en charge de ces hanches douloureuses du sportif, la tendance actuelle est d'intervenir précocement par voie arthroscopique avant l'installation de lésions cartilagineuses évolutives et de limer la zone conflictuelle.
En théorie la tête du fémur est bien ronde et vient s’articuler dans un cotyle doublé par le bourrelet glénoïdien ou Labrum en forme d’hémisphère. La parfaite congruence permet à l’articulation de la hanche des mouvements extrêmement amples dans presque tous les sens:en flexion, rotation interne et externe et abduction et d’adduction). Mais quelquefois la tête du fémur n’est pas aussi ronde qu’on l’a toujours crue et ceux qui ont des troubles de la sphéricité vont développer à terme une arthrose de hanche, et une petite bosse de la tête fémorale qui rentre dans le cotyle dans certains mouvements extrêmes de l’articulation va entraîner des lésions localisées du cartilage qui vont finir par s’étendre et détruire l’articulation.
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Les sportifs à risque dont les hanches n'ont pas de sillon à la jonction tête col et une rétroversion du cotyle vont bien sur être les meilleurs candidats au conflit antérieur de hanche et à la coxarthrose précoce avant 30 ans.
image de gauche: effet came (bosse qui va agresser le cartilage, puis le bourrelet).
image de droite: effet tenaille (la paroi antérieure du cotyle est trop couvrante et va agresser le bourrelet). Images: Dr Frédéric Laude.
La clinique
Les radiographies de hanche mettent alors en évidence la fameuse bosse et le méplat, de l'ostéophytose, un signe du croisement, une coxa vara ou une rétroversion fémorale, un kyste du col. Quant aux signes de coxarthrose patente avec pincement polaire, ils seront plus tardifs.
L'imagerie de 2ème intention: scanner , IRM, arthro- scanner ou arthro-IRM doivent être laissées à l'initiative du chirurgien orthopédiste et sont souvent négatifs au début.
En résumé, la notion de conflit antérieur repose sur un faisceau d’argument:
Clinique : douleur inguinale et son exacerbation en position assise basse et tardivement à l'évaluation clinique en flexion, adduction et rotation interne.
L'imagerie se positive tardivement:
Radio de face : tête asphérique, coxa vara, rétroversion du cotyle, coxa profunda.
Profil chirurgical : absence d’offset, méplat à la jonction tête col voire tuméfaction.
Scanner : rétroversion de la partie supérieure du cotyle, faible antéversion du fémur.
Arthro-IRM : modification de signal sur le col du fémur à la jonction tête col, lésion du bourrelet, modification du signal de l’os sous - chondral sur la partie antérieure du cotyle ou sur la corne postérieure.
Le traitement
Il sera fonction de l'atteinte cartilagineuse:
1- si le cartilage est peu atteint ( hauteur de l'interligne conservé), un traitement chirurgical conservateur est indiqué.
2- si les lésions de coxarthrose sont patentes, la prothèse de hanche est à discuter.
Ganz a proposé une nouvelle voie d’abord sans faire trop de dégâts et de traiter la cause du conflit. Si la paroi antérieure est trop couvrante, on peut pratiquer une exérèse partielle. S’il existe une ossification localisée du bourrelet, on peut l’exciser.
Si le labrum est en bon état, on peut tout à fait le refixer avec des ancres.
Pour conclure sur ce traitement : le conflit antérieur de hanche se caractérise par l’existence d’une zone de conflit entre la partie antéro inférieure de la tête du fémur et la paroi antérieure du cotyle en flexion de hanche. Ce conflit va finir par entraîner des lésions cartilagineuses sur la partie antérieure du cotyle. L’évolution naturelle se fera alors vers la coxarthrose précoce à moyen ou long terme.
L’arthro-IRM est l’examen complémentaire le plus intéressant s’il est bien fait. Les coupes sont cependant un peu particulières. L’injection de gadolinium intra-articulaire augmente la précision de l’examen. Le scanner ou l’arthroscanner sont décevants et n’ont d’utilité que dans le calcul des mesures de torsion du squelette du membre inférieur.
Prise en charge chirurgicale sous arthroscopie
À partir du moment où l’on a bien compris que le problème venait d’un trouble de la sphéricité chez des sportifs à risque, situé toujours ou presque au même endroit, il a proposé de redonner à la tête du fémur un aspect en peu plus « rond » en venant limer la zone conflictuelle. Ce geste s’accompagne en général de « réparations » des autres dégâts cartilagineux de la hanche. Cette nouvelle chirurgie tend à enrayer le processus arthrogène (dégradation du cartilage, aboutissant à une arthrose précoce).
Après quelques années de recul, les chirurgiens recommandent d'intervenir précocement avant que les lésions d’arthrose se voient sur les radiographies, un pincement sur une des différentes incidences constituant une contre-indication à cette chirurgie.
Cette nouvelle chirurgie permet à une très grande majorité de sportifs de retrouver une hanche presque parfaite avec même la possibilité de reprendre des activités sportives. Mais il est un peu tôt encore pour dire si a très long terme, on va éviter à ces patients la mise en place d'une prothèse. Ce traitement chirurgical conservateur, visant à faire disparaître le conflit, semble très efficace sur les douleurs et sur l’amélioration des mobilités. Il est moins efficace en cas de pincement de l’interligne ou de lésions cartilagineuses nettes.
Bibliographie+++ :
1. Le conflit antérieur de hanche; physiopathologie; imagerie et implications thérapeutiques de F. Laude* ***, A. Nogier**, B. Roger***
*CMC Paris V, 75005 Paris - **Hôpital de la Pitié, 75013 Paris - ***Cliniques des Lilas
2. Anterior femoro-acetabular impingment after periacetabular osteotomy. Myers S.R., Eijer H., Ganz R. Clin Orthop 1999.
4. Femoroacetabular impingement and the cam-effect. A MRI-Based quantitative anatomical study of the femoral head-neck offset. K.Ito, M.-A. Minka-II, M. Leunig, S. Werlen, R.Ganz. J Bone Joint Surg.
5. Surgical dislocation of the adult hip.A technique with full access to the femoral head and acetabulum without the risk of avascular necrosis. R. Ganz, T.J.Gill, E.Gautier et al. J Bone Joint Surg.