

Rappelons que l’enfant en gestation (ontogenèse) dans le ventre de sa mère et dans les premiers mois de sa vie terrestre, est en position de cyphose (flexion) de l’ensemble de sa colonne vertébrale. L'évolution dans le temps va amener l'enfant à se déplacer d’abord en lordosant ses cervicales, puis ses lombaires, en rapport direct avec la marche. L'ontogenèse résumant la phylogenèse.
La perte de l'extension lombaire
Sur un rachis lombaire équilibré, les contraintes d'étirement et de compression ne posent aucun problème. Si un déséquilibre est présent, les sollicitations répétitives vont se faire toujours dans le même sens, les contraintes de compressions prédomineront sur les éléments antérieurs discaux et les contraintes d'étirements sur les éléments vertébraux postérieurs. Au final, c'est une usure précoce des différentes entités anatomiques qui surviendra.
Le disque intervertébral est fait d’un noyau gélatineux central le nucléus, et de fibres circulaires périphériques constitutives de l'annulus, qui emprisonnent le noyau, entre deux plateaux vertébraux adjacents. Sa composition est faite de tissu conjonctif déformable et sa fonction est de permettre la mobilité intervertébrale et d'absorber les contraintes. En antéflexion du tronc (position assise ou debout penché en avant), le disque est comprimé, le noyau repoussé vers l'arrière. Il va contraindre les fibres postérieures de l'annulus qui vont se déformer.

En extension du tronc, les éléments nerveux sont protégés d'une éventuelle migration d'un fragment du disque inter-vertébral.
Toute posture qui se maintient dans le temps ou la répétition de gestes toxiques en antéflexion vont pousser le noyau à se déformer et à faire chemin vers l’arrière en déchirant les fibres circulaires de l'annulus. Quand le noyau arrive au tiers externe du disque, celui-ci, commençant à être innervé commencera à être douloureux (lombalgie discale de type névralgie sympathique). Le disque étant hydrophile et se gonflant pendant la nuit, des douleurs matinales diffuses, en barre, avec notion de dérouillage matinal, pourront apparaître. Si les contraintes en antéflexion se poursuivent, le processus de migration du noyau vers l'arrière va se poursuivre et créer d'abord une protrusion discale simple, puis une hernie discale intra ligamentaire qualifiée de contenue, parce qu'anatomiquement le fragment hernié est solidaire du disque. Si le fragment discal hernié se désolidarise du disque, la HD est qualifiées de migrée ou exclue.

En prenant en compte l’anatomie d'un joint inter-vertébral et ses rapports avec la moelle épinière et les racines nerveuses, il est facile d'observer que l'anteflexion du tronc entraîne le noyau en arrière vers les éléments neurologiques, jusqu'au conflit disco-radiculaire d'abord chimique, puis mécanique et qu'en prévention l’origine de la douleur discale étant comprise par le lombalgique, elle sera suivie d'effets par des gestes à proscrire.
La métamérisation, c. à d. le rapport entre le disque en souffrance ou la racine comprimée et la douleur du membre inférieur: sciatalgies, sciatiques, cruralgies est alors facile à comprendre. Facile à comprendre aussi pour le lombalgique, comment ne pas menacer les éléments neurologiques en plaçant sa colonne en extension.
On décrit anatomiquement les facettes articulaires postérieures comme des tuiles placées sur l’arc postérieur de la vertèbre. À une époque, on pensait que ces facettes articulaires se décoaptaient en flexion et se coaptaient en extension. Des études biomécaniques récentes ont démontrés qu’il n’en est rien, elles glissent les unes sur les autres, en avant pendant la flexion, en arrière pendant l’extension. En cas de déséquilibre, elles peuvent se bloquer en glissement antérieur et pour les débloquer, des manoeuvres orthopédiques en extension après testing préalables peuvent être tentées.
Quant à l'arthrose articulaire, le rôle des articulations postérieures étant d’absorber et de répartir les contraintes et le cartilage n’étant pas innervé, il n'est pas en cause dans la lombalgie articulaire postérieure. En cause, la diminution de la surface articulaire qui devient plus fine, limite l'absorption des contraintes qui se déplacent alors vers l'os sous chondral qui est lui innervé et cause des douleurs quand il est sollicité. Il est très important de comprendre que la sensation de blocage en extension n’est pas une impaction, mais un manque d’amplitude des structures capsulo-ligamentaires qu’il faudra récupérer petit à petit par de la kinésithérapie, sans forcer et à l’exemple d’un coude qui ne voudrait plus se tendre.
L'usure des ligaments vertébraux
Les différents ligaments vertébraux limitent la mobilité rachidienne: longitudinal antérieur et postérieur de part et d'autre du disque et des corps vertébraux, le ligament jaune qui cloisonne les lames vertébrales, les ligaments inter et supra-épineux qui solidarisent les apophyses épineuse du segment vertébral postérieur. Pour les léser, il faut sortir de la position neutre et aller en amplitude maximale forcée.
Le déséquilibre de la sangle abdomino-lombaire

En plus d’un déséquilibre passif, les lombalgiques développent un déséquilibre actif. Ils n’ont plus assez de muscles spinaux par rapport aux abdominaux et si par le passé, on utilisait le renforcement abdominal chez ce type de patient, il devient évident que la solution se trouve plutôt dans le renforcement des spinaux, le travail passif, puis actif de récupération de l’extension lombaire rééquilibrant le système.
En raison du grand nombre de facteurs qui entrent en jeu dans la résistance des vertèbres, il est très difficile de fixer une limite de chargement ou un poids limite à manipuler. Actuellement, le seuil le mieux connu est celui de la force en compression du NIOSH, établi à 3,4 kilonewton (kN) (3 400 N ou 340 kgf1). Il protégerait la quasi-totalité des hommes (99 %) et les trois quarts des femmes (75 %).
Effet de l’âge et du sexe sur la résistance des vertèbres à supporter des charges en compression
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Âge
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Femme Charge (kN)
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Homme Charge (kN)
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20
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4,4
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6,0
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30
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3,8
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5,0
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40
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3,2
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4,0
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50
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2,6
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3,0
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60
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2,0
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2,0
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Note : Valeur limite recommandée par NIOSH :3,4 kN (340 kgf) pour tous les âges et les deux sexes.
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Critères acceptables : 3 400 N en compression 1 000 N en cisaillement
Les forces de cisaillement
Une force de cisaillement est une force appliquée de manière parallèle ou tangentielle à une face d'un matériau, par opposition aux forces de compression normales qui sont appliquées de manière perpendiculaire. Dans le cas d’une vertèbre, cette force agit en parallèle au plateau vertébral. Comme on peut le voir sur la figure ci- dessous, l’orientation des forces de compression et de cisaillement n’est pas identique le long de la colonne lombaire.
Pour déterminer si une tâche se situe dans des limites acceptables, on utilise des modèles biomécaniques. Par la suite, on vérifie les conditions dans lesquelles le chargement demeure dans une limite acceptable, par exemple 3 400 N en force de compression.
Les modèles biomécaniques variant en complexité, les calculs du chargement sur l’articulation L5/S1 est élevé si principalement la charge externe est grande et si les masses segmentaires, par exemple les bras, sont éloignées de L5/S1.
De nombreuses études qui ont évalué cette approche, confirment l’influence de ces facteurs sur le chargement au dos et on a observé que le chargement lombaire sur L5/S1 augmentait avec un accroissement de la charge ou de la distance verticale et horizontale de la charge.
Rappelons que le caisson abdominal, abdominal CORE (centre) des anglo-saxons, est un ensemble de muscles englobant le diaphragme et les différents muscles du tronc et du bassin. Il supporte la colonne lombaire, le bassin et la cage thoracique, participe à leurs mouvements et au maintien de la station debout. Il est fermé en haut par le muscle diaphragme, en bas par les muscles du plancher pelvien ou périnée, en arrière par la colonne vertébrale et les muscles spinaux qui sont des extenseurs du rachis et en avant par les muscles abdominaux composés à 95% de fibres dites toniques à activité essentiellement statique. Ces abdominaux sont disposés en deux plans:
- un plan superficiel avec les obliques qui sont des muscles attachés entre bassin et cage thoracique, assurant la rétroversion du bassinet la rotation du tronc et participant à sa flexion, leur contraction entrainant le rapprochement des basses cotes vers la ligne médiane du corps, les grands droits qui sont les muscles responsables de la flexion globale du tronc et de l'abaissement des cotes lorsqu'on plie le corps en avant. Ils sont antagonistes du muscle transverse et il va falloir s'en rappeler lorsqu'on travaille les abdominaux et opter définitivement pour un travail de type isométrique en lieu et place d'un travail de crunch en flexion (Bernadette de Gasquet). Ce plan superficiel lorsqu'il est activé, génère aussi une pression sur le caisson abdominal inférieur périnéal et en cas de problèmes de descente d'organes, de fuite urinaire ou en post accouchement, il sera primordial de ne pas le solliciter.

Le verrouillage lombaire utilise les principes suivants :
– immobilisation volontaire du rachis
– en position intermédiaire
– par la cocontraction des spinaux et des abdominaux
– utilisation de la mobilité des membres inférieurs.
L'implication du bassin et des membres inférieurs dans la lombalgie
Force et souplesse du bassin sont donc nécessaires pour que les membres inférieurs absorbent plus de contraintes dans la vie courante, la position des lombaires dépendant entièrement de celle du bassin. Une rétroversion complète entraîne une flexion lombaire complète, le bassin étant sous la dépendance des muscles droit fémoral et ischio-jambiers (IJ). Une astuce simple : tant que les pieds restent sous le bassin, la tension entre les deux groupes musculaires (quadriceps et IJ) reste neutre, le bassin restant dans une position neutre, les lombaires font de même. Dès lors que les pieds sont positionnés vers l' avant, les ischio- jambiers sont mis en tension par rapport au droit fémoral, le bassin est attiré en rétroversion, et les lombaires se retrouvent en flexion.