I- La mémoire
La mémoire est la faculté cognitive qui permet l'acquisition d'informations, leur conservation et leur utilisation ultérieure sous forme de souvenirs, de savoirs, ou d'habiletés. Elle est avec l'Attention, le tonus de la cognition.
Alors que sur le plan cognitif on recense une vingtaine de mémoires, on considère actuellement le cerveau dans sa globalité comme un système mnésique interconnecté et se modifiant au grès des expériences. Dans cette approche nouvelle, la mémoire n'est qu'une interaction entre le présent et les expériences passées de toutes sortes, fruit de l'apprentissage, qui s'inscrivent sous forme d'engrammes (traces mnésiques) codés puis stockés dans un réseau neuronique cérébral qui peuvent être rappelés à court terme puis reconstruits pour une consolidation à long terme.
Il n'est pas normal d'oublier ni d'oublier que l'on oublie et l'originalité d' un trouble de la mémoire, tient au fait que le trouble a une grande apparence de normalité, mais provoque des troubles importants dans les tests et dans les situations abstraites comme peut l'être la situation scolaire, alors que les sujets sont suffisamment adaptés en situation concrète et connue. C'est pourquoi on qualifie les troubles mnésiques de handicap invisible, que les modèles théoriques au moyen des différents tests permettent de démasquer.
A- La localisation de la mémoire est hémisphérique et sous corticale:
- elle est hémisphérique interne, hippocampique (circuit de Papez) pour la reconnaissance (encodage et stockage) et amygdalienne (circuit parallèle au Papez).
- préfrontale et sous corticale pour le rappel
- hémisphérique gauche pour le matériel verbal
- hémisphérique droite pour le visuo-spatial.
Le circuit de Papez (hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire, à la face interne du cerveau est nécessaire à l'encodage, à la consolidation et à la récupération de l'information.
Le stockage se fait dans des réseaux distribués dans le néocortex.
Schématiquement la mémorisation repose sur l'encodage (ou enregistrement) des informations (engrammes), leur stockage et leur consolidation; puis sur la récupération des informations.
Très schématiquement:
- la mémoire primaire de restitution immédiate et secondaire nécessitant un effort de rappel
- la mémoire sensorielle ultracourte
- la mémoire à court terme (MCT): encodage, stockage, restitution à court terme et mesurable par empan de chiffres, de lettres, mots, images, à l'endroit, à l'envers.
- la mémoire à long terme (MLT) dont la MCT n'est pas le passage obligé et ses 2 modalités: mémoire explicite, déclarative, épisodique localisée dans le circuit de Papez et la mémoire implicite, non déclarative, procédurale localisée dans le circuit Amygdale- Thalamus - Cingulum, parallèle au circuit de Papez.
- la mémoire sémantique : mémoire des connaissances, des concepts, sémantique personnelle (noms des amis, etc.).
Cette mémoire épisodique est très altérée dans les atteintes neurologiques et en particulier dans la maladie d'Alxheimer.
- la mémoire de travail : mémoire permettant le maintien temporaire (90 secondes) de l'information « à court terme » et sa manipulation.
- la mémoire procédurale des automatismes, des habiletés visuo-motrices, du savoir faire (conduite vélo et automobile) et cognitives (tables de multiplication); la mémoire procédurale est épargnée par le vieillissement normal et pathologique; elle se présente sous 2 modalités principales: les habiletés anciennes maîtrisées et les habiletés nouvelles nécessitant du temps et un apprentissage et élément principal de la prise en charge de la réinsertion professionnelle.
- la mémoire prospective capitale pour l'autonomie ou capacité à se souvenir des choses que l'on a prévu de faire ( penser à acheter du café, transmettre un message, sortir la tarte du four, prendre ses médicaments). Elle est chrono dépendante avec un délai entre l'intention et la réalisation (se faire aider par post- its, pense-bêtes, agendas).
Elle fait intervenir les fonctions exécutives, la motivation et la mémoire épisodique.
Elle est explorée en clinique en proposant au sujet examiné de récupérer en fin de séance d'évaluation un objet lui appartenant, par exemple sa propre montre.
- la métamémoire de ses propres facultés mnésiques
- la mémoire perspective utile en vie quotidienne pour l'autonomie et la planification du futur.
II- Les troubles de la mémoire
Dans l'acception commune et médicale, les troubles de la mémoire correspondent à l'atteinte prédominante de la mémoire épisodique de façon antérograde
(avec un débord rétrograde plus ou moins important).
Ils représentent une des séquelles les plus fréquentes après atteinte cérébrale et ont un fort retentissement sur la vie socio-professionnelle, mais curieusement ne font pas spécialement l'objet de doléance de la part des patients, un peu plus de la part de leur entourage. Ils constituent avec les troubles dysexécutifs un handicap invisible sous estimé sur le plan médico-légal.
Evaluation des troubles mnésiques
L' évaluation de ces troubles est une étape cruciale en neuro-psychologie.
La démarche repose sur les modèles traditionnels qui décrivent la mémoire comme 1 suite d'étapes dont les traitements sont autonomes et spécialisés.
Ce sont des systèmes de mémoire indépendants les uns des autres et séquentiels, chacun étant spécialisé dans le stockage d'un type particulier d'information.
Vers les années 80 sont apparus des modèles épisodiques ou à traces multiples conservés par la mémoire à long terme.
Cette démarche d'évaluation classique de la mémoire garde en clinique tout son intérêt.
L'examen
Les troubles mnésiques sont évoqués face à des oublis des faits et événements rapportés par le patient ou son entourage.
Leur examen repose sur l'entretien avec le patient et son entourage proche , dont le témoignage est ici essentiel.
On examine successivement :
On fait préciser les modalités d'installation, la durée d'évolution, la progression éventuelle, le retentissement en terme d'autonomie (simple gêne, nécessité d'aide-mémoire, nécessité d'une supervision des activités par un tiers).
2- La mémoire autobiographique, tant pour les faits récents « qu'avez-vous fait le week-end dernier ? », que pour les faits plus anciens, ex « où avez-vous passé vos dernières vacances » ?
4- La mémoire sémantique (capitale de l'Italie, connaissances professionnelles).
Cet entretien est utilement complété par l'étude des apprentissages: le test des 15 mots de Rey permet de dresser une courbe d'apprentissage et le rappel différé.
IV- Formes cliniques des amnésies
- une amnésie antérograde (de nature préférentiellement épisodique), concernant la mémoire à long terme, ayant une répercussion sévère, un débord rétrograde plus ou moins important, alors que les autres fonctions cognitives sont conservées.
Il peut exister ou non des signes « positifs » ; fabulations, fausses reconnaissances. L'amnésie antérograde (liée à une lésion ou à une dysfonction du circuit de Papez), comporte un oubli des événements survenus après la constitution de l'amnésie.
- une amnésie rétrograde faite de l'oubli des événements survenus avant la constitution de l'amnésie.
2- L' amnésie hippocampique : amnésie antérograde (telle que décrite dans le syndrome amnésique), sans signes « positifs » et sans amélioration du rappel par l'indiçage.
3- Le syndrome de Korsakoff (amnésie diencéphalique): à l'oubli à mesure, s'associent une désorientation temporo-spatiale, des fabulations et des fausses reconnaissances.
4- L' ictus amnésique: de mécanisme inconnu; il s'agit d'un épisode de survenue brutale, spontané ou non (stress, traumatisme crânien) au cours duquel le sujet oublie à mesure toute information. D'où, fait caractéristique, des questions itératives
(malgré les réponses données par l'entourage) sur le jour, l'heure, les activités récentes.
Le comportement est parfaitement adapté (l'activité professionnelle par exemple peut être poursuivie). L'épisode dure de 4 à 24 h.
Le sujet garde une amnésie lacunaire de l'épisode qui ne se reproduit que rarement et il existe un débord rétrograde plus ou moins marqué.
5- L'amnésie lacunaire : oubli des événements survenus durant une période donnée, volontiers observée après une confusion, un ictus amnésique, ou une crise épileptique.
6- Les amnésies psychogènes (d'origine psychique) : oubli d'un contenu ou d'une période plus ou moins longue dans un contexte de tension psychique (stress traumatique, conversion) que l'on peut avoir du mal à mettre en évidence. C'est une amnésie rétrograde isolée.
Le trouble porte surtout sur la mémoire épisodique.
8- Les plaintes mnésiques névrotiques ou anxieuses avec ou sans dépression, très fréquente (crainte d'avoir une maladie d'Alzheimer).
Le sujet décrit un « doute cognitif ». Le rappel d'une liste de mots est facilité par l'indiçage.
2- Rééducation par facilitation à partir d'images, de visages etc.
4- Dans les troubles de la mémoire d'origine post traumatique chez des adultes actifs, une réinsertion professionnelle précoce est recommandée y compris sur des postes à responsabilités, malgré des tests cognitifs qui peuvent rester très perturbés et une gêne persistante en vie quotidienne est rendu possible par une rééducation appropriée, une prise en charge qui implique la famille du sujet qui doit être d'un soutien sans faille et une réinsertion qui peut passer par des stages ergothérapiques en entreprise.
A- Généralités
Le cerveau ne vieillissant que très peu, l'Alzheimer correspond à un trouble de la mémoire, associé à un ou plusieurs autres troubles cognitifs: aphasie, apraxie, agnosie ou syndrome dysexécutif. Il est précédé par un trouble du comportement.
Le malade Alzheimer n'a pas conscience de son trouble, il est anosognosique.
Le retentissement sur la vie quotidienne est important, c'est la 1 ère cause de dépendance de la personne âgée: 200 000 cas /an en France et 400 nouveaux cas par jour.
Les facteurs de risque: les facteurs génétiques sont inférieurs à 0,5%; le vieillissement intervient :10% ont moins de 60 ans; 3% ont 65 ans; et 90% plus de 70 ans (20% des plus de 85 ans sont atteints); les femmes sont plus touchées que les hommes; le niveau socio-culturel ne fait que retarder l'expression de la maladie et une fois installée la progression de l'A est rapide; la morbidité vasculaire est un facteur favorisant: HTA, diabète, hypercholestérolémie, tabagisme; les traumatismes crânio-cérébraux sont favorisants surtout s'ils sont répétés (boxe); l'alcoolisme au delà de 2 verres par jour est favorisant; certains métaux sont toxiques (aluminium); la mauvaise alimentation joue aussi et le régime de type méditerranéen protège.
Comme pour les autres troubles cognitifs, la localisation du trouble est dans le cortex cérébral: la localisation de départ siège dans l'hippocampe puis s'étend progressivement.
Il existe un autre type de démence corticale, la démence fronto- temporale (DFT).
Clinique
Le début est insidieux, progressif, difficile à préciser.
- Le signe cardinal est le trouble de la mémoire+++, d'abord pour les informations nouvelles (de la veille), puis de plus en plus il y a perte de la mémoire autobiographique.
Le malade A, répète les questions et oublie les réponses, oublie qu'il oublie, minimise, n'a pas conscience de son trouble; c'est l'entourage qui s'en rend compte en premier
(le conjoint, les enfants).
- Autre signe majeur, le trouble du comportement: la personnalité se modifie, elle s'inverse ou s'accentue. Un désintérêt apparaît, avec repli sur soi, baisse des émotions, perte d'initiative, irritabilité.
Les autres troubles:
- Les troubles de l'orientation dans le temps avec inversion jour/nuit et dans l'espace pour les lieux familiers: l'A tourne en rond dans sa chambre qu'il ne reconnaît pas comme telle.
- Les troubles du langage à l'oral et à l'écrit.
- Les troubles de la gestuelle (praxies) pour des objets de plus en plus familiers.
- Les troubles des gnosies: des personnes, des visages, des objets.
- Les troubles des fonctions exécutives: du jugement, du raisonnement, de la logique, du calcul, de l'alternance des tâches.
L'évolution est inexorable, le risque potentiel de chute est élevé, la détérioration intellectuelle est de plus en plus pregnante, le trouble du comportement s'accentue: agitation, agressivité, délire, apathie.
Le dépistage se fera sur des signes d'alerte: petites modifications du comportement et de la mémoire qui retentissent sur la vie quotidienne: la gestion de l'argent, l'utilisation du téléphone et des moyens de transport.
Les tests: le MMS est inférieur à 26, test de l'horloge, les 5 mots de Dubois, l'indice de Katz, l'échelle instrumentale IADL.
Les bilans neuro-psychologiques mettent en évidence un trouble du stockage hippocampique (la récupération de l'information est sous-corticale).
Les autres bilans du langage et de la communication, biologique et Imagerie.
Les 5 mots de Dubois avec contrôle de l'encodage avec rappel immédiat, puis tâche diversive, puis rappel (si ce dernier est amélioré par l'indiçage, c'est que la lésion est sous corticale; si le rappel est très dégradé et non amélioré par l'indiçage, c'est que la lésion est corticale).
fruit: abricot
animal: animal
vêtement: chemise
instrument: accordéon.
Le test de l'horloge: dessiner 1 rond, puis mettre les chiffres; on teste la fluidité par le chronomètre et la gestuelle (praxies).
L' imagerie IRM: les lésions sont sur l'hippocampe.
L'intérêt du dépistage précoce, c'est de mettre en place un plan de soins et d'aide:
- le traitement spécifique: Aricept, Réminyl, Ebixa en évitant la iatrogénie: le Ditropan est délétère et il faut préférer le Cérys.
- le soutien psychologique et les psychotropes qui évitent les situations de crise: confusion et conduites dangereuses autodestructives.
IV- Le MCI prédémentiel
Le MCI prédémentiel est proche d'un trouble cognitif; il ne retentit pas comme l'A sur la vie quotidienne; sur l'IRM: la lésion est sur l'hippocampe qui est atrophique; le déficit cholinergique est faible et aucun traitement ne marche.
V- Les associations et le diagnostic différentiel
1- la maladie de Parkinson (représente t'il un continuum moteur par rapport à l'A?)
2- la démence à corps de Léwy: l'évolution est fluctuante++ et les chutes nombreuses.
3- les démences vasculaires: elles ont les mêmes critères que l'A, associant 2 troubles cognitifs et un retentissement important sur la vie quotidienne après 6 mois d'évolution. Elles s'en différencient par le début qui fait suite à un évênement vasculaire inférieur à 3 mois; il y a des fluctuations, moins d'anosognosies et plus de chutes; il y a des signes neurologiques focaux; le profil cognitif est de type cortico-frontal: baisse de la concentration et de l'attention.
4- la DMT (démence fronto-temporale) par atrophie du lobe frontal; il y a d'abord des troubles psychologiques, puis neurologiques et un syndrome frontal.
Conclusion pour bien communiquer avec le malade Alzheimer
1- bien se positionner en face de l'A pour un bon contact visuel.
2- attirer son attention en parlant posément et distinctement.
3- se monter bienveillant avec l'A.
4- le vouvoyer.
5- prendre son temps avec lui.
6- s'assurer que la vue et l'audition de l'A est correcte.
7- lui adresser des mots et des messages simples sans l'infantiliser avec 1 message par phrase.
8- ne pas interrompre l'A quand il s'exprime.
9- utiliser au besoin des gestes pour se faire comprendre.
10- savoir que l'A a des jours avec et des jours sans.
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