Avis à lire par tous les lecteurs:

Les premiers articles du blog "Un médecin du sport vous informe" datent de 2013, mais la plupart sont mis à jour pour pouvoir coller aux progrè médicaux. Ce blog inter-actif répond à la demande de nombreux confrères, kinésithérapeutes, étudiants en médecine et en STAPS, patients et sportifs. Il est le reflet de connaissances acquises tout le long de ma vie professionnelle, auprès d'enseignants remarquables, connaissances sans cesse actualisées que je me suis efforcé de rendre accessibles au plus grand nombre par le biais d’images trouvées sur le Net, images qui sont devenues par la force des choses, la propriété intellectuelle de tous; si cela dérange, ces images seront retirées.

Certains articles peuvent apparaître un peu plus polémiques que d'autres et indisposer, mais il n'est pas question pour l'auteur de tergiverser ou de se taire, quand il s'agit de problèmes d'éthique, en particulier en matière de dopage et quand la santé des sportifs est en jeu, compte tenu du nombre élevé de blessures liées au surentraînement et à une pratique imbécile d'une certaine musculation, qui n'est plus au service de la vitesse et de la force explosive utile (et non de la force maximale brute), qui sont les deux qualités physiques reines, qui ne respecte pas les règles de la physiologie musculaire et qui, au lieu d'optimiser la performance, fait ressembler certains sportifs body-buildés à l'extrême, davantage à des bêtes de foire gavées aux anabolisants, qu’à des athlètes de haut niveau.

Ce blog majoritairement consacré à la traumatologie sportive, est dédié à mes maîtres les Prs Jacques Rodineau, Gérard Saillant et à tous les enseignants du DU de traumatologie du sport de Paris VI Pitié Salpétrière et en particulier aux docteurs Jean Baptiste Courroy, Mireille Peyre et Sylvie Besch. L'évaluation clinique y tient une grande place: "la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique" et s'il y a une chose à retenir de leur enseignement, c'est que dans l'établissement d'un diagnostic, l'examen clinique, qui vient à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément incontournable de la démarche médicale. Toutefois dans le sport de haut niveau et guidé par la clinique, l'imagerie moderne est incontournable : radiographie conventionnelle, système EOS en trois dimensions pour les troubles de la statique rachidienne, échographie avec un appareillage moderne et des confrères bien formés, scanner incontournable dans tous les problèmes osseux et enfin IRM 3 Tesla, le Tesla étant l'unité de mesure qui définit le champ magnétique d'un aimant; plus le chiffre de Tesla est élevé et plus le champ magnétique est puissant ("à haut champ") et plus les détails des images sont fins et la qualité optimale.

Hommage aussi au Pr Robert Maigne et à son école de médecine manuelle de l'Hôtel Dieu de Paris ou j'ai fais mes classes et actuellement dirigée par son fils, le Dr Jean Yves Maigne. Je n'oublie pas non plus le GETM (groupe d'étude des thérapeutiques manuelles) fondé par le Dr Eric de Winter et ses enseignants, tous des passionnés; j'y ai peaufiné mes techniques et enseigné la médecine manuelle-ostéopathie pendant 10 années.

Dr Louis Pallure, médecin des hôpitaux, spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation, médecin de médecine et traumatologie du sport et de médecine manuelle-ostéopathie, Pr de sport et musculation DE, ex médecin Athlé 66, comité départemental 66, ligue Occitanie et Fédération Française d’Athlétisme, médecin Etoile Oignies Athlétisme.

jeudi 27 avril 2023

Le pied du Lanceur en Athlétisme

 La chaîne cinétique dans les lancers étant une ligne solide débutant par le pied d’appui au niveau du sol, se continuant par le genou, le bassin, la hanche et l’épaule et n’admettant aucune rupture, «avoir du pied» pour un lanceur c’est déjà être d’un très bon niveau sportif, avoir une gestuelle technique correcte, être fort, coordonné et adroit, et avoir de la raideur musculo-tendineuse, laquelle permet une accélération conséquente en début de mouvement.

Anatomie 

Classiquement le pied est divisé artificiellement en 3 régions: l'arrière, le médio et l’avant-pied. 

L’arrière-pied = articulations tibio-astragalienne (T/A) et sous-astragalienne (S/A) et 4 os: tibia, péroné ou fibula, astragale ou talus, calcanéum. 

Le médio-pied = articulation de Chopart (médio-tarsienne) et de Lisfranc (tarso-métatarsienne) et 10 os: calcanéum, astragale, scaphoïde (naviculaire), cuboïde, cunéiformes, base des 5 métatarsiens. 

Le cou-de-pied  = tibio-astragalienne, Chopart, Lisfranc. 

L’avant-pied = articulations métatarso-phalangiennes (M/P) et inter-phalangiennes (I/P), 19 os et 2 sésamoïdes au niveau de la  M/P  du gros orteil. A noter que sur le plan fonctionnel l’articulation tibio-péronière (fibulo-tibiale) supérieure fait partie du pied (SAMA podo-sural).

Les repères osseux et tendineux 

Ils sont importants à connaître et guideront le clinicien dans l’examen physique des différentes articulations:

- les repères osseux: la tête du péroné, les 2 malléoles interne et externe, le tubercule du scaphoïde sur le bord interne du pied, la base du 5ème métatarsien sur son bord externe.

- les repères tendineux: jambier antérieur, long extenseur du gros orteil (hallux) et extenseur commun des orteils en avant, tendon d'Achille en arrière, jambier (tibial) postérieur et long fléchisseur de l’hallux (carrefour postérieur de la cheville) en dedans, fibulaires (péroniers latéraux) en dehors.

La cohérence fonctionnelle du pied

Le pied est un ensemble d’articulations très cohérentes sur le plan fonctionnel. Il préside à 2 fonctions essentielles: la marche (60% phase d’appui, 40% phase oscillante) avec ses 4 temps du déroulement du pas: 

- double appui avec élan postérieur, période oscillante avec appui unipodal controlatéral (lévitation), double appui de réception du pied antérieur (déroulement du pied), appui unipodal.

- l’adaptation du pied à une charge axiale, aux inégalités du sol et au restant de l'appareil locomoteur. 

Cette cohérence fonctionnelle est visible à chaque pas où, de la péronéo-tibiale supérieure jusqu'aux orteils, chaque articulation du SAMA podo-sural est sollicitée: la flexion/extension du pied sur la jambe se répercute sur la fibulo-tibiale supérieure; l’inversion/éversion du pied mobilise les 3 articulations du cou-de-pied, tibio-tarsienne, sous-astragalienne et médio-tarsienne de Chopart, modifie la voûte plantaire avec la participation des orteils; l’appui unipodal se produit à chaque pas et sollicite toutes les articulations.

La rançon de cette cohérence fonctionnelle est que n'importe quel traumatisme qui affecte un élément de la chaîne du pied va retentir sur les autres éléments, en particulier en début de chaîne au niveau de la tibio-péronière supérieure souvent affectée par une restriction de sa mobilité qu’il faudra lever par des thérapeutiques manuelles. 

La traumatologie du pied

1- L’entorse externe récente de la cheville

Sur mécanisme lésionnel le plus souvent en inversion forcée (combinaison d’une flexion plantaire de la cheville, d’un varus de l’arrière-pied et d’une supination de l’avant-pied), l’entorse externe de cheville reste le plus fréquent des traumatismes du pied en pratique sportive et dans la vie de tous les jours (6000 entorses quotidiennes en France). En cas de prise en charge négligée, cette entorse externe de cheville aura cette particularité d’avoir un fort potentiel de récidives (entorses à répétition par absence de cicatrisation d’un ou plusieurs faisceaux du ligament externe qui seront à différencier d’une instabilité par lésion neurologique L5 ou du nerf sciatique poplité externe ou d’une insécurité par diverses causes: douleurs résiduelles, corps étranger  intra-articulaire, etc).

Les lésions dans une entorse fraîche du LLE

Suivant l’importance du mouvement vulnérant, l’entorse externe sera de sévérité croissante et ira de la simple distension ligamentaire dans l’entorse bénigne à la rupture du faisceau antérieur et de la capsule antérieure dans l’entorse de gravité moyenne. 

Dans une entorse grave, la capsule et les 3 faisceaux antérieur péronéo-astragalien, moyen péronéo-calcanéen et postérieur péronéo-astragalien, se rompent. 

La lésion ligamentaire peut même s’étendre aux structures adjacentes, os, pavé ostéo-chondral, ligament en haie de l’articulation sous-astragalienne, gaine des tendons péroniers latéraux, partie externe des ligaments de Chopart et de Lisfranc.

Les Règles d’Ottawa                               

La plupart des entorses externes de cheville étant des entorses bénignes sans lésions osseuses, les radiographies sont parfaitement inutiles. Pour limiter la prescription d’imagerie au strict nécessaire et suffisant, des règles de bonne pratique (règles d’Ottawa) ont été établies. 

Devant un traumatisme de la cheville, le médecin examinateur ne peut prescrire des radiographies que si:

- l’âge est inférieur à 16 ans et supérieur à 55 ans,

- impossibilité d’effectuer 4 pas de suite lors de la survenue du traumatisme ou lors de l’examen clinique,

- présence de douleurs exquises à la palpation du bord postérieur des 2 malléoles sur 6 cm, de la base du 5ème métatarsien sur le bord latéral du pied, du scaphoïde tarsien sur le bord médial, et de la partie supérieure du péroné. 

Signes  cliniques initiaux d’une entorse externe fraîche

Douleur localisée sur le compartiment externe de la cheville et, suivant le degré de sévérité de l’entorse, craquement perceptible, sensation de déchirure, tuméfaction immédiate des parties molles (oeuf de pigeon des entorses moyennes et graves du LLE).

Symptomatologie différée

Douleurs persistantes, écchymose localisée péri-malléolaire externe avant la 24ème heure, impotence fonctionnelle variable en fonction de la sévérité de la lésion, insomnie la 1ère nuit.

Signes de gravité 

Craquement, sensation de déchirure, douleur syncopale, gonflement sous- malléolaire externe immédiat (oeuf de pigeon), gonflement du Chopart externe et/ou en regard de la styloïde du 5ème métatarse sur le bord externe du pied (entorses du Chopart et/ou du Lisfranc associées). 

L’examen physique debout quand c’est possible

L’inspection de dos: valgus calcanéen de 6° et varisation lors de l'appui sur pointe du pied, saillie du tendon d'Achille, gouttières rétromalléolaires. L’inspection de profil: recherche d’un pied plat ou creux, visualisation d’une ecchymose malléolaire externe qui s'étend vers le bas (orteils) ou vers le haut (1/3 moyen ou supérieur de jambe). 

Les tests fonctionnels: l’athlète doit faire quelques pas (en cas d’impossibilité, appliquer les règles d’Ottawa), s’accroupir sans décoller les talons, exécuter une montée unipodale sur talon et sur pointe et sautiller sur place.

L’examen couché 

Il recherche une limitation des mobilités et des douleurs à la mobilisation des différentes articulations (de la tibio-péronière supérieure jusqu’aux inter-phalangiennes proximales et distales). 

Le testing tendineux: Achille, jambiers antérieur et postérieur, péroniers latéraux, extenseur commun des orteils, extenseur propre du gros orteil, fléchisseur commun, fléchisseur propre du gros orteil. 

La recherche des laxités sagittales et frontales: tiroir antérieur astragalien, ballottement latéral ou choc astragalien, augmentation du varus ou du valgus. La palpation minutieuse: antérieure, latérale, postérieure des os, ligaments et tendons.

Le diagnostic de gravité 

Il est difficile à établir le 1er jour; faire alors béquiller le blessé (pas d'appui) et le réévaluer cliniquement entre le 3ème et le 5ème jour (éventuellement après ponction d’une hémarthrose de la tibio-astragalienne ou de la sous-astragalienne). 

L’imagerie

Radiographies du pied, échographie, scanner et IRM si besoin sont une aide précieuse pour le bilan lésionnel.

Le traitement fonctionnel 

Il doit être  précédé par le protocole Rice (RICE = Rest (repos), Ice (glace), Compression, Elevation) ou GREC. 

L'orthèse air-cast a révolutionné le traitement de l’entorse en limitant fortement le varus-valgus et en laissant relativement libre la flexion-extension du pied. 

Elle permet ainsi une cicatrisation guidée sans enraidissement du cou-de-pied, assure le maintien partiel de la mobilité sagittale et constitue la première étape d'une rééducation proprioceptive. 

Dans une majorité de cas, ce type d’orthèse de stabilisation a remplacé les immobilisations plâtrées et réduit considérablement les indications chirurgicales. Suivant la sévérité de l’entorse, l’orthèse air-cast est à porter entre 3 et 6 semaines. 

Amovible cette orthèse donne la possibilité de faire à tout instant un bilan lésionnel exact, expose à moins de récidives, assure une bonne stabilité mécanique et entretient la proprioception.

Le traitement orthopédique 

La résine garde ses indications en cas de lésion osseuse nécessitant une immobilisation stricte. 

Le traitement chirurgical 

Par suture + orthèse en cas d’association avec une luxation des tendons péroniers latéraux ou de fracture ostéo-chondrale. 

Sur entorse grave le traitement chirurgical doit toujours être proposé au sportif de très haut niveau.

2- Les autres entorses récentes du pied

A côté de l'entorse externe de cheville, il peut exister isolément des entorses internes de cheville, de la tibio-péronière inférieure, de la sous-astragalienne, de la médio-tarsienne de Chopart et de la tarso-métatarsienne de Lisfranc, des métatarso-phalangiennes et des inter-phalangiennes proximales et distales. 

- Les entorses internes (médiales) de cheville

Les entorses internes sont rares (fractures le plus souvent). Elles affectent le ligament collatéral interne qui est un ligament solide et formé de 2 couches, une superficielle en éventail (ligament deltoïdien), une profonde composée de 2 faisceaux. Le mécanisme lésionnel est un mouvement d’éversion forcée (cette torsion externe associe flexion dorsale et valgus du pied: abduction et pronation). Le problème, ici, est de ne pas passer à côté d’une fracture de la malléole interne ou d’une fracture ostéo-chondrale de l’astragale (radios indispensables et éventuellement scanner). Le traitement d’une entorse interne sera soit chirurgical pour le haut niveau, soit orthopédique, soit fonctionnel, en fonction du degré de sévérité de l’atteinte ligamentaire.

- Lentorse péronéo-tibiale inférieure

Ce type d'entorse est le plus souvent en rapport avec un mécanisme lésionnel en éversion du pied ou en pronation ou en rotation externe forcée du pied sous le tibia. Traitement: protocole Rice ou Grec (glaçage), résine ou orthèse sur 4 semaines ou résine 6 semaines ou chirurgie pour le haut niveau. 

- Les entorses sous-astragaliennes isolées

Ce type d'entorse est rare et concerne les 2 faisceaux du ligament en haie sous-astragalien. Ce dernier supporte toutes les contraintes d’inversion et d’éversion du pied et se tend lors de la supination de l’arrière-pied. Il est tout particulièrement sollicité lors de la marche en terrain inégal. Cette entorse est souvent en rapport avec un mécanisme lésionnel en inversion du pied qui lèse en même temps le LCE de la cheville. Traitement: orthèse; parfois ponction de l'hémarthrose associée; rarement résine.

Les entorses de l'articulation médio-tarsienne de Chopart          

Le Chopart externe = l’articulation calcanéo-cuboïdienne et le Chopart interne = astragalo-scaphoïdienne avec ligament en Y. Cette articulation est le sommet de l'arche externe et interne du pied ou sa clef de voûte. Elle autorise l’appui. La médio-tarsienne est pontée en dehors par les tendons péronéaux latéraux et en dedans par les tendons jambier antérieur et postérieur. Fonctionnellement le Chopart est lié à la sous-astragalienne et forme un couple de torsion de l’arrière-pied. 

En cas d'entorses du Chopart tout appui est impossible (le blessé se présente, porté par son entourage). En cas de blocage de la pro-supination du pied, une synostose rapide de l’articulation va s’installer rapidement. 

C’est l'appui qui fait mal (Chopart externe). Il devient impossible dans l’entorse du Chopart interne. Le traitement: immobiliser par une orthèse et faire obligatoirement béquiller avec 2 cannes anglaises. Lutter contre l'oedème et l’enraidissement, source de synostose rapide; drainer + position déclive et glace pour l'oedème + mobilisation douce. 

Les entorses de l’articulation tarso-métatarsienne de Lisfranc

Elles sont rares, de gravité variable, fonction de l’intensité du traumatisme et difficiles à diagnostiquer. Dans une entorse isolée, la symptomatologie est pauvre: gonflement localisé sur l’interligne de Lisfranc. Possibilité de lésions associées (fractures, luxations). La prise en charge est l’affaire de chirurgien spécialisé. Le traitement est soit conservateur soit chirurgical.

3- La désinsertion musculo-aponévrotique du muscle jumeau interne (JI) du mollet

Généralités 

Le muscle jumeau (gastrocnémien) interne est extrêmement sollicité en athlétisme. Il peut se désinsérer partiellement ou totalement entre en arrière, le muscle profond du mollet le soléaire et en avant et en dedans, le jumeau interne. Ce décollement peut être comblé par un hématome. En athlétisme cette désinsertion se rencontre surtout en course à pied et quelquefois dans les lancers. Sa gravité est proportionnelle à l'importance de la déchirure aponévrotique et de l'hématome qui viendra combler l'interstice laissé par le décollement. Point important, cette désinsertion ne peut pas être considérée comme un véritable claquage musculaire qui survient, lui, en plein corps musculaire. C'est en réalité un décollement entre deux muscles et sa gravité est liée à la présence d'un hématome qu'il faut ponctionner sous échographie et qui peut récidiver après ponction (glaçage et compression indispensables). 

Anatomie et biomécanique  

A la fois volumineux et très puissant, le triceps sural du mollet et ses 3 chefs musculaires, le soléaire en profondeur et les muscles jumeaux interne et externe en superficie, est le groupe musculaire qui donne son galbe au mollet. 

Physiologiquement il intervient à la fois dans le maintien de la station debout et dans la propulsion des membres inférieurs.

Mécanisme lésionnel 

La désinsertion du muscle jumeau interne est la résultante d’un conflit entre le chef mono-articulaire soléaire et le chef poly-articulaire jumeau interne qui s’insère par l’intermédiaire d’une lame tendino-aponévrotique commune aux 2 chefs musculaires. La lésion résulte le plus souvent d’un mécanisme d'étirement brusque avec asynchronisme articulaire (extension du genou et flexion dorsale de cheville). Elle survient soit à froid sur un muscle non échauffé ou à chaud sur un muscle fatigué. Une désinsertion musculo-aponévrotique peut même survenir lors d’une simple marche rapide dans la vie de  tous les jours. 

Symptomatologie immédiate et conduite à tenir 

La douleur est d’emblée violente voire syncopale avec parfois claquement audible. Elle s’accompagne d’une impotence fonctionnelle totale. 

Si l'évaluation clinique est immédiate et comparative, l'examinateur va constater un segment jambier tendu et percevoir la masse rétractée du muscle jumeau interne qui surplombe une encoche rapidement comblée et masquée par un hématome fluctuant. La palpation soigneuse du tendon d'Achille s'avère infructueuse, le tendon ne présentant aucune encoche (la rupture du tendon d’Achille est le principal diagnostic différentiel).

L’échographie au 8ème jour 

En post-traumatique immédiat l’échographie n'est pas nécessaire et le plus pertinent est d'appliquer immédiatement le protocole thérapeutique RICE.

Nos confrères radiologues conseillent de faire cette échographie entre le 8ème et le 10ème jour. Elle va permettre d’évaluer la gravité de la lésion, de la corréler à la désinsertion aponévrotique et à la persistance de l'épanchement liquidien, de la distinguer des désinsertions partielles qui seront traitées comme des déchirures stade II et des désinsertions totales qui seront traitées comme des ruptures. 

La poche de décollement entre soléaire et jumeau interne se traduit en échographie pas une masse hypo-échogène dont le volume peut varier. 

Il faut la ponctionner et la surveiller afin d'éviter la survenue d'un pseudo-kyste cloisonné. La guérison, en échographie, va s'effectuer sous la forme d'une zone iso-échogène. L'IRM est un examen d'exception dans cette  pathologie. 

 Le traitement 

C’est celui de tout accident musculaire. Il ne se différencie pas de celui d'un accident musculaire classique. 

C’est le protocole RICE ou GREC: G comme glaçage; R comme repos relatif avec béquille; E comme élévation du membre lésé avec position déclive dans le lit; C comme compression par une bande de compression de grade 2 des orteils jusqu'au mollet à porter une bonne dizaine de jours + la ponction. 

La reprise de la marche est fonction de la douleur résiduelle. Elle doit être précoce. Le béquillage avec 2 cannes anglaises allège l'appui et respecte la douleur.  

Place de la kinésithérapie 

La kinésithérapie doit précéder la reprise sportive: rééducation à la marche en cas de gêne fonctionnelle, étirements du triceps sural, massages transverses profonds, travail actif du triceps en concentrique puis en excentrique.

La reprise du sport  

Elle va dépendre de l'importance de l'hématome et va de 3 à 4 semaines dans les meilleurs cas jusqu’à plusieurs mois si l'hématome persiste. 

Cette reprise du sport doit être précédée d'un testing musculaire et la triade musculaire doit être négative à la contraction résistée, à l'étirement et à la palpation. En cas de doute clinique une nouvelle échographie est nécessaire et doit mettre en évidence une  zone iso-échogène qui signe la guérison.

Le traitement chirurgical 

Il est parfois nécessaire en cas de complications ou pour évacuer un volumineux hématome ou si cet hématome persiste après ponctions répétées.

Prévention 

Les muscles jumeaux étant des muscles poly-articulaires (comme les ischio-jambiers, les adducteurs et le droit antérieur du quadriceps), la meilleure des préventions consiste à intégrer à l’entraînement physique des exercices d’étirements progressifs en fin de séance d'entraînement et du renforcement de type excentrique. 

Comme toujours en traumatologie sportive l’important est de bien traiter la lésion primaire sous peine de complications secondaires à type de récidives, calcifications, pseudos-kystes, etc, dont certaines pourront relever de la chirurgie. 

4- Les tendinopathies du tendon d’Achille

Le tendon d'Achille, tendon terminal du muscle triceps sural du mollet, est le plus gros et le plus puissant tendon de l'organisme. Il supporte des forces de traction pouvant aller jusqu'à 300 Kilos. 

A cause d'erreurs de préparation physique comme peut l'être une reprise d'activité trop brutale en début de saison, une tendinopathie de surcharge se développera sur ce tendon soumis à des micro-traumatismes répétés. 

L’examen clinique est celui de toute les tendinopathies: 

- les stades de Blazina: stade 1, douleur après l’effortstade 2, douleur en fin d’effort; stade 3, douleur permanente pendant et après l’effort; stade 4 rupture).

- la classique triade symptomatique (douleur à la contraction résistée, à l’étirement, à la palpation du tendon). 

Toutefois c’est le temps nécessaire lors des premiers pas du matin pour que cesse la douleur (dérouillage matinal) qui est la notion clinique capitale (Guillodo). Le dérrouillage matinal dictera la conduite à tenir. 

L'écho-doppler précisera si cette tendinopathie n'affecte que le tendon (son enthèse, le corps du tendon ou la jonction myo-tendineuse) ou si elle touche ses différentes enveloppes de protection (péri, para-tendon et bourses séreuses), cela aura de l'importance sur le plan de la prise en charge thérapeutique. 

Le traitement

A court terme le repos sportif, conjugué à un traitement par le froid, est rapidement efficace sur la douleur. Ensuite toute pratique sportive ou entraînement qui n'entraîne que très peu de douleurs le lendemain matin au réveil peut être poursuivi. A contrario si les douleurs persistent ou augmentent au réveil il est impératif de prendre quelques jours de repos, de glacer à nouveau et ensuite de calquer la reprise de l'entraînement sur les douleurs ressenties le lendemain au réveil. Adapter l’entraînement est donc la solution idéale. Les massages transverses profonds sont une bonne indication des tendinopathies corporéales ou nodulaires (contre-indiqués en cas de calcifications). La physiothérapie et les ondes de choc agissent comme de petits marteaux piqueurs qui bombardent le tendon douloureux et semblent bien adaptés aux tendinopathies nodulaires. Les injections de PRP (activateurs de la cicatrisation tissulaire) sont de plus en plus utilisées, mais plus d’études seraient nécessaires afin de standardiser ce type de traitement et optimiser ses résultats (Jacques Rodineau). Enfin chez des athlètes motivés, les étirements musculo tendineux en excentrique de type Stanish en chaîne cinétique fermée ou sur dynamomètre isocinétique et les auto-étirements donnent d’excellents résultats. 

5-La rupture du tendon d’Achille

Son début est brutal : douleur fulgurante du talon avec impression d'avoir reçu un jet de pierre et impotence fonctionnelle immédiate, rapidement suivie d’une rémission avec marche à plat possible. 

Cinq signes cliniques sont présents si l’athlète est examiné tôt: en position debout, la montée sur la pointe du pied blessé est impossible. En décubitus dorsal, la dorsi-flexion du pied est augmentée. En décubitus ventral, palpation d'une encoche sur le tendon et le pied tombe à la verticale (il n’est plus tenu que par le tonus musculature du triceps sural et il n’y a plus de transmission de la flexion plantaire à la pression du mollet = signe de Thomson). L’imagerie est inutile pour le diagnostic qui est essentiellement clinique. Le traitement est soit orthopédique soit chirurgical pour le haut niveau ou si ruptures itératives. Il doit être le plus précoce possible et laissé à la discrétion du chirurgien orthopédiste. 

6- L’aponévrosite de la plante du pied 

L’aponévrosite plantaire est une pathologie de surmenage de l'aponévrose plantaire superficielle, épaisse bande fibreuse triangulaire qui soutient la voûte interne du pied et s’étend du talon jusqu’à la base des orteils où elle se divise en languettes qui vont se fixer sur la base des 1ères phalanges. 

Biomécanique de la voûte plantaire

L'aponévrose plantaire supporte le poids du corps en position debout et stabilise l’arrière-pied en varus. Biomécaniquement liée au système propulseur des muscles du mollet et du tendon d’Achille, elle est très fortement sollicitée et étirée pendant la marche et la course où elle transmet les forces de propulsion de l’arrière vers l’avant. 

Facteurs favorisants

Des micro-traumatismes répétés ou un étirement brutal enflamment l'aponévrose dans une zone proche de son insertion calcanéenne. Cette zone peut se calcifier et former une épine calcanéenne (épine de Lenoir) en dehors de toute lésion d'aponévrosite. La traction exercée sur l'aponévrose plantaire est majorée par des troubles de la statique: surélévation (pied creux) ou affaissement (pied plat) et par les déplacements  sur terrain inégal.

Le diagnostic clinique

Il se résume à une douleur d'intensité variable, sous-talonnière unilatérale et parfois bilatérale dans 1/3 des cas dès les 1ers pas le matin au réveil ou en cours de journée à l’effort. Si la douleur est trop forte elle peut s'accompagner d'une gêne fonctionnelle avec boiterie. A l’inspection il n'y a ni rougeur ni oedème et au podoscope on recherchera un trouble de la statique plantaire. La palpation mettra en évidence une douleur exquise à la pression de l’insertion calcanéenne de l’aponévrose. L'absence de douleur à la pression des faces latérales du calcanéum permet d'éliminer à tout coup une fracture de fatigue (principal diagnostic différentiel).

L'épine de Lenoir correspond à la calcification de l'insertion calcanéenne de l'aponévrose plantaire. Ce n’est pas elle qui est en cause dans une aponévrosite plantaire.

L'imagerie

La radiographie standard du pied peut retrouver un trouble de la statique ou une épine calcanéenne. L'échographie bilatérale et comparative est le meilleur des examens complémentaires. Elle va montrer un épaississement de l'aponévrose plantaire. En cas d'échec de l’échographie, l’IRM confirmera le diagnostic d'aponévrosite ou parfois de rupture partielle.

Le traitement préventif

Introduit dès l’apparition des 1ers signes, le traitement n’en sera que plus efficace. 

Il sera celui des facteurs favorisants: hydratation correcte, chaussures de sport adaptées, talonnettes amortissantes, semelles orthopédiques, étirements du système propulseur des muscles du mollet, du tendon d’Achille et de l’aponévrose plantaire, écrasement de l'aponévrose sur une balle de tennis dans un but d'assouplissement.

La kinésithérapie

Toutes les techniques de tissus mous et de mobilisations sectorielles des différentes articulations du pied par un kinésithérapeute seront les bienvenues. La physiothérapie, les étirements de type Stanish sont utiles.

Les traitements médicamenteux 

Les antalgiques et les anti-inflammatoires peuvent aider à franchir un cap. Pour beaucoup de confrères rhumatologues, malgré le risque de rupture partielle, les infiltrations de corticoïdes sont suivies de 70 à 80% de très bons résultats. 

Les injections de PRP sont de plus en plus utilisées avec succès. 

La chirurgie 

Dans les ruptures aponévrotiques le recours à la chirurgie peut être envisagé avec le concours d'un chirurgien orthopédiste rompu à ce genre d’intervention et après échec de toutes les autres thérapeutiques.

7- Les dysfonctions du podo-sural (images Yvon Lesage)

La cohérence fonctionnelle du SAMA podo-sural est telle, que tout traumatisme d’un de ses maillons va retentir sur les autres chaînons et entraîner des blocages à répétition, qu’il va falloir lever par des techniques de médecine manuelle dans le sens inverse du blocage. 

- Les blocages de la tibio-péronière supérieure (P/T sup)

Les blocages en rétropulsion sont traités par des manoeuvres en antépulsion: la main proximale de l’examinateur cravate le creux poplité, pouce en avant; la main distale empoigne le pied positionné en rotation externe et effectue une flexion forcée sur le genou qui fait avancer la tête du péroné.

Les blocages en antépulsion sont traités par des manoeuvres en rétropulsion. Sujet genou tendu: son membre inférieur est chargé sur l’épaule interne de l’opérateur, pied en rotation interne; mains de l’opérateur croisées sur les épiphyses tibiales et péronières avec butée de l’éminence thénar de la main sur la tête du péroné; pulsion en accentuant vers le bas la tête du péroné.   

- Les blocages de la tibio-péronière inférieure (TP inf) 

Levée du blocage: membre inférieur tendu sur le plan de la table; la main proximale de l’opérateur bloque le tibia sous le genou; la main distale positionne le pied en varus équin; pulsion sans jamais forcer en accentuant le varus équin. 

Les blocages de la tibio-tarsienne (T/T) et de la sous- astragalienne (S/A)

Levée des blocages par des techniques de décoaptation sagittale pour la T/T, puis frontale  pour la S/A. Patient en décubitus ventral: mains de l'opérateur en étau sur le cou de pied; genou de l'opérateur bloquant le creux poplité.

Les blocages du scaphoïde et du cuboïde 

Patient en pro-cubitus, genou sur table ou en dehors de la table (la manipulation est ainsi plus puissante). Les 2 mains de l’opérateur enserrent l’avant-pied, les 2 pouces appuient sur le scaphoïde ou sur le cuboïde tout en bloquant l’avant-pied. L’opérateur effectue des petites secousses pour détendre l’articulation, puis par un mouvement sec le pied est porté en planti-flexion forcée, l’axe de traction se faisant opérateur déporté en dehors de l’axe du membre pour le scaphoïde, et dans l’axe du membre pour le cuboïde. 

- Les blocages des inter-phalangiennes 

Levée des blocages par décoaptation des inter-phalangiennes proximales (IPP) et distales (IPD). Ce sont des articulations trochléennes mobiles en flexion/extension avec présence de franges synoviales intra-articulaires responsables de blocages. Technique: patient en décubitus dorsal, genou fléchi, orteils hors de la table d’examen. La main proximale bloque le cou-de-pied, l’autre main, par une pince par enfourchement absolument atraumatique, va permettre une traction qui va favoriser l'extension de l'articulation et libérer les franges synoviales bloquées.

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