Avis à lire par tous les lecteurs:

Les premiers articles du blog "Un médecin du sport vous informe" datent de 2013, mais la plupart sont mis à jour pour pouvoir coller aux progrè médicaux. Ce blog inter-actif répond à la demande de nombreux confrères, kinésithérapeutes, étudiants en médecine et en STAPS, patients et sportifs. Il est le reflet de connaissances acquises tout le long de ma vie professionnelle, auprès d'enseignants remarquables, connaissances sans cesse actualisées que je me suis efforcé de rendre accessibles au plus grand nombre par le biais d’images trouvées sur le Net, images qui sont devenues par la force des choses, la propriété intellectuelle de tous; si cela dérange, ces images seront retirées.

Certains articles peuvent apparaître un peu plus polémiques que d'autres et indisposer, mais il n'est pas question pour l'auteur de tergiverser ou de se taire, quand il s'agit de problèmes d'éthique, en particulier en matière de dopage et quand la santé des sportifs est en jeu, compte tenu du nombre élevé de blessures liées au surentraînement et à une pratique imbécile d'une certaine musculation, qui n'est plus au service de la vitesse et de la force explosive utile (et non de la force maximale brute), qui sont les deux qualités physiques reines, qui ne respecte pas les règles de la physiologie musculaire et qui, au lieu d'optimiser la performance, fait ressembler certains sportifs body-buildés à l'extrême, davantage à des bêtes de foire gavées aux anabolisants, qu’à des athlètes de haut niveau.

Ce blog majoritairement consacré à la traumatologie sportive, est dédié à mes maîtres les Prs Jacques Rodineau, Gérard Saillant et à tous les enseignants du DU de traumatologie du sport de Paris VI Pitié Salpétrière et en particulier aux docteurs Jean Baptiste Courroy, Mireille Peyre et Sylvie Besch. L'évaluation clinique y tient une grande place: "la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique" et s'il y a une chose à retenir de leur enseignement, c'est que dans l'établissement d'un diagnostic, l'examen clinique, qui vient à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément incontournable de la démarche médicale. Toutefois dans le sport de haut niveau et guidé par la clinique, l'imagerie moderne est incontournable : radiographie conventionnelle, système EOS en trois dimensions pour les troubles de la statique rachidienne, échographie avec un appareillage moderne et des confrères bien formés, scanner incontournable dans tous les problèmes osseux et enfin IRM 3 Tesla, le Tesla étant l'unité de mesure qui définit le champ magnétique d'un aimant; plus le chiffre de Tesla est élevé et plus le champ magnétique est puissant ("à haut champ") et plus les détails des images sont fins et la qualité optimale.

Hommage aussi au Pr Robert Maigne et à son école de médecine manuelle de l'Hôtel Dieu de Paris ou j'ai fais mes classes et actuellement dirigée par son fils, le Dr Jean Yves Maigne. Je n'oublie pas non plus le GETM (groupe d'étude des thérapeutiques manuelles) fondé par le Dr Eric de Winter et ses enseignants, tous des passionnés; j'y ai peaufiné mes techniques et enseigné la médecine manuelle-ostéopathie pendant 10 années.

Dr Louis Pallure, médecin des hôpitaux, spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation, médecin de médecine et traumatologie du sport et de médecine manuelle-ostéopathie, Pr de sport et musculation DE, ex médecin Athlé 66, comité départemental 66, ligue Occitanie et Fédération Française d’Athlétisme, médecin Etoile Oignies Athlétisme.

jeudi 27 avril 2023

Le rachis cervical du Lanceur en Athlétisme


En maintenant le regard horizontal et les labyrinthes de l’oreille interne stables, le rachis cervical contrôle une bonne part de l’équilibre postural et à ce titre il est un des chaînons les plus importants dans la gestuelle des lancers.

Anatomie

Elle est assez singulière, avec :

présence d'un uncus au niveau de son plateau vertébral supérieur, sorte de rail qui guide le mouvement segmentaire inter-vertébral cervical.

- des apophyses épineuses bifides de C3 à C6. Celles de C7 et T1 sont très accessibles à la palpation (C7 est mobile et T1 fixe).

une très bonne mobilité globale régionale sagittale en flexion-extension, frontale en inflexion et horizontale en rotation.

 l'artère vertébrale le traverse de part en part

Les deux artères vertébrales se détachent des artères sous-clavières dans le thorax, remontent dans le cou à travers les trous inter-transversaires des vertèbres cervicales de C6 à C3, traversent le rachis cervical supérieur en prenant un chemin très sinueux avant de passer dans le crâne et de vasculariser la partie postérieure du cerveau. Ces artères vertébrales peuvent se trouver contraintes par toute manoeuvre thérapeutique intempestive sur le rachis cervical supérieur

- il est très proche de la chaîne nerveuse du système sympathique

La chaîne nerveuse sympathique et son ganglion cervical supérieur sont placés en latéro-cervical. Elle innerve les organes sensoriels de la face: appareil audio-vestibulaire (dont les labyrinthes pour l’équilibre), yeux, pharynx, larynx, glandes salivaires, appareils lacrymal et nasal, etc. Cette chaîne du système nerveux sympathique peut se trouver contrainte par des contractures cervicales hautes, sur dysfonction de la zone cranio-rachidienne, qui se manifesteront cliniquement par des vertiges et d'autres manifestations neuro-sensorielles du syndrome de Barré et Liéou.

Le système nerveux sympathique cervical supérieur (ganglion cervical supérieur) est anatomiquement proche du rachis cervical supérieur et peut se trouver contraint par des contractures musculaires latéro-cervicales (image F. Netter).

des malformations vertébrales cervicales doivent être systématiquement recherchées au niveau du rachis cervical supérieur

Au niveau de la jonction cranio-rachidienne, les médecins de médecine manuelle doivent impérativement faire la chasse à de potentielles malformations diverses. Certaines sont des contre-indications absolues des manipulations (radiographies indispensables avant tout geste manipulatif du rachis cervical, afin d'éviter des complications neurologiques gravissimes):

1- Le foramen arcualé 

C’est une anomalie osseuse ou fibreuse du rachis cervical supérieur. La présence de ce monticule postérieur ou d'autres anomalies comme la fermeture de son canal transversaire au niveau de la 1ère vertèbre cervicale, peuvent contraindre l'artère vertébrale, très proche anatomiquement. Contrairement à d’autres malformations vertébrales cervicales, le foramen arcualé n’est pas une contre-indication absolue des manipulations sur les 2 premiers joints inter-vertébraux du rachis cervical supérieur. 

Sa présence doit quand même inciter tout médecin de médecine manuelle à la prudence, à bien soupeser le bénéfice-risque de ces thérapeutiques potentiellement dangereuses et à privilégier en cas d’indication des manipulations pour céphalées ou vertiges ayant résisté aux autres thérapeutiques, les manoeuvres en détorsion sur le 3ème segment inter-vertébral C2/C3, beaucoup moins toxiques et tout aussi efficaces que celles en dérotation sur C0/C1 et en désinflexion sur C1/C2.

2- L’impression basilaire

Elle correspond à un décalage vers le haut du rachis cervical supérieur. Sur des  radiographies de profil, la pointe de l’apophyse odontoïde de C2 se situe au-dessus de la ligne de Chamberlain (base de l’occiput). 

L’impression basilaire est une contre-indication absolue des manipulations vertébrales cervicales hautes.  

Biomécanique du rachis cervical 

Le rachis cervical est la portion du rachis la plus mobile et partant l’une des plus vulnérables. Il supporte la tête et l'oriente dans toutes les directions possibles de l'espace. On lui distingue 5 fonctions :

- fonction de mât disposé en lordose.

- fonction de ressort encaissant les contraintes réparties entre les disques à partir de C2/C3 et les articulations vertébrales postérieures.

- fonction de flexible autorisant 2 mouvements principaux: sagittal de flexion-extension et de torsion (mélange d’inclinaison latérale et de rotation, automatiquement associées).

- fonction de protection de la moelle, des racines nerveuses, des 8 nerfs rachidiens cervicaux (de C1 à C8) et de l’artère vertébrale.

- fonction d'information nociceptive très riche et intriquée avec la région de l’épaule et proprioceptive pour la posture (propriocepteurs du regard et de l’équilibre).

Schématiquement on le subdivise en 2 zones anatomiquement et fonctionnellement distinctes mais qui se complètent, le rachis cervical supérieur ou zone cranio-rachidienne  et inférieur ou zone disco-cervicale.

1- Le rachis cervical supérieur ou zone crânio-rachidienne

Il comprend 3 unités qui ont la particularité de n’avoir pas de disque intervertébral: 

- l’occiput du crâne que l’on peut assimiler fonctionnellement à une vertèbre, la vertèbre occipitale = C0

- la 1ère vertèbre cervicale, l’atlas = C1.

Ce rachis cervical supérieur corrige en permanence les mouvements de torsion des vertèbres cervicales sous-jacentes de C3 à C7, afin de préserver l’horizontalité du regard et la stabilité des labyrinthes qui interviennent dans le maintien de la posture, gardienne de l’équilibre postural dans les lancers. Cette zone crânio-rachidienne préserve aussi les structures vasculaires et nerveuses de voisinage: artères vertébrales, bulbe rachidien, moelle épinière et premières racines nerveuses cervicales, C1, C2 et C3. 

Elle est pourvue de freins ligamentaires puissants assurant la stabilité passive et de 14 haubans musculaires courts assurant la stabilité active. 

2- Le rachis cervical inférieur ou disco-cervical

Rachis disco-cervical à cause de la présence d’un disque intervertébral à chaque étage. Il va de C3 à C7 et présente quelques particularités:

- les apophyses transverses de C3 à C6 sont percées par l’artère vertébrale. 

- les facettes articulaires de C7 à C3 sont d’obliquité croissante: en C2/C3, l’axe est incliné de 45° par rapport à l’horizontale; en C7/D1 les facettes sont quasi horizontales (10°). 

3- Il y a complémentarité fonctionnelle entre rachis cervical supérieur et inférieur

Les mouvements d’inclinaison du rachis cervical inférieur sont compensés en crânio-rachidien pour obtenir une rotation pure et les mouvements de rotation du rachis cervical inférieur sont compensés en crânio-rachidien pour obtenir une inclinaison latérale pure.

La pathologie cervicale des lanceurs

Le rachis cervical est soumis à d'importantes contraintes dans les lancers. Elles sont source de douleurs cervicales (cervicalgies), de limitations d'amplitude du côté douloureux et de pièges cliniques à bien connaître si l’on ne veut pas retarder ou laisser errer le diagnostic. Ces cervicalgies peuvent se compliquer de céphalées (maux de tête), de cervico-brachialgies et de névralgies cervico-brachiales, d’un syndrome de Barré et Liéou et d’une myélopathie (atteinte de la moelle épinière) cervicarthrosique (en rapport avec de l’arthrose cervicale) chez les vieux lanceurs.

1- Les cervicalgies 

Ce sont des douleurs des régions du cou et de la nuque. Quasi constantes chez les lanceurs, elles sont pour le moins gênantes et même invalidantes par leurs complications. 

Elles siègent au niveau des étages inter-vertébraux les plus mobiles du rachis cervical: C4-C5, C5-C6 et C6-C7 (ces 3 étages ayant les plus hauts surplombs). 

Ces cervicalgies peuvent avoir un caractère aigu, c'est le fameux torticolis qui correspond à un blocage complet ou quasi complet de la mobilité cervicale (impossibilité de tourner la tête dans un sens ou dans l’autre par contracture des muscles cervicaux et principalement du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien (SCM) et des muscles scalènes). 

Mais le plus souvent les cervicalgies évoluent sur un mode douloureux modéré qui s'accompagne d'une limitation fonctionnelle en rotation du même côté que la douleur cervicale et de contractures surtout sur les muscles latéraux (SCM et scalènes) et sur les muscles postérieurs (trapèzes). 

Cette évolution à bas bruit peut être entre-coupée de poussées douloureuses cervicales aiguës sur un fond douloureux chronique. 

La lésion originale vertébrale cervicale est une discopathie du disque inter-vertébral qui va retentir sur les éléments de voisinage: racines et branches antérieures et postérieures des nerfs rachidiens, artères et veines vertébrales avec troubles vasculaires, système nerveux sympathique cervical.

2- Une forme de cervicalgie est tout particulièrement piégeuse : l'algie inter-scapulo-vertébrale de Robert Maigne et François Lecorre (entre omoplates et colonne vertébrale dorsale haute).

Cette algie inter-scapulo-vertébrale se présente cliniquement comme une douleur le plus souvent unilatérale de la région dorsale haute (fausse dorsalgie), alors que son origine est à rechercher sur un des segments du rachis cervical inférieur compris entre C4/C5 et C7/D1. 

A l’examen physique, 3 signes sont à rechercher : 

1- un point inter-scapulo-vertébral en para D5-D6, toujours constant et clé du diagnostic. Il correspond anatomiquement à l’émergence de la branche postérieure de D2 qui se distribue latéralement sur la peau du dos qui devient cellulalgique en cas d’irritation nerveuse. Au préalable cette branche postérieure de D2 s’anastomose avec les branches postérieures de C5 à D1, en formant un vaste réseau nerveux. Mais plus vraisemblablement encore et d’après le Pr Guy Lazorthes, les branches postérieures de C5 à D1 sont généralement inexistantes et la branche postérieure de D2 représenterait alors le contingent cutané des derniers étages cervicaux de C5 à D1. 

Ce point inter-scapulo-vertébral est remarquablement fixe dans sa topographie chez tous les patients et à tous les examens et il est situé à 3 cm environ de la ligne médiane en regard de D5 et plus rarement de D6. Sa disparition au cours d'un traitement signe la disparition de la dorsalgie. Chez le faux dorsalgique chronique, il existe en-dehors des périodes douloureuses.

2- un point sonnette cervical antérieur inconstant dont la pression réveille une douleur dorsale haute.

3- un DIM au niveau d’un segment inter-vertébral du rachis cervical inférieur. 

L'algie inter-scapulo-vertébrale de Robert Maigne avec son point éponyme toujours constant qui correspond à l'émergence de la branche postérieure de D2 en para D5-D6 (d’après Hovelacque) et se distribue latéralement sur la peau du dos (avec zone cellulalgique en cas d’irritation nerveuse). Cette branche postérieure de D2 représenterait alors le contingent cutané des derniers étages cervicaux de C5 à D1 (Pr Guy Lazorthes). Le point cervical antérieur de Robert Maigne  est inconstant; sa pression réveille une douleur dorsale haute.

3- Autres formes cliniques qui peuvent être piégeuses si elles ne sont pas rattachées au rachis cervical: les douleurs projetées (référées) sur l’épaule, le coude et le poignet d’origine cervicale (fausses épaules douloureuses, faux coude ou poignet douloureux). 

- les fausses épaules douloureuses sont d’origine segmentaire cervicale C3- C4 ou C4-C5 et se présentent sous la forme :

1- d’une trapézalgie (douleurs sur le muscle trapèze) par irritation de la branche postérieure de C4 ou de douleur sous-claviculaire, si la branche antérieure de C4 est atteinte.

2- par une dorsalgie inter-scapulo-vertébrale si la branche postérieure de C5 est irritée ou de douleurs projetées sur le moignon de l’épaule (fausse épaule douloureuse) ou en sus-épicondylien latéral (fausse épicondylite externe du coude), si la branche antérieure de C5 est lésée. 

NB: - une trapézalgie C4 ou une algie sous-claviculaire ne sont jamais en relation avec une pathologie de la coiffe des rotateurs mais constituent un diagnostic différentiel avec une pathologie scapulo-thoracique le plus souvent acromio ou sterno-claviculaire. 

- une douleur du moignon de l’épaule ou du sillon delto-pectoral d’origine rachidienne cervicale doit faire rechercher une pathologie associée de la coiffe des rotateurs ou du tendon du long biceps. 

- les douleurs d’épaule d’origine rachidienne cervicale sont probablement les causes les plus fréquentes d’erreurs diagnostiques en pathologie rachidienne. A titre isolé, une épaule douloureuse d’origine cervicale est une pathologie fréquente, mais très souvent associée à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs (on parle alors d’épaule mixte cervico-scapulaire). Ces épaules mixtes sont responsables d’une insuffisance notoire de bons résultats dans la réponse thérapeutique si l’on oublie de traiter concomitamment rachis cervical et pathologie de coiffe.

les faux coudes douloureux externes sont en rapport avec la branche antérieure de C5 ou de C6 (fausse épicondylite externe). Les faux coudes douloureux internes (fausse épicondylite interne), avec celle de T1. 

Les faux coudes postérieurs (olécrane), avec la branche antérieure de C7. Mais association toujours possible de ces coudes douloureux d’origine vertébrale cervicale, avec des tendinopathies épicondyliennes ou olécraniennes.

- les faux poignets douloureux externes sont en rapport avec la branche antérieure de C6. Les faux poignets douloureux internes avec celle de C8. Avec également association toujours possible avec une tendinopathie de l’un des 6 compartiments du poignet .

Sur le plan diagnostique, ces douleurs projetées s’accompagnent d’un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (SCTPM) sur le métamère du nerf rachidien irrité et d’un DIM à l’examen physique, qui les font rattacher au rachis cervical.

4- Les cervico-brachialgies de C5 à T1 sont des formes atténuées d’une névralgie cervico-brachiale (NCB). Elles sont cliniquement plus piégeuses, mais la présence d’un signe de Lasègue cervical (l’abduction-rotation externe et rétropulsion du bras, tête tournée du côté opposé à l’examen physique provoque des paresthésies au niveau des racines nerveuses cervicales) doit orienter vers une origine rachidienne sur le rachis cervical inférieur.

Sur le plan thérapeutique les cervicalgies, les algies inter-scapulo-vertébrales, les syndromes douloureux projetés d’origine cervicale et les cervico-brachialgies répondent bien aux thérapeutiques manuelles ou à un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et paracétamol, voire à une corticothérapie de quelques jours si pour une raison quelconque le traitement manuel n’est pas indiqué ou en cas de résistance aux AINS.

5- Les névralgies cervico-brachiales (NCB) 

Elles représentent déjà une complication aigüe de la pathologie cervicale et correspondent à une irritation de la branche antérieure du nerf rachidien par une lésion discale (discopathie, bulgus, hernie discale molle) ou par unco-discarthrose (hernie discale dure) chez les vieux lanceurs. 

Leur point de départ est cervical, leur irradiation, brachiale et leur trajet est métamérique dans le territoire d’innervation des racines nerveuses C5, C6, C7, C8 et T1. 

Cliniquement on retrouve dans une NCB des troubles sensitifs, moteurs et réflexes. 

L’anamnèse et la symptomatologie laissent peu de place à l’erreur diagnostique.

6- Les maux de tête (céphalées) d'origine rachidienne cervicale haute de Robert Maigne

Ces maux de tête ont pour origine les 3 premières racines nerveuses cervicales, dont les branches postérieures innervent le vertex (C3 est interne, C2 est médian, C1 est externe). 

En cas de dysfonctionnement cervical haut, la palpation retrouve un empâtement douloureux du massif des articulaires postérieures de C2/C3 et en cas d’irritation d’une des branches antérieures d’un des 3 premiers nerfs rachidiens cervicaux.

L’examen retrouve des signes crânio-faciaux : palpé-roulé douloureux avec pli cutané épaissi au niveau du sourcil, de la tempe, de l’angle maxillaire inférieur et un signe du shampooing sur l’occiput. 

- très spécifiquement pour C3: l’examen palpatoire retrouve une zone cellulalgique sur le sourcil et la joue du côté de la dysfonction cervicale.tro-auriculaire. 

Ces douleurs, localisées le plus souvent au-dessus des yeux et à l’arrière de la tête, peuvent s'accompagner de nausées.

7- Le syndrome de Barré et Liéou (autre piège diagnostique)

Ce syndrome est un ensemble de manifestations neuro-sensorielles de type ophtalmologique, audio-vestibulaire, pharyngé, qui accompagnent habituellement les céphalées cervicales (mais pas toujours et source alors d’errance diagnostique) et sont en rapport avec l'irritation du système nerveux sympathique cervical supérieur. 

Ces symptômes apparaissent rarement tous ensemble. Leur combinaison, de même que leur intensité est variable et elles incluent: 

- des troubles vestibulaires: vertiges, étourdissements, particulièrement lors de mouvements rapides du cou et des sensations de perte d’équilibre.

- des troubles de l'audition: sensation d’entendre moins bien et bourdonnements ou sifflements dans les oreilles (acouphènes).

- des troubles visuels: fatigue visuelle, sensation d’avoir de la poussière dans les yeux ou de voir des petits points dansants.

- des troubles des sécrétions avec chaleur, transpiration abondante, hyper-sécrétions nasales et lacrymales.

- des troubles cérébraux: difficulté à se concentrer, perte de mémoire, anxiété. 

8- L’arthrose cervicale (cervicarthrose) du vieux lanceur

Cette cervicarthrose est souvent muette. Les lanceurs ont juste l’impression d’avoir des grains de sable à la mobilisation de leur cou et de la raideur. Présence d’un pincement discal et d’ostéophytes sur les radios. 

Quand elle est symptomatique, cette arthrose cervicale se manifestera alors par des cervicalgies aigües ou chroniques; une NCB (névralgie cervico-brachiale); des céphalées (maux de tête) et la possibilité de formes intriquées de ces céphalées avec le syndrome de Barré et Liéou. 

9- Une complication possible, rare mais sévère chez le vieux lanceur: la myélopathie cervicarthrosique  

Elle correspond à une compression lente de la moelle sur un ou plusieurs étages cervicaux par dégénérescence des disques et des uncus des corps vertébraux cervicaux. Elle touche le lanceur âgé avec un mode de début insidieux, parfois progressif, parfois brutal et iatrogène après manipulations vertébrales cervicales intempestives, ou secondaire à un traumatisme en hyper-extension.

Sur le plan clinique 

La myélopathie se manifeste par des signes neurologiques plus ou moins sévères et selon un tableau qui peut être très polymorphe. 

Au début de l’évolution, les troubles prédominent classiquement dans les membres supérieurs sous la forme de douleurs, de fourmillements, ou d’une diminution de la sensibilité dans les bras, les avant-bras ou les mains. La maladresse est fréquente à ce stade avec des épisodes de lâchage des objets. 

Dans les formes plus évoluées une faiblesse musculaire apparait aux membres supérieurs et/ou aux membres inférieurs avec une fatigabilité à la marche. Les troubles sexuels ou sphinctériens font également partie de la symptomatologie.

Les signes d'examen d'une myélopathie sont majorés à la fatigue, minorés par le repos.

Il y a association d’un syndrome lésionnel avec mono ou pluri radiculalgie cervico-brachiale suivant le niveau de l'atteinte  + un syndrome sous lésionnel: syndrome irritatif pyramidal + troubles sensitifs discrets : fourmillements et pseudo algie sciatique.

Deux signes sont à rechercher: 

- le signe de Lhermitte = décharges électriques le long de la colonne vertébrale provoquées par la flexion de la tête 

- le signe d'Aboulker = astéréognosie pour les mouvements fins comme se boutonner la chemise avec impossibilité d'effectuer ces gestes fins.

Signes négatifs 

Aucun signe d'atteinte supra-médullaire. 

Confirmation diagnostique

La radio conventionnelle et l’imagerie IRM.

Diagnostic différentiel:

La SLA (sclérose latérale amyotrophique) de Charcot avec présence de signes supra-médullaires bulbaires et pseudo-bulbaires. 

L’évolution spontanée de la maladie en l’absence de traitement 

Cette évolution spontanée se caractérise par l’aggravation par paliers des  troubles neurologiques.

L’imagerie IRM d’une compression de la moelle cervicale au niveau d’un segment inter-vertébral cervical (= rétrécissement du cordon médullaire); il précise le niveau de la compression et son importance.

La prise en charge d’une myélopathie cervicarthrosique             

Le traitement médical est peu efficace en cas de myélopathie. 

Voila pourquoi l’intervention chirurgicale doit être discutée dès l’apparition des 1ers signes. Cette chirurgie consiste en la décompression de la moelle épinière, soit par voie antérieure, soit par voie postérieure si plusieurs niveaux sont atteints. 

Le but de ce traitement est avant tout de stabiliser l’évolution de la maladie. Après la chirurgie, les troubles neurologiques régressent généralement. Néanmoins ils peuvent ne régresser que de manière incomplète, d’où l’importance d’une prise en charge précoce. Dans certaines formes particulièrement graves, la myélopathie peut s’aggraver malgré un traitement chirurgical correctement conduit. 

10- Le traitement médical conservateur des cervicalgies communes 

Il doit être proposé en première intention dans les cervicalgies exemptes de tout déficit neurologique. 

Il comprend:

- une immobilisation cervicale par collier souple de quelques jours

- un traitement médicamenteux avec antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de cortisone per os en cas de résistance aux AINS

- des tractions axiales manuelles ou mécaniques sur table

- de la kinésithérapie avec physiothérapie 

- des manipulations cervicales en suivant bien les 5 recommandations de la SOFMMOO (manipulations vertébrales cervicales hautement discutables en présence d’une hernie discale dure ou molle)

- des infiltrations épidurales ou foraminales sous contrôle scannographique. 

Le traitement des cervicalgies communes par manipulations vertébrales cervicales

Seules les cervicalgies communes relèvent d’un traitement par médecine manuelle-ostéopathie et il faut quasi exclure les manipulations vertébrales cervicales du traitement médical des névralgies cervico-brachiales par hernie discale molle ou dure et totalement les exclure dans la myélopathie cervicarthrosique et les cervicalgies symptomatiques (tumorales, infectieuses, inflammatoires, etc). 

Compte tenu des complications vasculaires potentielles, leur emploi doit être réservé à des praticiens chevronnés et doit toujours être précédé par des tests vasculaires pré-manipulatifs qui sont des tests de posture cervicaux. 

Rappel des principes des tests de posture cervicaux à faire en préalable à toute manipulation vertébrale cervicale

Ces tests peuvent s’effectuer en extension ou flexion pure, en rotation pure ou avec latéro-flexion combinée. La manœuvre classique la plus recommandée est la mise en extension + rotation d’un côté + latéroflexion opposée qui a pour effet de solliciter dans son étirement le plus important, l’artère vertébrale opposée à la rotation. La posture doit être douce, non forcée, maintenue au moins 20 secondes et réalisée de chaque côté, le patient gardant les yeux ouverts. Dès le moindre symptôme anormal pendant la réalisation du test: troubles de l’équilibre, céphalées, nausée, acouphènes, apparition d’un nystagmus, le test de posture doit être interrompu et des explorations complémentaires effectuées.

Les techniques cervicales 

Les manoeuvres les plus usuelles sur le rachis cervical se font en décubitus dorsal et tête sur table. Mais il existe tout un tas d’autres techniques: tête libre, en décubitus ventral type menton pivot, en décubitus latéral type mandoline, en position assise et en désinflexion type Récamier, etc, que l'on apprend dans toutes les bonnes écoles de médecine manuelle-ostéopathie.

1- Les manoeuvres sur la jonction crânio rachidienne C0/C1 et C1/ C2 :

Ces manoeuvres sur la jonction crânio-rachidienne ont un interdit: la manoeuvre Hole in line qui porte le cou en inflexion latérale avec appui direct sur la face latérale de l'axis, sujet positionné en décubitus latéral. 

La recherche clinique de la restriction du mouvement du rachis cervical haut Cette recherche clinique doit être précédée par des manoeuvres de sécurité debout, puis couché et s’effectue dans le paramètre de moindre amplitude: la rotation pour C0/C1 et l'inflexion pour C1/C2, patient en décubitus dorsal dans le positionnement de la manipulation crânio-rachidienne.

Les indications des manoeuvres sur le rachis cervical supérieur :

Les principales indications des manipulations du rachis cervical supérieur sont les céphalées (maux de tête), la névralgie occipitale d'Arnold, le syndrome de Barré et Liéou, l’attitude antalgique du rachis cervical, les difficultés à l’hyper-extension du cou, à tourner la tête, la contracture des muscles du triangle de Tillaux, les cellulalgies de Robert Maigne (signe du sourcil, de la joue…).

Techniques :

Ces manoeuvres se font tête sur table et yeux du patient ouverts (et donc avec possibilité pour le thérapeute de surveiller cliniquement ce dernier pendant l’acte manipulatif): 

- d’abord une mobilisation globale recrute tout le rachis cervical dans le sens libre et permet de bien positionner la main manipulatrice sur la crânio-rachidienne

- ensuite un petit déplacement latéral (jeu corporel) dans le sens inverse restreint de la dysfonction verrouille la crânio-rachidienne en hyper-extension

- puis recherche de la restriction de mobilité d'abord en rotation, pouce vers la mandibule, qui explore l’étage C0/C1, puis en inflexion latérale, pouce vers orbite, qui explore l’étage C1/C2

- enfin manipulation dans le paramètre de moindre amplitude libre: la dérotation en C0-C1 ou la désinflexion en C1- C2  (dé dans le sens de défaire) avec pulsion dans le respect des règles de Robert Maigne (manipulations dans le sens contraire de la douleur).

Précisions complémentaires à propos de la pathologie vertébrale cervicale haute

Très souvent la pathologie crânio-rachidienne des deux premiers étages cervicaux C0/C1 et C1/C2 se décompense au niveau de l’étage cervical sous-jacent C2/C3 et la manipulation de cet étage C2/C3, beaucoup moins à risque que sur les 2 premiers étages cervicaux, permet de libérer l’ensemble des 3 étages du rachis cervical supérieur. 

Dans un certain nombre d'indications de manipulation du rachis cervical supérieur, compte tenu de la forte contracture des muscles para-vertébraux responsable d'une raideur majeure et douloureuse du haut du cou et en application des règles de Robert Maigne qui recommandent formellement de ne manipuler le rachis que si 3 directions au mieux et 2 au moins sont non douloureuses (schéma en étoile de Lesage), il est parfois impossible de manipuler le rachis cervical supérieur. 

Aussi, afin de lever cette contre indication technique provisoire, il est intéressant de traiter ces patients pendant quelques jours (de 3 à 10 jours) par des AINS ou mieux par des anti-inflammatoires stéroïdiens per os (cortancyl ou solupred à une dose de 40 mg à 60 mg/ jour en une seule prise le matin au petit déjeuner, en leur adjoignant un protecteur gastrique). 

Ces corticoïdes font habituellement céder le blocage douloureux et permettent de manipuler en toute sécurité: soit le rachis sous-occipital, soit de préférence le segment C2-C3, soit quelquefois le segment C3-C4.

2- Manoeuvres disco-cervicales de C2/C3 à C7/T1 :

Ce sont des manoeuvres en détorsion (combiné de flexion et d'extension et de rotation et d'inflexion latérale); la pulsion se fait sur le joint supérieur dans le sens libre. 

Techniques disco-cervicales 

Leurs principes sont similaires aux manoeuvres précédentes sur la crânio-rachidienne: 

- recrutement dans le sens libre en faisant rouler la tête sur la table (ce qui permet de bien placer la butée manipulatrice sur le joint à manipuler)

- revenir dans le sens restreint par déplacement latéral jusqu'au verrouillage du joint à manipuler

- pulsion dans le sens libre. 

3- Manoeuvres sur la charnière cervico - thoracique :

Technique en menton pivot

Technique très utilisée; pulsion par le talon de la main caudale ou mieux par le pisciforme du poignet placé sur l'apophyse transverse de T1; la main céphalique avec contact palmaire sur l'occiput ne bouge pas; les coudes restent tendus.

- Technique en mandoline

C'est une manoeuvre en désinflexion, patient en décubitus latéral.

La pulsion se fait sur le joint supérieur C7 par un mouvement de couple des épaules de l'opérateur, le pouce caudal sur la face latérale du joint inférieur T1 assiste ou contrarie le mouvement, mais n'intervient pas.

- Technique à la Récamier

C'est aussi une manoeuvre en désinflexion; la pulsion se fait par le pouce caudal sur la face latérale de l'épineuse de T1.

11- Les risques liés aux manipulations vertébrales cervicales

Depuis 2002 (loi Kouchner), le recours aux différentes techniques vertébrales de médecine manuelle-ostéopathie n’est plus l’apanage des seuls médecins. Leur utilisation a été élargie par la loi aux kinésithérapeutes d’abord, puis aux ostéopathes non médecins et non kinésithérapeutes, avec toujours comme indication principale, la dysfonction intervertébrale mineure ou DIM de Robert Maigne qui associe cliniquement: douleur, contracture et restriction de mobilité. 

Et bien qu’une prescription médicale soit nécessaire pour les non médecins pour réaliser certains actes comme les manipulations du rachis cervical par exemple, on déplore chaque année des complications liées à ces gestes sur le rachis cervical supérieur: 

- pour les plus graves, il s’agit principalement de complications à type de lésions vasculaires entraînant des séquelles neurologiques définitives: dissection des artères vertébrales, accidents vasculaires cérébraux (syndrome de Wallenberg). 

- pour les complications les plus bénignes, on déplore une aggravation de la symptomatologie initiale, ou des douleurs, ou des courbatures.

Le Pr Philippe Vautravers (du CHU Haute-Pierre, Strasbourg) a comptabilisé seulement 1 incident sur 4 millions de manipulations dorsales et lombaires et de 1 à 3 incidents /100 000 manipulations cervicales. 

Les accidents des manipulations pourraient être minimisés encore davantage si les ostéopathes respectaient les recommandations de la société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathique (SOFMMOO), ainsi que le principe de précaution qui analyse le rapport bénéfice/risque et conclut à un rapport favorable pour les manipulations dorsales ou lombaires (1 incident pour 4 millions de manipulations) et de la prudence pour les manipulations cervicales (1 à 3 incidents toutes les 100 000 manipulations). 

La SOFMMOO a également établi une liste de contre-indications aux manipulations vertébrales cervicales.

12- Contre-indications absolues des manipulations vertébrales cervicales 

- toute pathologie des artères vertébrales

- les affections rachidiennes tumorales, infectieuses, fracturaires, malformatives (l’impression basillaire; la maladie d’Arnold-Chiari = anomalie structurelle du cervelet caractérisée par un glissement d'une ou des deux amygdales cérébelleuses vers le foramen magnum = ouverture de la base du crâne en position occipitale; le canal cervical étroit…), inflammatoires, post-traumatiques récentes (de moins de six semaines)

- les névralgies cervico-brachiales par hernie discale ou ostéophytose.

13- Les contre-indications relatives des manipulations vertébrales cervicales

- Contre-indications diverses:

la prise d’anticoagulants, les facteurs de risques vasculaires cervico-crâniens liés à la prise d’oestro-progestatifs (contraception), au tabagisme, à l’hypertension artérielle, le patient âgé, un enraidissement important du rachis cervical.

La raideur du rachis cervical (dont le torticolis) est une contre indication relative des manipulations vertébrales cervicales.

- Les contre-indications techniques des manipulations vertébrales cervicales

Le non respect possible des règles fondamentales d’application des manipulations vertébrales (3 axes de mobilité libres ou au moins 2).

14- Pas d’ indications à utiliser les manipulations cervicales

La jeune fille ou le jeune garçon avant l’âge de 15 ans, les affections psychiatriques (névrose, psychoses….), la pathologie organique de voisinage (ORL, neurologique, pulmonaire…), la fibromyalgie.

15- En cas d’échec du traitement conservateur des cervicalgies communes ou de déficit moteur une dissectomie chirurgicale doit être pratiquée par voie d’abord antérieure (mais comme cette dissectomie isolée expose à de la cyphose cervicale post opératoire, un comblement de l'espace discal doit alors la compléter, par greffe autologue, cage ou prothèse discale chez les plus jeunes).

16- Mise au point sur les prothèses discales cervicales

Les indications 

La mise en place d'une prothèse discale cervicale concerne les patients de 18 à 60 ans présentant une névralgie cervico-brachiale compressive par une hernie discale molle ou dure ou une myélopathie cervicarthrosique débutante, ou après échec du traitement conservateur de plus de 6 semaines, avec mobilité conservée en flexion-extension de 4° minimum sur les clichés dynamiques du rachis cervical.

Les contre-indications des prothèses discales cervicales  

une cervicarthrose trop évoluée avec faible mobilité sur les clichés dynamiques et a priori présence de lésions articulaires postérieures sévères

- des antécédents d’infection, de traumatismes (coup du lapin, accidents de sports) ayant pu entraîner une hyper-mobilité ou une déformation d'un étage vertébral cervical

- de l’ostéoporose. 

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