Avis à lire par tous les lecteurs:

Les premiers articles du blog "Un médecin du sport vous informe" datent de 2013, mais la plupart sont mis à jour pour pouvoir coller aux progrè médicaux. Ce blog inter-actif répond à la demande de nombreux confrères, kinésithérapeutes, étudiants en médecine et en STAPS, patients et sportifs. Il est le reflet de connaissances acquises tout le long de ma vie professionnelle, auprès d'enseignants remarquables, connaissances sans cesse actualisées que je me suis efforcé de rendre accessibles au plus grand nombre par le biais d’images trouvées sur le Net, images qui sont devenues par la force des choses, la propriété intellectuelle de tous; si cela dérange, ces images seront retirées.

Certains articles peuvent apparaître un peu plus polémiques que d'autres et indisposer, mais il n'est pas question pour l'auteur de tergiverser ou de se taire, quand il s'agit de problèmes d'éthique, en particulier en matière de dopage et quand la santé des sportifs est en jeu, compte tenu du nombre élevé de blessures liées au surentraînement et à une pratique imbécile d'une certaine musculation, qui n'est plus au service de la vitesse et de la force explosive utile (et non de la force maximale brute), qui sont les deux qualités physiques reines, qui ne respecte pas les règles de la physiologie musculaire et qui, au lieu d'optimiser la performance, fait ressembler certains sportifs body-buildés à l'extrême, davantage à des bêtes de foire gavées aux anabolisants, qu’à des athlètes de haut niveau.

Ce blog majoritairement consacré à la traumatologie sportive, est dédié à mes maîtres les Prs Jacques Rodineau, Gérard Saillant et à tous les enseignants du DU de traumatologie du sport de Paris VI Pitié Salpétrière et en particulier aux docteurs Jean Baptiste Courroy, Mireille Peyre et Sylvie Besch. L'évaluation clinique y tient une grande place: "la clinique, rien que la clinique, mais toute la clinique" et s'il y a une chose à retenir de leur enseignement, c'est que dans l'établissement d'un diagnostic, l'examen clinique, qui vient à la suite d'un bon interrogatoire, reste l'élément incontournable de la démarche médicale. Toutefois dans le sport de haut niveau et guidé par la clinique, l'imagerie moderne est incontournable : radiographie conventionnelle, système EOS en trois dimensions pour les troubles de la statique rachidienne, échographie avec un appareillage moderne et des confrères bien formés, scanner incontournable dans tous les problèmes osseux et enfin IRM 3 Tesla, le Tesla étant l'unité de mesure qui définit le champ magnétique d'un aimant; plus le chiffre de Tesla est élevé et plus le champ magnétique est puissant ("à haut champ") et plus les détails des images sont fins et la qualité optimale.

Hommage aussi au Pr Robert Maigne et à son école de médecine manuelle de l'Hôtel Dieu de Paris ou j'ai fais mes classes et actuellement dirigée par son fils, le Dr Jean Yves Maigne. Je n'oublie pas non plus le GETM (groupe d'étude des thérapeutiques manuelles) fondé par le Dr Eric de Winter et ses enseignants, tous des passionnés; j'y ai peaufiné mes techniques et enseigné la médecine manuelle-ostéopathie pendant 10 années.

Dr Louis Pallure, médecin des hôpitaux, spécialiste en Médecine Physique et Réadaptation, médecin de médecine et traumatologie du sport et de médecine manuelle-ostéopathie, Pr de sport et musculation DE, ex médecin Athlé 66, comité départemental 66, ligue Occitanie et Fédération Française d’Athlétisme, médecin Etoile Oignies Athlétisme.

jeudi 27 avril 2023

La colonne lombaire des lanceurs en Athlétisme


Introduction

A cause des contraintes liées au geste technique et à l'entraînement spécifique de musculation lourde afin d'acquérir l'indispensable force, la colonne lombaire des lanceurs est agressée en permanence au niveau de ses points faibles: disques intervertébraux, articulations vertébrales postérieures, isthme inter-vertébral de L5. 

Les muscles transverse de l'abdomen et spinaux, qui ont un rôle majeur dans la posture, doivent être capables chez un lanceur de protéger leur colonne lombaire et de s'opposer aux effets délétères des puissants muscles antéverseurs du bassin (couturier, petit psoas, iliaque, droit antérieur, adducteurs). 

Les contraintes axiales et en cisaillement vont se traduire par des douleurs lombaires (lombalgies), qu'il faudra contrôler très vite médicalement pour ne pas tomber dans le piège de la blessure récurrente. 

Nous verrons que cette pathologie lombaire présente de nombreux pièges diagnostiques et se complique volontiers de problèmes neurologiques. 

Anatomie et biomécanique

La colonne vertébrale ou rachis est une longue tige osseuse articulée et haubanée, posée sur le socle pelvien et soutenant la tête. 

Elle concilie 2 impératifs apparemment contradictoires de souplesse et de rigidité qui lui confèrent une résistance remarquable.

La souplesse est liée à la multiplicité des différentes vertèbres superposées et à leur déformabilité due à l'activité posturale gamma, qui contrôle les muscles spinaux courts intervenant dans les mouvements fins et précis et ajuste automatiquement leurs tensions de manière à maintenir ou rétablir un état d’équilibre.

La rigidité est liée au haubanage ligamento-musculaire avec: 

- un rôle de frein et d’amortisseur passif de l’amplitude des mouvements, pour les ligaments

- de soutien et d’ancrage, pour les fascias 

- de stabilité active, pour les muscles longs des gouttières. 

Rôle de la bipédie 

La bipédie (syndrome de Lucy) a modifié la statique humaine en obligeant:

- la colonne vertébrale à se doter de courbures (lordoses cervicale et lombaire, cyphose dorsale) qui décuplent l’amortissement des contraintes axiales 

le bassin à devenir un socle de soutien, incliné en moyenne de 37° par rapport à l'horizontale (pente sacrée), mais avec des points faibles, les 2 derniers disques lombaires L4/L5 et L5/S1 et l'isthme de L5 

les muscles du secteur sous-pelvien, ischio-jambiers, droit fémoral du quadriceps et adducteurs de cuisse à se mouvoir en excentrique à la marche et à la course (avec tous les inconvénients que cela suppose pour des muscles conçus courts à l’origine), à tirer sur leurs insertions hautes pelviennes et à creuser le bas du dos (à l'origine de lombalgies).   

L'adaptation phylogénétique s’est faite en 2 temps : bipédie intermittente, puis permanente. 

L'adaptation ontogénétique commence in utero et se termine à l'âge de 6 ans, par la mise en place des différentes courbures et la stabilisation de la marche.

Incontestablement c'est l'adoption forcée de la station debout bipède (syndrome de Lucy): passage de A à B (avec passage intermédiaire par la station debout intermittente) par nos ancêtres australopithèques qui vivaient il y a quelques millions d'années dans la savane au milieu d'un environnement hostile qui est source de bien des problèmes.

Les points faibles du rachis lombaire

1 - Le disque intervertébral lombaire

C'est l'amortisseur principal des contraintes axiales. Il dégénère à partir de  l'âge de 20 ans: l'annulus (partie périphérique du disque inter-vertébral) se fissure et du matériel du nucléus (partie centrale du disque) va s'invaginer à travers les fissures. Il est innervé comme nous le verrons avec la pathologie lombaire des lanceurs, par le système sympathique (rameaux communicants et nerf de Luschka).

2- L'isthme de L5 (5ème vertèbre lombaire) 

L’isthme intervertébral de L5 est situé entre le massif des articulations vertébrales postérieures supérieures et inférieures. A cause de l'implantation abracadabrantesque du mât vertébral à 37° par rapport à l’horizontale sur la vertèbre S1 (socle sacré), L5 aura tendance à glisser vers l'avant (= spondylolysthésis, toujours précédé par une spondylolyse bilatérale), malgré les efforts gigantesques pour l’en empêcher consentis par le segment postérieur de L5 qui agrippe celui de la 1ère vertèbre du sacrum S1 à la manière d’un trapéziste et le soutien des puissants ligaments ilio-lombaires.

Cette spondylolyse est un phénomène acquis, secondaire à la verticalisation de l’espèce humaine, à prédisposition héréditaire et âge de survenue précoce. Dans la plupart des cas une spondylolyse n'est pas douloureuse et passe le plus souvent inaperçue. Il en existe 2 formes, une à sacrum vertical, et l'autre à sacrum horizontal qui concernerait 25 % des athlètes de haut niveau. Sa localisation: L5 dans 95 % des cas; bilatérale dans 95 % des cas. Sa transmission génétique est à mode dominant et faible pénétrance. Elle n'existe pas à la naissance.

C'est l'ypercontact des articulations vertébrales postérieures entre elles et spondylolyse qui correspond à une fracture secondaire de l'isthme, point de passage obligé des forces de cisaillement. 

En cas de spondylolyse bilatérale, la vertèbre du dessus (L5 par rapport à S1) va filer vers l’avant et le bas (= spondylolisthésis).

La dernière vertèbre lombaire L5 du mât vertébral est implantée à 37° d’inclinaison en moyenne (pente sacrée) sur la 1ère vertèbre sacrée S1.

Les muscles perturbateurs de la posture

1- Les muscles antéverseurs du bassin 

Ils s'opposent aux muscles posturaux. Chez les lanceurs insuffisamment gainés, ces muscles antéverseurs du bassin vont prendre facilement le pas sur le transverse de l'abdomen et le multifidus et entraîner des lombalgies. 

Muscles antéverseurs du bassin: couturier, iliaque, petit psoas, adducteurs, et, le plus puissant, le droit fémoral du quadriceps. Ils s’opposent aux muscles posturaux du caisson abdominal profond et aux spinaux.

2- Les muscles ischio-jambiers (IJ)

Mis en place par la bipédie et conçus courts, ils seront sujets aux claquages musculaires et, en tirant sur le bassin, vont être sources de lombalgies.

La pathologie lombaire du lanceur

Les différents gestes techniques et l'entraînement physique font subir au rachis lombaire d'énormes contraintes en pression axiale et de cisaillement en rotation qui vont déborder ses capacités physiologiques d'adaptation. 

En clinique cela va se traduire, en cas de dysfonction segmentaire (dérangement intervertébral mineur ou DIM de Robert Maigne), de discopathie, d’irritation chimique des racines nerveuses par du matériel discal, de compression mécanique par 1 hernie discale, de spondylolyse avec spondylolisthésis, par des douleurs lombaires (lombalgies), de la raideur et des complications neurologiques (sciatique, cruralgie), assez peu compatibles, quand la pathologie est récurrente, avec un entraînement physique efficient et des compétitions de haut niveau.

1- Les lombalgies d'origine discale

Elles représentent la majorité des lombalgies. On la décrit classiquement comme une douleur chronique de la zone lombo-fessière, en barre, diffuse, mal systématisée, d’origine nerveuse sympathique (de type viscéral), avec ou sans irradiation sciatique ou déviation antalgique. Son horaire est diurne quand la douleur est de type mécanique, nocturne quand la lombalgie discale prend le masque trompeur d'une douleur inflammatoire. Son mode de survenue peut être brutal ou insidieux. 

Le lumbago discal est un blocage aigu (équivalent lombaire du torticolis cervical) avec attitude antalgique dite croisée en inflexion et légère flexion (penche du côté opposé à la douleur) ou directe (penche du côté douloureux) et très rarement en cyphose. Beaucoup plus rarement, un lumbago est d’origine articulaire postérieure au niveau de la charnière thoraco-lombaire, sans attitude antalgique, mais avec une raideur en antéflexion du tronc.

Sur le plan de la prise en charge des lombalgies discales

Certaines lombalgies d’origine discale, quand elles sont récurrentes sont particulièrement résistantes à toutes les thérapeutiques usuelles. Il sera alors nécessaire de recourir à des infiltrations, voire à une thermo-coagulation avec rhizolyse (destruction des fibres nerveuses conduisant la douleur par de la chaleur à 80°, grâce à des électrodes) et partant, de bien connaître l’innervation lombaire basse et plus spécifiquement la façon dont est innervé le disque intervertébral.

L’innervation de la zone lombaire cutanée basse

Rappelons au préalable que les branches postérieures des nerfs L4 et L5 sont inexistantes, ou en tous cas qu’elles ne rejoignent jamais la peau du bas du dos. Il existe donc un trou d’innervation cutanée pour les niveaux lombaires bas, pris en  charge par les branches postérieures des nerfs rachidiens sus-jacents et principalement celles de L2; les douleurs des niveaux lombaires bas sont donc des douleurs projetées, car il n’existe pas d'innervation cutanée directe de cette zone.

Innervation du disque intervertébral lombaire

Le disque intervertébral possède une double innervation sensitive, à la fois sympathique para-vertébrale et somatique par le nerf rachidien ou spinal. En effet sa partie antérieure est uniquement innervée par des fibres sympathiques, tandis que sa partie postérieure est innervée par le nerf sinu-vertébral décrit pour la 1ère fois par Luschka en 1850. 

le nerf sinu-vertébral de Luschka

Ce nerf, formé par la jonction de deux racines, l'une rachidienne spinale, l'autre sympathique en provenance de la chaîne sympathique latéro-vertébrale, naît de la racine postérieure sensitive en dehors du foramen, puis y pénètre selon un trajet récurrent. Il n’y a pas de lien direct sur le plan histologique et embryologique entre les parties antérieure et postérieure du disque (cette double innervation sympathique et somatique d'une même structure est même une originalité propre au disque inter-vertébral et il n'existe dans le corps humain aucune autre structure ayant ce type d’innervation).

- le ganglion spinal de L2 et les rameaux communicants sympathiques dans le circuit de la lombalgie discale

La racine postérieure sensitive d’un nerf spinal présente un petit renflement ovalaire, le ganglion spinal, qui contient les corps cellulaires des neurones qui amènent les messages de la peau vers le système nerveux central. Sur le plan neuro-physiologique, ce ganglion spinal de la racine nerveuse L2 est le point de convergence de tous les influx douloureux d’origine sympathique et somatique de la région lombaire basse et constituera un potentiel piège thérapeutique quand il s’agira de traiter une lombalgie discale basse récurrente, à infiltrer en L2 et surtout pas en foraminal lombaire bas. 

Quant aux rameaux communicants du système sympathique, ils jouent un rôle essentiel dans la transmission des messages douloureux, puisqu’ils permettent, dans un 1er temps la remontée de l'information depuis les niveaux lombaires bas via la chaîne sympathique vers le ganglion sympathique L2, puis dans un 2ème temps, ils assurent la transmission nerveuse entre les ganglions sympathique et spinal en L2. 

Le nerf sinu-vertébral  dans  le  foramen intervertébral véhicule à la fois des fibres nerveuses somatiques et sympathiques. 

Le ganglion spinal du nerf rachidien est le petit renflement ovalaire de la racine postérieure sensitive du nerf rachidien. 

La chaîne sympathique présente des ganglions et des rameaux communicants blancs et gris en connection avec les ganglions spinaux.

Petit rappel sur le système nerveux autonome (ortho et para sympathique)

Le système nerveux autonome (SNA) assure l’innervation et donc le contrôle automatique des viscères (cœur, tractus digestif, tissus glandulaires...), des muscles lisses, des vaisseaux et de divers éléments cutanés (glandes sudoripares, muscles pilomoteurs…), d’où le terme de douleur viscérale sympathique pour désigner une douleur vertébrale d’origine discale.

La 1ère partie du système nerveux autonome est le système sympathique ou système orthosympathique ou adrénergique (médiateurs chimiques la noradrénaline et l’adrénaline)C’est un cordon nerveux situé des 2 côtés de la colonne vertébrale, qui va de la base du crâne au sacrum et qui relie les ganglions sympathiques entre eux. Cette chaîne sympathique est elle-même reliée aux nerfs spinaux par les rameaux communicants gris (31 paires) et blancs (14 paires) parce que, contrairement aux précédents, ils sont entourés d’une enveloppe protectrice de myéline de couleur blanche. 

La 2ème partie du système nerveux autonome est le système parasympathique ou cholinergique (médiateur chimique, l’acétyl-choline). Il est situé aux niveau des nerfs crâniens et sacrés et sa stimulation déclenche des réponses antagonistes de celles du système sympathique. 

La chaîne sympathique latéro-vertébrale va de la base du crâne au sacrum. Elle est reliée aux nerfs spinaux par les rameaux communicants gris (31 paires) et blancs (14 paires) qui ont une importance considérable dans la transmission des messages douloureux.

Au niveau thoracique (dorsal) et jusqu’en lombaire L2, rameaux communicants gris et blancs co-existent.

Caractéristiques cliniques des douleurs des lombalgies discales 

Les caractéristiques cliniques des douleurs des lombalgies discales (de toute la région lombo-fessière, chroniques, diffuses, en barre, mal systématisées) font suggérer que ces douleurs sont de type viscéral sympathique et que le nerf de Luschka est impliqué dans leur transmission. Et donc dans le traitement d’une lombalgie discale résistante aux thérapeutiques usuelles, une infiltration spécifique des éléments assurant l’innervation discale d’un disque lombaire bas peut être très pertinente. 

Application thérapeutique dans une lombalgie discale

- 1ère possibilité: l’infiltration dans le foramen L2- L3 du ganglion spinal L2 (voie classique) 

La convergence des influx nerveux douloureux lombaires bas au niveau du ganglion spinal L2 justifie que l’infiltration soit réalisée à son niveau et les études cliniques réalisées tendent à le confirmer. Deux études ont confirmé le bien-fondé de cette infiltration foraminale du ganglion spinal de L2:

1- Nakamura et son équipe japonaise ont réalisé sur 30 patients des infiltrations au niveau du ganglion spinal L2, obtenant de bons résultats avec une amélioration des patients atteints de lombalgies discales chroniques.

2- une analyse portant sur une courte série de 24 patients traités par infiltration (14 hommes et 10 femmes) a été réalisée par le Dr Lanoiselé à l'hôpital Maubreuil avec un suivi sur 6 mois et classement en trois catégories des patients selon leur type de douleurs: 

16 malades avec douleur en barre de toute la région lombo-fessière avec peu ou pas de points douloureux 

6 malades avec douleur postérieure à type de syndrome facettaire 

- 2 malades avec douleur intervertébrale aiguë (DIVA). 

Les résultats ont été évalués sur l’EVA (échelle analogique de la douleur qui va de  0  = aucune douleur à 10 = douleur maximale) et la reprise d'activité fonctionnelle, professionnelle ou de vie quotidienne.

Résultats:

- sur les douleurs en barre (16 patients): 10 très bons; 6 bons; 0 mauvais

sur le syndrome facettaire (6 patients): 1 très bon; 2 bons; 3 mauvais

sur le DIVA (2 patients): 2 mauvais résultats. 

Cette analyse de Lanoiselé donne 19 résultats très bons et bons, dont 16 proviennent de patients ayant des douleurs de type sympathique, alors que pour les patients ayant des douleurs de type somatique, l’efficacité du traitement est quasi nulle. 

Ces 2 études tendent donc à montrer la pertinence de l'infiltration du ganglion spinal L2 pour les patients souffrant de douleurs d’origine sympathique.

2ème possibilité: l’infiltration ou pour certaines équipes médico-chirurgicales la thermo-coagulation des rameaux communicants  de L2 

Les rameaux communicants sympathiques de L2 cheminent sur les faces latérales des corps vertébraux de la vertèbre L2. Leur infiltration à ce niveau ou, en cas de résistance aux infiltrations du ganglion spinal, la thermo-coagulation avec rhizolyse, c’est-à-dire la destruction par la chaleur des fibres véhiculant la douleur sympathique va interrompre la transmission du message douloureux qui remonte jusqu'au ganglion sympathique L2, pour être transmis ensuite au ganglion spinal L2 par les rameaux communicants qui cheminent latéralement le long du corps vertébral. Toutefois la zone tissulaire détruite par une telle intervention est conséquente (0.5 cm2) et il convient donc de réfléchir à d'éventuelles lésions vasculaires risquant d’entraîner une ischémie médullaire.

2- Les lombalgies d'origine articulaire postérieure vertébrale (syndrome facettaire lombaire)

Anatomiquement les articulaires postérieures lombaires sont cylindriques et en position sagittale (ce qui limite la rotation, paramètre de moindre amplitude en lombaire). Elles sont recouvertes par une capsule articulaire richement innervée et sont à fort potentiel de dégénérescence (comme toute articulation périphérique) chez les vieux lanceurs.  

Cliniquement, la lombalgie d’origine articulaire vertébrale postérieure ou syndrome facettaire est en général aigüe, à point de départ précis lombaire bas, mieux ressentie en position debout et se majorant en hyper-extension. 

La douleur de ce type de lombalgie est principalement véhiculée par la branche postérieure (dorsale) du nerf spinal (3 rameaux nerveux sur 5). 

Il relève d’1 traitement par des antalgiques de niveau 1 (paracétamol), des anti-inflammatoires (AINS), des manipulations vertébrales dans le sens de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne et de la gymnastique médicale en cyphose. En cas de résistance à ces traitements simples, le recours à des infiltrations scanno-guidées de dérivés cortisonés au niveau des facettes articulaires est nécessaire et, en cas d’échec de ces différents traitements, on peut même être amené à proposer une thermo-coagulation des facettes en la faisant suivre par un programme de restauration fonctionnelle du rachis (avec gainage lombaire en cyphose et réentraînement à l’effort) dans une Ecole du dos.

3- Les lombalgies sur spondylolisthésis par lyse isthmique

Dans un certain nombre de cas et spécialement chez les jeunes lanceurs, les lombalgies peuvent avoir pour origine une lyse isthmique qui correspond à une fracture de fatigue de l’isthme, en rapport avec la répétition de contraintes en cisaillement. Le spondylolisthésis correspond lui, à un glissement de gravité croissante (grades 1 à 4) d’une vertèbre lombaire (très souvent L5) vers l’avant et vers le bas par rapport à la vertèbre située juste en dessous; glissement entraînant avec lui tout le reste de la colonne vertébrale. Ce glissement ne restera pas longtemps bien toléré chez les jeunes athlètes de lancers (qui sont des activités hyperlordosantes et en rotation), et il conviendra de confier très vite le listhésis à des services spécialisés en médecine physique et rééducation, si l’on ne veut pas voir s’installer une discopathie sous-jacente au glissement qui, inévitablement, aggravera ce dernier et se compliquera d’une atteinte neurologique (sciatique).  

4- Les lombo-sciatiques 

Généralités

Dans les sciatiques discales, la rhumatologie moderne a rendu presque obsolète le conflit mécanique disco-radiculaire de Sylvain De Sèze, au profit, la plupart du temps, d'un conflit chimique lié à des éléments inflammatoires en provenance du noyau du disque intervertébral, qui vont s'écouler vers l'arrière et irriter l'une des deux racines nerveuses du nerf sciatique, L5 ou S1. Grâce à la clinique et à l’imagerie moderne, le diagnostic différentiel avec les autres vraies sciatiques et les fausses sciatiques reste un vrai régal pour les cliniciens du rachis. Dans un certain nombre de cas, le conflit est mécanique par hernie discale (HD) et correspond à un conflit entre le nucléus du disque intervertébral qui s'échappe vers l'arrière à travers une fente de l'annulus et la racine nerveuse de voisinage L5 ou S1. Son traitement est le plus souvent médical (médicamenteux, infiltrations, kinésithérapie, orthèses lombaires) et habituellement suffisant. Dans un petit nombre de cas, ces lombo-sciatiques sur HD peuvent évoluer très défavorablement (formes hyper-algiques, paralysantes par atteinte de la queue de cheval) et sont à opérer très vite. 

Le mécanisme lésionnel d'une hernie discale 

C'est un mécanisme en flexion du tronc associée à une torsion, mouvements que l'on retrouve dans la technique des différents lancers et dans la préparation physique. En antéflexion du tronc, la partie antérieure du disque s’aplatit et entraîne une hyper-pression dans le nucléus dont la partie postérieure peut filer vers l’arrière, quand l'anneau discal est fissuré.

Une hernie discale postéro-latérale  viendra agresser la racine antérieure du nerf rachidien L5 ou S1. 

Le mécanisme lésionnel en sagittal: l’antéflexion impacte le disque et l’extension agresse les articulations vertébrales postérieures. 

5- Les lombalgies basses d’origine haute = syndrome de la charnière dorso-lombaire

Ce type de lombalgie est assez fréquent chez les lanceurs. Elle a été décrite par Robert Maigne sous le terme de syndrome de la charnière dorso-lombaire et sa méconnaissance est à l'origine de bien des retards diagnostiques et de la plupart des échecs thérapeutiques. Son origine, très souvent recherchée par des praticiens non spécialisés au niveau du rachis lombaire bas (L4/L5 ou L5/S1), est en réalité située plus haut sur l'étage thoraco-lombaire T12/L1. 

Elle est un véritable piège diagnostique quand les douleurs, ressenties habituellement dans le haut de la fesse, se projettent dans la région abdominale basse (fausses douleurs gynécologiques ou uro-génitales), le pli de l’aine (fausse pubalgie) ou sur la hanche latérale au niveau de la région du grand trochanter (fausse tendinopathie du moyen fessier). 

Son traitement par manipulations vertébrales est très efficace et, en cas de résistance au traitement manuel, le recours à une ou plusieurs infiltrations scanno-guidées est nécessaire. 

6- La pathologie rachidienne des enfants et adolescents des écoles d’athlétisme

Le chapitre sur la pathologie rachidienne ne serait pas complet si n’étaient pas traitées 2 affections rachidiennes qui peuvent affecter les enfants et adolescents des écoles d’athlétisme, la maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents et la scoliose idiopathique, à un moment crucial qui est celui de l’apprentissage de la technique. En fonction de leur sévérité, ces 2 affections seront, soit incompatibles avec la poursuite d’1 entraînement d’athlétisme pluri-disciplinaire, soit l’entraînement et les compétitions seront toujours possible dans les formes stables et très atténuées d’1 maladie de Scheuermann avec peu de douleurs et de raideur ou dans les scolioses mineures autour de 10 à 15° et non évolutives, sous surveillance médicale stricte, si, et seulement si, c’est le choix de l’enfant ou de l’adolescent et pour son seul plaisir. 

a- La maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents

La maladie de Scheuermann ou cyphose douloureuse des adolescents est une affection rachidienne dystrophique de croissance des plateaux vertébraux dorsaux et/ou lombaires de la famille des ostéochondroses épiphysaires. 

Elle correspond à un trouble de l'ossification chez l'adolescent sportif (et davantage les garçons que les filles) en rapport avec les activités physiques. 

Ce  trouble de l'ossification peut affecter:

- le cartilage des articulations comme dans les ostéochondroses du genou ou de la hanche.

- des zones non-articulaires comme les insertions tendineuses, par exemple l’insertion basse du tendon rotulien de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) du genou dans la maladie d’Osgood-Schlatter.

- la plaque de croissance du cartilage de conjugaison des plateaux vertébraux comme dans la maladie de Scheuermann sur les vertèbres dorso-lombaires le plus souvent, ou la maladie de Blount de l'extrémité supérieure du tibia.

La maladie de Scheuermann n'est pas héréditaire mais elle a un aspect familial. Elle apparaît à l'adolescence et confère au dos son aspect voûté.

La maladie de Scheuermann sur 1 vue de profil  confère au dos son aspect voûté d’hypercyphose avec hyperlordose lombaire compensatrice. Image droite sur 1 radio de profil: maladie de Scheuermann localisée au rachis lombaire.

Le diagnostic différentiel avec les autres types de cyphoses 

Chez certains adolescents peu actifs, la cyphose peut être due à une insuffisance de la musculature dorsale et il n'y a alors aucune déformation significative ni signes cliniques patents, ni signes radiologiques sur la colonne vertébrale et cette forme de cyphose est de bon pronostic. Inversement, chez certains adultes jeunes, la cyphose peut être symptomatique d’une maladie rhumatismale inflammatoire, la spondylarthrite ankylosante qui affecte surtout le bassin et la colonne vertébrale (pelvi-spondylite rhumatismale), évolue par poussées et associe des douleurs articulaires nocturnes, de la raideur dorsale, de la fièvre, de la fatigue, des troubles intestinaux, non compatibles avec un entraînement et des compétitions de lancers.

Physiopathologie

La maladie de Scheuermann se développe sous l'action de facteurs environnementaux (postures maintenues longtemps et activités sportives), et des études expérimentales ont montré que des contraintes répétées sur les cartilages de croissance des plateaux vertébraux induisent des lésions de dystrophie de croissance. D'autres études ont mis en évidence qu'il y avait 4 fois plus de dystrophies de croissance chez les sportifs de haut niveau que dans une population témoin sédentaire et il a été également prouvé que leur fréquence est augmentée chez les jeunes gymnastes et dans les sports de lutte et de force. Une autre étude portant sur 2270 enfants a montré une corrélation significative entre l’angle de cyphose thoracique et le nombre d’heures d’entraînement, les plus grandes valeurs angulaires de cyphose étant observées chez les gymnastes.

Signe clinique d’appel

Le signe clinique cardinal est la douleur. Elle est de type mécanique (diurne), calmée par le repos et majorée à l'effort (port du cartable, pratique sportive intensive, en fin de journée), mais le sommeil n’est pas entravé. Caractéristique importante, il n'y a pas de signes fonctionnels associés à la douleur: pas de fièvre, de fatigue, de modification du poids du corps et l’appétit est conservé.

Signes d'examen

- à l’inspection de face et de dos, il n’y a pas de répercution sur la ligne des épaules, des pointes des omoplates, de la taille, bi-iliaque, des fossettes sacro-iliaques de Michaélis et des épines iliaques antéro-supérieures (EIAS), toutes ces lignes restant bien alignées.

- l’aspect de profil est très évocateur avec la présence d’une voussure dorsale plus ou moins étendue, associée à une hyperlordose lombaire compensatrice.

- à l’analyse des mobilités, il y a 1 importante raideur rachidienne (autre signe clinique majeur) en antéflexion du tronc à la distance doigts-sol, mais pas de gibbosité (différence avec une scoliose vraie) et de la raideur en extension avec impossibilité de se tenir bien droit.

- les signes négatifs: absence de signes cutanés ou neurologiques sont en faveur d’une cause mécanique.

Diagnostic de certitude par les radiographies de profil

1- cunéisation antérieure de 5° au moins sur 3 vertèbres au minimum;

2 - aspect feuilleté des plateaux vertébraux;

3- nodules de Schmorl (hernies intra-spongieuses) à un stade évolué.

Traitement fonctionnel

Dans les formes de Scheuermann peu sévères cela passe, chez les jeunes sportifs, par l'arrêt momentané mais qui peut aller jusqu'à la fin de la croissance, de la pratique délétère qui entretient douleurs et raideur (gymnastique, lutte, judo, haltérophilie, athlétisme, rugby, musculation), par un travail de gainage des muscles abdominaux et lombaires en isométrie et d'ouverture de la cage thoracique par des mouvements de renforcement musculaire (poulies haute et basse, pull-over, rameur, etc).

Traitement orthopédique par corset ou plâtre

Dans les indications orthopédiques, la prise en charge et le suivi relèvent d'un praticien spécialisé en médecine physique et réadaptation (MPR) avec, tout comme dans le traitement orthopédique d’une scoliose, l’indispensable adhésion de l'adolescent et de sa famille à la démarche thérapeutique. L’objectif du traitement orthopédique est de diminuer la surcharge mécanique de la partie antérieure des corps vertébraux afin d’atténuer l'hypercyphose thoracique, tout en favorisant la reprise d'une croissance normale sur cette partie cunéisée (en forme de coin) des vertèbres dystrophiques. Le corset sera laissé jusqu'à la fin de la croissance de la colonne vertébrale

Les di fférents corsets de corrections orthopédiques avec, pour objectif commun, la diminution de la surcharge vertébrale antérieure.                                                                                                                        

Traitement chirurgical

L'indication chirurgicale concerne les voussures importantes et les formes cliniques très enraidissantes qui engagent le pronostic fonctionnel.

La correction de l'hypercyphose thoracique par un chirurgien orthopédique pédiatrique et par lui seul passe par une arthrodèse vertébrale de libération d'un enraidissement en malposition qui va rétablir l'équilibre de profil, au prix d'un sacrifice de la mobilité. Cette chirurgie délicate se fait en 2 temps: 

- un 1er temps opératoire par voie antérieure pour réséquer les disques inter-vertébraux lésés

- un 2ème temps par voie postérieure pour arthrodéser (bloquer pour obtenir une fusion osseuse) les vertèbres entre elles, avec greffe osseuse et ostéosynthèse.

La kinésithérapie 

Dans 1 maladie de Scheuermann, la kinésithérapie doit toujours être associée au traitement médical ou chirurgical. Elle  sera développée plus en détail avec les scolioses idiopathiques dans le chapitre qui suit.

b- Les Scolioses idiopathiques (infantiles, juvéniles et de l’adolescence = 75% de l’ensemble des scolioses)

Une scoliose structurale idiopathique juvénile, (avant l’apparition des 1ers signes pubertaires) ou de l’adolescence, (après la puberté, les plus nombreuses) correspond à une déformation rachidienne dans les 3 plans de l’espace (sagittal, frontal et horizontal) d’une courbure vertébrale cervicale, thoracique ou lombo-sacrée, entraînant une torsion de 1 ou plusieurs vertèbres sur elles-mêmes et provoquant une déformation du thorax, de l’abdomen et en para-vertébral au niveau du dos. 

Cette déformation rachidienne est non réductible, d’où le qualificatif de structurale, ce qui l’oppose d’emblée aux attitudes scoliotiques qui correspondent à une inflexion latérale du rachis dans le plan frontal sans véritable torsion et surtout sans déformation du tronc. 

Ces scolioses affectent à 80% les filles, apparaissent et évoluent au cours de l’enfance et parfois même dès la petite enfance (avant 3 ans = scoliose infantile) ou de l’adolescence, en l’absence de tout autre processus pathologique décelable, d’où le qualificatif d’idiopathique (= sans cause). 

Leur traduction clinique est une asymétrie du tronc, la gibbosité. 

La présence d’anomalies cutanées, de signes neurologiques, de dysmorphies et d’hyperlaxité doit impérativement faire penser à une scoliose non idiopathique (avec cause). 

Les scolioses idiopathiques sont considérées par l'assurance maladie comme une affection de longue durée (ALD), avec prise en charge à 100% sous réserve que l'angle de déviation soit >25° et corresponde à une déviation permanente et irréductible de la colonne vertébrale dans les 3 plans de l’espace avec rotation des corps vertébraux.  

Physiopathologie

Pour Gonon, de Mauroy et Stagnara, une scoliose idiopathique est en rapport avec une maturation anormale du système nerveux central génétiquement déterminé associée à un déséquilibre de croissance des différents composants de la vertèbre, influencé par des facteurs chimiques ou neuro-musculaires. 

Evolutivité d’une scoliose idiopathique

Une scoliose est susceptible de s’aggraver tout au long de la croissance et son évolutivité, maximale pendant la poussée pubertaire, peut s’accentuer à l’âge adulte (perte de taille, majoration angulaire et cyphose).

Le diagnostic de scoliose idiopathique est radio-clinique

Après avoir éliminé par la clinique une attitude scoliotique (déformation réductible en position couchée) et l’avoir différenciée d’une scoliose non idiopathique (négativité de l’examen cutané et neurologique), bien se rappeler que la gibbosité de la scoliose ne doit s’accompagner ni de douleurs ni de raideur (qui sont des complications). 

Les clichés radiographiques classiques de face et de profil pour une scoliose vont de la base du crâne au bassin et restent encore d’actualité. 

On leur préfère de plus en plus le système EOS, encore plus performant et qui permet pour la 1ère fois une étude du corps entier, debout, de face, de profil. 

Et bien que ce système utilise les rayons X comme la radiographie, la dose de rayons nécessaire étant près de 10 fois inférieure, cela en fait une méthode de choix chez l’enfant. 

Le défi, pour le praticien spécialiste, sera d’apprécier l'évolutivité de cette scoliose qui sera d’autant plus délétère que la zone anatomique sera courte,  de poser soit l'indication d’un traitement orthopédique à partir d'un angle de Cobb radio-anatomique de 20° (sans attendre le seuil fatidique des 30°), soit l’indication d’une prise en charge chirurgicale dans les scolioses graves, et enfin de s’assurer, et c’est fondamental, de l’adhésion de l’enfant scoliotique et de sa famille, afin d’assoir le succès d'un traitement orthopédique long et contraignant ou d’une chirurgie rachidienne.

Estimation de l’évolutivité

C'est la surveillance clinique par le spécialiste, après plusieurs consultations comparatives, qui va déterminer le caractère évolutif de la scoliose et guider la prise en charge thérapeutique. 

Les éléments de cette évolutivité sont l’histoire familiale (antécédents familiaux), l’âge de découverte de la scoliose, sa topographie (double majeure), l’angulation et le stade de maturation sexuelle et osseuse. Le diagramme d'évaluation de G. Duval-Beaupère va quantifier le potentiel d’aggravation. 

Une scoliose est considérée comme évolutive si la différence entre 2 examens cliniques consécutifs est de + 5° sur 2 radiographies à 4 ou 6 mois d’intervalle. Une courbure > 30° est réputée d’emblée évolutive. 

Rappel sur la croissance rachidienne

Chaque vertèbre présente une zone cartilagineuse de croissance, le listel marginal des plateaux supérieur et inférieur qui va progressivement s'ossifier jusqu'à la fin de la croissance (vers 18 ans-20 ans en moyenne). 

L’ossification est toutefois inégale, la vertèbre lombaire croissant 2 fois plus vite que la vertèbre thoracique et plus rapidement sur le corps vertébral en lombaire et sur l'arc postérieur en thoracique. 

La croissance est vive de 0 à 5 ans et douce de 5 à 10 ans et la puberté est une période de virage dangereux (de 11 à 13 ans chez la fille et de 13 à 15 ans chez le garçon, compte tenu que la poussée de croissance est de 1 cm par mois, avec 2/3 pour le rachis et 1/3 pour les membres inférieurs). 

De 13 à 15 ans chez les filles et de 15 à 17 ans chez le garçon, la croissance portera exclusivement sur le rachis et sera de l’ordre de 5 à 6 cm.

La croissance de l’enfant scoliotique

La croissance va servir de guide pour le port du corset, la scoliose étant un rapport de force entre la croissance déjà faite et la croissance à venir qui s’évalue à partir :

-  de la taille debout et assis.

- du suivi des caractères sexuels secondaires (la puberté démarrant chez la fille dès l'apparition des 1ers poils pubiens et du gonflement des mamelons et par l’augmentation de la taille des testicules chez le garçon)

- de l'âge osseux pris à la main et au coude et par le test de Risser sur la crête iliaque.

Le test de Risser sur un cliché radiographique du bassin de face

Risser 0 = 2/3 de la puberté)

Risser 1 = 2ème phase de la puberté avec décélération à 13 ans chez la fille et 15 ans chez le garçon.

Risser 2 = 14 ans d'âge osseux chez la fille et 16 ans chez le garçon.

Risser 3 = il reste 1 an de croissance.

Risser 4 = l' âge osseux est de 15 ans pour la fille et de 17 ans pour le garçon.

A bien retenir: 

- si l'angle de scoliose est de 30° à 11 ans, il y a 90% de risque d’aggravation.

- s’il est de 30° à 14 ans, le risque d'aggravation est de 30%. 

En même temps, il faut surveiller la croissance du périmètre thoracique qui s'accroît de 23 cm entre 10 et 18 ans et de 50% en volume.

Evaluation clinique à renouveler périodiquement

L’évaluation clinique d’une scoliose est parfaitement codifiée sur un sujet en slip et torse nu. La voici en résumé:

L'équilibre du bassin s’apprécie debout

- l’équilibre arrière par la ligne des 2 épaules, de la pointe des omoplates, de la taille, de la ligne bi-iliaque et celle reliant les fossettes de Michaléis qui apprécie la nutation du bassin. 

- l’équilibre avant par la ligne reliant les 2 épines iliaques antéro-supérieures (EIAS). 

- l‘axe occipito/sacré en frontal et l'axe tragus/acromion/trochanter en sagittal. 

L’examen dynamique rachidien s’effectue

Penché en avant: 

appréciation de la gibbosité scoliotique sur la convexité, sa hauteur, et la zone anatomique en cause (scoliose simple sur 1 courbure rachidienne ou double sur 2 courbures).

Couché: 

- appréciation de la  souplesse des quadriceps à la distance talon-fesse; des ischio-jambiers (IJ) avec l'angle poplité; de la force des lombaires (test de Sorensen) et des abdominaux (test de Schirado-Hito).

Un examen neurologique et cutané 

Il est indispensable pour le diagnostic différentiel avec les scolioses non idiopathiques congénitales (10%), neurologiques (5%) et autres 10%.

Les bilans para-cliniques complètent le bilan clinique

- bilan posturométrique à la recherche d’ un trouble postural.

- bilan d’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) à la recherche d'un syndrome restrictif à la spirométrie, dans le cas des scolioses doubles majeures thoraco-lombaires évolutives.

Evaluation radiologique

Les clichés traditionnels qui prennent la totalité de la colonne de face jusqu'au bassin

- mesurent l'angle de Cobb entre les vertèbres supérieure et inférieure les plus inclinées sur l’horizontale. 

- apprécient la rotation vertébrale (en 4 grades) qui correspond au déplacement de l’apophyse épineuse de la vertèbre sommet par rapport au pédicule vertébral et au bord latéral du corps de cette vertèbre, du côté concave de la courbure.

Scolioses mineures et majeures

Par rapport à une colonne vertébrale normale, une scoliose mineure est une scoliose comprise entre 10 et 25° d’angulation; une scoliose majeure va au delà de 25° et une scoliose grave ou chirurgicale à partir de 60°. 

Les facteurs de bon pronostic

les scolioses tardives de l'adolescence proche de la maturité osseuse.

les scolioses lombaires avec compensation du déséquilibre du bassin du côté de la concavité qui réduit la gibbosité avec 1 axe frontal qui s’équilibre et une lordose marquée.

Les facteurs de mauvais pronostic

- les scolioses juvéniles avec dos plat, gibbosité et rotation vertébrale importantes, angle de Cobb supérieur à 20°.

- les doubles majeures, double courbure cervico-thoracique et surtout thoraco-lombaire, par rapport à une courbure simple, lombaire ou thoracique (les plus nombreuses, avec 25% du total des scolioses idiopathiques).

La prise en charge thérapeutique est un contrat passé avec l’enfant scoliotique et sa famille

Le traitement de la scoliose s’inscrit dans la durée et une sorte de contrat avec l'enfant surtout et son entourage est nécessaire. Les objectifs seront de prévenir l’aggravation de la déformation ou qu’elle soit la plus modérée possible en fin de croissance et de prévenir le retentissement fonctionnel de la déviation. 

Afin de tenir ces objectifs l'éducation thérapeutique est fondamentale. Elle comprend l’apprentissage et l’évaluation des connaissances sur la maladie, la compréhension de l’affection et des symptômes présents et futurs, l’information sur les stratégies thérapeutiques, l’évolution des thérapeutiques et leurs effets indésirables. 

Comme le mode de vie de l'enfant va changer, il va falloir fournir à cet enfant des conseils hygiéno-diététiques (lutte contre un excès de poids ou un risque de dénutrition, prévention de l’ostéoporose, régime adapté au corset). 

La pratique d’activités physiques ou sportives doit être favorisé. La dispense de sport est rarement justifiée. Sauf cas particuliers, une scoliose d’angulation modérée n’aura pas d’incidence sur l'aptitude scolaire et professionnelle. 

La prise en charge orthopédique par corsets ou plâtres (avec le Dr BIOT et l'équipe soignante des Massues de Lyon)

L’objectif du traitement orthopédique est d’amener la scoliose en fin de croissance à une angulation qui ne sera pas supérieure à l’angulation initiale. 

Son principe est d’exercer des forces mécaniques de correction réduisant les déformations durant la croissance du rachis, dans le but d'améliorer ou au moins de contrôler le processus d’aggravation. 

Les indications sont les scolioses > 20° dont l’évolutivité est documentée ou les scolioses de plus de 30° sans preuves évolutives. Elles seront modulées en fonction de leur topographie, de l’importance de l’angulation, de leur caractère réductible, de l’âge et du stade de maturation osseuse. 

Le choix des différents types de corsets plâtrés ou plastiques est fonction de l’expérience du thérapeute et de l’équipe soignante. 

La stratégie est déterminée au cas par cas et adaptée à l’évolution de la scoliose en tenant compte en particulier de la coopération du jeune patient. 

Une information aussi complète que possible sur l’objectif, la durée du traitement et le rythme journalier contribue à une meilleure observance. L’efficacité du corset sera régulièrement vérifiée par l’imagerie radiologique. 

Les différents types de corset

- le corset plâtré a été réalisé en 1877 par Sayre, puis repris dans tous les protocoles, jusqu’à ce que les progrès de la chirurgie le rendent moins impératif dans le traitement orthopédique conservateur. Il est basé sur un principe d'élongation-dérotation-déflexion de la colonne vertébrale. 

Son but est de réduire l’importance de l’angulation scoliotique et s'effectue par la mise en place de 1 ou 2 plâtres successifs pendant quelques semaines. Il est suivi par la mise en place d’un corset de Milwaukee ou Lyonnais.

le corset Lyonnais a été inventé en 1949 par Stagnara et réalisé à partir de 2 hémi-coques pelviennes reliées entre elles par 2 mâts constituant l'ossature générale où seront placées les mains réductrices à charnières qui vont agir en dérotation et en poussée postérieure pour corriger les gibbosités et l'appui sous-axillaire. Le traitement orthopédique conservateur lyonnais associe un temps de réduction par 1 ou plusieurs corsets plâtrés, puis 1 contention par orthèse réglable en période de croissance pubertaire et 1 rééducation spécifique. Le corset Lyonnais peut être enlevé sans limitation de durée, pour la pratique d’un sport adapté.

le corset de Milwaukee a été mis au point par Blount dans les années 50 et a largement fait ses preuves. Il doit surtout être employé en période de croissance vertébrale importante, c'est-à-dire jusqu’à 5 ans et au moment de la croissance pubertaire, suivant le type de scoliose, infantile, juvénile, de l’adolescent. Il a l'avantage d'être assez facilement adaptable et réglable, mais  a l'inconvénient de posséder un collier cervical et donc une partie visible qui peut limiter la tolérance et l'acceptation. Le corset de Milwaukee n'est placé parfois que la nuit dans les scolioses évolutives qui restent de l'ordre de 20° à 25° d’angulation. Dans les scolioses > 30°, un corset de réduction plâtré précède la mise en place d’un corset de Milwaukee.                                                             

La prise en charge chirurgicale (avec les équipes de chirurgie orthopédique infantile des Pr Gérard Bollini, Marseille; du Dr Jean-Luc Clément, Nice; du Dr Michel Guillaumat, Paris) 

Il est difficile dans la chirurgie des scolioses de ne pas évoquer les grands pionniers que furent les Prs Yves Cotrel et Jean Dubousset. 

Le traitement chirurgical est réservé aux échecs du traitement orthopédique et aux scolioses qui continuent à évoluer. Il va permettre d’offrir aux patients une meilleure qualité de vie. 

Son objectif est de réduire et de fixer la déformation dans les trois plans de l’espace. 

Son principe est de corriger, à l’aide d’une instrumentation, et de maintenir dans le temps cette correction par une greffe osseuse pour une fusion solide. 

Les techniques chirurgicales (double-abord, chirurgie mini-invasive, ostéotomies, longs montages) doivent être adaptées à chaque patient. Une thoracoplastie (ablation chirurgicale de côtes) est parfois associée pour parfaire le résultat esthétique.

Les indications sont posées au cas par cas et en fonction de l’histoire de chaque scoliose et les techniques opératoires seront choisies en fonction des localisations, mais aussi de l’expérience des équipes chirurgicales. 

Un bilan d’imagerie rachidienne récent est habituellement prescrit pour analyser la réductibilité des courbures. 

Des examens complémentaires en pré-chirurgical peuvent être nécessaires: 

- potentiels évoqués médullaires qui visent à détecter et à localiser des dysfonctionnements des voies sensorielles et motrices, en cas de complication neurologique. 

- exploration fonctionnelle respiratoire,  en cas de localisation thoracique.

Certaines scolioses avec angles de courbure très importants peuvent nécessiter une préparation particulière (discectomies, ostéotomies, tractions, etc.) pour limiter les risques de complications dans cette chirurgie complexe. 

Des scolioses avec angulation sévère chez le petit enfant peuvent nécessiter une chirurgie précoce.

La Kinésithérapie 

Elle est habituellement prescrite en association au traitement orthopédique et chirurgical et adaptée au cas par cas. Prescrite isolément elle n’a pas fait la preuve de son efficacité sur l’évolution des courbures. 

Elle a pour but d’entretenir les amplitudes articulaires vertébrales et costo-vertébrales, de renforcer les muscles érecteurs du rachis, d’entretenir la fonction respiratoire, de travailler la statique vertébrale. 

La continuité des soins à tout âge est un objectif primordial, la fin de la croissance osseuse ne signifiant pas la fin du problème. 

Activités sportives dans la maladie de Scheuermann et les scolioses 

Les 2 pathologies précitées présentent à peu près les mêmes problématiques face aux activités sportives.

Les activités à privilégier 

Les bienfaits de la méthode de renforcement de la musculature profonde comme le gainage abdomino-lombaire et la méthode Pilates sont évidents. 

Sont excellents aussi, l’escalade, sport complet qui sollicite l’ensemble du corps en développant aussi bien la force que la souplesse, la natation bien que ne favorisant pas beaucoup la densité osseuse et mieux encore la natation synchronisée qui travaille la perception verticale du corps et enfin l’équitation, la posture du dos du cavalier étant très ergonomique (le risque est la chute, qu’il faut éviter à tout prix avec un cheval docile). 

Quant aux sports de raquette, bien qu’asymétriques, ils n’agissent pas négativement s’ils sont pratiqués modérément.

Prudence 

Avec les exercices d'hyperextension du tronc en général, et surtout ceux exécutés avec une grande amplitude qui entretiennent l'hyperlaxité et le dos creux et ne favorisent pas assez le renforcement musculaire, il faut se montrer prudent car ils peuvent aggraver la scoliose. C’est le cas de la gymnastique (artistique, rythmique) ou de la danse classique, surtout lorsqu’elles sont pratiquées plus de 10h par semaine.

Déconseillés à cause des contraintes en pression axiale et de torsion comme en haltérophilie, athlétisme (sauts, lancers de poids ou de javelot plus que de disque et de marteau), certains sports collectifs comme le rugby et le hand-ball, la musculation avec port de charge au-dessus des épaules.

Toutefois les meilleurs sports restent ceux que l’enfant et l’adolescent aiment.

7- Le canal lombaire rétréci du vieux Lanceur

Dans un certain nombre de cas, après la cinquantaine et même avant chez le vieux lanceur, les lombalgies peuvent être aussi liées à une sténose acquise du canal rachidien (troisième cause en fréquence), surtout si celle-ci est précédée par un canal lombaire constitutionnellement étroit (double peine) sur pédicules vertébraux naturellement courts qui rétrécissent le diamètre du canal. Le canal lombaire est considéré comme rétréci si les diamètres au scanner sont inférieurs à 13 mm en antéro-postérieur et à 15 mm en transversal. Ce rétrécissement acquis est en rapport avec une dégénérescence des éléments antérieurs de voisinage du canal vertébral: disque inter-vertébral, ligament longitudinal postérieur et ligament jaune et des éléments postérieurs, les articulations vertébrales postérieures. 

En l'état actuel de nos connaissances et au crible de la médecine par les preuves, il est préférable de traiter médicament le syndrome canalaire et de réserver la chirurgie d'élargissement du canal par section des lames vertébrales (laminectomie) à des cas d'évolution éminemment défavorable.     

Clinique

Cette lombalgie d'origine canalaire n'est pas cliniquement univoque. Elle peut même être, dans un nombre non négligeable de cas, longtemps muette. Mais une fois présentes, les lombalgies d'origine canalaire s'accompagnent volontiers de radiculalgies sciatique et/ou crurale, de paresthésies (sensation de picotements, d’engourdissements, de décharges électriques ou de fourmillements) ou de dysesthésies (altération de la sensibilité), de faiblesse des membres inférieurs, d'un retentissement sur la marche à type de pseudo-claudication avec réduction du périmètre de marche (la vraie claudication étant, elle, d'origine vasculaire artérielle) et quelquefois d'un syndrome de la queue de cheval avec troubles sphinctériens par spondylolisthésis dynamique (glissement vertébral fonctionnel qui réduit le diamètre du canal et en fait une vraie urgence chirurgicale). 

Une des caractéristiques cliniques de la sténose canalaire est d'être particulièrement prégnante en position debout, de s'accentuer à la marche jusqu'à réduire drastiquement le périmètre de marche nous l’avons déjà évoqué, mais aussi d'être atténuée par les positions du patient légèrement penché en avant (signe du caddie de supermarché) ou couché en chien de fusil, positions qui placent le bas du dos en hypercyphose et agrandissent naturellement le diamètre du canal rachidien.

L’imagerie

- La radiographie du rachis lombaire (de face, de profil et dynamique)

Elle visualise parfaitement le rétrécissement et son niveau (.

- Le scanner 

En complément du bilan radiographique, le scanner est un excellent examen complémentaire. Il permet de visualiser le diamètre du canal lombaire rétréci, la compression d’une ou de plusieurs racines en cas de radiculalgie et de faire le bilan complet des disques, des articulaires postérieures et des ligaments. 

- L’IRM 

En cas de doute persistant, une IRM sera systématiquement prescrite, surtout si une intervention chirurgicale est prévue.

Sur 1 IRM du rachis lombaire avec séquence myélographique: il y a 1 aspect typique en  «collier de perle» correspondant à une compression étagée du cordon médullaire.

Le traitement médical de 1ère intention

Excepté en cas de complications neurologiques (5 à 10% des cas), le traitement médical est systématique en première intention: antalgiques  de niveau 1 (paracétamol) ou de niveau 2 (paracétamol+codéïne) et si possible jamais de niveau 3 (morphiniques); anti-inflammatoires (AINS), rééducation fonctionnelle, voire port d’un corset lombaire, infiltrations épidurales ou foraminales sous imagerie. Ce traitement médical de 1ère intention peut suffire à stabiliser les douleurs pendant de nombreuses années. 

Malgré tout il n’existe pas de facteurs permettant de connaître l’évolutivité des douleurs (évolution fréquente par poussées douloureuses de durée variable) et il s’avèrera inefficace en cas de sténose canalaire sévère, de glissement vertébral important, ou de symptomatologie à type de claudication neurogène majeure avec périmètre de marche de quelques mètres.

Evolution naturelle d'une sténose lombaire 

Elle se fait en quelques semaines, mois ou années, vers l’aggravation des douleurs, des paresthésies, de la claudication neurogène; cette dernière évoluant vers un déficit moteur et/ou sensitif ou vers 1 syndrome de la queue de cheval. 

Le traitement chirurgical doit rester une exception

Il consistera à élargir le diamètre du canal médullaire par une laminectomie (section des 2 lames de la vertèbre)Nos confrères chirurgiens du rachis de l'institut parisien du dos recommandent d’opérer:

- en urgence en cas de déficit moteur, sensitif et/ou de syndrome de la queue de cheval

- en cas de sévérité des signes cliniques (claudication neurogène sévère avec périmètre de marche de quelques mètres seulement)

- en cas de demande du patient ne supportant plus ses douleurs, malgré un traitement médical bien conduit.

Toutefois, par rapport au traitement médical conservateur, aucune étude, selon les revues Cochrane (revues qui sont mondialement reconnues comme fournissant les preuves du plus haut niveau en matière de soins de santé et fondées sur des données probantes), ne recommande le traitement chirurgical dans la prise en charge du canal lombaire rétréci, sauf en cas d’évolution défavorable de la symptomatologie clinique, malgré un traitement médical conservateur de qualité. 

8- Lombalgies et médecine manuelle

Le traitement des lombalgies mécaniques du lanceur ne saurait se résumer aux seules manipulations vertébrales, même si elles représentent le côté le plus spectaculaire de la médecine manuelle. 

Les massages (avec le groupe d’études des thérapeutiques manuelles (GETM) d’Eric de Winter avec lequel j’ai enseigné pendant 10 années).

Le massage manuel est un des actes orthopédiques fondamentaux du masseur-kinésithérapeute, auxiliaire numéro 1 des médecins de terrain et de médecine manuelle. Dès lors, rappeler quelques données fondamentales peut s’avérer utile, les massages étant des manoeuvres manuelles ou mécaniques (avec appareils) à visée de mobilisation des segments corporels.

Principes d’un massage 

Un massage est une manoeuvre orthopédique effectuée sur un sujet en confiance, en relâchement musculaire maximal et dans 1 environnement chaud. Un examen clinique préalable aura éliminé les contre-indications. 

Le massage débute par des manoeuvres générales de détente, puis par des manoeuvres locales et doit toujours être progressif, non douloureux, dosé et adapté.

Manoeuvres de massages lombaires fondamentales:

- les pressions ont un effet antalgique et circulatoire: effleurage ou glissé superficiel, glissé profond, pressions locales.

- les pétrissages superficiels libèrent les adhérences profondes (principalement les cellulalgies) par du pincé-roulé et du pli-cassé.

- les pétrissages profonds ont un effet sédatif ou vivifiant suivant la vigueur du massage. 

Dans les lombalgies, ces manoeuvres consisteront surtout à pétrir les muscles de la fosse iliaque externe.

- les étirement des masses musculaires ont des effets sédatifs et décontracturants puissants. Ils s’effectuent dans le sens longitudinal avec le bord cubital des 2 mains ou dans le sens transversal en agrippant les lombes en masse avec la pulpe des 4 derniers doigts, en les étirant lentement, en les maintenant étirées quelques secondes, puis en les relâchant.

Les mobilisations lombaires

Les mobilisations viennent compléter l’effet thérapeutique des massages et peuvent, à elles seules, faire céder beaucoup de lombalgies. Elles constituent parfois le seul recours thérapeutique quand les manipulations vertébrales sont techniquement contre-indiquées.

Une mobilisation est 1 manoeuvre orthopédique en 3 temps

- 1er temps: mise en position correcte du lanceur(se).

- 2ème temps: mise en tension par le thérapeute qui imprime au segment qu’il mobilise un mouvement passif jusqu’à sa limite physiologique et le maintient plusieurs secondes.

- 3ème temps: relâchement à partir de la mise en tension, puis le thérapeute revient à la position de départ.

Sujet allongé

Il existe 4 types de de mobilisations lombaires:

- en flexion lombaire, lanceur sur le dos, le thérapeute mobilise un ou les 2 genoux en direction des épaules, obtenant ainsi une hyperflexion lombaire.

- en flexion et rotation, le genou fléchi est poussé par le thérapeute vers l’épaule opposée, en exagérant progressivement la rotation.

- en inflexion et en extension lombaire.

Sujet à cheval en bout de table

Le thérapeute demande d’abord au lanceur de croiser les bras; puis se place perpendiculairement à lui; ensuite il cravate d’une main son épaule opposée, l’autre main placée sur sa région lombaire assistant ou contrariant la mobilisation; enfin la main mobilisatrice du thérapeute fait effectuer au rachis lombaire une rotation.

Les manipulations vertébrales lombaires

Les manipulations vertébrales sont probablement aussi vieilles que l’humanité. Elles étaient déjà connues des Egyptiens, des Chinois, des Arabes. Hippocrate lui même les jugeaient intéressantes. Depuis les années 60, grâce au Dr Robert Maigne, elles sont parfaitement codifiées et ont fait l’objet de nombreuses publications et d’un enseignement universitaire diplômant. 

Définition d’une manipulation vertébrale

Une manipulation vertébrale est un mouvement forcé, bref, sec, unique et exécuté à partir d’une position de mise en tension sur 1 segment vertébral. 

Ce mouvement forcé va porter le segment à manipuler jusqu’à ses limites physiologiques, mais sans dépasser un certain seuil. Ce mouvement forcé correspond à une variation isométrique qui est une variation de tension et non de longueur (qui correspondrait alors à une luxation).


—————      mouvement volontaire

——————   mouvement passif ou mobilisation

——————-  manipulation

——————— luxation                                                    


La variation isométrique qui correspond à l’acte manipulatif s’accompagne souvent mais pas toujours d’un bruit de craquement et doit impérativement obéir à la règle de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne (elle doit être exécutée dans le sens inverse de la douleur).

Les 3 temps de l’acte manipulatif

- positionnement du patient (mise en position correcte)

- mise en tension du segment à manipuler et maintien de cette tension

- manipulation proprement dite.

Les 3 types de manipulations vertébrales

Une manipulation vertébrale a une identité précise et, suivant le niveau des points d’appui, il existe 3 variétés de techniques manipulatives:

les manoeuvres directes ou immédiates 

Elles ont les points d'appui de part et d'autre du joint à manipuler et s’exécutent par pression directe avec le talon de la main ou le pisciforme. Apparemment faciles, elles sont en réalité très difficiles à bien maîtriser et d'indications restreintes parce que puissantes et très peu contrôlables.

les manoeuvres indirectes ou médiates 

Elles utilisent des bras de levier naturels: tête, bras, bassin, jambes et des points d'appui éloignés du joint à manipuler.

les manoeuvres semi-indirectes ou semi-médiates 

Elles sont d’une grande précision. Elles utilisent d'un côté un appui éloigné et de l'autre un appui immédiat proche du joint en dysfonction. 

L’éxagération de la tension locale sur l'appui immédiat définira une manoeuvre assistée (tout comme pour les mobilisations à cheval en bout de table). La pulsion manipulative sur le point d'appui à distance, avec contre-appui local pour contrecarrer le jeu physiologique en fera une manoeuvre contrariée.

Le protocole opératoire d’une manipulation vertébrale

C'est le diagnostic par l’examen segmentaire du rachis d’un dérangement inter-vertébral mineur (DIM) réversible, qui va conduire à la décision d'emploi d'1 manipulation. 

Pour l’opérateur, le protocole opératoire consistera à placer le patient, se placer, puis se déplacer. Le choix par le thérapeute de la manoeuvre qui va inverser la dysfonction sera celui d'une technique qu’il effectuera, pour une plus grande sécurité, dans le paramètre de moindre amplitude (PMA) du joint à manipuler (rappelons que le PMA en lombaire = la rotation).

Technique opératoire fondamentale (GETM)

préparation du sujet par massages et mobilisations (indispensables).

- positionnement du sujet et de l'opérateur (placer et se placer).

- recrutement dit «coordonné» qui respecte la physiologie vertébrale (sans dissociation des paramètres de rotation et d'inflexion latérale qui doivent être de même sens).

- inversion des paramètres sagittaux (flexion et extension), de rotation et d’inflexion de part et d'autre du joint à traiter, de manière à créer un couple de force optimal, pour une meilleure tolérance et efficience opératoire.

- vérification par le thérapeute qu’il est au bon niveau (celui du joint à traiter).

- mise en tension par exagération d'un des points d'appui dits de «contrôle», l'autre restant fixe (la manipulation n’est pas le fait de 2 actions contraires et la mise en tension va épuiser tous les paramètres de mobilité du joint à manipuler).

- la pulsion se fait dans une direction inverse de la douleur et du secteur d'amplitude limité. Elle ne sera pas un mouvement lancé, mais une simple variation isométrique avec augmentation de tension. Elle sera suivie d’une vérification post-opératoire et d’un accompagnement post-manipulation.

Conceptualisation d’une manipulation vertébrale ou articulaire (GETM)

Nous avons vu que l'appareil locomoteur forme un ensemble + ou - interdépendant de complexes articulaires en chaîne, concourant à une même fonction (et pour faire simple à la locomotion). Chaque maillon de cette chaîne peut être assimilable à ce qu'arbitrairement Eric de Winter a dénommé complexe cinétique structurel (CSS). 

Chaque CSS est composé de structures passives ostéo-ligamentaires, actives musculaires et de régulation neuro-hormonales et présente au repos un certain état de tension (on dit que ce CSS est auto-régulé). 

Si une contrainte interne ou externe est appliquée sur ce CSS, il va alors se déformer et acquérir un autre niveau de régulation avec retour à l'état initial dès que la contrainte a cessé. C’est l’absence de retour à l'état initial qui est synonyme d’une dysfonction persistante et sa traduction clinique sera fonction de l’intensité de la contrainte initiale: 

- au niveau des structures passives, la dysfonction douloureuse ou lésionnelle  sera mise en évidence par l'examen segmentaire du rachis, complété au moindre doute par un bilan d’imagerie et éventuellement biologique. 

- au niveau des structures actives, le dérangement musculaire au niveau para-vertébral va correspondre à la contracture locale du muscle transversaire- épineux qui va rendre pérenne la dysfonction, se palper directement en para-rachidien et en rachidien de manière indirecte par le palper cinétique fin (en rapport avec un trouble du mouvement segmentaire dans un des 4 secteurs d’amplitude du segment inter-vertébral en dysfonction: flexion, extension, rotation, inflexion latérale). Cette contracture para-vertébrale est d'origine posturale gamma: le moto-neurone gamma reçoit une information sensorielle du fuseau neuro-musculaire, la lui renvoie et ce dernier va se contracter (réflexe myotatique direct qui va activer le circuit médullaire court mono-synaptique alpha et déclencher la contracture musculaire). 

- au niveau des structures de régulation, le dérangement va se traduire par des signes cliniques d’irritation nerveuse sur le territoire d’innervation de la la branche postérieure du nerf rachidien quand elle existe: contracture para-vertébrale et cellulalgies de la peau du dos et sur celui de la branche antérieure avec, suivant la sévérité de l’atteinte nerveuse, soit syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique, soit névralgie radiculaire (sciatique, cruralgie) en cas de souffrance aigüe de la racine nerveuse.

La manipulation vertébrale quand elle est indiquée va inverser la dysfonction:

- la mise en tension va mettre en éveil tous les mécano-récepteurs des articulations postérieures, des muscles para-vertébraux et ceux des muscles et tendons innervés par les branches antérieures des nerfs spinaux: les fuseaux neuro-musculaires (FNM) et les organes tendineux de Golgi (OTG).

- la pulsion manipulative va créer un orage proprioceptif inhibiteur qui va lever de façon réflexe la contracture et effacer les signes neuro-trophiques et leur mise en mémoire. 

Les indications des manipulations vertébrales

Ce sont toutes les douleurs aigües ou chroniques d’origine mécanique et qualifiées de mineures par rapport aux pathologies majeures non mécaniques et non réversibles qu’il faut éliminer par la clinique, l’imagerie et la biologie. L’acte manipulatif est l’aboutissement naturel d’une démarche rigoureuse et bien des fois le traitement de choix des dysfonctions vertébrales mineures; il ne doit jamais être un acte thérapeutique isolé mais faire partie d’une prise en charge médicale plurielle (traitements par médicaments, kinésithérapie, etc); le principe étant qu’il est préférable de ne pas manipuler que de mal manipuler. Il existe tellement de pièges cliniques en pathologie vertébrale et de particularités anatomiques préalablement détaillées en rapport avec l’innervation du rachis cervical et lombaire que, devant une douleur d’origine vertébrale d’apparence banale, aucun thérapeute du rachis ne doit jamais penser qu’elle est a priori d’origine mécanique mineure et relèverait systématiquement d’un traitement par manipulations vertébrales (avec la loi Kouchner, elles ne sont plus l’apanage des seuls médecins ostéopathes; kinésithérapeutes et ostéopathes exclusifs non médecins et non kinés étant aussi autorisés, depuis 2002, à manipuler). 

Dans le même ordre d’idée, les manipulations vertébrales ne peuvent être du ressort que de thérapeutes bien formés, expérimentés et avec un excellent niveau médical afin de ne pas faire d’erreurs diagnostiques: des tumeurs, des affections médullaires et rachidiennes, des maladies viscérales étant parfois susceptibles de se présenter à leurs débuts sous le masque faussement rassurant d’une dysfonction vertébrale douloureuse. C’est peu dire que tout thérapeute du rachis doit être systématique dans sa démarche clinique, faire un examen orthopédique complet et pouvoir disposer, quand c’est nécessaire, d’une imagerie avec au moins des radiographies (tout en se méfiant des mauvais clichés apportant une fausse sécurité, la clinique devant toujours avoir le dernier mot) et d’une biologie a minima (VS, CRP). 

Enfin rappelons en dernier lieu que l’acte manipulatif doit toujours obéir à la règle de la non-douleur et du mouvement contraire de Robert Maigne et respecter le schéma en étoile d’Yvon Lesage (pour manipuler en toute sécurité, 3 directions ou au moins 2 doivent être libres et attention à ne pas transformer, par une manoeuvre intempestive, une simple lombalgie en lombosciatique ou pire en une sciatique paralysante ou hyperalgique).

Les contre-indications des manipulations vertébrales

Elles sont à la fois techniques (0 ou 1 seule direction libre, limitation technique du thérapeute) et cliniques (les affections malformatives, tumorales, inflammatoires, infectieuses du rachis et de la moelle, les fractures vertébrales, l’ostéoporose). 

Les techniques lombaires

Les techniques lombaires sont nombreuses (se rapporter aux ouvrages de Robert Maigne et de nombreux autres confrères). Elles se font en dérotation pure ou associée à 1 flexion ou à 1 extension (la rotation = le paramètre de moindre amplitude en lombaire et le préfixe dé = défaire la limitation fonctionnelle du joint en dysfonction). 

Le positionnement du sujet est variable: assis à cheval, en décubitus latéral ou en décubitus ventral.

Les indications des techniques lombaires

Même s’il a fait la réputation des manipulations vertébrales et des thérapeutes qui les pratiquent, le lumbago discal ou articulaire postérieur n’est pas la meilleure des indications en cas de blocage de toutes les directions. Les lombalgies subaigües et chroniques sur DIM de Robert Maigne et leurs signes trophiques d’accompagnement (le SCTPM) répondent bien aux différentes techniques lombaires.

Prévention de la pathologie lombaireGainage en isométrie. Renforcement des spinaux, grand dorsal, carré des lombes et fascia thoraco-lombaire. Jamais de crunch en flexion du tronc. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire